Dimanche Ouest France (Finistere)
« Je me sens en mesure d’assumer ce rôle »
Coupe du monde. Simon Fourcade va retrouver le circuit mondial, mais cette fois dans la peau d’entraîneur principal de l’équipe de France masculine. Avant la reprise, il se livre sur les ambitions.
39 ans, coach de l’équipe de France masculine
Comment s’est passée votre adaptation depuis votre arrivée à la tête de l’équipe de France ?
L’adaptation s’est faite de manière assez rapide. J’ai dû prendre mes marques, plus avec le staff qu’avec les athlètes. J’ai basculé sur l’entraînement directement après ma carrière (en mars 2019). Trois jours après la fin de ma carrière, je discutais avec Stéphane Bouthiaux pour prendre mes fonctions en tant que coach junior. Et, depuis, j’ai toujours eu l’habitude de travailler avec un staff restreint. Alors qu’en débarquant en équipe de France A, j’ai découvert un staff beaucoup plus étoffé où chacun a ses responsabilités. Chez les juniors, j’avais tout à faire : la logistique, la prépa physique, les aspects techniques sur les skis. Et là, j’ai appris à travailler en équipe. Sur les deux premiers rassemblements, j’ai pu certaines fois dépasser mes fonctions en allant sur des domaines où je prenais une place qui n’était pas la mienne. Même si je me dois d’avoir un regard un peu sur tout.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le coaching ?
Je voulais transmettre aux plus jeunes comme on avait pu me transmettre quand j’étais jeune athlète. J’ai eu la chance d’être au contact d’athlètes comme Raphaël Poiré, ou d’avoir des coaches qui avaient eu une carrière de biathlète avant comme Lionel Lauren, Stéphane Bouthiaux, Thierry Dusserre. Le biathlon c’est ce qui m’a aidé à devenir l’homme que je suis aujourd’hui, je suis très reconnaissant vis-à-vis de ma discipline. J’avais envie, ne serait-ce que pour un temps, de transmettre à mon tour et d’aider dans cette quête de résultats. Mais aussi d’aider à se construire en tant qu’homme ou femme, grâce à cette discipline qui a de belles valeurs. Comme si j’étais redevable envers ma discipline et il s’est avéré que ça m’a plu.
« Je me sens complètement en mesure d’assumer ce rôle »
Y a-t-il une méthode Fourcade ?
On n’a pas tout révolutionné. Mais j’ai remarqué qu’avec les A on peut aller plus loin dans chaque domaine, on a plus de temps pour le faire. On pousse davantage dans l’entraînement.
Alors s’’il y a quelque chose qui a pu évoluer, qu’on a pu mettre en place avec le staff, c’est l’individualisation assez poussée des méthodes d’entraînements pour chacun. Afin que chacun puisse évoluer dans une zone qui lui correspond et puisse pousser son curseur au maximum.
Le fait de bien connaître les garçons, de les avoir commentés par exemple sur La chaîne L’Équipe, c’est particulier pour vous ?
Beaucoup ont pu voir ça comme un inconvénient au début. Moi-même je me posais la question. Mais on a un groupe de gars assez intelligents, avec qui j’ai pu discuter avant de prendre mes fonctions. Pour m’assurer que tout le monde était d’accord sur le fait qu’un ancien coéquipier puisse devenir leur coach. Toutes les choses ont été mises à plat. Par la suite, j’ai vu ça comme une force. Le fait de les connaître en tant qu’athlètes, ou même pour les plus jeunes de les avoir eus sur leurs années juniors, ça me permet d’identifier les spécificités de chacun et de pouvoir anticiper certains points critiques par moments, afin de réagir à temps ou rectifier le tir si besoin.
Vous espériez cette place d’entraîneur des A ?
Des opportunités comme ça, même si ce n’était pas ma première volonté, ça n’arrive pas tous les jours. Je voulais évoluer c’est sûr, mais je pensais plus à un groupe B, en IBU Cup, et
pas forcément à entraîner un groupe Coupe du monde. Mais quand une occasion comme ça se présente ça ne se refuse pas. J’en avais envie au fond, je pensais simplement que ça n’arriverait pas si vite. Pouvoir entraîner cette équipe, avec des athlètes de qualité, ça ne se présente peutêtre qu’une fois dans une vie. Même s’il me manque quelques billes pour être pleinement installé à ce poste sur mes débuts, je me suis dit que j’allais apprendre. Je me sens aujourd’hui complètement en mesure d’assumer ce rôle sur les saisons à venir.
« Il faut arriver à titiller Johannes Boe de suffisamment près »
Quels sont les objectifs des garçons sur cette saison ?
C’est un peu politiquement correct, mais l’objectif principal c’est que les athlètes arrivent à s’exprimer à plein potentiel. Ensuite, parce qu’il faut aussi annoncer les choses, je veux qu’on puisse retrouver les hauts de tableaux tous les week-ends, sur toute la saison. Avec les athlètes dont on connaît les qualités, je pense à Émilien (Jacquelin), Quentin (Fillon Maillet), Fabien (Claude) , avec Éric Perrot aussi qui pousse les portes. Il faut qu’on vienne concurrencer les Norvégiens, qu’on vienne les chahuter sur cette hégémonie qu’ils ont pu installer l’an dernier.
Est-ce que face à un Johannes Boe, et une nation qui domine autant, il faut d’abord apprendre à faire des podiums plutôt qu’à jouer la gagne ?
Il faut arriver à avoir une certaine régularité, c’est ça qui les fera douter. Si Johannes arrive aujourd’hui à évoluer à ce niveau, c’est aussi car selon moi il n’est pas assez bousculé. Il arrive sur le pas de tir avec énormément de confiance car il sait qu’il a une certaine marge. Malgré certaines erreurs, il a de quoi aller gagner la course. Si on arrive à réduire cette marge, il va se retrouver dans des situations où il ne pourra plus prendre autant de risque. C’est un homme, comme tout le monde, et il faut arriver à le titiller de suffisamment près, suffisamment souvent, pour qu’il en arrive à douter. Et qu’il arrive sur le pas de tir avec moins d’assurance qu’actuellement.
Recueilli par
S. Fourcade en bref
Né le 25 avril 1984 à Perpignan. 2009 : champion du monde relais mixte à Peyongchang (Cor). 2012 : vice-champion du monde de l’individuel à Ruhpolding (All) et vainqueur du petit globe de cristal de l’individuel.
2019 : fin de carrière de biathlère et devient entraîneur de l’équipe juniors.