– ANALYSE La Tchétchénie de Kadyrov : une menace à l’équilibre régional au Caucase du Nord ?
Fort de l’appui de Poutine et de sa propre puissance régionale, Ramzan Kadyrov n’hésite pas à faire valoir des revendications territoriales envers deux républiques russes voisines — l’Ingouchie et le Daghestan —, générant de nouvelles sources de tensions régionales à grand potentiel déstabilisateur.
En plus de dix ans de règne sur la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov a largement réussi à pacifier et à reconstruire la république tchétchène. Or, ce faisant, il a transformé l’ancienne entité dissidente en une enclave totalitaire, gouvernée par la répression et la peur. Sa loyauté envers le Kremlin garantit à Kadyrov et son entourage l’impunité et des avantages économiques importants, ainsi qu’un statut particulier pour la Tchétchénie au sein de la Fédération de Russie. Toutefois, ce statut dépend des relations privilégiées et hautement personnalisées entre le président russe, Vladimir Poutine, et Ramzan Kadyrov, de sorte que tout changement du statu quo au Kremlin risque de déséquilibrer les relations russo-tchétchènes. Reste à savoir jusqu’à quel point Poutine tolèrera la mégalomanie de son jeune et turbulent protégé tchétchène.
Le « kadyrovisme », une ode au « poutinisme »
En 1991, la Tchétchénie — une république fédérée à majorité musulmane du Nord du Caucase — a déclaré son indépendance de fait et a mené par la suite deux guerres dévastatrices contre la Russie (1993-1996 et 1999-2009). La dernière d’entre elles, officiellement qualifiée d’« opération
antiterroriste » par Moscou, s’est achevée en 2009. À cette époque, la Tchétchénie était déjà sous la férule de l’actuel dirigeant, Ramzan Kadyrov, fils de feu Akhmad Kadyrov. Ce dernier, un clerc soufi et mufti de la Tchétchénie qui soutenait les forces séparatistes, avait changé d’allégeance et soutenu les troupes russes à partir de 1999. Après la mort d’Akhmad Kadyrov lors de l’explosion d’une bombe au cours du défilé du Jour de la Victoire le 9 mai 2004, son fils a pris sa succession.
Ramzan Kadyrov, âgé aujourd’hui de 43 ans, dirige la Tchétchénie depuis plus de dix ans. Il a fait de sa république fédérée un « État dans l’État » au sein de la Russie, dotée de ses propres lois, d’une économie parallèle, d’une politique étrangère et de services de sécurité sous contrôle local. Aujourd’hui, alors que la Fédération de Russie est pratiquement devenue un État unitaire de facto et extrêmement centralisé, le dirigeant tchétchène jouit d’une autonomie sans égale, plus grande que tout autre dirigeant régional russe. Cependant, il n’y a guère d’autre dirigeant régional en Russie dont la survie politique et physique dépende, autant que celle de Kadyrov, du pouvoir à Moscou, et plus précisément
Kadyrov offre sa loyauté indéfectible au président russe.
de la personne de Vladimir Poutine. En fait, Kadyrov compte de nombreux ennemis parmi les Tchétchènes, les politiciens fédéraux russes et les services de sécurité fédéraux. N’ayant jamais été élu lors d’élections libres et équitables, il manque complètement de légitimité. Sachant que sa position politique et économique privilégiée actuelle et l’impunité de son régime reposent entièrement sur la bonne volonté de Poutine, Kadyrov offre, en contrepartie, sa loyauté indéfectible au président russe.
Les expressions de loyauté du dirigeant tchétchène incluent notamment des manipulations électorales, telles que la fourniture de votes tchétchènes au parti Russie unie de Vladimir Poutine. Lors des élections présidentielles de 2012, la Tchétchénie a attribué 99,76 % des voix à Poutine, avec un taux de participation de 99,61 %. Lors des élections à la Douma d’État de 2016, la Tchétchénie a approuvé à 96,29 % le parti Russie unie. Après de fortes critiques entourant ces résultats « soviétiques », Poutine n’y a recueilli « que » 91,44 % des voix lors de l’élection présidentielle de 2018 (1). En dépit de ce score plus modeste, nul n’est dupe de la falsification des résultats, dans une république qui a tant souffert de la politique répressive du chef du Kremlin. Pour démontrer son allégeance envers Poutine, Kadyrov a aussi amplement recours aux gestes symboliques et rhétoriques. Il mobilise par exemple en 2014 plus de 100 000 personnes dans les rues à l’occasion des célébrations de l’anniversaire de Poutine (2), porte des tee-shirts à l’effigie du président russe et plaide pour que ce dernier soit nommé président à vie. Cependant, la composante cruciale de la loyauté kadyrovienne est le soutien militaire que la Tchétchénie apporte aux guerres hybrides de la Russie à l’étranger.
Kadyrov : le « soldat » de Poutine dans le monde
Idéologiquement, Kadyrov est un fervent partisan de la ligne officielle de Poutine : son discours farouchement antioccidental loue agressivement la grandeur et la puissance de la Russie. Kadyrov blâme l’Occident pour les guerres en Tchétchénie et l’accuse de vouloir détruire la Russie. Kadyrov s’est également autoproclamé à maintes reprises le « fantassin de Vladimir Poutine », prêt à se battre dès que nécessaire sur ordre du commandant en chef. En février 2014, il a déclaré devant 20 000 policiers tchétchènes armés rassemblés dans un stade : « Nous sommes des dizaines de milliers de personnes qui avons reçu une formation spéciale. Nous demandons à notre chef national de nous considérer comme une unité spéciale volontaire du commandant en chef. Nous sommes prêts à protéger la Russie, sa stabilité et ses frontières, et à mener à bien des tâches de toute difficulté. » (3) Le même jour, 10 000 membres des forces de sécurité tchétchènes ont présenté des déclarations écrites dans lesquelles ils souhaitaient être envoyés dans le monde entier, sur ordre du président Poutine.
Depuis cette promesse faite en 2014, les hommes de Kadyrov ont effectivement été utilisés hors des frontières russes, notamment pendant l’escalade armée du Donbass ukrainien. Étant donné que la Russie a nié l’implication de ses forces de sécurité en Ukraine, Kadyrov est intervenu pour admettre le déploiement de ses propres hommes dans ce pays (4), insistant sur le fait que ces combattants étaient des volontaires plutôt que des militaires. Ainsi, il fournit un service précieux au Kremlin, ordonnant à ses hommes d’accomplir les tâches que les services de sécurité officiels russes ne peuvent se permettre d’assumer.
Le Kremlin a officiellement utilisé les services de sécurité tchétchènes à la fin du mois de décembre 2016, lorsqu’un bataillon de police militaire tchétchène a été déployé en Syrie, suivi d’un autre bataillon envoyé à Alep peu de temps après (5). Depuis lors, la police militaire tchétchène a joué un
rôle important en Syrie où la Russie avait besoin d’un acteur sunnite pour équilibrer son alliance chiite-aléviste et déployer une force de police bien formée sans susciter trop d’opposition ou de résistance publique.
Ainsi, depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine, la Tchétchénie est passée d’une entité séparatiste intransigeante à la région la plus loyale de Russie, apportant un soutien zélé à la politique intérieure et extérieure du Kremlin et mettant en oeuvre ses tâches militaires dans des guerres hybrides. Kadyrov est devenu l’un des hommes politiques et des lobbyistes les plus en vue de la Russie et se joint à Poutine lors de réunions stratégiques à haut niveau avec certains chefs d’État. Grozny reçoit assez fréquemment des délégations officielles et est l’hôte de prestigieuses conférences internationales. Kadyrov prend souvent la parole au nom de tous les musulmans russes et, depuis août 2017, dirige l’action soutenue par le gouvernement fédéral visant à ramener les enfants et les femmes russes de Daech. Jamais auparavant une république nationale du Caucase du Nord n’avait reçu un statut politique aussi élevé dans les affaires de l’État.
La Tchétchénie sous Kadyrov : entre autoritarisme généralisé et lutte contre le terrorisme
Pour le Kremlin, Kadyrov n’est pas seulement un homme politique régional loyal, il est également un dirigeant puissant capable de fournir ce qu’on attend de lui en Tchétchénie. Son principal mandat consistait à gérer la reconstruction tout en menant une lutte impitoyable contre le terrorisme interne. La lutte antiterroriste à la Kadyrov implique cependant de museler toute forme de dissidence et d’abolir tous les droits civiques et démocratiques.
On ne peut nier que Kadyrov a effectivement réussi à sortir la Tchétchénie des décombres. Depuis 2006, Grozny a été transformée en quelques années seulement en une des capitales les plus prestigieuses de la Russie, avec ses gratte-ciels, ses centres commerciaux, ses fontaines, ses mosquées cossues et ses cafés branchés. Avec des fonds énormes alloués sans transparence par le Centre fédéral de reconstruction, de la corruption et des violations flagrantes des droits humains ont certes été enregistrées au cours de cet effort (6). Cependant, quel que soit le coût, la Russie utilise le succès éclatant de la reconstruction de Grozny comme « carte de visite ».
Le Kremlin promeut également le modèle tchétchène de lutte contre le terrorisme auprès du monde extérieur. Les méthodes contre-insurrectionnelles des forces de sécurité tchétchènes sont notoires : elles ont systématiquement pris en otage, illégalement détenu, soumis à la violence, expulsé des villages et incendié les maisons des familles des insurgés, entre autres, à titre de mesures punitives à l’encontre des accusés et des combattants présumés. La torture des suspects et des témoins susceptibles de fournir des informations a été appliquée de façon systématique ; de nombreuses exécutions sommaires ont été documentées. En dépit des critiques que ces méthodes pourraient attirer, les statistiques montrent un net déclin des activités terroristes dans la république rebelle. Jusqu’à présent, en 2019, un seul incident a eu lieu et a été revendiqué par Daech, le 22 avril. Bien que les responsables tchétchènes nient que cela se soit produit, il reste que ces chiffres reflètent une différence significative par rapport à dix ans plus tôt, lorsque Kadyrov avait pris le contrôle de la Tchétchénie, où les incidents terroristes se comptaient par dizaines annuellement. En effet, la fin des opérations de contre-insurrection de la part des autorités russes avait été décrétée en avril 2009. Cette chute du nombre d’incidents terroristes semble ainsi valider la stratégie de Moscou de retrait par rapport aux forces de sécurité locales.
Il est vrai que, dès 2002, le conflit armé nord-caucasien déclenché en 1999 s’était étendu de la Tchétchénie à l’Ingouchie puis à la Kabardino-Balkarie, vers l’ouest. Mais depuis 2009, l’épicentre de la violence s’est déplacé vers le Daghestan (à l’est), ce qui a réduit l’importance de la Tchétchénie en tant que centre d’insurrection. L’insurrection séparatiste tchétchène a connu deux phases de transformation. D’abord, elle est passée d’un projet nationaliste indépendantiste à un programme islamiste régional en 2007, lorsque le dirigeant de la prétendue République tchétchène d’Itchkérie, Dokou Oumarov, a déclaré la création de l’Émirat du Caucase. Puis la deuxième transformation a eu lieu en juin 2015, lorsque les dirigeants de l’Émirat du Caucase restants — les principaux chefs ayant été éliminés par la Russie — ont juré allégeance à Daech. L’Émirat du Caucase vivait alors
La composante cruciale est le soutien militaire que la Tchétchénie apporte aux guerres hybrides de la Russie à l’étranger.
une véritable crise existentielle : tandis qu’il était largement vaincu militairement, en déclin idéologique et incapable de concurrencer les projets djihadistes en Syrie, des centaines d’hommes tchétchènes ont rejoint des groupes de combat djihadistes en Syrie et en Irak. Si beaucoup se sont rapidement rendus aux échelons supérieurs du pouvoir militaire dans leurs organisations respectives, Daech et autres, le conflit armé en Tchétchénie s’est considérablement apaisé à la suite de ces événements (7).
Kadyrov développe son influence non seulement sur le plan politique, mais aussi en formant ses équipes spéciales. Depuis 2015, une attention particulière a été accordée à la construction du Centre international de formation pour les forces spéciales, conçu pour former des groupes antiterroristes au combat dans les forêts, dans les montagnes et en milieu sous-marin. Le centre, qui dispose des équipements les plus modernes, a été renommé « Université des forces spéciales russes » en 2017. Un autre centre de formation existe à Tsentaroï, le village natal de Kadyrov. Les entraînements y sont supervisés par l’assistant personnel de Kadyrov pour les services de sécurité, Daniel Martynov, ancien combattant spécial pour le groupe Alpha du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (mieux connu sous l’acronyme anglais FSB).
Ainsi, Poutine a accordé une autonomie substantielle à Kadyrov, notamment un contrôle important sur les revenus pétroliers de la région et, plus important encore, sur les forces de sécurité locales. Cela a permis au Kremlin de réduire considérablement la violence en Tchétchénie et de faciliter la répression des groupes terroristes dans la région, dont l’Émirat du Caucase désormais en grande partie disparu. Bien que la stratégie de Poutine ait permis une relative stabilité dans le Caucase du Nord par rapport aux années 1990 et au début des années 2000, elle n’a pas pour autant permis d’éliminer tous les problèmes de sécurité dans la région.
Les nouvelles revendications territoriales de Kadyrov : une menace à la stabilité régionale ?
La plus grande autonomie de la Tchétchénie a engendré de nouveaux problèmes pour Moscou, notamment des différends portant sur les frontières territoriales. Le sujet est sensible dans la région depuis que les minorités ethniques du Caucase du Nord ont été déplacées en masse au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le dirigeant soviétique Joseph Staline y avait accusé des centaines de milliers de personnes d’être des sympathisants nazis lors de l’invasion de l’Allemagne et les
Le sujet des frontières territoriales est sensible dans la région depuis que les minorités ethniques du Caucase du Nord ont été déplacées en masse au cours de la Seconde Guerre mondiale.
avait fait déplacer de force vers l’Asie centrale et la Sibérie. Leur retour éventuel a créé de graves problèmes en matière de démarcation des frontières territoriales. Ce point était déjà controversé à l’époque soviétique, mais il est devenu un problème persistant après l’effondrement de l’URSS.
Cette dissolution a provoqué l’éruption de graves tensions ethniques dans le Caucase du Nord, alors que l’autorité de Moscou s’effondrait au début des années 1990. Outre les conflits séparatistes tchétchènes, des affrontements ethniques ont éclaté entre les Ossètes et les Ingouches, de même que des conflits frontaliers entre la Tchétchénie et l’Ingouchie — cette dernière a fait sécession de la République de Tchétchénie-Ingouchie après que la Tchétchénie eut tenté de quitter la Russie en 1991. Ces tensions ethniques et ces querelles frontalières ont finalement été apaisées après le premier conflit tchétchène de 1994-1996, mais ne se sont pas complètement dissipées et pourraient réapparaître à tout moment.
Un exemple de ces différends est l’échange de terres controversé conclu entre le président tchétchène Kadyrov et le président ingouche Iounous-Bek Evkourov, à la fin du mois de septembre 2018. L’accord — qui comprenait l’échange d’un territoire forestier inhabité en Ingouchie contre une petite parcelle de terrain en Tchétchénie — montre la sensibilité persistante de la région aux revendications territoriales. Bien que la superficie occupée soit petite et que sa valeur économique ou stratégique soit limitée, cette initiative a suscité des manifestations sans précédent en Ingouchie, au cours desquelles des milliers de personnes se sont opposées à l’accord conclu plusieurs semaines auparavant. Le 30 octobre, la Cour constitutionnelle d’Ingouchie a déclaré que l’échange de terres était illégal, mais le plus haut tribunal de Russie a confirmé la légalité de l’accord le 6 décembre.
Alors que les manifestations en Ingouchie se sont apaisées, la tension autour de l’échange de terres persiste. Kadyrov a déclaré que la légalité de l’accord avait été réglée, mais M. Evkourov a essuyé des critiques et doit toujours faire face à des appels à sa démission. Des problèmes de sécurité et une montée de la religiosité dans la région ont suivi la controverse. En effet, une fusillade a eu lieu dans la ville ingouche de Nazran, le 12 décembre : deux hommes ont été tués par des officiers de la garde nationale en fouillant un centre commercial à la recherche de « suspects terroristes ». Un des hommes décédés s’est avéré être un activiste qui a aidé à organiser les manifestations contre l’échange de terres. L’incident illustre le potentiel de protestations supplémentaires et de problèmes de sécurité en Ingouchie.
L’accord avec l’Ingouchie n’est pas le seul transfert de terres que Kadyrov soutient. Le 6 décembre 2018, le dirigeant du Daghestan, Vladimir Vasiliev, a annoncé son intention de discuter des frontières de sa région avec le président tchétchène. Cela a eu lieu après qu’une commission tchétchène eut envisagé d’ajouter au territoire tchétchène le lac Kezenoïam, à la frontière tchétchène-daghestanaise, ainsi qu’un territoire proche du village daghestanais d’Ansalt. Bien qu’aucune mesure n’ait été prise, certains habitants du Daghestan ont déjà indiqué leur intention de protester contre tout accord frontalier. Ces manifestations seraient remarquables, étant donné que le Daghestan est beaucoup plus vaste en territoire et en population que l’Ingouchie et pose traditionnellement de plus grands problèmes de sécurité à Moscou.
Les ambitions de Kadyrov de redessiner les frontières tchétchènes reflètent un problème plus profond pour le Kremlin. Le président tchétchène a utilisé l’autonomie que lui a accordée Moscou pour mener une dure répression contre les homosexuels et les éléments de l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur de la Tchétchénie — il aurait même été impliqué dans l’assassinat de l’un des opposants au président Poutine les plus en vue, Boris Nemtsov, à Moscou en 2015. Kadyrov a également cherché à jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale en faisant des incursions diplomatiques en Arabie saoudite et dans d’autres pays du Moyen-Orient. Jusqu’à présent, Moscou a laissé les mains relativement libres à Kadyrov, sachant qu’il est important de préserver sa loyauté pour maintenir le calme en Tchétchénie et dans le reste du Caucase du Nord.
Toutefois, comme le montrent les manifestations et les incidents liés à la sécurité en Ingouchie et les débuts de manifestations au Daghestan, les actions de Kadyrov pourraient déstabiliser le Caucase du Nord. Compte tenu de l’histoire du séparatisme et des violences majeures dans la région, ainsi que des retombées possibles du militantisme au coeur de la Russie, le retour d’une telle instabilité est une préoccupation majeure pour Moscou.
Derrière la façade
La Tchétchénie sous Ramzan Kadyrov est une enclave totalitaire répressive avec une façade brillante de villes nouvellement reconstruites. Au-delà du cliché de ce nouveau village Potemkine, plusieurs s’inquiètent du fait que le conflit russotchétchène n’a pas fait l’objet d’une résolution authentique du conflit et de ce que l’arrangement politique actuel repose sur les relations hautement personnalisées entre Kadyrov et Poutine. Il est clair que, pour maintenir la loyauté de Kadyrov, Poutine doit satisfaire l’appétit du jeune dirigeant pour l’avancement de sa carrière. Pour l’instant, le Kremlin réussit à garder son protégé sous contrôle étant donné ses vulnérabilités sans le soutien russe. Ce sera probablement le cas jusqu’à ce que le statu quo se modifie au gouvernement à Moscou. Toute nouvelle élite en mesure de nouer des relations avec la Tchétchénie se verra confrontée à un défi de taille : comment reformer ses relations avec le « tout-puissant » Kadyrov, qui peut compter sur ses forces spéciales bien formées, sa police loyale, ses immenses richesses et ses relations internationales ? Il est difficile de savoir si le Kremlin a un plan pour la transition vers une meilleure intégration de la Tchétchénie au reste du pays, ou si le laissez-faire actuel crée plutôt un champ de mines pour l’avenir. Entretemps, les habitants de Tchétchénie qui n’appartiennent pas au clan Kadyrov restent parmi les citoyens les plus réprimés et les plus privés de droits et de libertés de Russie.
Notes
(1) « Fort d’un raz-de-marée dans les urnes, Vladimir Poutine est réélu à la tête de la Russie », Le Temps, 18 mars
2018. Résultats complets et définitifs officiels sur le site de la Commission électorale centrale de Russie. (2) https://www.lepoint.fr/people/russie-adore-loue-chante-poutinefete
(3) Une vidéo de cette déclaration est disponible en ligne (https://www.youtube.com/watch?v=JgdBgozvLWk).
(4) Emil Souleimanov, « Chechen Units Deployed in Eastern
Ukraine », The Central Asia-Caucasus Analyst, 4 juin 2014.
(5) Matteo Puxton, « Russie : le parcours d’une brigade d’élite, de l’invasion de la Crimée aux combats en Syrie », France Soir, 13 juillet 2018.
(6) Parmi d’autres : HRW, « Russia: Bleak Year for Human
Rights », Human Rights Watch, 17 janvier 2019.
(7) Voir Ekaterina Sokirianskaia, « Will new waves of radicalization in the North Caucasus be prevented? », Conflict Analysis
and Prevention Centre, 31 janvier 2019, p. 12–16.