Detours en France

YVES COPPENS

« LASCAUX M’EMMÈNE VERS LES CIEUX DES HOMMES PRÉHISTORI­QUES »

- PROPOS RECUEILLIS PAR HUGUES DEROUARD

Le célèbre paléontolo­gue, codécouvre­ur de Lucy, est depuis 2010 à la tête du Conseil scientifiq­ue chargé de la conservati­on de la grotte de Lascaux. Il nous livre un bulletin de santé de la « vieille dame » de 18 000 ans, ce chef-d’oeuvre de l’art pariétal, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité.

Pourquoi Lascaux est-elle devenue si emblématiq­ue dans le monde ?

Comparée à d’autres grottes, Lascaux est assez petite et somme toute assez récente. Mais ce qui subjugue, c’est la densité d’oeuvres qu’elle abrite et surtout son incroyable homogénéit­é. C’est l’oeuvre d’un seul maître et de ses élèves, en quelque sorte d’un atelier. On ne retrouve cette homogénéit­é qu’à Lascaux parce qu’elle n’a pas été « visitée » : son entrée s’est effondrée à la suite d’un éboulement, ce qui a fabriqué une bulle qui, durant des millénaire­s, a contribué à sa conservati­on.

Quelles impression­s ressentezv­ous lorsque vous y pénétrez ?

J’éprouve des sentiments mélangés. D’une part, j’ai une impression d’émerveille­ment devant tant de beauté : c’est comme si j’étais à une exposition des plus belles oeuvres de Rembrandt ou de Picasso. D’autre part, j’y ressens une impression de sérénité et de silence, telle qu’on peut en ressentir dans n’importe quel temple. On sent que ce lieu est fait pour que les humains soient en liaison avec les dieux. D’ailleurs, on n’y rencontre pas des hommes préhistori­ques mais des animaux susceptibl­es de nous emmener vers leurs cieux, vers leurs dieux, vers leur Panthéon. Et c’est en ce sens que je ressens, personnell­ement, un peu de peur : il me semble que ces chevaux qui galopent vont m’embarquer malgré moi dans un monde, un audelà mi-paradis, mi-enfer, que l’on ne connaît pas et dont on se méfie.

On remarque tout de suite les animaux, mais qu’en est-il de l’homme ?

Contrairem­ent à ce que l’on dit parfois, l’homme est toujours présent dans les grottes. Il n’est certes pas représenté de manière aussi naturalist­e que les animaux, mais il est toujours là, ce qui correspond à un aspect des mythes de cette époque. Il vous a vu bien avant que vous ne l’ayez vu ; il est masqué, caché, semianimal, semi-homme, comme dans la fameuse scène du Puits. On a l’impression qu’il est là en sentinelle.

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