Dimanche Ouest France (Vendee)
Ce petit avion est un héros de la Libération
Le Piper L4H servait d’appareil de reconnaissance aux Alliés. Abandonné après la bataille d’Angers en août 1944, un exemplaire en cours de restauration pourrait participer aux cérémonies du 6- Juin.
« Attends, ça a bougé… Remets tout à zéro. Alors, ça donne quoi ? » Ça donne que le guide de la soupape d’échappement du deuxième cylindre présente un jeu trop important : 0,3 mm. « La tolérance maximale, c’est 0,12 mm », lâchent Michel et Jean-Yves en relevant le nez de leur établi. Il faudra donc changer ce fameux guide soupape et, tant qu’à faire, celui de l’admission aussi.
Cette tâche est une parmi d’autres dans la longue restauration du Piper L4H de l’Espace Air passion, près d’Angers ( Maine- et- Loire). Une restauration qui doit conduire cet appareil à participer aux cérémonies de commémoration de la ville, en août prochain. Et avant cela, à celles du D- Day en Normandie, où 80 de ces appareils sont attendus.
Seule la radio est moderne
Le Piper L4H est un héros discret, méconnu, de la Seconde Guerre mondiale. « Le gouvernement américain les avait commandés à Piper, sur la base d’un avion des années 1930 », explique Dominique Montel, chargé de communication d’Air Passion. Leur durée de vie très courte, « de quatre à cinq heures » , impose de les fabriquer par milliers. Entre 11 000 et 12 000 exemplaires sortent ainsi des chaînes de l’avionneur. Celui d’Air Passion date de décembre 1943, six mois avant le Débarquement.
« Transportés en pièces détachées et par bateau sur les plages de Normandie, assemblés dans des champs à peu près roulables, les Piper servaient ensuite aux opérations de reconnaissance au- dessus des champs de bataille », complète Christian Ravel, bénévole d’Air Passion et expert auprès du ministère de la Culture. L’appareil en révision sert ainsi lors des combats pour la libération d’Angers, début août 1944.
Avec quatre autres appareils du même type, il a été abandonné par les Alliés sur un terrain d’Avrillé, près d’Angers. Soigneusement entretenu, il n’a jamais cessé de voler depuis. Responsable technique du musée, Michel Roger feuillette le carnet d’entretien de 1965 pour vérifier les chiffres : « 12 000 heures de vol pour la cellule, 1 150 pour le moteur. »
Cet après- midi- là, avec Bernard Delattre, il s’affaire autour de la roulette arrière, sur laquelle repose la queue du Piper quand il évolue au sol. Ouverture du bloc, vérification des roulements, serrage des vis, assemblage de l’ensemble. Après la VHF – « seule concession à la modernité » – le matin, les opérations s’enchaînent, la caisse à outils toujours ouverte et à portée de main.
Un appareil sain
Exposé dans le hall du musée, le Piper se présente dans les mêmes couleurs qu’en 1944 : vert et noir. Sa peau en toile, qui habille ailes et fuselage, reste tendue « comme celle d’un tambour », se flatte Dominique Montel. Dessus, une lettre et un nombre, peints en blanc : A 72. Le code de l’appareil qui avait emmené le général Leclerc au- dessus de Paris. « C’est l’héritage d’une précédente restauration, mais on sait que c’est faux. »
Ce qui est vrai, en revanche, c’est la franchise du Piper une fois en l’air. « C’est sur cet avion que j’ai effectué mon premier vol et, par coquetterie, c’est avec lui que j’ai fait le dernier, il y a un an », sourit Christian Ravel. Et l’octogénaire a retrouvé les mêmes sensations : celle d’un avion ne volant pas très vite, « à environ 120 km/h », exigeant « un pilotage affirmé, mais restant toujours très sain », au contraire de son homologue français de l’époque, le Potez.