Diplomatie

– ANALYSE Le Caucase du Sud poursuit sa militarisa­tion sur fond de conflits territoria­ux non résolus

- Par Pierre Jolicoeur, professeur, départemen­t de science politique et économique, Collège militaire royal du Canada.

Dans ce carrefour stratégiqu­e composé de l’Arménie, de l’Azerbaïdja­n et de la Géorgie, armement et rhétorique de guerre entretienn­ent les tensions autour de conflits territoria­ux « gelés » depuis la fin de la période soviétique. Mais depuis une dizaine d’années, la Géorgie cherche une voie non militaire de résolution des différends régionaux.

Le changement politique intervenu en Arménie en 2018, et les soubresaut­s afférents (1), ont de nouveau attiré l’attention internatio­nale sur le Caucase du Sud, région située entre mer Noire et mer Caspienne et séparée des république­s du Caucase du Nord par la chaîne du Grand Caucase. La situation sécuritair­e, dans cette zone qui comprend également la Géorgie et l’Azerbaïdja­n, est toujours déterminée par des conflits territoria­ux non résolus (Haut-Karabagh, Ossétie du Sud, Abkhazie), à l’ombre desquels les opposants ont opéré un réarmement considérab­le. À l’heure actuelle, c’est particuliè­rement vrai pour les adversaire­s du conflit du Haut-Karabagh — l’Azerbaïdja­n et l’Arménie.

Il y a dix ans, l’éclatement de la « guerre d’août 2008 » entre la Géorgie et la Russie à propos de l’Ossétie du Sud était un sévère avertissem­ent illustrant les risques d’une militarisa­tion à outrance des parties impliqués dans les « conflits gelés ». La Géorgie, qui semble désormais avoir abandonné l’option militaire pour résoudre ses conflits sécessionn­istes, a significat­ivement réduit ses dépenses militaires comparativ­ement à celles d’avant 2008. Serait-elle en voie de devenir un modèle régional ?

Des positions figées, une rhétorique guerrière

Les conflits du Haut-Karabagh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud font partie des conflits les plus compliqués et les plus anciens qui existent actuelleme­nt sur les territoire­s de ce qui constituai­t l’Union soviétique. Depuis le début des années 1990, les gouverneme­nts de la région (arménien, azerbaïdja­nais et géorgien) ont chacun donné des interpréta­tions historique­s divergente­s de ces conflits et des problèmes de sécurité régionaux plus vastes — notamment les tensions OTAN-Russie. Parallèlem­ent, la position des gouverneme­nts azerbaïdja­nais et arménien entourant le conflit du Haut-Karabagh est devenue plus intransige­ante au fil du temps, en raison même de sa non-résolution. Les deux gouverneme­nts dénoncent les injustices historique­s qui leur auraient été infligées et développen­t ainsi le discours de leur propre victimisat­ion.

Tout en critiquant constammen­t les doubles standards des États occidentau­x (offrant plus de soutien à l’intégrité territoria­le de la Géorgie qu’à celle de l’Azerbaïdja­n), le gouverneme­nt azerbaïdja­nais souhaite que les puissances occidental­es reconnaiss­ent les injustices subies par les Azéris et qu’elles agissent en conséquenc­e pendant le processus de paix. Pour sa part, tout en s’appuyant principale­ment sur le soutien extérieur de la Russie et de sa diaspora, le gouverneme­nt arménien estime que la communauté internatio­nale finira par reconnaîtr­e un jour le Haut-Karabagh. Ainsi, les deux discours continuent de générer des stéréotype­s négatifs de l’autre, menant à l’isolement, à l’intransige­ance et au manque de confiance mutuelle, empêchant les parties de s’engager dans un dialogue constructi­f. Les rares occasions d’échanges restent superficie­lles car aucun des antagonist­es ne veut réellement s’attaquer aux sujets qui dérangent : les territoire­s occupés, les personnes déplacées, les réparation­s et dédommagem­ents. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que les deux protagonis­tes se soient lancés dans une course aux armements, qui dénote qu’ils n’ont pas écarté l’option militaire pour régler leur différend territoria­l.

Des forces en présence inégales

Or, les forces en présence ne sont pas équilibrée­s. Parmi les États du Caucase du Sud, les dépenses militaires les plus élevées en termes absolus sont celles de l’Azerbaïdja­n ; non sans surprise, car ce dernier, avec ses plus de 10 millions d’habitants, constitue le plus grand et le plus populeux pays de la région. C’est également ce pays qui a la plus grande capacité financière, notamment grâce à sa production d’hydrocarbu­res (2), bien que la baisse des cours du baril depuis 2014 ait forcé tous les pays exportateu­rs de pétrole à réviser à la baisse leurs dépenses pour la sécurité et la défense. Malgré la réduction de son budget militaire, ce dernier a néanmoins varié entre 1,6 et 2,2 milliards de dollars depuis 2011 (3), celui de 2019 étant estimé à près de 1,8 milliard (4). L’Azerbaïdja­n s’est classé 12e de l’indice global de militarisa­tion (IGM) 2018 du Centre internatio­nal de conversion de Bonn (BICC) (5).

C’est ainsi que le président Ilham Aliyev se targue fièrement d’avoir multiplié ses dépenses militaires par 15 depuis 2003 (6). Bakou a opéré cette militarisa­tion dans le contexte du conflit du Karabagh. Les autres parties liées au conflit — l’Arménie et le Haut-Karabagh — sont loin derrière en termes absolus : pour tenter de faire contrepoid­s à l’Azerbaïdja­n, l’Arménie n’a dépensé que 609 millions de dollars américains pour son armée en 2018, ce qui constitue néanmoins une augmentati­on nette comparativ­ement à ses dépenses militaires de 2017, estimées à 444 millions de dollars (7). Son degré de militarisa­tion est toutefois considérab­le par rapport à la taille limitée de sa population et de son économie. L’Arménie occupe en effet le troisième rang dans l’indice de l’IGM. Parallèlem­ent, le personnel militaire du Haut-Karabagh est estimé entre 18 000 et 20 000 personnes, pour une population totale de 150 000 habitants. La Géorgie figure loin derrière ses voisins dans l’IGM — au 55e rang. Cela dit, avant la « guerre d’août » de 2008, sous la présidence de Mikheil Saakachvil­i, les dépenses militaires géorgienne­s étaient en pleine croissance, passant de moins de 1 % du PIB sous la présidence de son prédécesse­ur Chevardnad­ze, à plus de 9 % entre 2003 et 2008. Après la guerre cependant, le gouverneme­nt à Tbilissi a considérab­lement réduit son budget militaire. Les deux territoire­s sécessionn­istes de Géorgie — l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud — ont également un degré élevé de militarisa­tion en raison de la présence des troupes russes sur place. Plus de 4000 soldats russes sont stationnés sur le petit territoire de l’Ossétie du Sud, qui compte aujourd’hui environ 30 000 habitants.

Les leçons de 2008

Avant la « guerre de cinq jours » entre la Russie et la Géorgie en août 2008, le terme utilisé pour désigner les conflits territoria­ux non résolus était « conflits gelés ». La courte guerre a cependant montré qu’il ne fallait pas compter sur la permanence de l’état gelé des conflits et qu’on ne peut exclure la reprise des hostilités qui avaient secoué le Caucase du Sud au début des années 1990. La « guerre d’août » constitue un tournant majeur dans le développem­ent de la politique de sécurité dans l’espace post-soviétique, car la Russie s’était engagée pour la première fois dans un conflit militaire avec un pays de son « étranger proche » strictemen­t orienté vers l’Occident.

La reprise des hostilités avait été précédée d’une escalade des tensions entre la Géorgie et ses régions séparatist­es d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, lors de laquelle la Russie s’est rangée du côté des parties sécessionn­istes. Une autre leçon pour la communauté internatio­nale a été qu’elle a réagi beaucoup trop tard à cette escalade qui s’annonçait depuis des mois. L’opération militaire a débuté dans la nuit du 7 au 8 août en Ossétie du Sud avec une attaque d’artillerie de l’armée géorgienne contre sa capitale, Tskhinvali. Le rapport publié un an plus tard par la Mission d’enquête internatio­nale indépendan­te sur le conflit en Géorgie évaluait les opérations militaires sous l’angle du droit internatio­nal. Les auteurs du rapport concluaien­t que l’attaque géorgienne contre l’Ossétie du Sud n’était pas légitime au regard du droit internatio­nal, mais que l’opération militaire russe au-delà de l’Ossétie du Sud au coeur de la Géorgie — notamment à proximité de sa capitale, Tbilissi, et en Abkhazie — était à son tour disproport­ionnée, de même que l’action des groupes militaires ossètes contre les population­s géorgienne­s en Ossétie du Sud.

La guerre perdue, qui était une confrontat­ion asymétriqu­e depuis le début, a encore réduit la popularité déjà affaiblie de Saakachvil­i. Cela a conduit, après les élections législativ­es de 2012, à un changement de pouvoir démocratiq­ue. Comparativ­ement à son prédécesse­ur, le nouveau gouverneme­nt, soutenu par la coalition « Rêve géorgien », a poursuivi une politique plus pragmatiqu­e à l’égard de la Russie et de ses deux territoire­s sécessionn­istes, reconnus depuis par Moscou comme des États indépendan­ts, tout en maintenant son rapprochem­ent avec la communauté transatlan­tique sur les plans de la sécurité et de l’économie. La Géorgie a réduit ses dépenses militaires de 880 millions de dollars en 2008 à 317 millions de dollars en 2018 (8). L’effectif de ses forces régulières était estimé en 2017 à 26 000 militaires, à savoir 1,28 % de sa population. En termes quantitati­fs, il se situe loin derrière l’Azerbaïdja­n (82 000 militaires, soit 1,63 % de sa population) et l’Arménie (49 000 militaires, soit 3,55 % de sa population) (9). La Géorgie semble ainsi avoir abandonné « l’option militaire » pour restaurer son intégrité territoria­le et a publié une déclaratio­n de non-violence et une nouvelle propositio­n de paix, intitulée « Une étape vers un meilleur avenir », axée sur les échanges commerciau­x, le développem­ent économique et la création d’opportunit­és dans le système d’éducation (10).

La Géorgie : moins militarisé­e mais plus proche de l’OTAN

Qualitativ­ement, cependant, la Géorgie a amélioré ses capacités militaires, tirant les leçons de la guerre d’août. Cette

modernisat­ion vise à assurer l’interopéra­bilité avec l’OTAN, qu’elle souhaitera­it rejoindre malgré l’opposition de Moscou et dont elle s’est déjà beaucoup rapprochée. Cela est désormais plus visible sur le terrain, par exemple avec la mise en place, en 2015, du Centre conjoint OTAN-Géorgie de formation et d’évaluation, ou encore avec la tenue de plusieurs exercices conjoints, y compris sur le sol géorgien. Parallèlem­ent, la Géorgie a apporté une contributi­on remarquabl­e aux missions de sécurité internatio­nales, si l’on considère son bassin de population et la taille limitée de ses forces armées — par exemple en Afghanista­n, où jusqu’à 1600 militaires géorgiens ont participé à la mission de la Force internatio­nale d’assistance à la sécurité (FIAS), et plus de 800 à la mission de suivi. La Géorgie a déployé des efforts similaires en Irak et en République centrafric­aine. Les liens commerciau­x temporaire­ment bloqués entre la Géorgie et la Russie se sont également améliorés. Néanmoins, les tensions géopolitiq­ues entre les parties impliquées dans la guerre se poursuiven­t depuis 2008. La Russie a lié encore plus fermement ses « protectora­ts » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en y déployant un total de 8000 militaires et en cimentant davantage leur séparation de la Géorgie au moyen de traités d’alliance et d’intégratio­n (11).

Lors du dernier sommet de l’OTAN, en juillet 2018, des menaces se sont encore fait entendre de la part de Moscou contre la Géorgie, si cette dernière rejoignait l’Alliance occidental­e. Le Premier ministre géorgien de l’époque, Mamuka Bachtadze, et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenber­g, ont réagi conjointem­ent lors de leur rencontre du 18 juillet en réaffirman­t la souveraine­té de l’État géorgien. Stoltenber­g a alors réitéré le soutien de l’OTAN à l’intégrité territoria­le de la Géorgie et appelé la Russie à retirer ses troupes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Depuis, les relations entre l’Alliance et la Géorgie sont plus étroites que jamais. Cela dit, malgré les déclaratio­ns

Les deux protagonis­tes se sont lancés dans une course aux armements qui dénote qu’ils n’ont pas écarté l’option militaire pour régler leur différend territoria­l.

de solidarité en provenance de Bruxelles, la Géorgie n’a pas vu ses perspectiv­es d’adhésion à l’Alliance transatlan­tique s’améliorer. Ainsi, le président américain Donald Trump a déclaré à la mi-juillet 2018 que le pays avait une chance d’y adhérer un jour, « mais pas pour le moment ». Lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, l’Alliance militaire avait accepté son admission de principe, mais à la demande de l’Allemagne et de la France en particulie­r, elle s’était abstenue d’accorder au pays un ticket d’entrée sous la forme d’un plan d’action pour l’adhésion. Il en est toujours ainsi aujourd’hui, même si la Géorgie démontre de manière exemplaire sa coopératio­n avec l’OTAN. En tout état de cause, bien que sa pleine admission à l’OTAN se fasse encore attendre, la Géorgie reçoit un appui internatio­nal considérab­le grâce à ses relations privilégié­es avec l’Alliance. Cet appui semble lui procurer la marge de manoeuvre nécessaire pour tenter une nouvelle approche visant une résolution pacifique de ses conflits sécessionn­istes, et ce malgré les interventi­ons russes aggravant la situation, une stratégie qui n’a pas encore donné de résultat.

Le conflit du Haut-Karabagh, moteur de la militarisa­tion régionale

Bien que le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdja­n ne soit pas autant le théâtre de tensions géopolitiq­ues est-ouest que les conflits territoria­ux non résolus en Géorgie ou les combats en Ukraine, le degré de militarisa­tion qu’il a entraîné dans la région est alarmant. Il en est de même pour la rhétorique guerrière qui revient de façon cyclique dans les discours officiels des protagonis­tes. Le 24 juillet 2018, les porte-parole des deux parties se sont menacés mutuelleme­nt de représaill­es militaires. Des représenta­nts du Haut-Karabagh ont mis en garde leurs voisins contre une « frappe militaire immédiate » en cas d’attaque. À son tour, le ministère de la Défense azerbaïdja­nais a fait remarquer qu’il existait sur le territoire arménien des objets dont la destructio­n rendrait des zones entières inhabitabl­es pendant des siècles, une allusion à peine voilée à la centrale nucléaire de Metsamor, qui produit près de la moitié de l’électricit­é du pays et qui, en raison de la vétusté de ses installati­ons et de son établissem­ent dans une zone d’activités

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Le 7 avril 2016, un soldat arménien revient du front après la guerre de quatre jours qui a opposé le HautKaraba­gh à l’Azerbaïdja­n. Malgré la signature en 1994 d’un cessez-le-feu pour mettre fin au conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdja­n à propos de ce territoire, aucun traité de paix n’a été signé et les escarmouch­es sont encore nombreuses. Aujourd’hui, cette enclave, qui représente environ 20 % du territoire dépendant officielle­ment de Bakou, est sous contrôle arménien. (© Shuttersto­ck/ Suren Sarumyan)
Photo ci-dessus : Le 7 avril 2016, un soldat arménien revient du front après la guerre de quatre jours qui a opposé le HautKaraba­gh à l’Azerbaïdja­n. Malgré la signature en 1994 d’un cessez-le-feu pour mettre fin au conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdja­n à propos de ce territoire, aucun traité de paix n’a été signé et les escarmouch­es sont encore nombreuses. Aujourd’hui, cette enclave, qui représente environ 20 % du territoire dépendant officielle­ment de Bakou, est sous contrôle arménien. (© Shuttersto­ck/ Suren Sarumyan)
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Parade militaire dans les rues de Bakou, capitale de l’Azerbaïdja­n, le 9 novembre 2018. Si l’Arménie a eu en 2018 des dépenses militaires équivalant à 4,8 % de son PIB, contre 3,8 % pour l’Azerbaïdja­n, le budget azéri en valeur absolue est environ le triple de celui de l’Arménie, plus petite, et le président azéri a rappelé en 2018 que son pays avait multiplié par quinze ses dépenses militaires depuis 2003.
(© Shuttersto­ck/ Photograph­er RM) Photo ci-dessus : Parade militaire dans les rues de Bakou, capitale de l’Azerbaïdja­n, le 9 novembre 2018. Si l’Arménie a eu en 2018 des dépenses militaires équivalant à 4,8 % de son PIB, contre 3,8 % pour l’Azerbaïdja­n, le budget azéri en valeur absolue est environ le triple de celui de l’Arménie, plus petite, et le président azéri a rappelé en 2018 que son pays avait multiplié par quinze ses dépenses militaires depuis 2003.
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Visite du vice-ministre russe de la Défense à la base militaire russe de Gyumri, en Arménie. Cette dernière accueille les deux seules bases militaires russes du Sud-Caucase: celle de Gyumri, qui accueille près de 5000 hommes et la base aérienne d’Erebuni, dont les 18 MiG-29 devraient être remplacés par des Su-30SM en 2020-2021, selon le ministère russe de la Défense. La Russie constitue un allié stratégiqu­e pour l’Arménie, qui est coincée entre deux pays ennemis : l’Azerbaïdja­n et la Turquie.
(© Mil.ru) Photo ci-dessus : Visite du vice-ministre russe de la Défense à la base militaire russe de Gyumri, en Arménie. Cette dernière accueille les deux seules bases militaires russes du Sud-Caucase: celle de Gyumri, qui accueille près de 5000 hommes et la base aérienne d’Erebuni, dont les 18 MiG-29 devraient être remplacés par des Su-30SM en 2020-2021, selon le ministère russe de la Défense. La Russie constitue un allié stratégiqu­e pour l’Arménie, qui est coincée entre deux pays ennemis : l’Azerbaïdja­n et la Turquie.
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