Dimanche Ouest France (Vendee)

Yves Camdeborde, à la table du ballon ovale

Gastronomi­e. Pionnier de la bistronomi­e, Yves Camdeborde est un amoureux du rugby autant que de la cuisine. Dans Ovalix, son nouveau livre, il réunit ses deux passions, finalement si proches.

- Rencontre Chloé LEBOUCHARD. Ovalix, une histoire gourmande du rugby,

Ne dit- on pas que la cuisine est un art de mariage ? Entre sucré et salé, acidité et épices, terre et mer. Rien de trop audacieux, donc, à tenter une alliance entre gastronomi­e et… ovalie. Le rugby, ce pur produit du Sud- Ouest, que connaît à la perfection Yves Camdeborde, le Béarnais. En vérité, l’initiateur de la bistronomi­e française a même cédé à l’appel des essais et plaquages, avant celui des couteaux et marmites.

« Le rugby, j’ai commencé à 6 ans. Parce qu’à Pau ( Pyrénées-Atlantique­s), l’institutio­n, c’est la Section paloise. Et c’était une philosophi­e de vie qui me convenait : du respect, de l’engagement, sourit le chef, dont la préférence allait vers le poste de demi de mêlée. La cuisine est arrivée après. À 13 ans et demi, j’ai voulu partir de la maison, j’ai demandé à mon père de me trouver un travail. Il avait des copains restaurate­urs, mais il aurait pu me mettre plombier ou mécanicien, je n’avais pas de passion. Je voulais juste avoir ma liberté. »

« Le rugby conserve cet esprit de partage »

Il ne fait aucun doute que les amitiés du paternel étaient heureuses. Yves Camdeborde a l’aura et le verbe chaleureux des gens de comptoir, des « aubergiste­s » – terme qu’il affectionn­e –, des grands cuisiniers. Des rugbymen aussi, quand on y pense. Les deux ne sont d’ailleurs pas paradoxaux. Ovalix, une histoire gourmande du rugby, son nouvel ouvrage coécrit avec Olivier Margot, n’aurait jamais vu le jour sinon. Sport ovale et bonne chère n’ont pas attendu la passion du chef pour se rencontrer. Leurs liens sont si inextricab­les qu’on peut aujourd’hui en établir une histoire commune, à coups de récits de banquets pantagruél­iques, de victoires célébrées ou de défaites avalées en grande tablée, et de recettes hommages.

Les trois lecteurs de Ouest- France venus rencontrer Yves Camdeborde mercredi s’y sont plongés avec délectatio­n. « Cette tradition de la troisième

mi-temps perdure-t- elle avec la profession­nalisation du rugby ? » , lance Joël Coché, de Lanester (Morbihan), oncle du récent champion du monde U20 Louis Penverne. « En Top 14 et en Pro D2, les joueurs sont aujourd’hui obligés d’avoir une rigueur, une discipline. Mais même au Stade toulousain, pour bien connaître le président Didier Lacroix, on ne leur interdit pas d’aller s’amuser après un bonmatch, assure Camdeborde. Il n’y a pas de débordemen­t, moins d’excès que ce qu’on a connu, mais le rugby conserve cet esprit de partage. »

L’ancien du Ritz, du Crillon, de la

Tour d’Argent, entre autres maisons remarquabl­es, demeure bien placé pour le constater, en ami proche du sélectionn­eur du XV de France Fabien Galthié. Et en capitaine du XV de la Gastronomi­e, équipe conceptric­e des menus des hospitalit­és de laCoupe du monde. Yves Camdeborde a d’ailleurs participé à la cérémonie d’ouverture au Stade de France le 8 septembre, et sera présent sur près d’une trentaine de rencontres du Mondial. Fidèle au rythme effréné auquel il s’est toujours astreint dans sa carrière. « Je suis hyperactif, mais j’ai des priorités : le travail, la famille, lesmédias, répond- il à Daniel Coisy, ingénieur de travaux publics nantais, quand il lui demande comment il parvient à gérer cet emploi du temps chargé. J’aime ce que je fais, donc ce n’est pas dur du tout. Mais c’est du 20 heures par jour. »

Le Palois de 58 ans a passé la main de ses établissem­ents à son neveu Julien. Désormais, quand il n’est pas sur les routes, c’est depuis le Vaucluse, où il s’est installé depuis le confinemen­t, qu’Yves Camdeborde accompagne les évolutions de la gastronomi­e française. « N’avez-vous pas peur qu’elle perde de son identité en la démocratis­ant ? » le questionne GhyslaineK­aim, ancienne joueuse de rugby amateur et habitante de Villedieu- lesPoêles (Manche). « Non, démocratis­er, ce n’est pas remettre en question le passé, c’est évoluer avec son temps. »

« Une auberge de mousquetai­res »

L’ancien juré de MasterChef défend également les émissions culinaires – « Ilsnous font voirdela haute couture, de l’excellence, c’est comme cela que l’on tire vers le haut la cuisine de base » –, comme la nouvelle génération de chefs. Lui qui a connu plus d’une remarque pincée, à l’époque où il s’est lancé, ne veut pas reproduire ces jugements. « Quand j’ai quitté la grande gastronomi­e, à 26 ans, j’avais envie d’une auberge de mousquetai­res, d’une table avec de la qualité dans l’assiette mais en totale conviviali­té. Tout le monde dans lemétier a été en désaccord avecmoi. Mais pas le public, rappelle- t- il. Donc je vois l’avenir très positif. À Paris, il y a des jeunes qui arrivent qui sont géniaux, de milieux sociaux totalement différents. Ça rend notremétie­r beaucoup plus intelligen­t, plus ouvert. » Encore plus, peut- être, dans le partage. Au rugby commeen cuisine, la ligne directrice la plus irréductib­le qui soit pour Yves Camdeborde.

Albin Michel, 224 pages, 29,90 €.

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| PHOTO : PHILIPPE RENAULT, OUEST-FRANCE Yves Camdeborde a rencontré mercredi trois lecteurs de Ouest-France. De gauche à droite, Joël Coché, Daniel Coisy et Ghyslaine Kaim.

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