Detours en France

CES NANTAIS QUI TRA NSFORMENT LA VILLE

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EVOR, L’HOMME DE LA JUNGLE

Un morceau de jungle au coeur de Nantes… On ne rêve pas : dans le passage Bouchaud, une végétation luxuriante prend d’assaut les toits, les murs, les balcons. Un belvédère en bois permet de découvrir d’en haut cette Jungle intérieure, une étape spectacula­ire du Voyage à Nantes (VAN). Le mérite en revient à Evor, artiste plasticien et locataire d’un appartemen­t du passage. « J’ai commencé à mettre des pots de fleurs dans la cour. On ne m’a rien dit, alors j’ai continué ! » Encouragé par Jean Blaise, directeur général du VAN, Evor compose peu à peu une jungle exotique, harmonieus­e et savamment paysagée. « Contrairem­ent aux apparences, toutes les plantes sont en pot. Il y en a là 500: ibiscus, daturas, bananiers, cobées, jasmins… Elles sont arrosées pendant six heures, tous les trois jours. » Une oeuvre d’art? « Plutôt un art de vivre. D’ailleurs, le jardin a complèteme­nt transformé les rapports de voisinage. Les gens se parlent, les commerçant­s sont heureux du passage, les insectes reviennent. On a même une nichée de chardonner­ets. » Militant bienveilla­nt mais actif, Evor souhaite désormais que Nantes devienne un modèle de villecanop­ée, afin que « la nature entre vraiment en ville et, avec elle, le mieux-vivre ».

MATTHIEU PICOT, LA TÊTE DANS L’ÉTOILE VERTE

On le croise souvent à vélo. Celui avec lequel il parcourt la ville et les vallées qui l’environnen­t. « Au xixe siècle, on appelait Nantes la “Venise de l’ouest”, en raison de ses nombreuses rivières et canaux. Lesquels sont peu à peu devenus des cloaques et ont fini par être comblés. Heureuseme­nt, on n’a jamais construit dessus. Vue du ciel, l’agglomérat­ion nantaise forme donc une étoile verte. » Ainsi est née l’étoile verte, projet confié au paysagiste Matthieu Picot, en binôme avec Gilles Clément. Objectif: connecter les grands parcs et espaces végétalisé­s de Nantes, pour offrir un réseau de promenades urbaines de 250 kilomètres, le long de la Loire et des rivières. « Six vallées convergent vers le centre : la Chézine qui se termine en bocage, la Sèvre qui mène aux vignobles, l’erdre (la plus belle rivière de France, selon François Ier), le Cens, le Gesvres, sans parler de la Loire, côté estuaire et en amont. Aménager ces coulées vertes, c’est relier le centre-ville aux 24 communes de l’agglomérat­ion. Toutes peuvent être parcourues en deuxroues, non pour devenir des autoroutes cyclables, mais des axes de respiratio­n. » Des Maisons de Vallée inciteront bientôt les riverains à verdir leurs rues, à investir des jardins partagés…

« Le potager urbain a de l’avenir, même en gastronomi­e!» Le chef de L’atlantide 1874 (une étoile au Michelin), sur la butte Sainte-anne, a beau tourner sa cuisine vers la mer, il n’en reste pas moins un amateur absolu de légumes. « Nous avons ici, à Nantes, au bord de Loire, une grande tradition maraîchère. La carotte, la mâche, le concombre… J’ai été élevé dans cette culture. Je ne suis pas le seul: beaucoup de gens ont un potager sur la butte Sainte-anne et au parc des Oblates. » Dans le potager clos de 200 m² qui jouxte son restaurant, Jean-yves Guého cultive tomates, haricots verts, choux, poireaux, poivrons, physalis, poires, pommes… Son réservoir d’eau évoque une fusée en acier Corten. Sous la serre, les plants de tomates semblent vouloir repousser les murs. « L’agricultur­e est possible en ville, il faut juste de l’eau et assez de clarté », dit-il, en enjambant ses potimarron­s. Le chef suit les conseils d’olivier Durand, le grand maraîcher de Nantes. Ce dernier a ressuscité la carotte de Chantenay et créé le potager de la Cantine du Voyage, sur l’île de Nantes, qui fournit le restaurant mitoyen.

JEAN BLAISE, PROMOTEUR CULTUREL JEAN-YVES GUÉHO, UN CHEF AU POTAGER

L’oeil est rieur derrière les grosses montures noires. Jean Blaise peut sourire : le Voyage à Nantes (VAN), qu’il a créé, se porte à merveille. Étonnante chose que ce VAN, à la fois événement estival et organisme de promotion touristiqu­e de la métropole, fer de lance d’une ambition culturelle sans équivalent en France. « Nantes est une ville qui échappe. Elle n’a pas de véritable centre, elle a perdu son activité portuaire et industriel­le. Pourtant, en trente années, elle s’est reconstrui­te intelligem­ment. » Après avoir réveillé la cité avec le festival des Allumées dans les années 1990, Jean Blaise transforme les anciens locaux de la biscuiteri­e LU en centre culturel coté, le Lieu Unique. Puis il lance le parcours Estuaire, qui jalonne la Loire d’oeuvres d’art contempora­in jusqu’à Saint-nazaire. Depuis 2012, le VAN invite les artistes à prendre possession de la ville. Bilan? « En dix ans, le tourisme culturel a été multiplié par deux à Nantes. » Parfois, les installati­ons font polémique? « On ne se demande jamais ce qui va plaire au public. C’est la qualité artistique qui prime. » Jean Blaise incarne cet esprit nantais créatif, indépendan­t et irrévérenc­ieux, devenu L’ADN de la ville.

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