CHÂTEAU-GAILLARD
UN REMPART POUR LA NORMANDIE
La citadelle fut édifiée par Richard Coeur de Lion pour barrer la route du duché de Normandie à Philippe Auguste. Ce puissant complexe fortifié sera pris par le roi de France en 1204 au cours d’un siège mémorable. Bien qu’en ruines, ce vaisseau de pierre blanc surplombant la vallée de la Seine, aux Andelys, reste l’une des forteresses les plus fascinantes de France.
Que voilà un château gaillard ! » Selon la légende, c’est par ces mots que Richard Coeur de Lion s’exclame en découvrant, en 1197, la forteresse qu’il fait édifier au sommet d’une falaise de
calcaire surplombant la Seine. Il s’agissait pour le roi d’angleterre et duc de Normandie de barrer la route de Rouen à son rival, le roi de France Philippe Auguste qui lorgnait sérieusement le duché. Difficile à croire, mais cette puissante forteresse sortit de terre en une année, grâce à un chantier immense… Six mille ouvriers y auraient travaillé ! Aujourd’hui, même réduite à l’état de ruines, la forteresse, qui apparaît tel un vaisseau blanc, impressionne encore. Les fortifications de « ce verrou sur la Seine » étaient grandioses pour l’époque : c’est un véritable complexe fortifié, à la géométrie compliquée imposée par le relief. Les obstacles sont multipliés contre les éventuelles attaques : le village des Andelys, au pied de la falaise, est entouré de remparts ; l’île qui se trouve sur la Seine est fortifiée et le fleuve barré à la navigation par une palissade. Un seul chemin, très étroit, permet l’accès au château, sur le versant oriental. Pour garder le château principal s’élève un
premier édifice isolé en forme de triangle flanqué de cinq tours, puis d’un profond fossé. Un pont-levis le relie au château.
UN FLEURON DE L’ARCHITECTURE DÉFENSIVE ANGLO-NORMANDE La première enceinte (la basse-cour) comprend notamment un puits profond, les communs ainsi que les écuries. La deuxième enceinte intègre un logis et, surtout, le puissant donjon circulaire, donnant sur un abrupt, enveloppé d’une épaisse chemise. Un redoutable ensemble ! Et pourtant, ChâteauGaillard ne semble pas décourager l’orgueilleux Philippe Auguste qui ose déclarer : « Je la prendrai, fussent-ce ces murs en fer ! » Après la mort de Richard Coeur de Lion, son successeur Jean sans Terre néglige ses fortifications nor- mandes. À l’été 1203, Philippe Auguste en profite pour partir avec quelque six mille hommes conquérir la Normandie. La forteresse sera prise au terme d’un siège de sept mois. Alors, si imprenable que ça, Château-gaillard ? « Le site choisi est bien sûr formidable et les travaux ont été menés en très peu de temps, ce qui est exceptionnel vu l’immensité du château et le relief, analyse l’historien Jean-pierre Panouillé. Mais le plan me paraît un peu archaïque dans la mesure où il multiplie les obstacles : le principe est, grâce à la multiplication des enveloppes, de se replier jusqu’au donjon au fur et à mesure que les ennemis avancent. Cette idée de retrait correspond plutôt à la période passée… En revanche, un gros effort est fait sur la résistance aux machines de guerre avec des tours en éperon, des talutages pour empêcher la mine, (galerie souterraine creusée par l’ennemi) et surtout la recherche de flanquement pour multiplier les angles de tir. Cette défense beaucoup plus active est pour le coup très moderne. Mais Château- Gaillard est loin d’être l’aboutissement d’un modèle, comme on le verra dans les forteresses de Philippe Auguste. » |