ROLAND RECHT :« VIOL LET-LE-DUCAL LAIT TRÈS LOIN»
Que pensez-vous de la restauration de Notre-dame par Viollet-le-duc ?
Elle était certainement la plus conforme, non à la vérité historique, mais à l’esprit. Pour étudier les couleurs des vitraux, il regardait les manuscrits enluminés du xiiie siècle et pensait ainsi retrouver les couleurs les plus fidèles à la création d’origine. Néanmoins, il faut citer sa phrase célèbre qui définissait la restauration : « Restaurer un édifice, disait-il, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Cela veut dire qu’il allait très loin, qu’il s’autorisait beaucoup de fantaisies personnelles, mais avec ceci de très intéressant qu’il était totalement imprégné du Moyen Âge. Par la suite, les méthodes de restauration vont changer : jusque dans les années 1970-1980, parler d’une « restauration à la Viollet-le-duc » était péjoratif ! On voyait en lui l’homme qui a défiguré la façade de Vézelay, celui qui a fait de Pierrefonds un château de contes de fées. Au début des années 1980, on a revu en Viollet-le-duc l’infatigable prospecteur de l’art du passé. La distance historique aidant, ses restaurations ellesmêmes sont devenues du patrimoine. Aujourd’hui, on ne peut plus le décrier, mais on peut tout de même rester critique. Tous les édifices étaient dans un état effroyable, le patrimoine religieux était laissé à l’abandon. Au xixe siècle, ce sont les esprits les plus progressistes, et parfois anticléricaux, qui ont été les artisans principaux de la restauration des édifices religieux.
Roland Recht est professeur d’histoire de l’art à l'université de Strasbourg.