Detours en France Hors-série

PARIS

NOTRE- DAME, LA PUISSANCE ET LA GLOIRE

- TEXTE DE VINCENT NOYOUX

À la contempler, en majesté sur l’île de la Cité, on pourrait croire que les bras de la Seine ne se sont écartés que pour l’accueillir. Il y a 855 ans démarrait son édificatio­n, vaste et rude chantier qui vit l’art gothique s’épanouir. Ce style architectu­ral atteint ici la perfection – technique comme spirituell­e. Voici l’histoire de la cathédrale de l’archidiocè­se de Paris.

Que s’est-il passé au midi du Moyen Âge ? Pourquoi, en plein art roman, ce besoin de construire de nouvelles cathédrale­s qui n’étaient pas encore qualifiées de « gothiques » ? Selon Roland Recht, historien de l'art spécialist­e de ce style, « dans l’architec- ture occidental­e, à un moment donné, les évêques, les chanoines et les chapitres ont souhaité faire de la cathédrale l’expression du pouvoir épiscopal. Le gothique est né, “gothique” et “cathédrale” sont devenus quasiment synonymes. » Comment se présente l’île de la Cité avant que s’y élève Notre-Dame ? Au ive siècle, l’enceinte fortifiée de l’île abrite le port de marchandis­es de Paris alors appelée Lutèce. Au début de l’ère chrétienne, existait sous l’emplacemen­t du parvis et de la cathédrale une basilique de grande dimension. À l’est de cette basilique se trouvait déjà une première église Notre-dame. La conversion de Clovis au christiani­sme vers 496 et son choix de Paris comme capitale du royaume franc vont consolider le diocèse. Celui-ci est situé dans la partie orientale de l’île, consacrée au spirituel, alors que le temporel, avec le palais des rois, est dévolu à la partie occidental­e.

CRÉER UN LIEU UNIQUE

De l’époque paléochrét­ienne au xive siècle, quand l’évangélisa­tion de l’europe est stabilisée, l’augmentati­on massive de fidèles et l’accueil de pèlerins créent de nouveaux besoins. Au début du xiie siècle, on assiste à un bouillonne­ment d’idées dans le Bassin pari-

sien. On sort du roman, on est en train d’inventer autre chose. On avance à tâtons d’un édifice, d’un chantier à l’autre, que les maçons peuvent rejoindre à pied. Plutôt que de construire des églises séparées, dédiées aux baptêmes ou à la prière, on va bâtir un seul édifice, la cathédrale.

DES MOYENS À LA HAUTEUR DE L'ÉDIFICE

C’est l’évêque de Paris, Maurice de Sully, qui va s’en charger. Avec l’aide d’architecte­s anonymes, il conçoit un plan audacieux. On voit apparaître la voûte sur croisée d’ogives, les nefs sont de plus en plus hautes, elles comportent plus d’ouvertures que de mur, ce qui signifie des dépenses somptuaire­s. D’où venait l’argent ? « Le roi était loin d’être la ressource principale, précise Roland Recht. Les fonds venaient de l’évêque, des chanoines. Promulguer les indulgence­s favorisait la rentrée d’argent. Et puis on faisait appel à des seigneurs, à des aristocrat­es qui avaient les moyens de payer une chapelle, de faire l’offrande de quelques vitraux. » À plusieurs reprises, l’argent viendra à manquer et l’on sera obligé d’arrêter les travaux. Tous les ouvriers étaient payés à la tâche : quand il n’y avait plus de moyen de les rémunérer, ils étaient débauchés. La première pierre est posée en 1163. Les fondations sont établies dans un sol marécageux ; il faut creuser parfois jusqu’à huit mètres pour atteindre un sol stable. Charpentes et échafaudag­es proviennen­t des ressources forestière­s de l’évêque ; la pierre calcaire des carrières de la rive gauche est transporté­e par la Bièvre jusqu’à la Seine. Pour que les matériaux arrivent plus aisément sur le chantier, une artère de plus de six mètres de large, partant du portail de l’ancienne basilique, est percée dans un quartier très peuplé : la rue Neuve-notre-Dame. Maurice de Sully participe directemen­t à l’organisati­on du chantier. À Paris, on trouve des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des verriers qualifiés... Le choix d’édifier le bâtiment à l’est de la basilique Saint-étienne permet de commencer la constructi­on de la nouvelle église par le chevet et le choeur, si bien que les offices ne seront jamais interrompu­s. En 1235, à l’exception des chapelles et des arcs-boutants, la cathédrale est achevée. Jusqu’à la première moitié du xiiie siècle, Notre-dame de Paris restera le plus grand édifice religieux du monde occidental, à l’image du pouvoir du plus grand évêque du domaine royal, l’évêque de Paris. L’édifice devait être exemplaire, dépasser tout ce qui s’était construit auparavant.

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Cette photo, prise depuis la flèche de la cathédrale Notre-dame deParis, montre la forte pente de la toiture (55°) et la parfaite symétrie des tours de 69 mètres de haut.
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 ??  ?? Les arcsboutan­ts du choeur de la cathédrale mesurent 15 mètres de long. Ils ont été ajoutés plus d’un siècle après la pose de la première pierre.
Les arcsboutan­ts du choeur de la cathédrale mesurent 15 mètres de long. Ils ont été ajoutés plus d’un siècle après la pose de la première pierre.
 ??  ?? L'une des nombreuses gargouille­s de la cathédrale, postée sur le toit avec, en arrière- plan, la flèche de Notre-dame.
L'une des nombreuses gargouille­s de la cathédrale, postée sur le toit avec, en arrière- plan, la flèche de Notre-dame.

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