Detours en France Hors-série

ALBI : SAINTE-CÉCILE, FORTERESSE DE DIEU

Dominant le Tarn, la cathédrale Sainte-cécile est l’un des plus grands bâtiments de brique au monde. Son allure austère contraste avec son intérieur au raffinemen­t extrême. Avec la Cité épiscopale, l’édifice, construit de 1282 à 1480, est classé au patrim

- TEXTE DE DOMINIQUE ROGER

AU PREMIER ABORD, ON EST LOIN DES BEAUTÉS DES GRANDES CATHÉDRALE­S DU NORD : LA SOBRIÉTÉ EST DE MISE, AVEC CETTE INATTENDUE BRIQUE ROUGE.

Cathédrale ou forteresse ? Le doute est permis lorsque l’on découvre ce mastodonte s’élevant au- dessus du Tarn. Un clocher- donjon puissant haut de 78 mètres, des tours d’angles, des contrefort­s, des fenêtres étroites comme des meurtrière­s, d’épais murs de briques... Au premier abord, on est loin des beautés des grandes cathédrale­s du nord : la sobriété est de mise, avec cette inattendue brique rouge. La cathédrale forme un des plus beaux exemples de ce qu’on appelle le « gothique méridional », style qui se distingue par la prépondéra­nce du mur. Sainte- Cécile, avec la cité épiscopale d’albi, a été classée en 2010 au patrimoine mondial de l’unesco pour sa « valeur universell­e unique » et rejoint ainsi le club des « grandes gothiques », Reims, Bourges, Chartres et Amiens. L’idée de reconstrui­re une nouvelle cathédrale date de 1277 : l’évêque Bernard de Castanet veut un édifice dans lequel il pourra se sentir en totale sécurité, alors que la région vient de terminer ses croisades contre les Cathares. L’édifice, par sa grandeur, devra être l’exaltation de l’église toute-

puissante, une proclamati­on d’autorité contre les hérétiques. La première pierre est posée en 1282 ; le chantier durera deux siècles. L’argile est extraite dans le Tarn, et les briques, selon la cuisson, virent au rouge orangé. Certains estiment que les bâtisseurs ont pris ce matériau pauvre en réponse aux Cathares,

qui critiquaie­nt les fastes de l’église catholique. Une idée que ne partage pas l’historien spécialist­e des cathédrale sA lai nErl an de

Brand en burg:«Aumê me moment, la cathédrale du Latran, de Rome, est en brique. Je pense qu’à l’époque, c’était un matériau noble et que l’évêque d’albi voulait rivaliser avec le Latran. Il ne faut pas sous-estimer l’orgueil des maîtres d’ouvrage ! Vous avez vu le volume intérieur, extraordin­aire, de la nef unique ? C’est une gigantesqu­e salle à prêcher… Quelle ambition ! »

UNE MAGNIFIQUE FOLIE

Les choses changent après la guerre de Cent Ans, lorsque Louis Ier d’amboise est nommé évêque au diocèse d’albi. Cet humaniste, proche de Léonard de Vinci, frère d’un ministre de Louis XII, décide d’introduire dans la cathédrale les richesses artistique­s de son époque. Il fait ajouter sur la façade un porche gothique flamboyant, baldaquin en pierre finement sculpté. Le décor intérieur est aussi métamorpho­sé. Des artistes de Bologne, portés par la Renaissanc­e italienne, recouvrent entre 1509 et 1512 les voûtes en brique de peinture bleu roi et or. Sur le mur occidental, des artistes français et flamands ont, eux, peint à la fin du xve siècle une immense fresque du Jugement dernier. Le choeur est profondéme­nt réaménagé. Le jubé, époustoufl­ant ouvrage de pierre blanche, est exceptionn­el avec ses centaines de sculptures polychrome­s de style gothique flamboyant. Dans ses Notes d'un voyage dans le midi de la France, Prosper Mérimée écrit : « Je n’aime pas les jubés : ils rapetissen­t les églises ; ils me font l’effet d’un grand meuble dans une petite chambre. Pourtant celui de Sainte- Cécile est si élégant, si parfait de travail, que, tout entier à l’admiration, on repousse la critique, et que l’on a honte d’être raisonnabl­e en présence de cette magnifique folie. » †

LA CATHÉDRALE FORME UN DES PLUS BEAUX EXEMPLES DE CE QU’ON APPELLE LE « GOTHIQUE MÉRIDIONAL », STYLE QUI SE DISTINGUE PAR LA PRÉPONDÉRA­NCE DU MUR.

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les contrefort­s du mur latéral et le clocher de la cathédrale Sainte- Cécile. Le portail à baldaquin,
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 ??  ?? La fresque du Jugement dernier, ouverte au centre, sépare le Paradis, à gauche, de l'enfer, à droite. Au- dessus, l'orgue, surmonté de la spectacula­ire voûte de la nef, date du xviiie siècle.
La fresque du Jugement dernier, ouverte au centre, sépare le Paradis, à gauche, de l'enfer, à droite. Au- dessus, l'orgue, surmonté de la spectacula­ire voûte de la nef, date du xviiie siècle.
 ??  ?? Le choeur de Sainte- Cécile bat grâce au mécénat de Louis Ierd’amboise, évêque d’autun puis d’albi, au xve siècle. C’est à cette époque que le jubé vient clôturer le choeur liturgique. Son style flamboyant est orné d’une statuaire polychrome, oeuvres des ateliers bourguigno­ns de Cluny. On remarquera que la tribune est supportée par des voûtes à clefs, ce qui induit que les bâtisseurs de cathédrale­s maîtrisaie­nt des techniques de constructi­on très élaborées.
Le choeur de Sainte- Cécile bat grâce au mécénat de Louis Ierd’amboise, évêque d’autun puis d’albi, au xve siècle. C’est à cette époque que le jubé vient clôturer le choeur liturgique. Son style flamboyant est orné d’une statuaire polychrome, oeuvres des ateliers bourguigno­ns de Cluny. On remarquera que la tribune est supportée par des voûtes à clefs, ce qui induit que les bâtisseurs de cathédrale­s maîtrisaie­nt des techniques de constructi­on très élaborées.
 ??  ?? Ci- dessous, détail de lafresque du Jugement dernier, peinte par des artistes français et flamands à la fin du xve siècle.
Ci- dessous, détail de lafresque du Jugement dernier, peinte par des artistes français et flamands à la fin du xve siècle.
 ??  ?? Détail de la peinture murale de la voûte au- dessus de l’orgue. Ciel immense, rinceaux, arabesques et « bleu de France » (obtenu à partir de lapis- lazuli et d’oxyde de cuivre) pour les peintures des voûtes réalisées par des artistes italiens entre 1509 et 1512.
Détail de la peinture murale de la voûte au- dessus de l’orgue. Ciel immense, rinceaux, arabesques et « bleu de France » (obtenu à partir de lapis- lazuli et d’oxyde de cuivre) pour les peintures des voûtes réalisées par des artistes italiens entre 1509 et 1512.
 ??  ?? Les murs de la nef regorgent de fresques en trompel'oeil. La clôture, les stalles du choeur et le jubé en pierre ciselée, séparant la nef du choeur de la cathédrale.
Les murs de la nef regorgent de fresques en trompel'oeil. La clôture, les stalles du choeur et le jubé en pierre ciselée, séparant la nef du choeur de la cathédrale.
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