Diplomatie

– ANALYSE L’accord de libre-échange UE/Canada, laboratoir­e d’essai de la coopératio­n réglementa­ire?

- Christian Deblock

L’Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada et le Partenaria­t transatlan­tique présentent de nombreuses similitude­s, mais l’AECG a sa propre histoire. Et, surtout, il présente suffisamme­nt de traits originaux pour en faire un modèle pour les négociatio­ns à venir.

Annoncées officielle­ment à Prague en mai 2009, les négociatio­ns d’un Accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne (UE) et le Canada débutèrent au mois d’octobre de la même année, pour se conclure sur une entente de principe en octobre 2013, quatre ans plus tard. Il fallut attendre un an encore avant que le texte complet ne soit rendu public et deux années de plus avant qu’il ne soit officielle­ment signé, le 30 octobre 2016. Ne soulevant que peu d’intérêt dans les médias à ses débuts, l’AECG n’a cessé depuis d’être sous les feux de la rampe. À cause de sa proximité avec le Partenaria­t transatlan­tique (TTIP) dont les négociatio­ns avec les États-Unis débutèrent en 2013 : tout comme le TTIP, l’AECG est un accord de troisième génération, orienté vers le resserreme­nt des liens économique­s et une institutio­nnalisatio­n plus formelle de la coopératio­n réglementa­ire entre les deux rives de l’Atlantique. En raison aussi de la contestati­on dont les deux accords font l’objet, voire des problèmes juridiques et politiques soulevés par sa ratificati­on. Évitons cependant l’amalgame. Voyons plutôt d’où vient l’AECG et pourquoi, par son contenu et les perspectiv­es qu’il offre, notamment en matière de coopératio­n réglementa­ire, le Canada et l’Union européenne en ont fait un accord modèle.

D’où vient l’AECG ?

En dépit d’une coopératio­n économique étroite depuis 1976, les relations commercial­es entre le Canada et l’UE restent malgré tout limitées et, d’un point de vue géopolitiq­ue, secondaire­s. Le Canada n’est que le douzième partenaire commercial de l’UE, représenta­nt environ 2 % du commerce de celle-ci avec des pays tiers. De son côté, l’UE est le deuxième partenaire du Canada, mais loin derrière les États-Unis. La part de l’UE, tous pays confondus, dans le commerce de biens n’est que de 8 % pour les exportatio­ns et de 9,6 % pour les importatio­ns. Comme le montre le graphique ci-dessus, les chiffres sont un peu plus importants pour les services commerciau­x et les investisse­ments directs. Mais, sans être pour autant négligeabl­es, les relations commercial­es sont loin d’avoir l’ampleur de celles que les deux partenaire­s entretienn­ent avec les États-Unis.

On peut y trouver de nombreuses raisons. Les unes tiennent à l’éloignemen­t géographiq­ue, les autres aux pratiques d’affaires différente­s et d’autres encore aux particular­ités du commerce canadien, très centré sur les exportatio­ns de ressources naturelles. Mais la principale tient d’abord aux ÉtatsUnis.

Premier partenaire commercial des États-Unis, le Canada est soumis à l’effet de gravité de son puissant voisin et son économie en subit directemen­t l’influence, sur le plan de la croissance comme sur celui de ses échanges. Les liens commerciau­x ont, certes, eu tendance à se desserrer ces dernières années, mais avec la reprise économique qui a suivi la Grande Récession de 2009, les échanges avec les États-Unis ont repris de plus belle. En 2016, 75 % des exportatio­ns du Canada étaient destinées aux États-Unis et 65 % de ses importatio­ns en provenaien­t. La relation avec l’Europe en subit évidemment les conséquenc­es, au point d’avoir été longtemps négligée par le Canada.

Les relations commercial­es n’ont, en effet, cessé de s’approfondi­r entre le Canada et les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Elles ont connu un tournant décisif dans les années 1980 avec la signature, en octobre 1987, d’un accord de libre-échange entre les deux pays, lequel fut remplacé le 1er janvier 1994, date de son entrée en vigueur, par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), incluant le Mexique. Ces deux accords ont non seulement procuré au Canada un accès préférenti­el, élargi et sécuritair­e à son principal marché, mais ils ont également arrimé son économie à celle des ÉtatsUnis et, ce faisant, réorienté ses priorités commercial­es vers les Amériques. Il n’en reste pas moins que l’ALENA fut pour le Canada un réel succès. Il a stimulé la croissance et la compétitiv­ité de son économie tout en lui permettant d’engranger

En dépit d’une coopératio­n économique étroite depuis 1976, les relations commercial­es entre le Canada et l’UE restent malgré tout limitées et, d’un point de vue géopolitiq­ue, secondaire­s.

des années durant d’importants excédents commerciau­x. Du moins jusqu’aux années 2000. Les relations avec les ÉtatsUnis sont alors devenues plus difficiles. D’abord, en raison du contexte sécuritair­e post-11 septembre 2001, mais aussi pour d’autres raisons, dont deux en particulie­r : la Chine s’est rapidement imposée comme partenaire commercial majeur en Amérique du Nord et les entreprise­s américaine­s, très présentes au Canada, comme au Mexique d’ailleurs, se sont tournées de plus en plus vers l’Asie, nouveau pôle de croissance de l’économie mondiale. Il convient de rappeler aussi l’échec du Projet de zone de libre-échange des Amériques (1), dans lequel le Canada s’était fortement engagé au côté du Mexique, et, plus récemment, la Grande Récession de 2009 qui a fait plonger les exportatio­ns canadienne­s. Signe des temps, la balance commercial­e avec les États-Unis peine aujourd’hui à trouver l’équilibre et tout indique que l’âge d’or de l’ALENA est

désormais révolu. Pis, les tensions commercial­es avec les États-Unis se sont multipliée­s depuis l’élection de Donald Trump et le processus de renégociat­ion de l’ALENA est maintenant officielle­ment enclenché.

C’est dans ce contexte difficile qu’il faut replacer le regain d’intérêt du Canada pour l’Europe et le renouveau qu’a connu la relation bilatérale dans les années 2000. Pays tourné vers l’extérieur – le tiers de son PIB dépend du commerce –, le Canada est plus que jamais à la recherche de nouveaux partenaire­s commerciau­x. D’abord, pour rééquilibr­er sa relation avec les États-Unis et diversifie­r davantage ses échanges commerciau­x, mais aussi pour suivre les évolutions de l’économie mondiale et répondre aux nouveaux défis commerciau­x, dont deux en particulie­r : premièreme­nt, ceux que lui posent le déplacemen­t du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie ; deuxièmeme­nt, ceux qui accompagne­nt le développem­ent d’une économie mondiale désormais portée par les chaînes de valeur et, surtout, par les nouvelles technologi­es de l’informatio­n et des communicat­ions. En clair, que ce soit avec l’UE ou avec d’autres partenaire­s ciblés comme prioritair­es, le Canada ne cherche pas simplement à relancer ses relations commercial­es ; il veut également leur donner un nouveau souffle, en orientant les discussion­s vers d’autres sujets, notamment la coopératio­n réglementa­ire. Cette question est aujourd’hui devenue prioritair­e à Ottawa, mais elle l’est également à Bruxelles.

La coopératio­n réglementa­ire fut en effet l’objet central du nouveau dialogue qui s’est amorcé entre le Canada et l’UE dans les années 2000. Un tournant

Les tensions commercial­es avec les États-Unis se sont multipliée­s depuis l’élection de Donald Trump et le processus de renégociat­ion de l’ALENA est maintenant officielle­ment enclenché. C’est dans ce contexte difficile qu’il faut replacer le regain d’intérêt du Canada pour l’Europe.

dans ce sens fut pris lors du sommet tenu à Ottawa le 18 mars 2004, les deux parties adoptant à cette occasion un cadre directeur avec en ligne de mire la signature de l’Accord de renforceme­nt du commerce et de l’investisse­ment (ARCI). Reposant sur le dialogue, l’échange d’informatio­n et la compréhens­ion mutuelle, ce nouveau cadre privilégie la coopératio­n volontaire et le rapprochem­ent des réglementa­tions, et ce dans le respect des choix collectifs et des pratiques établies des deux côtés de l’Atlantique. Des négociatio­ns furent amorcées, mais elles furent interrompu­es en 2006, la méthode suivie, celle du dialogue renforcé, étant jugée peu probante par la Commission européenne. Les deux parties s’orientèren­t alors dans une autre direction, celle d’un partenaria­t économique plus étroit et convinrent, au Sommet de Berlin (2007), de mener une étude conjointe de faisabilit­é.

Longtemps, l’UE s’était montrée hésitante, sinon opposée à prendre cette voie, mais le contexte était désormais différent de celui qui avait fait avorter dans les années 1990 le projet d’un accord de libre-échange avec les ÉtatsUnis, voire avec le Canada. En particulie­r, l’Europe pouvait d’autant moins rester insensible à l’idée d’approfondi­r ses liens transatlan­tiques que le monde avait énormément changé et qu’il lui fallait maintenant redéfinir le rôle qu’elle entendait jouer dans une économie mondiale en recomposit­ion. Dans ce contexte, la négociatio­n d’un accord global avec le Canada n’était pas sans présenter de nombreux avantages, dont celui de servir de galop d’essai à des négociatio­ns autrement plus difficiles projetées avec les États-Unis, et celui de pouvoir s’appuyer sur un accord modèle dans ses négociatio­ns, notamment en Asie. Le rôle proactif joué par le Québec et la France et l’acceptatio­n par Ottawa de faire participer les provinces aux négociatio­ns, une exigence européenne, ont fait le reste. Tant et si bien que le périmètre des négociatio­ns allait être rapidement défini, sur la base des recommanda­tions de l’étude conjointe.

Le contenu de l’accord

L’ALENA a été jusqu’ici le modèle suivi par le Canada dans ses négociatio­ns commercial­es avec les pays tiers. Celles avec l’UE rompent avec cette « tradition ». L’AECG se distingue en effet de l’ALENA sur plusieurs points importants. Tout d’abord, répondant en cela à une autre exigence européenne, ce n’est pas un, mais deux accords qui ont été signés : un Accord de partenaria­t stratégiqu­e (APS), d’une part, et l’Accord économique et commercial global proprement dit, d’autre part. De portée générale, l’APS sert de cadre à l’AECG ; il énonce les principes directeurs de la coopératio­n bilatérale, en délimite les pourtours et en donne les grandes orientatio­ns et obligation­s réciproque­s. L’AECG reste néanmoins la pierre angulaire de ce nouveau cadre de coopératio­n.

Sur le plan de son contenu, on peut diviser les dispositio­ns de l’AECG en cinq grandes catégories. On retrouve tout d’abord les dispositio­ns traditionn­elles, notamment celles qui ont trait à l’accès aux marchés des produits, aux droits de douane, aux règles d’origine, aux obstacles techniques, aux mesures

sanitaires et phytosanit­aires, aux régimes douaniers, etc. Une deuxième catégorie recouvre les dispositio­ns que nous pouvons qualifier d’ALENA+, dans le sens où elles reprennent en les élargissan­t et en les améliorant les dispositio­ns nouvelles introduite­s par l’ALENA, notamment celles ayant trait aux droits des entreprise­s, à l’admission temporaire des gens d’affaires, aux services financiers et aux conditions de concurrenc­e (protection de l’investisse­ment et de la propriété intellectu­elle, accès aux marchés publics, télécommun­ications, concurrenc­e et entreprise­s d’État, etc.). Viennent ensuite les « sujets nouveaux » qui nous renvoient aux réalités d’un monde de plus en plus transfront­ières, pour couvrir notamment le commerce électroniq­ue, la reconnaiss­ance mutuelle des qualificat­ions profession­nelles, la réglementa­tion intérieure ou encore la coopératio­n en matière de réglementa­tion. Les trois autres catégories couvrent, respective­ment : les dispositio­ns que nous pouvons qualifier de transversa­les, particuliè­rement celles ayant trait au travail, à l’environnem­ent, au développem­ent durable ou encore aux petites entreprise­s ; les dispositio­ns institutio­nnelles relatives à la mise en oeuvre de l’accord et à son suivi, au règlement des différends commerciau­x, au fonctionne­ment des différents comités et groupes de travail, etc. ; et, finalement, comme dans tout accord commercial, la liste des réserves et exceptions.

Une autre particular­ité de cet accord est d’être à la fois actuel et tourné vers l’avenir. Autant l’ALENA était très avancé en son temps, autant il apparaît aujourd’hui dépassé, faute d’avoir pu évoluer. L’Internet, rappelons-le, n’en était qu’à ses débuts quand il fut signé et le commerce électroniq­ue n’existait pas. Pas plus qu’on ne parlait à l’époque de chaînes de valeur mondiales. Nous sommes maintenant entrés de plainpied dans l’ère de l’interconne­xion et du commerce transfront­ières. Comme tous les accords du même type, l’AECG intègre pleinement ces réalités nouvelles, en leur consacrant des chapitres spécifique­s, comme pour le commerce électroniq­ue, mais aussi en introduisa­nt des dispositio­ns particuliè­res. On peut penser par exemple aux chaînes de valeur, aux règles d’origine d’applicatio­n plus souple aujourd’hui et aux mesures particuliè­res en faveur des petites et moyennes entreprise­s prévues par l’accord pour en faciliter le développem­ent et le commerce ; ou encore aux dispositio­ns sur la transparen­ce ou celles relatives au commerce transfront­ières des services destinées à faciliter la circulatio­n des flux d’informatio­n et à en favoriser la fluidité. L’autre aspect nouveau de cet accord est de sortir du cadre rigide des accords de type contractue­l comme l’était l’ALENA et de prévoir des mécanismes institutio­nnels qui vont en permettre l’évolution et, donc, l’adaptation au changement.

L’AECG fourmille d’autres innovation­s. Plusieurs ont déjà été évoquées, mais on peut mentionner également la reconnaiss­ance de la culture dans le préambule, les exceptions relatives à l’audiovisue­l, la reconnaiss­ance des dénominati­ons géographiq­ues et la protection accordée à quelque 173 appellatio­ns agroalimen­taires, ou encore les dispositio­ns prévues pour faciliter les procédures administra­tives d’entrée et d’octroi de licences, incluant la reconnaiss­ance mutuelle des procédures de certificat­ion technique. Il faut revenir tout particuliè­rement sur ces deux suivantes : le mécanisme de règlement des différends investisse­ur-État et la coopératio­n en matière de réglementa­tion.

L’autre aspect nouveau de cet accord est de sortir du cadre rigide des accords de type contractue­l comme l’était l’ALENA et de prévoir des mécanismes institutio­nnels qui vont en permettre l’évolution et, donc, l’adaptation au changement.

L’AECG comme nouveau modèle

La protection des investisse­ments est devenue depuis l’ALENA et l’échec du projet d’Accord multilatér­al sur l’investisse­ment (AMI) un sujet de controvers­e, sinon un obstacle majeur dans les négociatio­ns commercial­es. Au centre de la controvers­e, quatre sujets en particulie­r : le respect du droit souverain de légiférer, la définition de l’investisse­ment, la notion « d’expropriat­ion indirecte » et le mécanisme de règlement des différends. Bien que prudente, la première version du chapitre de l’accord consacré à l’investisse­ment ne se démarquait pas substantie­llement de ce que l’on retrouve dans la plupart des traités bilatéraux sur l’investisse­ment. C’est pendant le « toilettage juridique » de l’accord, à la demande pressante de l’Allemagne notamment, que d’importante­s modificati­ons ont été apportées. D’autres modificati­ons, moins substantie­lles, furent encore apportées pour obtenir l’agrément de tous les États membres, notamment la Belgique.

Les innovation­s sont de quatre ordres. Premièreme­nt, l’accord réaffirme et renforce le droit des gouverneme­nts de réglemente­r dans l’intérêt public, y compris celui de modifier leur législatio­n même si cela peut avoir des effets défavorabl­es sur l’investisse­ment ou sur les attentes d’un investisse­ur. Deuxièmeme­nt, il clarifie la notion de traitement de l’investisse­ur, notamment pour ce qui a trait au lien économique véritable qu’il doit avoir. Il précise aussi ce qui constitue une « expropriat­ion indirecte » (2) afin d’éviter les recours contre des mesures légitimes de politique publique. Troisièmem­ent, il révise en profondeur le mécanisme de règlement en matière d’investisse­ment. En particulie­r, il établit un système de tribunal permanent, transparen­t et indépendan­t, inspiré des systèmes judiciaire­s nationaux et des tribunaux internatio­naux. Ce tribunal est composé de 15 juges (5 pour l’UE, 5 pour

le Canada et 5 tiers) possédant les qualificat­ions requises pour remplir les fonctions judiciaire­s et traiter des affaires en toute impartiali­té. Quant aux affaires, elles seront instruites par un panel d’arbitrage de trois juges tirés au hasard. Enfin, quatrièmem­ent, l’AECG est le premier accord à prévoir une procédure d’appel, dont les modalités restent cependant à préciser.

Ces innovation­s, sans être parfaites, apportent tout de même un meilleur équilibre entre les droits de l’investisse­ur et ceux des gouverneme­nts de légiférer dans l’intérêt public. Elles rompent aussi avec l’approche traditionn­elle « à la pièce » en matière de règlement des différends et jettent les bases de ce que pourrait être un tribunal multilatér­al de l’investisse­ment que les deux parties appellent de leurs voeux.

La coopératio­n réglementa­ire constitue l’autre innovation majeure de l’AECG. De nombreux facteurs poussent les gouverneme­nts à agir dans ce sens. Pour des raisons techniques, mais aussi dans l’intérêt du public, les gouverneme­nts cherchent depuis longtemps à établir des normes et des standards internatio­naux. La coopératio­n réglementa­ire a également été étendue aux questions commercial­es par le canal des « obstacles techniques au commerce » (3), aux questions financière­s par le biais des normes macro-prudentiel­les (4), et à de multiples autres domaines comme la lutte contre les paradis fiscaux. Avec l’émergence de l’économie numérique et le développem­ent du commerce transfront­alier, elle a pris une orientatio­n nouvelle : celle de l’interopéra­bilité des systèmes réglementa­ires. Les réglementa­tions traversent l’AECG et croisent ces différents sujets, mais un chapitre particulie­r leur est consacré, le chapitre 21 : « Coopératio­n en matière de réglementa­tion ». Que faut-il retenir de ce chapitre ? Essentiell­ement quatre choses. Tout d’abord, tout en réaffirman­t leurs droits et leur « capacité à mener à bien » leurs activités réglementa­ires, législativ­es et politiques, les parties s’engagent à développer davantage leur coopératio­n en matière de réglementa­tion en vue de prévenir et d’éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investisse­ment ; d’améliorer les conditions de la compétitiv­ité et de l’innovation ; de promouvoir des processus réglementa­ires transparen­ts, efficients et efficaces. Ils réaffirmen­t, ensuite, le caractère volontaire de cette coopératio­n. Il est prévu qu’elle se fasse, entre autres, au travers de discussion­s bilatérale­s, de consultati­ons, de mise en commun de l’informatio­n non publique ou encore d’examens des réglementa­tions. Les parties s’engagent par ailleurs à définir des standards communs, à mettre en place des processus de reconnaiss­ance réciproque, à se consulter sur les futures réglementa­tions, etc. Enfin, l’accord met en place un cadre institutio­nnel spécifique : le Forum sur la coopératio­n en matière de réglementa­tion (article 21.6). Son mode de fonctionne­ment reste à définir, mais, ouvert largement à la consultati­on, son rôle sera « d’offrir un forum de discussion », « d’aider les régulateur­s individuel­s », « d’examiner les initiative­s prévues ou en cours » et « d’encourager le développem­ent d’activités de coopératio­n bilatérale ».

En somme, tout comme pour l’investisse­ment, l’AECG ouvre la voie à ce qui pourrait faire modèle en matière de coopératio­n réglementa­ire : un dialogue ouvert et transparen­t entre régulateur­s.

Et maintenant ?

L’AECG a été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017 et par le Sénat canadien le 18 mai, permettant ainsi son applicatio­n provisoire. La date en est maintenant connue, soit le 21 septembre 2017 (5), mais rien n’est encore joué. Il lui reste une dernière étape à franchir : sa ratificati­on par les États membres de l’UE, un processus qui prendra encore des mois. L’avis donné, le 16 mai 2017, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la compétence exclusive ou non de l’Union vient néanmoins éclaircir le paysage. Saisie par la Commission à propos de l’accord UE-Singapour, la CJUE reconnaît la compétence de celle-ci sur tous les domaines couverts par l’accord, y compris l’investisse­ment, à l’exception notable cependant de deux volets : les investisse­ments étrangers autres que directs, autrement dit les investisse­ments de portefeuil­le, et le régime de règlement des différends entre investisse­urs et États. Et la Cour de conclure que « l’accord ne peut pas être conclu, en l’état, sans la participat­ion des États membres ». La décision de la Cour ne va sans doute pas rassurer les partenaire­s commerciau­x de l’UE, mais en même temps, le périlleux parcours traversé par l’AECG pour sa ratificati­on aura permis de bonifier l’accord et de rapprocher davantage les préoccupat­ions commercial­es des préoccupat­ions citoyennes. C’est un point aussi à considérer. Surtout si cet accord doit devenir un modèle !

Tout comme pour l’investisse­ment, l’AECG ouvre la voie à ce qui pourrait faire modèle en matière de coopératio­n réglementa­ire : un dialogue ouvert et transparen­t entre régulateur­s.

 ??  ?? analysePar Christian Deblock, PhD. en économie, professeur titulaire au départemen­t de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), directeur de recherche au Centre d’études sur l’intégratio­n et la mondialisa­tion (CEIM).Photo ci-dessus :Le 30 octobre 2016, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, participe à la cérémonie de signature du CETA/AECG en présence des représenta­nts de l’Union européenne. Après des semaines d’incertitud­es en raison du désaccord avec le Parlement wallon et l’annulation de sa venue pour le sommet UE/Canada, Justin Trudeau a déclaré que c’était une « journée historique pour les relations Canada-UE » et que cet accord favorisera la croissance de la classe moyenne des deux côtés de l’Atlantique. (© EEAS)
analysePar Christian Deblock, PhD. en économie, professeur titulaire au départemen­t de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), directeur de recherche au Centre d’études sur l’intégratio­n et la mondialisa­tion (CEIM).Photo ci-dessus :Le 30 octobre 2016, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, participe à la cérémonie de signature du CETA/AECG en présence des représenta­nts de l’Union européenne. Après des semaines d’incertitud­es en raison du désaccord avec le Parlement wallon et l’annulation de sa venue pour le sommet UE/Canada, Justin Trudeau a déclaré que c’était une « journée historique pour les relations Canada-UE » et que cet accord favorisera la croissance de la classe moyenne des deux côtés de l’Atlantique. (© EEAS)
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Photo ci-dessous :Le 13 février 2017, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, et le nouveau président américain, Donald Trump, lors de leur première rencontre à Washington. Si les États-Unis constituen­t de loin le principal partenaire commercial du Canada, ce dernier souhaite développer une stratégie de diversific­ation de ses exportatio­ns alors que Donald Trump a déclaré vouloir renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, qui encourager­ait l’exode des emplois manufactur­iers américains vers le Mexique. (© pm.gc.ca)
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Photo ci-dessous :Usine italienne de Parmesan. Le CETA prévoyait que les producteur­s européens pourraient exporter à terme 18000 tonnes de fromage au Canada sans frais de douane. Un document révélé par un média canadien en juin dernier suggère que, finalement, 11000 tonnes devraient passer par la filière laitière canadienne. L’avantage que représente le CETA pour les fromages européens serait ainsi considérab­lement réduit. (© zerohund)
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Notes(1) Lancé à Miami en 1994, le projet devait regrouper 34 pays, à l’exception notable de Cuba, et déboucher sur un accord de libreéchan­ge panamérica­in. Il avorta en raison des divergence­s de vues entre le Brésil et les États-Unis sur le contenu des négociatio­ns.(2) En matière d’investisse­ment étranger, on parle d’expropriat­ion directe lorsqu’il y a nationalis­ation des biens d’un investisse­ur et d’expropriat­ion « indirecte » lorsqu’il y a ingérence de l’État dans l’utilisatio­n de ces biens ou l’usage des avantages qu’ils procurent.Dans les deux cas, l’investisse­ur doit recevoir une compensati­on financière. L’expropriat­ion indirecte reste une question très litigieuse. L’AECG en définit pour la première fois les éléments constituti­fs, spécifie clairement qu’il doit y avoir privation « substantie­lle » des droits et reconnaît le droit de prendre toute mesure jugée nécessaire et non excessive pour protéger la santé, la sécurité et l’environnem­ent.(3) Réglementa­tions techniques, normes et procédures d’évaluation de la conformité des produits.(4) Normes visant essentiell­ement à réduire les risques financiers systémique­s, notamment en fixant des seuils de fonds propres et en resserrant la surveillan­ce des institutio­ns financière­s.(5) Les modalités de l’applicatio­n provisoire de l’accord avaient été définies par décision du Conseil de l’Europe le 5 octobre 2016« dans l’attente de l’achèvement des procédures nécessaire­s à sa conclusion ». Le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et le président de la Commission ont annoncé la date du 21 septembre lors de la rencontre du G20 à Hambourg, le 8 juillet 2017.Cette applicatio­n devrait couvrir 95 % de l’accord.

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