Dimanche Ouest France (Vendee)
« Le préfou, patrimoine culinaire vendéen »
Une enquête sur le préfou a été lancée il y a quelques mois auprès des Vendéens par l’Office pour le patrimoine culturel immatériel. Son directeur, Philippe Boisseleau, revient sur les enjeux de cette étude.
Entretien
avec Philippe Boisseleau, directeur de l’OPCI.
En quoi consiste l’enquête lancée sur le préfou vendéen ?
Depuis plusieurs mois nous avons lancé une grande consultation auprès des Vendéens pour connaître leur attachement au préfou, ce pain précuit, garni de beurre et d’ail, bien connu dans le département. Il s’agit du deuxième volet de notre enquête ethnographique lancée en 2023 dont le but est d’attester de la tradition du préfou en Vendée. C’est un travail que nous menons avec deux associations basées dans le Sud-Vendée : Dactrad et Les Amis du préfou. Dans un premier temps, nous avons réuni la documentation préexistante sur le sujet et mené une enquête orale auprès des boulangers, des anciens ou encore des industriels.
Pourquoi avoir lancé cette enquête ?
Nous avons été contactés il y a un peu plus d’un an par Vendée qualité, un organisme chargé de la défense et gestion des produits vendéens. Ce dernier souhaite protéger le préfou traditionnel de Vendée, à l’ail et au beurre. Aujourd’hui de plus en plus de pains apéritifs sont vendus sous le nom de « préfous de Vendée » alors que leur composition et leurs garnitures (chorizo, tomate, etc.) n’ont rien à voir avec le préfou dit « traditionnel ».
Pour obtenir un label de la part de l’Institut national des appellations d’origine (INAO), Vendée qualité doit justifier en quoi le département de Vendée peut revendiquer la tradition du préfou plus qu’un autre. Notre rôle est de les aider à constituer un dossier complet.
Quelles sont les premières conclusions ?
Selon l’association Les Amis du préfou, tout remonterait en 1907 avec l’arrivée d’un immigré Russe dans le sudVendée. Ce dernier utilisait un morceau de pâte à pain pour mesurer la température des fours. À partir des années 1920, un certain Monsieur Rougier, boulanger à Fontenay- leComte, a commencé à mettre du beurre et de l’ail à l’intérieur de ces morceaux de pain précuits et à en distribuer sur les marchés. Dans les années 1960, cette pratique s’est essaimée dans toute la Vendée. On note notamment l’arrivée de René Souchet, ancien boulanger de Fontenay- leComte, à Sallertaine. Depuis une quinzaine d’années, les industriels en produisent. Les garnitures ont commencé à se diversifier. Aujourd’hui on en consomme dans tout le département.
Comment les Vendéens perçoivent-ils le préfou ?
À la date du 20 décembre 2023, on était à plus de 750 réponses. Il en ressort que les Vendéens revendiquent le préfou comme un patrimoine culinaire constitutif de leur identité. S’ils n’excluent pas d’en consommer avec une pluralité de garnitures, ils distinguent le Préfou traditionnel, au beurre et à l’ail, des autres pains apéritifs.
Certains témoignages vous ont-ils surpris ?
Oui plusieurs. Un Vendéen nous a notamment confié avoir un ami des Hauts- de-France qui prépare des Préfous au maroilles. Également, il est fréquent que des touristes fassent le plein de préfous en fin de vacances d’été pour les ramener chez eux, les congeler et les consommer à Noël.
Que se passera- t- il une fois l’enquête terminée ?
La consultation doit se poursuivre jusqu’à début mars. Nous analyserons l’ensemble des données et finaliserons les interviews. Charge ensuite à Vendée qualité de déposer le dossier auprès de l’INAO, fin 2024, et d’échanger avec eux et les professionnels de la filière pour savoir quel label est le plus adapté au Préfou de Vendée. Aujourd’hui Vendée qualité espère obtenir un IGP (Indicateur géographique protégé N.D.L.R.) ce qui permettrait de protéger la recette et le périmètre de fabrication du Préfou de Vendée. Il pourrait être obtenu d’ici à deux ans.
Qu’est- ce que cela changera ?
L’idée n’est pas d’interdire qui que ce soit de faire du préfou. Industriels, boulangers et particuliers pourront continuer à en vendre avec les garnitures de leur choix. Mais ne pourront être qualifiés de « préfou de Vendée » que ceux respectant la recette traditionnelle, avec de l’ail et du beurre, et réalisés en Vendée. Le produit n’en sera pas plus cher pour autant. Cela reste un mets populaire préparé à partir d’ingrédients basiques.
Avez-vous déjà travaillé de la sorte pour d’autres produits vendéens ?
Nous avons mené à peu près la même démarche (enquête ethnographique N.D.L.R.) pour la brioche de Vendée. Cette dernière a obtenu un Label Rouge en 2010. Aujourd’hui, pour prétendre vendre une brioche de Vendée, il faut respecter un cahier des charges très strict.