CHRONIQUE D’UNE CATASTROPHE
Lundi 15 avril 2019, début de la semaine Sainte. Comme chaque jour de la semaine à 18 heures 15, Notre-Dame
s’apprête à recevoir les fidèles pour la messe au grand autel. Recueillis, ils ne semblent guère troublés par la sonnerie de l’alarme qui se déclenche dans les premières minutes de l’office. L’agent de sécurité ne détecte rien d’anormal, jusqu’à ce qu’un bruit mat résonne sous les voûtes de la grande nef gothique. Par précaution, la célébration est interrompue et les fidèles sortent dans le calme. Depuis le parvis, on voit des flammes s’échapper des combles
où se déploie un vaste chantier de restauration débuté en avril 2018. Il est exactement 18h40, quand les sirènes de la seconde alarme incendie retentissent. En peu de temps, c’est la « forêt », la charpente de chêne séculaire mise en place au début du xiiie siècle, qui s’embrase. Les 300 tonnes de plomb couvrant la toiture fondent. La flèche, dominant
Paris à 90 mètres de hauteur, se transforme en torche ; elle s’effondre en quelques dizaines de minutes. Les
600 sapeurs-pompiers de Paris mobilisés endigueront l’incendie mardi, vers 4 heures du matin. À l’heure où nous bouclons ce magazine, l’enquête sur le sinistre a, en plus de deux mois, accumulé un millier de pages de procédure, une centaine de scellés et autant d’auditions de témoins. Le parquet de Paris a indiqué l’ouverture d’une information judiciaire
contre X, notamment pour « dégradations involontaires par incendie par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ». L’enquête préliminaire n’a à ce jour pas permis d’accréditer la thèse d’un « incendie criminel ». En revanche, elle pointe « une série de dysfonctionnements », allant de défaillance du système électrique à une cigarette mal éteinte.