PUENTE LA REINA – SAINT-JACQUES
LE DERNIER TRONÇON
Le Camino Francés doit son nom aux pèlerins venus de France qui l’empruntaient au Moyen Âge. Officiellement, il commence à la cité ancienne de Puente la Reina, à la jonction du Chemin venant du col de Roncevaux et de celui venant du col du Somport. De nos jours, on s'accorde à faire partir le Camino Francés à Roncevaux, village blotti autour de sa collégiale, au pied du franchissement des Pyrénées. Découvrir cet itinéraire spirituel, culturel et artistique – il faut compter une trentaine de jours –, c’est aussi comprendre combien le Chemin a modelé le paysage et contribué au rayonnement des cités traversées, peuplées de monastères, d’églises et d’hôpitaux qui ouvraient leurs portes aux pèlerins.
Bientôt, le marcheur entrevoit la première grande cité espagnole. Pampelune, 200 000 habitants, est mondialement connu pour ses sanfermies, les festivités données lors de la saint Firmin, en juillet. La cathédrale Santa Maria a également fait pour sa réputation. Un retour à la vie urbaine, après deux jours de cheminement sinueux à travers la campagne. Après avoir franchi l’Ebre, le Chemin pénètre à Logroño, capitale de la communauté autonome de la Rioja, entre vignobles et champs de blé. Outre la cathédrale baroque Santa Maria de la Redonda, il faut voir l’église Santiago el Real (xve siècle) et la fontaine des Pèlerins (reconstruite en 1675), qui célèbrent tous deux le Camino.
En Castille, Burgos est une halte indispensable, en raison de la cathédrale Santa Maria. Ce joyau de l’art gothique espagnol, construit au xiiie siècle, rappelle les grands sanctuaires du nord de la France. En Castille, l’un des temps forts du Chemin est la traversée de la Meseta, un plateau aride, à la chaleur souvent suffocante en été. Hantée par les criquets et les loups, célèbres pour ses orages dantesques, la région était l'une des plus redoutées des
pèlerins en Espagne. Et elle l’est encore, tant ses horizons épurés et son manque d’ombrage peuvent vite faire tanguer le marcheur… Plus loin, après la petite ville de Carrión de los Condes, la vaste plaine du Páramo, désolée, invite à la contemplation intérieure. La cité médiévale de Sahugún marque l’entrée dans la province de León. Le patrimoine de la capitale de la région, León donc (125 000 habitants), est riche. On admire, en plus des superbes vitraux de la cathédrale, la basilique royale San Isidoro. Passé Astorga et le palais épiscopal dessiné par Gaudí, à la fin du xixe siècle, le Camino se fait plus accidenté. Il s’envole, via Rabanal del Camino, dans les monts de León, au point culminant du périple: le col de Foncebadón, à 1 504 mètres d’altitude. La montée en vaut la peine. L’endroit est couronné par la Cruz de Ferro, un calvaire monumental érigé sur un tas de pierres.
La descente est abrupte jusqu’à Ponferrada, cité au bord du Sil, encadrée de montagnes et couronnée par un château templier fortifié du xiie siècle. En suivant le fleuve Valcarcel, le marcheur parvient dans les monts sauvages et magnifiques du Cebreiro, autour de 1 300 mètres d’altitude, où se situait jadis l’un des principaux hôpitaux d’accueil pour pèlerins. Les villages possèdent ici encore quelques pittoresques pallozas, ces huttes rondes au toit de chaume, typiques de la Galice.
Dans la douce et verte Galice, les villages rustiques arborent encore leurs emblématiques horréos, ces caractéristiques greniers à grains sur pilotis. Sur la commune de San Marcos, le très attendu mont de la Joie (372 mètres) offre, pour la première fois, une vue sur Saint-Jacques-de-Compostelle et les tours de sa cathédrale. Un moment si inoubliable que les pèlerins, épuisés, en pleurent… de joie! C’est dans le sanctuaire à la monumentale façade baroque que se trouve le tombeau de saint Jacques le Majeur, devant lequel s’inclinent les fidèles. Le voyage est achevé. Le jacquet obtient ici sa Compostela, précieux certificat de pèlerinage. La tradition veut toutefois que le marcheur effectue encore 90 kilomètres, soit trois jours de marche supplémentaires, pour se rendre jusqu’à l’Atlantique, à Cabo Fisterra (« le cap Finisterre »). Arrivés à l’Océan, les pèlerins y brûlaient leurs vêtements ou leurs chaussures, symbole d'un renouveau intérieur. Et si le Chemin débutait vraiment à ce moment-là ?