Detours en France

LE LAC DE SAINT-FERRÉOL, RÉSERVOIR DU CANAL DU MIDI

-

Le canal du Midi n’aurait pas existé si Pierre-paul Riquet n’avait trouvé le moyen de l’alimenter en eau. Pour cela, il va vite pointer du doigt un massif qui peut aider: la montagne Noire, réputée pour sa pluviosité. Des dizaines de ruisseaux dévalent ses pentes vers le sud. Il suffit, dit Riquet, d’en dériver quelques-uns vers le seuil de Naurouze, point haut du canal dans le Lauragais, pour résoudre le problème. Débute alors un gigantesqu­e chantier de constructi­on de rigoles, pour capter l’eau de certains cours et l’orienter vers Naurouze, en les raccordant en aval à d’autres rivières. Pour que le canal soit alimenté en toutes saisons, il propose d’établir un barrage à Saint-ferréol. Le lac formé artificiel­lement est le même que découvrent, de nos jours, les touristes venus chercher la fraîcheur dans la touffeur estivale du Midi ! Au-dessus de Revel, on peine à penser que ce lac de loisirs, entouré d’herbes et de pins, date de 1672. Le barrage qui entrave la rivière du Laudot, lui, est impression­nant. Renforcé par Vauban en 1687, il mesure 780 mètres de long et 35 de haut. C’est le premier ouvrage du genre jamais construit en France. Un lieu rappelle l’ingéniosit­é hydrauliqu­e dont Riquet a fait preuve : le Réservoir. Logé dans l’ancienne « maison de l’ingénieur », ce musée éclaire, de façon très didactique, tous les défis relevés par Riquet: difficulté­s techniques des rigoles, recrutemen­t des ouvriers, organisati­on du travail… Un jardin aménagé, où jaillit en « gerbe » le trop-plein du barrage, conduit à l’entrée de la galerie des Robinets, sous l’établissem­ent. On y découvre les vannes métallique­s qui, jusqu’en 1994, commandaie­nt la bonde de fond de l’ouvrage. Le barrage de Saint-ferréol témoigne du formidable esprit d’entreprise de Riquet, en ce xviie siècle où les technologi­es étaient encore, clairement, balbutiant­es.

déployés lors de leur constructi­on. À quoi bon s’embarrasse­r de hauts clochers coûteux pour suspendre de petits carillons, alors qu’en exhaussant un simple mur-pignon, percé de baies, on pouvait les y loger? Et puisque la brique est le matériau typique de la région toulousain­e, beaucoup de murs affichent leur élévation couleur brunrosé au-dessus des villages ruraux. C’est ainsi que le territoire se couvre d’églises à fronton ajouré, avec des cloches à l’air libre. Le « jeu », en Lauragais, consiste à divaguer sur les routes pour rechercher les plus typiques, aperçues, parfois de loin, au détour d’un virage. Il y a les clochersmu­rs à pignons triangulai­res, percés d’une à… onze baies campanaire­s. On peut citer : l’église Sainte-marie, à Baraigne, près du seuil de Naurouze; de Saint-martin, à Vaudreuill­e; et – peut-être la plus remarquabl­e d’entre toutes – l’église de l’assomption-denotre-dame (xive siècle), à Molandier, au sud de Villefranc­he-de-lauragais.

SENS ARTISTIQUE

Les clochers-murs dits « à peigne » sont toutefois les plus caractéris­tiques. Généraleme­nt hauts d’une vingtaine de mètres, ils sont composés d’une à deux rangées horizontal­es de baies, surmontées parfois d’un ultime pignon. Certains prennent une allure fortifiée, avec un encadremen­t de tourelles et de pinacles. Comme le très esthétique clocher de l’église de Plaigne (à l’extrême Sud du Lauragais, près de Belpech), avec sa ligne haute crénelée. Le charme de celui de Saint-julia de Grascapou, à l’ouest de Revel, est évident. Dans ce village-refuge, où l’on accède par les deux portes fortifiées de Cers

et de l’autan, l’église du xive siècle porte un clocher-mur à deux niveaux et quatre baies campanaire­s, bordé de pinacles en forme d’obus et couronné de merlons, au milieu desquels est suspendue une dernière clochette. Le sens artistique est garanti. Surtout à midi, lorsque le son aigrelet du petit carillon invite à passer à table. Une des cloches date de 1396: ce serait la plus ancienne de Haute-garonne. Pour l’anecdote, le choeur de l’église fut restauré, à la fin du xvie siècle, grâce à un don de Marguerite de Valois. De par sa mère Catherine de Médicis, elle avait hérité du titre de comtesse du Lauragais et fut « dame et seigneures­se » de Saint-julia, de 1580 à 1606.

UNE « TOSCANE FRANÇAISE »

Il y aurait beaucoup à dire sur les clochers-murs du Lauragais. On ne partira pas sans avoir vu ceux, spectacula­ires, de Villenouve­lle, de Montesquie­u et d’ayguesvive­s, ainsi que le simple mais esthétique clocher du Vaux. Celui de Montgiscar­d est splendide, avec sa double rangée de trois cloches, enserrée entre deux tours à la brique conquérant­e. Il ressemble à celui de Villefranc­he-delauragai­s, dressé au milieu de la rue commerçant­e, un peu endormie, de l’ancienne capitale du Lauragais. Les villes ne sont pas le point fort de cette région avant tout rurale. Villages et fermes isolées en brique ont la primeur, inspirant ce surnom : « Toscane française ». Les bourgs sont souvent en hauteur et leurs maisons, bâties autour des crêtes de collines, laissent les jardinets dévaler sur les premières pentes.

VUE SUR LES PYRÉNÉES

Le bourg le plus harmonieux est Saint-félix-lauragais. Une collégiale à plafond peint, une ancienne commanderi­e dans son jus, une place centrale façon bastide, avec une Halle du xve siècle à piliers de bois, coiffée de tuiles et flanquée d’une tour ronde, que surmonte la statue de la Vierge (1863). Voilà pour le décor. Il y a aussi un château seigneuria­l, massif, ouvert au public. On y jouit d’une vue panoramiqu­e sur la campagne. Du village, par beau temps, on voit les Pyrénées… Reste la bastide de Revel, la plus jolie ville du Lauragais. Sur l’admirable place à arcades, où trônent la Halle en bois du xive siècle et son beffroi, hôte chaque samedi d’un marché de plein vent remarquabl­e classé dans les « 100 Plus Beaux de France », se tient, dans un angle, une maison en brique. En 1648, Pierre-paul Riquet, alors « Fermier général des gabelles », la loua dans l’idée de travailler, déjà, à son projet de « Canal royal du Languedoc ». Un prétexte de plus pour visiter cette cité de 10000 habitants, où l’on observe des maisons à colombages et à encorbelle­ments, témoins de son origine médiévale.

 ??  ??
 ??  ?? La « gerbe » née des cascades de trop-plein du barrage, dans le parc de Saint-ferréol. Depuis le milieu du xixe siècle, un jardin paysager romantique valorise le site et ses ouvrages d’art (digue, mur de Vauban, rigoles d’évacuation…). Photo du haut : La Galerie des robinets, mise en lumière par Lionel Bessières. Elle mène aux vannes régulant l’alimentati­on en eau du canal du Midi.
La « gerbe » née des cascades de trop-plein du barrage, dans le parc de Saint-ferréol. Depuis le milieu du xixe siècle, un jardin paysager romantique valorise le site et ses ouvrages d’art (digue, mur de Vauban, rigoles d’évacuation…). Photo du haut : La Galerie des robinets, mise en lumière par Lionel Bessières. Elle mène aux vannes régulant l’alimentati­on en eau du canal du Midi.
 ??  ?? La forteresse médiévale de Saint-félixlaura­gais (Haute-garonne). Siège de l’office de tourisme, le château propose régulièrem­ent des exposition­s (photo : Les Chamanes, installati­on de Michel Battle en 2019). Chaque année à Pâques, lors de la fête historique de la Cocagne, il sert également de décor aux animations et spectacles.
La forteresse médiévale de Saint-félixlaura­gais (Haute-garonne). Siège de l’office de tourisme, le château propose régulièrem­ent des exposition­s (photo : Les Chamanes, installati­on de Michel Battle en 2019). Chaque année à Pâques, lors de la fête historique de la Cocagne, il sert également de décor aux animations et spectacles.
 ??  ??
 ??  ?? Revel (Haute-garonne). Héritées du passé Âge, les galeries à arcades accueillen­t les commerces d’aujourd’hui, encadrant un coeur de cité ouvert sur son Histoire.
Revel (Haute-garonne). Héritées du passé Âge, les galeries à arcades accueillen­t les commerces d’aujourd’hui, encadrant un coeur de cité ouvert sur son Histoire.

Newspapers in French

Newspapers from France