Dimanche Ouest France (Vendee)

Cebarytona­étélecoach­vocald’EmmanuelMa­cron

Baryton pendant plus de quarante ans, Jean- Philippe Lafont exerce aujourd’hui le métier de coach vocal. En 2016, il a été présenté à Emmanuel Macron et l’a aidé jusqu’à l’élection présidenti­elle.

- Nicolas DENOYELLE.

Démarche imposante de l’ancien rugbyman qu’il a été… chaloupée après une chute dans les escaliers de l’Opéra Bastille. Cheveux en arrière, barbe et sourcils fournis, l’ancien baryton à la carrière internatio­nale, Jean- Philippe Lafont, nous accueille au palais des sports de Rouen ( Seine- Maritime).

En ce début d’après- midi de septembre, il sort de plus de deux heures d’échanges avec des chefs d’entreprise normands, invités par le Rouen business club à une conférence- déjeuner. Il fait chaud, l’homme de 72 ans est un peu épuisé par sa prestation, mais très vite la passion revient et lui redonne de l’énergie. Sa passion ? « Le phrasé bien sûr » , comme le dit très bien ce Toulousain à la voix grave et chantante.

« J’ai toujours parlé mes rôles avant de les chanter »

C’est elle qui lui a fait traverser toute la France, puis l’Europe et les ÉtatsUnis, dans sa carrière de baryton et c’est elle, encore, qui le fait vivre aujourd’hui, en tant que coach vocal. Comme une évidence pour lui. « J’ai toujours parlémes rôles avant de les chanter et je me suis depuis longtemps intéressé à la façon dont les politiques prononcent leurs discours. Or souvent, ils oublient les fondamenta­ux et notamment la ponctuatio­n, que personne ne respecte. »

À l’écouter, on sent bien que lui y porte beaucoup d’importance. Il appuie certains mots, joue des inflexions de sa voix et n’oublie pas de respecter des silences. « Trop souvent, les gens parlent vite et tout s’enchaîne sans aucune respiratio­n. » À Rouen, c’est à des chefs d’entreprise, donc, qu’il a prodigué ses conseils. « L’un d’eux, certaineme­nt très intéressan­t, a expliqué pendant plusieurs minutes ce qu’il faisait. Sauf que son débit était trop rapide et il n’appuyait pas ses mots, du coup je n’en ai rien retenu. » Derrière, l’ancien baryton a donc donné des conseils à ce parterre, et en premier lieu de se tenir droit et de bien respirer.

Des conseils qu’il prodigue d’ailleurs depuis des années au monde de l’entreprise, du spectacle mais aussi à des politiques, à commencer par le chef de l’État, Emmanuel Macron.

Fin 2016, son amie et ancienne ministre Roselyne Bachelot le met en relation avec le candidat d’En Marche, dans la course à la présidenti­elle. « Je l’ai vu pour la première fois juste avant son fameux discours « Notre projet », Porte de Versailles, où il s’est laissé emporter par la fou

le et s’est cassé la voix. » Pourtant, Jean- Philippe Lafont l’avait prévenu la veille de son meeting. « Il était jeune et encore débutant et je lui avais dit de faire attention à ne pas casser son instrument, à seméfier de l’excitation que ça peut être de parler devant une foule acquise et qui clame votre nom. J’ai chanté à plusieurs reprises à Central Park, New York, pour le début de la saison artistique, devant un million de personnes. Mais un million c’est une masse, c’est presque personne, car vous ne distinguez pas vraiment un visage. Alors que parler, jouer ou chanter devant 8 000 personnes, c’est beaucoup plus intimidant, beaucoup plus grisant. Et Emmanuel Macron s’est fait avoir. »

« Je ne suis pas magicien »

Au lendemain de cette prestation, le futur président et le baryton se verront presque une fois par semaine jusqu’à l’élection. « Il était assidu, attentif et motivé. En général, quand on vient me voir, c’est surtout pour être rassuré. Je ne suis pas magicien, je donne des conseils de base et en premier lieu sur la façon de bien respirer. Ce qu’on n’apprend pas à l’école et qui est pourtant essentiel, vital. Je donne donc à mes élèves des conseils, des techniques simples et quand on y met du sien, ça va vite dans le bon sens. »

Avec Emmanuel Macron, ce sera le cas, à entendre le baryton. « Il a vraiment amélioré sa diction. Il a compris que le mot important devait être coloré, presque sorti de son contexte. Je l’aimême suivi dans différents Zénith et je me mettais en face de lui et lui mimais les pauses, les inflexions. »

« Après son élection ça s’est arrêté, dommage j’aurais aimé l’accompagne­r encore, car il lui reste une marge de progressio­n » , poursuit Jean- Philippe Lafont.

Comme quoi ? « Je lui conseiller­ais notamment de bien lire ses discours à haute voix et de demander à ceux qui les lui écrivent demieux les colorer. Le poids des mots, disait Paris Match. C’était un beau slogan. »

En 2011, il conseiller­a une autre candidate à la présidenti­elle mais le résultat n’aura pas été à la hauteur de ses attentes. « J’ai suivi un peu Valérie Pécresse. Je l’ai trouvée au début attentive, mais le souci avec elle, c’est qu’elle a tout surjoué. Les gestes, les intonation­s et même les silences. Tout le monde a vu ! » Et Jean- Philippe Lafont ne voudra pas en dire plus, par respect pour l’élue.

 ?? | PHOTO : MARTIN ROCHE, OUEST-FRANCE ?? Le baryton Jean-Philippe Lafont, mardi. À la suite d’un accident, en 2016 à l’Opéra Bastille, il est devenu coach vocal.
| PHOTO : MARTIN ROCHE, OUEST-FRANCE Le baryton Jean-Philippe Lafont, mardi. À la suite d’un accident, en 2016 à l’Opéra Bastille, il est devenu coach vocal.

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