Detours en France

L’INVITATION AU VOYAGE

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Finalement, parler de ce que l’on aime est bien plus difficile qu’il n’y paraît… Comment trouver le ton juste ? Éviter le lyrisme, trop dénué de demi-mesures. Ne voir que le verre à moitié plein, pas assez réaliste. Raviver ses souvenirs personnels, trop intimes ? Oui, mais ce sont ces brassées de souvenirs qui font que l’on se sent appartenir à une communauté de destins, que l’on entre en résonance avec l’âme d’un pays, comme le luthier fait chanter l’âme de son violon.

Aussi, je me souviens… Je me souviens d’un étrange voyage à Châteaurou­x en compagnie d’un étrange Berrichon… Gérard Depardieu. Avec son pote « le Jean » (Jean Carmet), rappliqué en vigneron voisin de Bourgueil, la sous-préfecture de l’indre prit subitement de bien vives couleurs et les festives ripailles qui suivirent la visite n’auraient pas déplu à Rabelais, un gars de la Loire lui aussi. D’eux, j’appris que les Berrichons étaient à l’image de ces « vins honnêtes » prospérant aux rives du Grand Fleuve ou sur les coteaux de la vallée du Cher (le quincy et le reuilly, deux AOC méconnues), inadaptés à la solennité, d’abord simples, d’une bienveilla­nce discrète et jamais en manque de vous surprendre.

Au chapitre des rencontres surprenant­es, de celles qui vous abandonnen­t sans voix, terrassés par le fameux « syndrome de Stendhal », je me souviens de la Brenne… Imaginez, quelque 2 000 étangs où piaillent, bouboulent, craillent, fringolent, roucoulent, pisotent ou trillent des dizaines d’espèces d’oiseaux. Quand la brume des petits matins d’automne entoure la nature d’une gangue de silence, que l’odeur grasse et organique du bocage envahit l’air, impensable de ne pas songer à La Mare au Diable ou aux Légendes rustiques de George Sand. D’un coup, l’atmosphère devient si mystérieus­e que l’on se surprend à redouter l’apparition des lavandière­s d’outre-tombe, du Moinebourr­u de l’étang Brice ou la fée feu follet de l’immense étang de la Mer-rouge. L’admiratric­e de la Vallée Noire y est pour beaucoup dans cette réputation de pays de sorciers. Et les Berrichons, plutôt que d’en nourrir honte et rancoeur, ont préféré reprendre les légendes à leur compte, créant là un musée de la Sorcelleri­e (Concressau­lt), ici une foire aux Sorciers (Bué) ou une fête des Sorciers au château de Bonnu (Cuzion).

Entre Cher, Indre et Loiret, les villes de Bourges, Argenton-sur-creuse ou Orléans me laissent le souvenir d’y avoir ressenti de marcher dans l’histoire. À chaque angle de rue, on change de siècle aussi facilement qu’on change de trottoir. L’histoire, plus qu’ailleurs, affleure aux détours des routes et des chemins traversier­s, d’une architectu­re plurielle, de villages pudiques se lovant dans les plis du paysage. Laissez-vous porter par le cours de la Creuse ou du Cher et confluez de concert jusqu’à la Loire à la rencontre d’orléans et Blois.

 ??  ?? Au sud d’aubignysur-nère, le château de La Verrerie (xve et xviiie siècles)), ancienne propriété des Stuart, est l’une des étapes de la route Jacquescoe­ur.
Au sud d’aubignysur-nère, le château de La Verrerie (xve et xviiie siècles)), ancienne propriété des Stuart, est l’une des étapes de la route Jacquescoe­ur.

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