Dimanche Ouest France (Morbihan)
Ces équipes d’insertion veillent sur les mégalithes
Histoire de mégalithes. Depuis 2004, ils entretiennent les sites mégalithiques de la communauté de communes Auray Quiberon terre atlantique, tout en veillant à ce patrimoine unique.
« L’équipe est actuellement à Locmariaquer, sur un site annexe aux Pierres-Plates, où il y a un tertre. Ils sont en train de dégager la végétation, d’enlever toute la lande pour le faire réapparaître. » Éva Leroux, coordinatrice de l’unité Insertion de la communauté de communes Auray Quiberon terre atlantique (Aqta) résume par l’exemple l’activité du « chantier des mégalithes », complétée par Delphine Aubin, chargée de mission culture et patrimoine Aqta : « Ce sont des sites très menacés car ils sont très peu visibles. Et c’est toute l’importance des chantiers de pouvoir intervenir sur ces sites de manière un peu chirurgicale. La semaine prochaine, l’équipe interviendra autour de deux dolmens pour une séance d’abattage d’arbres pour protéger les monuments. »
L’équipe du chantier des mégalithes, dédiée à cet entretien essentiel, est née en 2004, à l’initiative des services de l’État. « Propriétaires de nombreux sites sur toute la zone, ils rencontraient des difficultés, poursuit Delphine Aubin. Certains étaient envahis par la végétation, d’autres étaient un peu délaissés, perdus dans la campagne. Les services de l’État avaient essayé de faire appel à des entreprises privées mais ça n’avait pas fonctionné, parce que le modèle économique n’était pas compatible avec l’entretien des sites. On a une approche particulière : en fait, il faut prendre le temps, avec les bonnes techniques. Les chantiers d’insertion socioprofessionnelle étaient la solution. »
« Structures d’insertion par l’activité
économique, le chantier des mégalithes (comme le chantier nature et le chantier patrimoine) permet aux personnes demandeuses d’emploi de reprendre une activité à temps partiel, et de travailler en parallèle leur projet professionnel, détaille Eva Leroux. On n’a pas d’objectifs de rendement mais de qualité. »
Ainsi, tout en poursuivant l’objectif de remettre en activité des personnes éloignées de l’emploi, ce chantier des mégalithes a développé des compétences spécifiques qui correspondent idéalement au suivi de l’entretien des sites mégalithiques.
Un encadrant technique et une équipe de huit salariés en transition professionnelle, embauchés dans le cadre d’un CDDI (Contrat à durée déterminée d’insertion) de 4 à 6 mois, dont l’effectif change donc régulièrement, s’occupent de l’entretien de près de 70 sites sur le territoire d’Aqta, ainsi que du cairn de Gavrinis et du tumulus du Petit Mont, propriétés du Département.
Les premières missions du chantier des mégalithes sont la valorisation et l’entretien classique de la végétation, qui se double parfois d’autres tâches comme la sélection des végétaux. Mais l’équipe s’occupe aussi d’aménagements
et de travaux sur les sites mégalithiques sous le contrôle de l’architecte des Bâtiments de France : nettoyages de zone, installation de passerelles, de cheminements et de mises en défens (délimitation pour assurer la préservation d’une zone). « Mais on n’a pas le droit de creuser,
précise Eva Leroux. Donc il a fallu réfléchir et les chantiers ont pu proposer une solution : l’installation de deux tiges filetées sur des potelets de bois. On ne fait pas de trous, donc on n’abîme pas le sol archéologique. L’impact est beaucoup moins important. Il y a eu ce travail de partenariat. On est des exécutants, certes, mais on peut aussi proposer des solutions innovantes. »
À Carnac, ce sont les murets en pierres sèches autour des alignements qui ont été réalisés par le chantier des mégalithes. Parfois, l’équipe redécouvre des sites à la faveur d’un nettoyage. La vigilance est donc de mise. « On a aussi une mission de veille qui nous est confiée par les services de l’État, souligne Eva Leroux. Quand l’équipe passe sur les sites, elle peut constater s’il y a des dégradations ou des problèmes liés à la fréquentation et les signaler. On est un peu les yeux et les oreilles des services de l’État. »
Ainsi, les tâches sont spécifiques mais doivent pouvoir être réalisées par des néophytes. « Toutes les tâches qu’on fait doivent être accessibles au public qu’on accueille dans l’objectif du retour à l’emploi. Nous recevons des gens qui ne sont pas des professionnels », explique Eva Leroux.
Ils sont néanmoins sensibilisés à l’intérêt patrimonial des mégalithes, à leur fragilité, à l’histoire de cette société néolithique, en visitant le musée de Préhistoire de Carnac ou parfois, même, en assistant à des fouilles, invités par les archéologues.
« Ça les valorise, se réjouit la coordinatrice. Ils n’en ont pas toujours eu l’occasion dans leur vie. Le travail prend du sens, c’est essentiel dans le processus lancé pour aller vers autre chose. »
En 2022, les chantiers nature, patrimoine et mégalithes d’Aqta ont accueilli 50 personnes, dont 60 % ont retrouvé une activité durable ou de transition, dans des secteurs d’activité très variés comme le bâtiment, le paysage, l’accueil ou le nettoyage.
Spécialistes de l’entretien de l’environnement de ces monuments exceptionnels depuis près de 20 ans, le chantier mégalithes, seul service de ce type en Europe, travaille aujourd’hui avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne, le Centre des monuments nationaux, le Département, les communes, le Conservatoire du littoral, l’association Paysages de mégalithes et, de plus en plus, avec des propriétaires privés.
oeLeur compétence, reconnue par les experts du comité scientifique Unesco, pourrait les amener à renforcer encore leurs interventions au chevet des mégalithes de ce territoire extraordinaire.
« Il faut prendre le temps »
« On n’a pas le droit de creuser »