Dimanche Ouest France (Vendee)
Ils contrôlent les chasseurs, aussi pour rassurer
Pas facile de réconcilier pro et anti chasse. Une opération de contrôles « sécurité à la chasse » se déroule depuis deux semaines au niveau national. Reportage, hier, dans le Vignoble nantais.
Les uns sont méfiants. Les autres, aussi. Comment alors faire communiquer deux mondes qui se parlent peu, chasseurs et non chasseurs, de manière apaisée ? Est- il possible de faire comprendre la nécessité, pour les uns, passionnés, de réguler le gros gibier ( sangliers, cerfs, chevreuils), et pour les autres, habitants ou promeneurs, de se sentir en sécurité ? En clair, comment rassurer, des deux côtés ?
Car des accidents, il y en a malheureusement chaque année. « La quasi- totalité, en raison du non- respect des mesures de sécurité de la part des chasseurs », enfonce Patrice Friconneau. Alors, s’assurer que les consignes sont respectées, c’est l’une des missions du chef de l’unité sud du service départemental en Loire-Atlantique de l’Office français de la biodiversité (l’OFB 44 compte trois personnes). Ce samedi, lui et sa coéquipière Marjolaine Moreau sillonnent la campagne du Vignoble nantais. Ils savent où il y a des battues.
Déjà trois incidents et un blessé grave
Très vite, à l’entrée du Bignon, ils repèrent un chasseur posté en bord de route. En ligne de mire, des habitations et des vaches. « C’est aberrant », lâche, agacé, le policier de l’environnement. Après lui avoir demandé de désarmer son fusil et contrôlé les papiers, les agents lui expliquent que sa position est dangereuse.
La battue s’arrêtera sur le champ pour l’homme de 82 ans, qui obtempère sans résistance et remballe son matériel. « On a peut- être évité un accident » tente de rassurer Patrice Friconneau, lui- même chasseur.
Depuis deux semaines, les policiers participent à une démarche nationale de contrôle, comme il en existe régulièrement. Celle- ci vise en particulier à vérifier le port du gilet orange fluo et l’angle de tir par rap
port aux zones à risques humain ou matériel.
Cette opération est menée conjointement avec la Fédération des chasseurs. À l’issue, un bilan sera remis afin d’apporter des modifications de règlement.
La Loire- Atlantique compte 12 000 chasseurs. Une infraction coûte 135 €. Une cinquantaine d’amendes environ sont dressées chaque année dans le département. Pour la saison 2023-2024, déjà trois incidents (balle dans une cuisine, projectile sur un chien) et une blessure grave sur un chasseur sont recensés. « C’est trop », déplore Patrice Friconneau qui ne veut pas revivre l’année 2017 où deux chasseurs avaient trouvé la mort. Pour autant, le nombre d’accidents est en baisse de
62 % depuis vingt ans en France (vingt- neuf morts en 2003, six cette année).
« J’ai peur, ils sont si proches »
Cette démarche de responsabilisation convainc- t- elle les riverains ? « Je n’ai aucun problème avec eux », indique un trentenaire qui promène son chien et discute avec son ami Loïc, en gilet orange. Originaire de ChâteauThébaud, le village voisin, il explique : « J’ai toujours vu des chasseurs à la campagne, ça ne me dérange pas. Tout est bien signalé. »
Un joggeur, croisé un peu plus loin, n’a pas la même tolérance. « Je ne m’interdis pas de courir mais j’ai peur, ils sont si proches des habitations et des chemins de promena
de. Nous aussi on a nos loisirs le week- end ! »
« Souvent, ils passent sur des chemins privés. On leur explique, ils ne veulent pas comprendre et nous insultent. Ils voient un chasseur et pensent qu’on est des tueurs », regrette Loïc, intransigeant sur la sécurité, chasseur depuis plus de trente ans. Pour lui, la réconciliation n’est pas possible.
Il y a parfois des postures, souvent une méconnaissance de part et d’autre, analyse Patrice Friconneau. Même si les choses ne sont pas si tranchées, « les villages grossissent et certains néoruraux peuvent ne pas avoir la culture campagnarde. Il faut continuer de dialoguer ».