Dimanche Ouest France (Vendee)
Elle écrit un roman sur son grand- père, résistant
Sylvie Claude- Ferec, professeure d’espagnol à Rocheservière et autrice, écrit l’histoire de son grand- père, victime des camps de travail et de concentration durant la Seconde Guerre mondiale.
Sylvie Claude- Ferec, professeure d’espagnol au collège de Rocheservière et autrice de Georges Claude, matricule 62165. Un roman publié aux éditions Poussière de lune.
Sylvie Claude-Ferec, quel est votre passé d’autrice ?
Pendant des années je me suis consacrée à l’écriture de contes et de nouvelles, pour lesquels j’ai reçu quelques prix et accessits. J’ai aussi autoédité un recueil de nouvelles avant de me consacrer à l’écriture de roman. Georges Claude, matricule 62167 est le quatrième.
Dans ce livre vous évoquez l’histoire de votre grand-père que vous n’avez pas connu. Que vous évoque son histoire ?
Je voue une profonde admiration à mon grand- père et j’aurais aimé le connaître. Il est malheureusement décédé lorsque mon père, Bernard, avait 13 ans. En écrivant ce roman, je me suis étonnamment rapprochée de lui, grâce à tous les documents authentiques auxquels je me suis référée.
C’est une histoire tragique que votre famille a traversée ?
Au début de la Seconde Guerre mondiale, mon père, alors âgé de 8 ans, et sa famille ont dû quitter leur Alsace natale, devenue zone de combat. Mon grand- père Georges Claude était résistant, il maîtrisait parfaitement l’allemand, chose que son épouse ignorait totalement car il ne l’a jamais fait paraître, ce qui lui permettait de s’immiscer furtivement dans les conversations des occupants.
On ne sait pas encore aujourd’hui quelles étaient précisément ses activités de résistance. Il partageait sa vie entre son métier de publiciste et son rôle de père de famille.
Mais le 15 janvier 1944 il a été arrêté et écroué dans les cachots de la Gestapo de Grenoble.
Jusqu’au jour où…
Le 6 avril 1944 il fut envoyé dans le convoi 1 199 pour rejoindre un camp de concentration en Autriche. Il y décéda le 12 novembre. Ce n’est que le 18 mai 1945 que ma grand- mère a appris son décès par Maurice Combanaire, prisonnier aumême camp et affecté aux cuisines des SS (organisation paramilitaire et policière nazie N.D.L.R.). Ce brave homme risqua sa vie chaque jour pour aller nourrir mon grand- père, devenu dysentérique et squelettique, entassé dans une infirmerie où des centaines de prisonniers, à quatre sur des paillasses de 70 cm de large, guettaient leur propre mort.
Comment avez-vous eu connaissance de cette histoire ?
En visitant le musée de la Résistance et de la Déportation de Grenoble, mon père etmoi sommes tombés sur la porte du cachot dans lequel mon grand- père avait été incarcéré.
On y distinguait distinctement le nom de Georges Claude, gravé par mon grand- père, ainsi qu’un graffiti représentant les deux initiales qui ornaient sa chevalière.
Après cet élément inespéré vous avez souhaité écrire son histoire ?
Six mois de travail avec mon père, d’échanges, d’écoute, de partage, m’ont été nécessaires pour mener ce projet. Je pense qu’il m’a tout confié, des éléments officiels et familiaux jusqu’à son ressenti et ses émotions. Il s’est livré progressivement grâce à ce projet d’écriture sur l’histoire de son père. D’autres élémentsm’ont aidée à écrire ce livre : le journal de bord de mon père, les journaux de famille qu’écrivait ma grand- mère Simone, et des archives familiales.
Ce livre est aussi un hommage à Bernard Claude, votre père ?
C’est lui qui m’a guidée sur les traces de Georges. J’ai pu mesurer le travail qu’il a dû faire pour se livrer sur le destin tragique de son père. Ceci a été un véritable exutoire pour lui. Hospitalisé pour un cancer dupancréas en2020, mon père me demanda ce qu’il en était de l’éditeur que je recherchais pour mon livre. J’ai contacté mon éditrice en lui expliquant : « Le fils de Georges Claude va s’éteindre dans peu de temps ». Le lendemain, elle m’accordait l’édition, ce que je m’empressai d’aller annoncer à mon père, malgré les contraintes et les interdictions de la crise sanitaire. Il est décédé quelques minutes avant que je ne puisse lui annoncer la nouvelle. C’est sur son lit de mort que je lui ai dit, mais je suis persuadée, au fond de moi, qu’il m’a entendue.