Detours en France Hors-série

SAINT-PRIVATD’ALLIER – SAUGUES

AU PAYS DE LA BÊTE

- TEXTE DE HUGUES DEROUARD

Mal aux jambes, au réveil. « La première journée de marche est la plus difficile, commente René, un Picard bien équipé. Pensez à faire des étirements à la fin de la journée. » Il dispose d’un outil électroniq­ue dont il n’est pas peu fier: cet accessoire permet de calculer le dénivelé, la vitesse à laquelle il marche et il enregistre le nombre de pas alignés !

Peu après le départ, le nid d’aigle de Rochegude surgit à la verticale. Du château originel, il ne reste aujourd’hui que des ruines, çà et là, ainsi qu’une charmante petite chapelle Saint-Jacques, accrochée à son rocher, d’où la vue sur les gorges de l’Allier est sublime. Le Chemin s’engage ensuite dans une sente très escarpée, glissante sur de grosses roches. Il nous mène à Monistrold’Allier, au coeur des gorges sauvages de la rivière. Halte à l’unique épicerie du village pour un piquenique improvisé au bord du bruyant cours d’eau. L’art roman – l’église est un ancien prieuré qui dépendait de l’abbaye de La Chaise-Dieu – côtoie une usine électrique. Après Monistrol-d’Allier, à 619 mètres d’altitude, la montée pour rejoindre Montaure,

L’ASCENSION EST ÉPUISANTE. ELLE APPELLE DES PAUSES RÉPARATRIC­ES QUI NOUS PERMETTENT DE CONTEMPLER LES FALAISES DE PRISMES BASALTIQUE­S.

à 1 022 mètres, sur le rebord du plateau du Gévaudan, est impression­nante. L’ascension est épuisante. Elle appelle des pauses réparatric­es qui nous permettent de contempler les falaises de prismes basaltique­s. Nous faisons une courte halte sur les marches de l’étonnante chapelle troglodyti­que dédiée à sainte Madeleine, dont la façade ferme une grotte préhistori­que. Et la route continue à grimper. Le soleil donne l’impression de taper fort pour cette fin d’octobre. Antoine, qui a entrepris avec un groupe d’amis une randonnée sur les chemins de Compostell­e jusqu’à Aumont-Aubrac, semble perdu. Il marche seul, titubant devant son petit groupe. À la pause, il s’allonge sans prononcer une seule parole. Il est épuisé. Ailleurs. Sa femme lui reproche de fumer. René se rend dans une ferme qui propose des bâtons de pèlerin à 10 euros. « Cela devrait l’aider », dit-il. Décidément, c’est « monsieur Bons Conseils ».

La suite du parcours n’est plus qu’un cheminemen­t tranquille, où d’agréables bosquets bordent les prairies. La dernière descente vers Saugues, capitale du Gévaudan bâtie au bord de la Seuge, nous permet d’admirer ce gros bourg regroupé autour de la tour des Anglais – un donjon carré du xiiie siècle – et de la collégiale Saint-Médard qui recèle, dans son Trésor, une des plus belles Vierges romanes assises, ainsi qu’une Pietà du xve siècle. Le jour baisse. Les nuages sont nombreux. Nous commençons à frissonner. N’est-ce pas le pays de « la bête ? » †

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 ??  ?? À Saugues (Haute-Loire), sur la Via Podiensis. Plusieurs totems sculptés dans le bois, installés par les ateliers d'insertion de La Bruyère, encouragen­t les pèlerins dans leur marche.
À Saugues (Haute-Loire), sur la Via Podiensis. Plusieurs totems sculptés dans le bois, installés par les ateliers d'insertion de La Bruyère, encouragen­t les pèlerins dans leur marche.
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à la tronçonneu­se dans un arbre de 8 mètres.
Trônant au-dessus de Saugues, la Bête est l'oeuvre de Jean-Pierre Coniasse. Il l'a façonnée à la tronçonneu­se dans un arbre de 8 mètres.

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