– ANALYSE L’accord de libre-échange UE/Canada, laboratoire d’essai de la coopération réglementaire?
L’Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada et le Partenariat transatlantique présentent de nombreuses similitudes, mais l’AECG a sa propre histoire. Et, surtout, il présente suffisamment de traits originaux pour en faire un modèle pour les négociations à venir.
Annoncées officiellement à Prague en mai 2009, les négociations d’un Accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne (UE) et le Canada débutèrent au mois d’octobre de la même année, pour se conclure sur une entente de principe en octobre 2013, quatre ans plus tard. Il fallut attendre un an encore avant que le texte complet ne soit rendu public et deux années de plus avant qu’il ne soit officiellement signé, le 30 octobre 2016. Ne soulevant que peu d’intérêt dans les médias à ses débuts, l’AECG n’a cessé depuis d’être sous les feux de la rampe. À cause de sa proximité avec le Partenariat transatlantique (TTIP) dont les négociations avec les États-Unis débutèrent en 2013 : tout comme le TTIP, l’AECG est un accord de troisième génération, orienté vers le resserrement des liens économiques et une institutionnalisation plus formelle de la coopération réglementaire entre les deux rives de l’Atlantique. En raison aussi de la contestation dont les deux accords font l’objet, voire des problèmes juridiques et politiques soulevés par sa ratification. Évitons cependant l’amalgame. Voyons plutôt d’où vient l’AECG et pourquoi, par son contenu et les perspectives qu’il offre, notamment en matière de coopération réglementaire, le Canada et l’Union européenne en ont fait un accord modèle.
D’où vient l’AECG ?
En dépit d’une coopération économique étroite depuis 1976, les relations commerciales entre le Canada et l’UE restent malgré tout limitées et, d’un point de vue géopolitique, secondaires. Le Canada n’est que le douzième partenaire commercial de l’UE, représentant environ 2 % du commerce de celle-ci avec des pays tiers. De son côté, l’UE est le deuxième partenaire du Canada, mais loin derrière les États-Unis. La part de l’UE, tous pays confondus, dans le commerce de biens n’est que de 8 % pour les exportations et de 9,6 % pour les importations. Comme le montre le graphique ci-dessus, les chiffres sont un peu plus importants pour les services commerciaux et les investissements directs. Mais, sans être pour autant négligeables, les relations commerciales sont loin d’avoir l’ampleur de celles que les deux partenaires entretiennent avec les États-Unis.
On peut y trouver de nombreuses raisons. Les unes tiennent à l’éloignement géographique, les autres aux pratiques d’affaires différentes et d’autres encore aux particularités du commerce canadien, très centré sur les exportations de ressources naturelles. Mais la principale tient d’abord aux ÉtatsUnis.
Premier partenaire commercial des États-Unis, le Canada est soumis à l’effet de gravité de son puissant voisin et son économie en subit directement l’influence, sur le plan de la croissance comme sur celui de ses échanges. Les liens commerciaux ont, certes, eu tendance à se desserrer ces dernières années, mais avec la reprise économique qui a suivi la Grande Récession de 2009, les échanges avec les États-Unis ont repris de plus belle. En 2016, 75 % des exportations du Canada étaient destinées aux États-Unis et 65 % de ses importations en provenaient. La relation avec l’Europe en subit évidemment les conséquences, au point d’avoir été longtemps négligée par le Canada.
Les relations commerciales n’ont, en effet, cessé de s’approfondir entre le Canada et les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Elles ont connu un tournant décisif dans les années 1980 avec la signature, en octobre 1987, d’un accord de libre-échange entre les deux pays, lequel fut remplacé le 1er janvier 1994, date de son entrée en vigueur, par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), incluant le Mexique. Ces deux accords ont non seulement procuré au Canada un accès préférentiel, élargi et sécuritaire à son principal marché, mais ils ont également arrimé son économie à celle des ÉtatsUnis et, ce faisant, réorienté ses priorités commerciales vers les Amériques. Il n’en reste pas moins que l’ALENA fut pour le Canada un réel succès. Il a stimulé la croissance et la compétitivité de son économie tout en lui permettant d’engranger
En dépit d’une coopération économique étroite depuis 1976, les relations commerciales entre le Canada et l’UE restent malgré tout limitées et, d’un point de vue géopolitique, secondaires.
des années durant d’importants excédents commerciaux. Du moins jusqu’aux années 2000. Les relations avec les ÉtatsUnis sont alors devenues plus difficiles. D’abord, en raison du contexte sécuritaire post-11 septembre 2001, mais aussi pour d’autres raisons, dont deux en particulier : la Chine s’est rapidement imposée comme partenaire commercial majeur en Amérique du Nord et les entreprises américaines, très présentes au Canada, comme au Mexique d’ailleurs, se sont tournées de plus en plus vers l’Asie, nouveau pôle de croissance de l’économie mondiale. Il convient de rappeler aussi l’échec du Projet de zone de libre-échange des Amériques (1), dans lequel le Canada s’était fortement engagé au côté du Mexique, et, plus récemment, la Grande Récession de 2009 qui a fait plonger les exportations canadiennes. Signe des temps, la balance commerciale avec les États-Unis peine aujourd’hui à trouver l’équilibre et tout indique que l’âge d’or de l’ALENA est
désormais révolu. Pis, les tensions commerciales avec les États-Unis se sont multipliées depuis l’élection de Donald Trump et le processus de renégociation de l’ALENA est maintenant officiellement enclenché.
C’est dans ce contexte difficile qu’il faut replacer le regain d’intérêt du Canada pour l’Europe et le renouveau qu’a connu la relation bilatérale dans les années 2000. Pays tourné vers l’extérieur – le tiers de son PIB dépend du commerce –, le Canada est plus que jamais à la recherche de nouveaux partenaires commerciaux. D’abord, pour rééquilibrer sa relation avec les États-Unis et diversifier davantage ses échanges commerciaux, mais aussi pour suivre les évolutions de l’économie mondiale et répondre aux nouveaux défis commerciaux, dont deux en particulier : premièrement, ceux que lui posent le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie ; deuxièmement, ceux qui accompagnent le développement d’une économie mondiale désormais portée par les chaînes de valeur et, surtout, par les nouvelles technologies de l’information et des communications. En clair, que ce soit avec l’UE ou avec d’autres partenaires ciblés comme prioritaires, le Canada ne cherche pas simplement à relancer ses relations commerciales ; il veut également leur donner un nouveau souffle, en orientant les discussions vers d’autres sujets, notamment la coopération réglementaire. Cette question est aujourd’hui devenue prioritaire à Ottawa, mais elle l’est également à Bruxelles.
La coopération réglementaire fut en effet l’objet central du nouveau dialogue qui s’est amorcé entre le Canada et l’UE dans les années 2000. Un tournant
Les tensions commerciales avec les États-Unis se sont multipliées depuis l’élection de Donald Trump et le processus de renégociation de l’ALENA est maintenant officiellement enclenché. C’est dans ce contexte difficile qu’il faut replacer le regain d’intérêt du Canada pour l’Europe.
dans ce sens fut pris lors du sommet tenu à Ottawa le 18 mars 2004, les deux parties adoptant à cette occasion un cadre directeur avec en ligne de mire la signature de l’Accord de renforcement du commerce et de l’investissement (ARCI). Reposant sur le dialogue, l’échange d’information et la compréhension mutuelle, ce nouveau cadre privilégie la coopération volontaire et le rapprochement des réglementations, et ce dans le respect des choix collectifs et des pratiques établies des deux côtés de l’Atlantique. Des négociations furent amorcées, mais elles furent interrompues en 2006, la méthode suivie, celle du dialogue renforcé, étant jugée peu probante par la Commission européenne. Les deux parties s’orientèrent alors dans une autre direction, celle d’un partenariat économique plus étroit et convinrent, au Sommet de Berlin (2007), de mener une étude conjointe de faisabilité.
Longtemps, l’UE s’était montrée hésitante, sinon opposée à prendre cette voie, mais le contexte était désormais différent de celui qui avait fait avorter dans les années 1990 le projet d’un accord de libre-échange avec les ÉtatsUnis, voire avec le Canada. En particulier, l’Europe pouvait d’autant moins rester insensible à l’idée d’approfondir ses liens transatlantiques que le monde avait énormément changé et qu’il lui fallait maintenant redéfinir le rôle qu’elle entendait jouer dans une économie mondiale en recomposition. Dans ce contexte, la négociation d’un accord global avec le Canada n’était pas sans présenter de nombreux avantages, dont celui de servir de galop d’essai à des négociations autrement plus difficiles projetées avec les États-Unis, et celui de pouvoir s’appuyer sur un accord modèle dans ses négociations, notamment en Asie. Le rôle proactif joué par le Québec et la France et l’acceptation par Ottawa de faire participer les provinces aux négociations, une exigence européenne, ont fait le reste. Tant et si bien que le périmètre des négociations allait être rapidement défini, sur la base des recommandations de l’étude conjointe.
Le contenu de l’accord
L’ALENA a été jusqu’ici le modèle suivi par le Canada dans ses négociations commerciales avec les pays tiers. Celles avec l’UE rompent avec cette « tradition ». L’AECG se distingue en effet de l’ALENA sur plusieurs points importants. Tout d’abord, répondant en cela à une autre exigence européenne, ce n’est pas un, mais deux accords qui ont été signés : un Accord de partenariat stratégique (APS), d’une part, et l’Accord économique et commercial global proprement dit, d’autre part. De portée générale, l’APS sert de cadre à l’AECG ; il énonce les principes directeurs de la coopération bilatérale, en délimite les pourtours et en donne les grandes orientations et obligations réciproques. L’AECG reste néanmoins la pierre angulaire de ce nouveau cadre de coopération.
Sur le plan de son contenu, on peut diviser les dispositions de l’AECG en cinq grandes catégories. On retrouve tout d’abord les dispositions traditionnelles, notamment celles qui ont trait à l’accès aux marchés des produits, aux droits de douane, aux règles d’origine, aux obstacles techniques, aux mesures
sanitaires et phytosanitaires, aux régimes douaniers, etc. Une deuxième catégorie recouvre les dispositions que nous pouvons qualifier d’ALENA+, dans le sens où elles reprennent en les élargissant et en les améliorant les dispositions nouvelles introduites par l’ALENA, notamment celles ayant trait aux droits des entreprises, à l’admission temporaire des gens d’affaires, aux services financiers et aux conditions de concurrence (protection de l’investissement et de la propriété intellectuelle, accès aux marchés publics, télécommunications, concurrence et entreprises d’État, etc.). Viennent ensuite les « sujets nouveaux » qui nous renvoient aux réalités d’un monde de plus en plus transfrontières, pour couvrir notamment le commerce électronique, la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, la réglementation intérieure ou encore la coopération en matière de réglementation. Les trois autres catégories couvrent, respectivement : les dispositions que nous pouvons qualifier de transversales, particulièrement celles ayant trait au travail, à l’environnement, au développement durable ou encore aux petites entreprises ; les dispositions institutionnelles relatives à la mise en oeuvre de l’accord et à son suivi, au règlement des différends commerciaux, au fonctionnement des différents comités et groupes de travail, etc. ; et, finalement, comme dans tout accord commercial, la liste des réserves et exceptions.
Une autre particularité de cet accord est d’être à la fois actuel et tourné vers l’avenir. Autant l’ALENA était très avancé en son temps, autant il apparaît aujourd’hui dépassé, faute d’avoir pu évoluer. L’Internet, rappelons-le, n’en était qu’à ses débuts quand il fut signé et le commerce électronique n’existait pas. Pas plus qu’on ne parlait à l’époque de chaînes de valeur mondiales. Nous sommes maintenant entrés de plainpied dans l’ère de l’interconnexion et du commerce transfrontières. Comme tous les accords du même type, l’AECG intègre pleinement ces réalités nouvelles, en leur consacrant des chapitres spécifiques, comme pour le commerce électronique, mais aussi en introduisant des dispositions particulières. On peut penser par exemple aux chaînes de valeur, aux règles d’origine d’application plus souple aujourd’hui et aux mesures particulières en faveur des petites et moyennes entreprises prévues par l’accord pour en faciliter le développement et le commerce ; ou encore aux dispositions sur la transparence ou celles relatives au commerce transfrontières des services destinées à faciliter la circulation des flux d’information et à en favoriser la fluidité. L’autre aspect nouveau de cet accord est de sortir du cadre rigide des accords de type contractuel comme l’était l’ALENA et de prévoir des mécanismes institutionnels qui vont en permettre l’évolution et, donc, l’adaptation au changement.
L’AECG fourmille d’autres innovations. Plusieurs ont déjà été évoquées, mais on peut mentionner également la reconnaissance de la culture dans le préambule, les exceptions relatives à l’audiovisuel, la reconnaissance des dénominations géographiques et la protection accordée à quelque 173 appellations agroalimentaires, ou encore les dispositions prévues pour faciliter les procédures administratives d’entrée et d’octroi de licences, incluant la reconnaissance mutuelle des procédures de certification technique. Il faut revenir tout particulièrement sur ces deux suivantes : le mécanisme de règlement des différends investisseur-État et la coopération en matière de réglementation.
L’autre aspect nouveau de cet accord est de sortir du cadre rigide des accords de type contractuel comme l’était l’ALENA et de prévoir des mécanismes institutionnels qui vont en permettre l’évolution et, donc, l’adaptation au changement.
L’AECG comme nouveau modèle
La protection des investissements est devenue depuis l’ALENA et l’échec du projet d’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) un sujet de controverse, sinon un obstacle majeur dans les négociations commerciales. Au centre de la controverse, quatre sujets en particulier : le respect du droit souverain de légiférer, la définition de l’investissement, la notion « d’expropriation indirecte » et le mécanisme de règlement des différends. Bien que prudente, la première version du chapitre de l’accord consacré à l’investissement ne se démarquait pas substantiellement de ce que l’on retrouve dans la plupart des traités bilatéraux sur l’investissement. C’est pendant le « toilettage juridique » de l’accord, à la demande pressante de l’Allemagne notamment, que d’importantes modifications ont été apportées. D’autres modifications, moins substantielles, furent encore apportées pour obtenir l’agrément de tous les États membres, notamment la Belgique.
Les innovations sont de quatre ordres. Premièrement, l’accord réaffirme et renforce le droit des gouvernements de réglementer dans l’intérêt public, y compris celui de modifier leur législation même si cela peut avoir des effets défavorables sur l’investissement ou sur les attentes d’un investisseur. Deuxièmement, il clarifie la notion de traitement de l’investisseur, notamment pour ce qui a trait au lien économique véritable qu’il doit avoir. Il précise aussi ce qui constitue une « expropriation indirecte » (2) afin d’éviter les recours contre des mesures légitimes de politique publique. Troisièmement, il révise en profondeur le mécanisme de règlement en matière d’investissement. En particulier, il établit un système de tribunal permanent, transparent et indépendant, inspiré des systèmes judiciaires nationaux et des tribunaux internationaux. Ce tribunal est composé de 15 juges (5 pour l’UE, 5 pour
le Canada et 5 tiers) possédant les qualifications requises pour remplir les fonctions judiciaires et traiter des affaires en toute impartialité. Quant aux affaires, elles seront instruites par un panel d’arbitrage de trois juges tirés au hasard. Enfin, quatrièmement, l’AECG est le premier accord à prévoir une procédure d’appel, dont les modalités restent cependant à préciser.
Ces innovations, sans être parfaites, apportent tout de même un meilleur équilibre entre les droits de l’investisseur et ceux des gouvernements de légiférer dans l’intérêt public. Elles rompent aussi avec l’approche traditionnelle « à la pièce » en matière de règlement des différends et jettent les bases de ce que pourrait être un tribunal multilatéral de l’investissement que les deux parties appellent de leurs voeux.
La coopération réglementaire constitue l’autre innovation majeure de l’AECG. De nombreux facteurs poussent les gouvernements à agir dans ce sens. Pour des raisons techniques, mais aussi dans l’intérêt du public, les gouvernements cherchent depuis longtemps à établir des normes et des standards internationaux. La coopération réglementaire a également été étendue aux questions commerciales par le canal des « obstacles techniques au commerce » (3), aux questions financières par le biais des normes macro-prudentielles (4), et à de multiples autres domaines comme la lutte contre les paradis fiscaux. Avec l’émergence de l’économie numérique et le développement du commerce transfrontalier, elle a pris une orientation nouvelle : celle de l’interopérabilité des systèmes réglementaires. Les réglementations traversent l’AECG et croisent ces différents sujets, mais un chapitre particulier leur est consacré, le chapitre 21 : « Coopération en matière de réglementation ». Que faut-il retenir de ce chapitre ? Essentiellement quatre choses. Tout d’abord, tout en réaffirmant leurs droits et leur « capacité à mener à bien » leurs activités réglementaires, législatives et politiques, les parties s’engagent à développer davantage leur coopération en matière de réglementation en vue de prévenir et d’éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement ; d’améliorer les conditions de la compétitivité et de l’innovation ; de promouvoir des processus réglementaires transparents, efficients et efficaces. Ils réaffirment, ensuite, le caractère volontaire de cette coopération. Il est prévu qu’elle se fasse, entre autres, au travers de discussions bilatérales, de consultations, de mise en commun de l’information non publique ou encore d’examens des réglementations. Les parties s’engagent par ailleurs à définir des standards communs, à mettre en place des processus de reconnaissance réciproque, à se consulter sur les futures réglementations, etc. Enfin, l’accord met en place un cadre institutionnel spécifique : le Forum sur la coopération en matière de réglementation (article 21.6). Son mode de fonctionnement reste à définir, mais, ouvert largement à la consultation, son rôle sera « d’offrir un forum de discussion », « d’aider les régulateurs individuels », « d’examiner les initiatives prévues ou en cours » et « d’encourager le développement d’activités de coopération bilatérale ».
En somme, tout comme pour l’investissement, l’AECG ouvre la voie à ce qui pourrait faire modèle en matière de coopération réglementaire : un dialogue ouvert et transparent entre régulateurs.
Et maintenant ?
L’AECG a été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017 et par le Sénat canadien le 18 mai, permettant ainsi son application provisoire. La date en est maintenant connue, soit le 21 septembre 2017 (5), mais rien n’est encore joué. Il lui reste une dernière étape à franchir : sa ratification par les États membres de l’UE, un processus qui prendra encore des mois. L’avis donné, le 16 mai 2017, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la compétence exclusive ou non de l’Union vient néanmoins éclaircir le paysage. Saisie par la Commission à propos de l’accord UE-Singapour, la CJUE reconnaît la compétence de celle-ci sur tous les domaines couverts par l’accord, y compris l’investissement, à l’exception notable cependant de deux volets : les investissements étrangers autres que directs, autrement dit les investissements de portefeuille, et le régime de règlement des différends entre investisseurs et États. Et la Cour de conclure que « l’accord ne peut pas être conclu, en l’état, sans la participation des États membres ». La décision de la Cour ne va sans doute pas rassurer les partenaires commerciaux de l’UE, mais en même temps, le périlleux parcours traversé par l’AECG pour sa ratification aura permis de bonifier l’accord et de rapprocher davantage les préoccupations commerciales des préoccupations citoyennes. C’est un point aussi à considérer. Surtout si cet accord doit devenir un modèle !
Tout comme pour l’investissement, l’AECG ouvre la voie à ce qui pourrait faire modèle en matière de coopération réglementaire : un dialogue ouvert et transparent entre régulateurs.