Dimanche Ouest France (Vendee)
« Les haies permettent de conserver des arbres »
Depuis2022, l'association LesGarnemAntsorganise des ateliers pour apprendre à entretenir les haies bocagères. Les méthodes enseignées reposent surdes savoirs et usages paysansduXIXe siècle.
Bien que rougis par le froid, les nez pointent vers la cime des arbres. En cette matinée de novembre, six curieux sont rassemblés aux abords d'un pré de La Garnache. Dans leurs mains, une brouette, quelques sécateurs et des scies d'élagage. Tous écoutent avec attention les propos de l'écologue, Mélanie Lattasse. Pour la troisième fois en deux ans, cette dernière anime un atelier sur l'entretien des haies bocagères.
« Les haies permettent de conserver des arbres dans nos paysages », indique l'écologue en guise d'introduction. Avec seulement 5 % de surface boisée, la Vendée est l'avant dernier département français en termes de surface forestière. « Une haie, c'est un bout de forêt en dehors de la forêt », ajoute Mélanie Lattasse.
Emmitouflés dans leurs vestes, les six élèves hochent consciencieusement la tête. L'atelier est organisé par l'association écocitoyenne Les GarnemAnts. Depuis la création d'une charte de bonnes pratiques d'entretien des haies à La Garnache en 2022, l'association forme les habitants à la gestion durable de ce patrimoine forestier. En deux ans, une trentaine de citoyens ont participé à ces sessions. Douze d'entre eux ont adhéré à la charte.
Un écosystème vertueux
« Une haie, c'est un linéaire d'arbres ou d'arbustes séparant des parcelles, détaille Mélanie Lattasse. Elles ont été créées pour empêcher les animaux d'entrer dans les cultures. Elles servent aussi à la production de bois et de fourrage. » Pour être écologiquement fonctionnelles, ces haies doivent faire au minimum deux mètres de large.
« C'est un des rares écosystèmes créés par l'humain qui soit vertueux », s'émerveille l'écologue. Car ces haies offrent le gîte et le couvert à la faune et à la flore. Puits de carbone, elles filtrent également les écoulements d'eau, régulent les températures et augmentent les rendements des récoltes en les protégeant du vent.
Mais leur survie est en péril. « Depuis 1970, 70 % des haies ont
disparu des bocages français », s'alarme Mélanie Lattasse. Chaque année, près de 20 000 km de linéaires sont arrachés, « soit quatre fois plus que le nombre planté », précise l'écologue. En cause ? Le remembrement des parcelles commencé dans les années 60. « Aujourd'hui, on ne fait qu'entretenir les haies sans voir d'intérêt à leur exploitation, ce qui accélère leur disparition », ajoute la spécialiste.
Savoir paysan
Feutre à la main, Mélanie Lattasse esquisse trois exemples de pratiques paysannes sur un tableau. La cépée : « On coupe l'arbre au niveau de sa souche » . Le têtard : « On garde le tronc mais on coupe les branches ». Et enfin le plessage : « On couche les arbres pour les entrelacer de part et d'autre de pieux. » L'objectif est le même : stimuler la pousse de branches équivalentes. Ces aménagements peuvent être réalisés à partir de septembre. « Il est interdit de couper les haies entremars et juillet car c'est la période de reproduction et de nidification des oiseaux », précise la spécialiste.
L'arbre ne souffre pas. « La plupart des feuillus sont adaptés à réagir à la coupe, explique Mélanie Lattasse. Ce sont les tempêtes et les incendies qui les tuent. » Quand un arbre est taillé, les bourgeons adventifs situés au niveau de l'écorce germent,
donnant naissance à de nouvelles plantes. « Car ce qui pousse n'est pas une branche, mais un arbre », informe l'écologue. Pour éviter une invasion de champignons, la taille doit être réalisée proche du tronc ou de la branche conservée. « Au fil des années, l'écorce recouvre la coupe », indique Mélanie Lattasse.
Mains gantées, Anna griffonne sur son carnet. Passionnée de plantes médicinales, cette Challandaise
assiste pour la première fois à l'atelier. « C'est fascinant de redécouvrir tout ce que les paysans faisaient sans se poser de questions, confie- t- elle. Aujourd'hui, on décortique, on analyse, mais on n'invente rien ! » Mélanie Lattasse hoche la tête dans un sourire. Ultime conseil ? « Planter, planter, planter… Et faire confiance à la nature. »