PLUS PRÈS DU CIEL VOYAGE EN ARCHITECTURE
Il arrive que 50 000 visiteurs s’y rendent le même jour. Curieusement, la foule n’entame pas la sérénité de cette cathédrale hors du commun. Du parvis jusqu’à sa secrète « forêt », sans omettre ses gargouilles et ses vitraux, suivez-nous pour mieux comprendre ce chef-d’oeuvre des bâtisseurs du sacré.
Pour commencer notre visite, rendonsnous sur le parvis. Face à la cathédrale, contemplons la galerie des rois, la galerie de la Vierge, les dentelles de pierre de la rosace, les chimères et les gargouilles. Pour notre guide, Jean-yves, qui est aussi clerc à la cathédrale, c’est évident : « Deux tours sur un carré, c’est le symbole de l’espace créé et limité. Le cercle, la rosace de 9,60 mètres de diamètre, c’est l’illimité, l’image de Dieu qui fait irruption dans le monde créé, c’est le mystère de l’incarnation. Au centre de la rose, la Vierge qui a permis l’irruption de Dieu dans l’histoire. » Le portail de la Vierge, à gauche, montre Marie dans sa gloire et son couronnement. Sur le tympan, le Christ la bénit et un ange lui pose la couronne sur la tête. Au centre, le portail du Jugement dernier présente le Christ sur le haut du tympan, souffrant et triomphant.
ATMOSPHÈRE DE SPIRITUALITÉ
La Vierge et saint Jean intercèdent en faveur des hommes, les anges portent les instruments de la Passion. Plus bas, sur le linteau supérieur, saint Michel pèse les âmes. Parmi les damnés, des rois, des reines, un pape… Un démon se met sur le plateau de la balance pour la faire pencher du côté de l’enfer. « Selon un choix qui peut sembler surprenant, mais qui n’est pas exceptionnel à l’époque, explique le guide, la façade occidentale commencée dans les années 1200 intégra les éléments des portails de l’ancienne église. Réalisées vers 1145, les sculptures réintégrées dans le portail Sainte-anne se situent à la naissance de la sculpture gothique, avec leurs figures très allongées, leurs plis acérés, la finesse du décor. » Toutes les statues des voussures du tympan sont d’origine,
sauf saint Marcel sur le trumeau, une copie du xixe siècle. Pénétrant à l’intérieur, on est saisi par l’atmosphère de spiritualité qui se dégage, par le silence – relatif vu l’afflux des touristes –, l’obscurité qui y règne, propice au recueillement, et le contraste avec la vie trépidante de la capitale. On est surpris par la hauteur de la nef. Une porte dans la grille permet de rentrer dans le saint des saints : le choeur, la partie la plus ancienne de NotreDame. L’abside en fer à cheval à sept pans et huit branches d’ogive rayonne au milieu de la clé de voûte. Lieu de prière, le choeur était réservé au clergé. La liturgie a souvent changé au cours des siècles, ce qui a entraîné de nombreuses modifications, voire destructions, comme le jubé fermant le choeur. Pour Roland Recht, « c’était pour mettre de nouveau en contact le peuple des fidèles avec les chanoines et l’évêque. »
NOTRE-DAME RESTAURÉE ET SUBLIMÉE
Au Moyen Âge, les messes étaient célébrées dans un espace clos : le sanctuaire. Pas de chaises dans l’église, on se promenait et on assistait aux offices de l’extérieur du choeur gothique ou dans les chapelles. À la suite du voeu de Louis XIII, ce choeur sera complètement modifié. Le souverain avait promis de mettre son royaume sous la protection de la Vierge s’il avait un héritier. Et quand la reine Anne d’autriche met au monde le futur Louis XIV, il s'engage à offrir un nouveau choeur à Notre-dame, ce que Louis XIV fit. Le choeur gothique disparaît pour faire place à cette magnifique Pietà de Nicolas Coustou que l’on voit aujourd’hui, oeuvre de 1723, avec les statues de Louis XIII agenouillé et de Louis XIV, six anges de bronze portant les instruments de la Passion. Et pour remplacer la grande croix disparue, le cardinal Lustiger a fait installer une croix dorée et martelée surmontée d’une gloire. Lorsque Viollet-le-duc restaure la clôture du choeur, vestige unique de la sculpture gothique, on
lui reprochera les couleurs trop vives. Côté nord, on y voit les scènes de la vie du Christ, de la Visitation au jardin des Oliviers. Côté sud, les multiples apparitions du Ressuscité entre le matin de Pâques et l’ascension, devant les apôtres stupéfaits. Avec le gothique, la surface vitrée remplace la pierre et prend plus d’importance. Pourtant, le clergé n’hésitera pas quand il remplacera les vitraux colorés du xiiie siècle par des vitres claires apportant plus de lumière. Lors de la restauration de la cathédrale, Viollet- le-duc les reconstituera le plus fidèlement possible en partant d’images d’archives ou de fragments d’origine, comme Adam et Ève qu’il intégrera à l’ensemble. Les trois rosaces ont conservé une grande partie des verres d’origine. Au centre de la rose nord, la Vierge et son fils, 80 personnages de l’ancien Testament disposés en trois cercles, le tout dans une rosace de 13 mètres de diamètre et dans une tonalité de bleu et de violet.
UN PASSAGE SECRET CACHE LA FORÊT
À midi, la rosace sud, consacrée au Nouveau Testament, apporte la lumière qui manque à la nef et fait chanter les pourpres et les violets, ce qui donne à cette rose rutilance et ferveur. Sur la façade ouest, la rose s’épanouit sur un diamètre de dix mètres, occultée en partie par l’orgue. Au centre, la Vierge, les vertus, les vices, les mesures du temps, les signes du zodiaque et les mois. Nous entrons dans « la forêt » par une petite porte rouge située dans le pignon ouest, sous l’ange annonciateur du Jugement dernier. Nous sommes au- dessus des voûtes de la nef. Dans l’obscurité, nous avançons, guidés par des garde- corps et des lampes de poche. Nos yeux s’habituent à la pénombre et nous découvrons une magnifique charpente en chêne du xiiie siècle. Le toit, à forte pente, est recouvert de tuiles de plomb. Pour la petite histoire, l’entretien de la charpente, c’est aussi le dépoussiérage. Il y a quinze ans, on y a enlevé… dix tonnes de poussière. † Cathédrale Notre- Dame de Paris, 6, place du Parvis- Notre- Dame, 75004 Paris. 01 42 34 56 10. www.notredamedeparis.fr.