Detours en France

LES SABLES D’OLONNE

- TEXTE DE VINCENT NOYOUX – PHOTOGRAPH­IES D’HERVÉ RONNÉ

Cette année encore, le monde entier aura les yeux rivés sur elle. Les Sables d’olonne attire, tous les quatre ans, les skippers du Vendée Globe. Pourtant, la cité a plein d’autres atouts dans son jeu : une vraie tradition maritime, une architectu­re balnéaire surprenant­e, des marais, des plages. Et ses habitants, bien évidemment ! Eux, dont le regard semble en permanence tourné vers l’océan.

L’UNE DES PLUS BELLES BALADES À BICYCLETTE CONSISTE À TRAVERSER LES ANCIENS MARAIS SALANTS À PARTIR DU PONT DE MIREILLE, AVANT DE PLONGER DANS LA FORÊT DOMANIALE QUI EMBAUME LE PIN. ON ARRIVE ALORS SUR LA LONGUE PLAGE DE SAUVETERRE, OÙ LES ROULEAUX N’ATTENDENT QUE NOUS.

Pour comprendre la vocation maritime des Sables d’olonne, il faut se rendre… dans les terres, à Olonnesur-mer. Le nom vient du celte « Olona » (au-dessus de l’eau) : ce fut longtemps le seul endroit qui dominait les flots. Le petit havre d’olonne a été un point d’escale pour les Phéniciens sur la route de l’étain, puis un carrefour important sous l’empire romain. Sel, vins du pays de Brem et céréales transitaie­nt là. La création de marais salants, dès le VIIe siècle, fera la richesse de la cité, mais aussi sa sécurité, car on s’y réfugiait en cas de tempête ou d’attaque. C’est à vélo que l’on découvre le mieux ces marais et les vestiges qu’ils renferment.

OLONNE, L’ENVASEMENT PUIS L’OUBLI

À La Bauduère, ancien village de sauniers, une maison forte transformé­e en un élégant logis (XVIIe siècle) montre la fortune que les habitants tiraient du commerce du sel. À La Girvière, les bâtisses ont conservé leurs balets, des petits escaliers extérieurs menant à un auvent. Depuis cet étage, le saunier surveillai­t les marais, où sévissaien­t les contreband­iers… Un chemin conduit à l’ancien port: le sel était transporté, stocké sur des tasseliers puis chargé sur des voiliers qui remontaien­t le chenal jusqu’à la mer, en direction de l’europe du Nord. Olonne prospéra, jusqu’à ce que son envasement oblige les commerçant­s à se replier vers un de ses quartiers mieux situé : Les Sables. Au XVIIe siècle, cette ville nouvelle deviendra le premier port morutier de France. Tandis qu’olonne s’enfoncera peu à peu dans l’oubli. Mais on y goûte aujourd’hui le charme des marais : près de 1400 hectares, où s’ébattent spatules, avocettes, ibis, cigognes, tadornes de Belon et même, depuis peu, quelques flamants roses. L’une des plus belles balades à bicyclette consiste à traverser les anciens marais salants à partir du pont de Mireille, avant de plonger dans la forêt domaniale qui embaume le pin. On arrive alors sur la longue plage de Sauveterre, où les rouleaux n’attendent que nous.

HISTOIRES DE NAUFRAGES

Retour aux Sables, ou plutôt à son vrai berceau : La Chaume. Ancien îlot rocheux, ce quartier de marinspêch­eurs a conservé ses maisons basses joliment colorées, et ses ruelles sinueuses destinées à casser le vent – la rue de la Graude est la plus coquette, avec ses murets montés de pierres de lest. Hélas, on n’y entend plus trop le patois chaumois, hormis le dimanche matin au Café de la Mairie. Charpentie­rs de marine, pêcheurs et ouvriers des conserveri­es utilisaien­t ce drôle de parler, gouailleur et imagé. Les Chaumois avaient la réputation d’avoir le sang chaud et n’hésitaient pas, si on les cherchait, à donner des « pousse-pif dans la boîte à morve » (coups de poing dans le nez). À notre grand soulagemen­t, Roland Mornet est un Chaumois du genre affable. Il fut

mousse à 14 ans sur un thonier, puis matelot sur divers chalutiers, patron de pêche et, enfin, capitaine d’un navire océanograp­hique. Les mers du monde n’ont pas de secret pour lui, mais c’est désormais pour les naufrages dans la région qu’il se passionne. L’écouter, c’est découvrir un pan tragique, et parfois cocasse, de la vie maritime sablaise. « Nous célébrons cette année le centenaire du naufrage de l’afrique.

Le paquebot fut pris dans une tempête, à 42 kilomètres d’ici. Il y a eu 568 morts, principale­ment des tirailleur­s africains, des missionnai­res et des enfants. On n’en a très peu parlé, car ce drame est survenu après la Grande Guerre. » Il est aussi des naufrages moins atroces… Comme celui, en 1889, de La Valette,

un caboteur chargé de fûts de cognac. Les riverains affluèrent pour ramasser sa cargaison flottante, plongeant caquettes et sabots dans les barils, pour s’abreuver copieuseme­nt. « Cinq personnes sont décédées d’éthylisme! »

Le port des Sables est un cimetière:

« Plus de 180 morts depuis 1850, car la rade est petite et cernée par des fonds de roches, sur lesquels il est dangereux de passer quand la mer est mauvaise. C’est à l’entrée du port qu’a eu lieu, en 1893, une des premières marées noires de l’histoire. Le Sodium, un pétrolier à voile, s’est brisé devant le fort Saint-nicolas… Heureuseme­nt, les naufragés étrangers finissent parfois par avoir de la chance: certains ont trouvé femme en Vendée et ont oublié de rentrer dans leur pays ! »

PARADE NAVALE

Un chenal sépare La Chaume de la cité balnéaire des Sables. Et quel chenal! La foule se masse sur ses quais pour acclamer les navigateur­s, au départ et à l’arrivée du Vendée Globe. Le 8 novembre prochain, ils devraient être nombreux à encourager le futur vainqueur. Peut-être un Sablais, comme Arnaud Boissières ou le jeune Sébastien Simon, 30 ans, dont ce sera la première participat­ion? Les autres jours de l’année, les lieux sont plus calmes… Il fait bon s’y promener au petit matin, pour voir les bateaux de pêche et les voiliers de plaisance défiler devant la tour d’arundel et les façades colorées de La Chaume. De là,

on rejoint à pied l’église Notre-damede-bon-port (XVIIe siècle), bâtie à l’époque où Les Sables prenait le pas sur Olonne. Autrefois, les marins y déposaient des ex-voto, comme ceux que l’on voit encore suspendus au plafond.

LES FOLIES DU BORD DE MER

Passé les jolies halles de type Baltard, on gagne le Remblai, où les immeubles modernes du front de mer côtoient les constructi­ons, bien plus élégantes, de la Belle Époque. À michemin du palais florentin et du château gothique, le Palazzo Clementina (1919) est l’une des plus remarquabl­es folies balnéaires de la station, avec son décor de pinacles, de tourelles et de mâchicouli­s. Plus loin, l’exubérante

villa Mirasol (1914) offre aux passants ses colonnes et son opulent décor sculpté. Et que dire de la villa La Rafale (1921), étrange manoir néomédiéva­l mâtiné d’architectu­re néorégiona­liste ? Nous sommes à présent dans le quartier de l’île Penotte, rendu célèbre par ses fresques de coquillage­s. Ces réalisatio­ns sont l’oeuvre d’une riveraine et artiste, Danièle Arnaud-aubin. Depuis 1997, la « dame aux coquillage­s » décore les murs extérieurs d’animaux, de créatures et de personnage­s formés avec des Saint-jacques, couteaux, bigorneaux, moules, berniques… Grâce à elle, les rues d’assas, des Bains, de la Navette et Trompeuse, entre autres, sont devenues une sorte de galerie d’art à ciel ouvert. Soufflons-lui une idée: reproduire l’un des nombreux naufrages sablais recensés par Roland Mornet.

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 ??  ?? Avant d’acquérir sa belle réputation dans le tourisme balnéaire, la cité était dévolue à la pêche. Sont venues se greffer la plaisance et la course. Entre Belle-île et La Rochelle, c’est aussi une escale avant l’embouchure de la Loire. Les Sables doit tout à ses ports… L’un d’eux, port Garnier, situé en son plein coeur, contribue à l’animer : 25 anneaux sont
réservés aux plaisancie­rs de passage.
Avant d’acquérir sa belle réputation dans le tourisme balnéaire, la cité était dévolue à la pêche. Sont venues se greffer la plaisance et la course. Entre Belle-île et La Rochelle, c’est aussi une escale avant l’embouchure de la Loire. Les Sables doit tout à ses ports… L’un d’eux, port Garnier, situé en son plein coeur, contribue à l’animer : 25 anneaux sont réservés aux plaisancie­rs de passage.
 ??  ?? Promenade Georges-clemenceau. Avec ses 8 mètres de hauteur, impossible de rater l’horloge, toute de blanc et noir parée! Elle a été bâtie en 1956, sur un blockhaus.
Promenade Georges-clemenceau. Avec ses 8 mètres de hauteur, impossible de rater l’horloge, toute de blanc et noir parée! Elle a été bâtie en 1956, sur un blockhaus.
 ??  ?? La plage de Sauveterre, à Olonnesur-mer. Cachée par la forêt domaniale, elle a pu préserver sa beauté sauvage.
La plage de Sauveterre, à Olonnesur-mer. Cachée par la forêt domaniale, elle a pu préserver sa beauté sauvage.
 ??  ?? Le marais des Olonnes est un site naturel protégé. Les randonneur­s ne doivent jamais s’écarter des sentiers balisés, d’autant qu’ils sont sur des propriétés privées.
Le marais des Olonnes est un site naturel protégé. Les randonneur­s ne doivent jamais s’écarter des sentiers balisés, d’autant qu’ils sont sur des propriétés privées.
 ??  ?? Rue des Dames, derrière le quai George-v. La Chaume, sur la rive droite du chenal maritime, est le quartier des pêcheurs, celui des ruelles à maisons colorées. Un vrai village que l’on atteint en trois minutes en embarquant sur le passeur, depuis le quai René-guiné aux Sables.
Rue des Dames, derrière le quai George-v. La Chaume, sur la rive droite du chenal maritime, est le quartier des pêcheurs, celui des ruelles à maisons colorées. Un vrai village que l’on atteint en trois minutes en embarquant sur le passeur, depuis le quai René-guiné aux Sables.
 ??  ?? La petite jetée, à La Chaume, protège le port de l’ensablemen­t depuis le xviiie siècle. Elle accueille un phare d’alignement (1825), en granit et coiffé de vert, célèbre pour son inclinaiso­n due à la fissuratio­n de la digue.
La petite jetée, à La Chaume, protège le port de l’ensablemen­t depuis le xviiie siècle. Elle accueille un phare d’alignement (1825), en granit et coiffé de vert, célèbre pour son inclinaiso­n due à la fissuratio­n de la digue.
 ??  ?? Né à La Chaume, Roland Mornet a fait l’essentiel de sa carrière en tant que capitaine d’un navire océanograp­hique. Passionné d’histoire maritime, il est l’auteur de plusieurs ouvrages savants, dont Les Naufrages de Vendée, La Tragédie du paquebot Afrique et Les Mots de la mer, parus chez Geste éditions.
Né à La Chaume, Roland Mornet a fait l’essentiel de sa carrière en tant que capitaine d’un navire océanograp­hique. Passionné d’histoire maritime, il est l’auteur de plusieurs ouvrages savants, dont Les Naufrages de Vendée, La Tragédie du paquebot Afrique et Les Mots de la mer, parus chez Geste éditions.
 ??  ?? La tour d’arundel est un vestige défensif du château Saint-clair (xve siècle), lequel abrite le musée de la Mer. Sa fonction était de surveiller l’entrée du port de La Chaume. Avec son phare, posé à son sommet depuis 1855, et ses 33 mètres de haut, la tour est un repère précieux pour les marins.
La tour d’arundel est un vestige défensif du château Saint-clair (xve siècle), lequel abrite le musée de la Mer. Sa fonction était de surveiller l’entrée du port de La Chaume. Avec son phare, posé à son sommet depuis 1855, et ses 33 mètres de haut, la tour est un repère précieux pour les marins.
 ??  ?? Promenade de L’amiral-lafargue. Ce front de plage rappelle qu’à partir de la moitié du xixe siècle, la cité des Sables devient un lieu de villégiatu­re chic, où de luxueuses résidences sortent de terre. Au premier plan: la villa Mirasol (1914) et ses 3 étages. Elle est inscrite à l’inventaire des Monuments historique­s.
Promenade de L’amiral-lafargue. Ce front de plage rappelle qu’à partir de la moitié du xixe siècle, la cité des Sables devient un lieu de villégiatu­re chic, où de luxueuses résidences sortent de terre. Au premier plan: la villa Mirasol (1914) et ses 3 étages. Elle est inscrite à l’inventaire des Monuments historique­s.
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de vingt ans, Danièle Arnaudaubi­n habille de coquillage­s le quartier de l’île Penotte, où elle a son atelier d’artiste. Les murs, bien sûr,
mais aussi les portes, les linteaux…
Des fresques si réussies
qu’elles attirent les touristes.
Depuis plus de vingt ans, Danièle Arnaudaubi­n habille de coquillage­s le quartier de l’île Penotte, où elle a son atelier d’artiste. Les murs, bien sûr, mais aussi les portes, les linteaux… Des fresques si réussies qu’elles attirent les touristes.

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