DEUX ÉTONNANTS JARDINS
VISIONNAIRE OU ENVOÛTANT
Affirmer que les Anglais sont les maîtres de la botanique n’a rien d’un cliché. Et dans les Cornouailles, deux remarquables parcs paysagers sont là pour confirmer cette évidence. L’un, Eden Project, futuriste et écologique, l’autre, les Jardins perdus de Heligan, tout de luxuriance maîtrisée.
Sous le ciel gris, les dômes blancs en nid d’abeille où sont abritées les plantes exotiques ont un air irréel. Le sentiment est renforcé par la tyrolienne géante qui survole le site et sur laquelle glissent des météores humains. Eden Project est le résultat d’une idée folle : protéger la biodiversité du monde en conservant sous cloche des milliers d’espèces. Résultat ? « 90 000 visiteurs par jour en période de pointe », nous confirme une responsable à l’accueil. Il n’est qu’à voir la taille des parkings pour comprendre le succès du lieu...
LABORATOIRE DE LA BIODIVERSITÉ
Eden Project est à la hauteur du défi, lancé il y a une quinzaine d’années par sir Tim Smit, né au Pays-bas, ancien compositeur et producteur de musique de rock et d’opéra. Aménagés dans une carrière de kaolin désaffectée près de St. Austell, les dômes jumelés géants (jusqu’à 45 mètres de hauteur) accueillent des plantes tropicales d’un côté, des essences méditerranéennes de l’autre. Côté « pays chauds », le bluff est complet : reproduction de forêts humides d’amérique du Sud, Asie du Sud-est, d’afrique de l’ouest et des îles tropicales. Cascades, huttes de bambous, maison de paysans malaisiens, arbres fruitiers tropicaux (manguiers, bananiers…) s’observent à partir de passerelles
aériennes sur la canopée… Il fait plus de 31 °C sur la plateforme sommitale aménagée 30 mètres audessus du sol (un peu mouvante, sensibles au vertige s’abstenir !), d’où l’on domine l’ensemble de l’écosystème. Il ne manque que la faune pour se croire téléporté à Bornéo ou à Manaus… Le dôme méditerranéen, avec son verger d’agrumes et son oliveraie, en revanche, est nettement moins réussi, un peu artificiel, trop académique.
D’ÉTRANGES CRÉATURES VÉGÉTALES
Nous sommes arrivés aux jardins perdus de Heligan, près de Mevagissey, assez tard en fin d’après-midi, au moment où les visiteurs commençaient à regagner la sortie. Résultat : le bonheur rare d’arpenter un domaine végétal en touristes VIP, seuls ou presque dans cet immense maelström de verdure. The Lost Gardens of Heligan ont été aménagés aux xviiie et xixe siècles par la famille Tremayne et relancés par leurs héritiers au tournant des années 1990, après une longue période d’abandon. Imaginez : un domaine courant presque jusqu’à la mer, une jungle valley perdue au fond d’un vallon, avec pont de singe, étangs et plantes tropicales géantes, des prairies à moutons, vaches et émeus, des palmiers et des fougères géantes, des chênes et des cèdres antédiluviens sur les branches desquelles courent des écureuils, un potager clos, des jardins d’agrément, une maison de maître aux grounds (pelouses) taillées au ciseau, une ferme…, le tout dans un silence de cathédrale. En prime, la surprise de découvrir des sculptures arbustives : une femme couchée au sol, épaules et hanches couvertes de lierre, un gnome aux yeux bleus à tête végétale… Un vrai bonheur.