Detours en France Hors-série

LES HEURES ET LES JOURS

DES HOMMES D’HONNEUR

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Pour servir leurs guerres privées, les seigneurs féodaux se doivent d’entretenir des vassaux dits milites

(guerriers à cheval). Autour de l’an mil, l’église entreprend de mettre fin à leurs exactions en imposant la paix de Dieu : aux fauteurs de troubles, elle fait prêter le serment de protéger les pauvres et les biens du clergé. Ainsi naît la chevalerie, qui ajoute au statut militaire une charge spirituell­e. Elle n’utilisera son glaive que « pour défendre le juste

et le droit » .

LA NAISSANCE D’UNE ARISTOCRAT­IE En théorie, la chevalerie est ouverte

à tous. Jusqu’aux xie ou xiie siècles, un paysan peut (exceptionn­ellement) s’y élever par ses mérites. Mais il lui faut s’offrir un cheval, ainsi que l’équipement et le serviteur qui en prendra soin. On estime que le tout, vers 1100, vaut une trentaine de boeufs. Un siècle et demi plus tard, ce sera cent vingt à cent cinquante… Pour financer son existence, le chevalier reçoit souvent un fief : d’où une confusion croissante avec la noblesse (liée à la possession d’une terre). Les insignes de cette

classe nouvelle sont l’épée et la lance, son éthique est scellée par l’hommage, serment de loyauté et de fidélité. L’aspiration à la pureté, elle, est une idée des troubadour­s, pour qui les chevaliers, forcément errants, délivrent les pucelles et châtient les méchants. Dans la réalité, ils ne reculent devant aucune exaction : seul le chevalier adverse ayant bien combattu a droit à sa merci (ce qui permet d’instaurer le principe des rançons). S’il s’est rendu, brisant son serment, il est tué…

L’ÉQUIPEMENT ÉVOLUE Le succès de la chevalerie tient à une innovation : la longue lance calée à l’horizontal­e, qui transfère sur la cible toute l’énergie d’un destrier toujours plus puissant. Vers la fin du xie siècle, elle rem- place la lance courte maniée comme une pique ou un javelot, et dans les poèmes, l’expression « brandir sa lance » devient « baisser sa lance » ... L’équipement de protection évolue en parallèle : la cotte de maille (haubert), plus légère, remplace les anciennes broignes de cuir doublées de plaques de métal. À la fin du Moyen Âge, une armure de guerre pèse une trentaine de kilos, une armure de tournoi jusqu’à quatre-vingts…

DE L’ENFANCE À L’ADOUBEMENT Vers 7 ans, le futur chevalier est placé comme page. Il apprend à monter, à chasser, étudie le latin, la musique, la poésie, la politesse… grâce à la diligence des dames du château. À 14 ans, le statut d’écuyer lui ouvre les portes des salles d’armes et de l’entraîneme­nt aux joutes équestres. À 18 ou 19 ans, il est prêt à être adoubé. Baigné puis vêtu de blanc, il passe la nuit en prière avant de communier. Ensuite son parrain lui remet l’épée et les éperons, avant de lui donner la colée, une bourrade des plus viriles dont le sens fait débat : dernier des coups reçus sans riposter, ou test de sa capacité à « encaisser » ? Le geste auguste (et tellement plus esthétique !) de l’épée sur l’épaule n’apparaît qu’à la fin du xive siècle. Il ne lui reste plus qu’à passer sa vie en tournois, en attendant la grande bataille rangée… qui pour beaucoup ne viendra jamais ! |

 ??  ?? L’adoubement de Galaad, La quête du Saint Graal, xve siècle.
L’adoubement de Galaad, La quête du Saint Graal, xve siècle.
 ??  ?? Chevalier saluant une noble dame, Le Roman de la rose, xve siècle.
Chevalier saluant une noble dame, Le Roman de la rose, xve siècle.
 ??  ?? Un tournoi au Moyen Âge, enluminure extraite d’un manuscrit belge, Droit d’armes, xve siècle.
Un tournoi au Moyen Âge, enluminure extraite d’un manuscrit belge, Droit d’armes, xve siècle.

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