– ANALYSE Mexique : entre prudence et principes, la politique extérieure du président Obrador
En matière de politique étrangère aussi, l’arrivée au pouvoir d’Andrés Manuel Lopez Obrador a été synonyme de rupture avec ses prédécesseurs. Le retour aux fondamentaux traditionnels mexicains, centrés sur les intérêts nationaux, s’est appliqué immédiatement, non sans un certain pragmatisme contraint notamment par les foucades nationalistes de Donald Trump.
Les Mexicains ont élu le 1er juillet 2018 leur président. AMLO, Andrés Manuel Lopez Obrador, vainqueur de la consultation, est entré en fonction le 1er décembre de la même année. Cette présidence est d’alternance. AMLO, fondateur du MORENA (Mouvement de rénovation nationale) succède à Enrique Peña Nieto (EPN), chef d’État issu du PRI, Parti de la révolution institutionnelle, formation traditionnelle. Son entrée en fonction a été effectivement accompagnée d’annonces rompant avec les politiques et les pratiques des derniers présidents issus du PRI et du PAN (Parti d’action nationale). Cet affichage porte sur tous les domaines de la vie du pays.
Rompre avec les politiques précédentes
La rupture annoncée en politique extérieure a été spectaculaire et immédiatement perceptible. La politique étrangère et ses acteurs ont été mis au régime sec. À l’image du conquérant du Mexique, Hernan Cortés, AMLO a symboliquement brûlé
les supports matériels de la politique extérieure mexicaine. Non pas ses navires, mais l’avion des voyages officiels et les 54 aéronefs de la flotte présidentielle ont été cloués au sol, en vue d’une mise en vente. Les déplacements contraints par la vie internationale vont qui plus est être soumis, a-t-il annoncé le 30 avril 2019, à un examen rigoureux portant sur leur nécessité afin de réduire au maximum les dépenses qu’ils induisent, l’une des voies du gaspillage de l’argent public qu’il dénonce. Les responsabilités éthiques des diplomates leur ont été rappelées « par la diffusion régulière de circulaires » (1). Les hauts fonctionnaires du secrétariat aux Relations extérieures ont par ailleurs vu leurs salaires substantiellement réduits. Ils ont en effet été affectés par la baisse de 66 % de l’indemnité présidentielle, la Constitution interdisant qu’un serviteur de l’État perçoive un salaire supérieur à celui du Premier magistrat. Un certain nombre d’entre eux, dès la victoire électorale d’AMLO, avaient anticipé la décision en sollicitant une mise à la retraite calculée sur la base de leur salaire à ce moment-là.
La meilleure des politiques étrangères, selon AMLO, c’est une bonne politique intérieure, un pays qui retrouve le chemin de la croissance, de la sécurité et qui est exemplaire en matière de droits de l’homme.
AMLO lui-même, cohérent avec ces annonces d’austérité budgétaire, a indiqué qu’il ne voyagerait pas à l’étranger. Il a ainsi mis un terme à ce qu’il considère comme du tourisme politique, porteur de dépenses qu’il a dénoncées s’agissant de son prédécesseur. Il les considère comme inutiles et somptuaires, alors que les questions internationales peuvent être gérées de façon effective et plus modeste budgétairement par le ministre technicien nommé à cet effet (secrétaire aux Relations extérieures, ou SRE dans le jargon politico-administratif mexicain). Ces décisions ont pu surprendre. Mais elles sont conformes à la pratique d’AMLO qui, maire de la ville de Mexico de 2000 à 2005, n’avait effectué aucun déplacement extérieur.
AMLO n’a donc pas assisté au G20 de Buenos Aires les 30 novembre et 1er décembre 2018, ni à celui d’Osaka au Japon, les 28 et 29 juin 2019. Il n’a pas prononcé en septembre 2019 le discours que font à New York les chefs d’État ou de gouvernement à l’ouverture de la session de l’Assemblée générale de l’ONU. Il n’a visité aucun de ses homologues, en Amérique latine, en Amérique du Nord et dans les autres parties du monde. C’est Manuel Ebrard, son secrétaire d’État aux Relations extérieures, qui a représenté le Mexique en ces différentes occasions. AMLO a, cela dit, reçu tous ceux qui ont effectué un déplacement de travail dans son pays (voir le tableau ci-contre).
Pour autant, il ne s’agit pas seulement d’austérité. Ce recentrage sur le local répond à une hiérarchie des priorités : remettre le pays en état avant de penser à une éventuelle influence extérieure. Compte tenu des réalités nationales, la meilleure des politiques étrangères, a-t-il déclaré le 20 mai 2018 lors du second débat de la campagne électorale, c’est une bonne politique intérieure, un pays qui retrouve le chemin de la croissance, de la sécurité et qui est exemplaire en matière de droits de l’homme.
Reste malgré tout à régler un certain nombre de questions qui sont par nature transnationales : la gestion des flux migratoires, l’insécurité transnationale liée aux trafics illicites, le commerce international. Toutes choses exigeant d’avoir une doctrine concernant les contraintes de voisinage. Les relations au nord, avec les États-Unis, et sur la frontière sud, avec les pays du Triangle du Nord (Guatemala, Honduras, Salvador), ont historiquement imposé leur primauté, et parfois leur urgence, dans l’agenda diplomatique aztèque. La ligne de conduite choisie pour répondre à ces contraintes extérieures repose sur la réactivation de fondamentaux de la diplomatie mexicaine. Elle rompt avec l’aggiornamento pratiqué à la fin des années 1970, qui s’était traduit par l’abandon progressif, par les présidents du PRI, des principes diplomatiques protecteurs de la Nation hérités de la révolution mexicaine.
Réactiver une tradition diplomatique
AMLO a inscrit sa diplomatie de rupture dans un paradoxe, celui d’une tradition historique à recomposer.
Le Mexique avait en effet, dans les années 1970, progressivement réduit le périmètre de sa diplomatie souverainiste défensive pour ouvrir son économie au monde extérieur. La signature d’un accord de libre-échange avec les États-Unis et le Canada (ALENA), le 17 décembre 1992, suivie de celles d’autres traités commerciaux avec les grandes puissances marchandes, avait marqué un changement d’époque (2). Roberta Lajous (3), diplomate responsable internationale du PRI de 1990 à 2006, en a fait un descriptif argumenté. L’Institut Matías Romero, l’école diplomatique locale, dans une brochure de synthèse, avait en 2013 indiqué l’importance pour la politique extérieure du Mexique de « réaffirmer l’engagement pour le libre commerce, la mobilité du capital, et l’intégration productive (4) ». Cette option libérale et libre-échangiste avait été prolongée par d’autres évolutions bousculant la diplomatie traditionnelle. Une normalisation des relations avec le Saint-Siège, réinterprétant sur un registre moins intransigeant le laïcisme mexicain (5), avait été engagée. Le Mexique avait, d’autre part, décidé de participer, encore modestement, mais rompant ainsi avec la culture de non-ingérence, aux opérations de paix des Nations Unies. À quelques mois des présidentielles de 2018, le SRE avait synthétisé dans un document (6), présenté comme étant de référence, cette nouvelle politique extérieure mexicaine, qui se voulait toujours nationale, mais sur un mode moins souverainiste, inscrit dans un air du temps libéral. L’arrivée au pouvoir d’AMLO a coïncidé — mais est-ce un hasard ? —, avec une rupture de l’environnement régional. Au nord, l’élection de Donald Trump à la présidence des ÉtatsUnis a suspendu la politique de bon voisinage de ses prédécesseurs, George Bush père, Bill Clinton, George Bush fils et Barak Obama. Au sud, en Amérique centrale, l’absence de dividendes de la paix négociée dans les années 1990 a créé, faute de développement équitable et de maîtrise de la sécurité publique, les conditions d’une forte pression migratoire vers le nord. Les traités signés, en particulier celui de l’ALENA et ceux associant le Mexique à l’Amérique centrale, ont perdu leur pertinence. Le commerce extérieur mexicain a été dès 2017 déstabilisé par la remise en question de l’ALENA. Cette menace a été accompagnée de propos d’une franchise brutale du président des États-Unis, rappelant une époque de rapports asymétriques assumés par Washington, sanctionnés par des guerres et des territoires perdus (7). Parallèlement, des milliers de migrants centraméricains, dont beaucoup de mineurs, entrés clandestinement sur le sol mexicain, ont saturé les infrastructures d’accueil.
Cette mutation extérieure est allée de pair avec une dégradation de la souveraineté intérieure. L’État mexicain a donné l’impression d’être dépassé par la montée de la délinquance organisée. Au point de recourir aux forces armées — institution chargée au Mexique comme ailleurs dans le monde de la défense des frontières —, à partir de 2006, pour assurer la paix intérieure… sans pour autant réussir (8). Les violences ont suivi une pente ascendante de 2006 à 2018. Les militaires ont été mis en cause dans diverses affaires, de violation des droits de l’homme comme de complicité avec le crime organisé. Le 21 décembre 2017, une loi de sécurité intérieure était adoptée afin de légaliser le recours aux forces armées.
Cette double urgence, extérieure et intérieure, nécessitait un changement de cap. AMLO a su l’incarner. Il a été élu en affirmant la nécessité de rétablir les fondamentaux abandonnés.
La nouvelle orientation diplomatique
Cette nouvelle orientation a réactualisé la tradition diplomatique mexicaine qui avait été reléguée par l’inflexion libéralisante signalée supra. AMLO, avant de créer le MORENA, et antérieurement à son affiliation au PRD (Parti de la révolution démocratique), avait fait ses premières armes politiques au sein du PRI. Il en a réactualisé les grands principes, reposant sur une stratégie de précaution diplomatique nationaliste et souveraine. Face au défi que constitue la proximité des ÉtatsUnis, puissance régionale et mondiale majeure, le Mexique n’a, selon cette tradition, qu’une option, celle de pratiquer une politique étrangère imitant le comportement de la tortue.
La diplomatie de la tortue
La carapace protectrice se décline pour le Mexique en deux mots, souveraineté et nationalisme (9), et cinq principes : noningérence dans les affaires des autres pour ne pas avoir à subir chez soi des interventions extérieures ; reconnaissance des pouvoirs en place ayant le contrôle de leur État et de leur ter
AMLO a pris soin de faire entendre que le Mexique ne voulait désormais avoir de relations qu’avec des chefs d’État en situation de gouverner, sans tenir compte de leur idéologie.
ritoire selon les principes de la doctrine Estrada (10) ; participation aux Nations Unies : minimale en ce qui concerne les initiatives militaires, mais candidature au Conseil de sécurité comme membre non permanent pour 2020-2022 ; défense du multilatéralisme ; soutien à tout ce qui va dans le sens du dialogue pour résoudre les différends entre États. Toutes choses qui ont été rappelées le 28 septembre 2019 par le SRE, Marcelo Ebrard Casaubon, devant l’Assemblée générale de l’ONU.
AMLO, on l’a vu, a symboliquement effacé de l’appareil d’État les moyens aériens permettant au chef de l’État d’effectuer des voyages à l’étranger. Le SRE est, seul, chargé de la parole extérieure du Mexique. Le président n’a donc pas fait acte de présence à l’ONU au mois de septembre 2019, reprenant ainsi une tradition diplomatique du PRI (11). Parallèlement, le Mexique a pris un certain nombre d’initiatives visant à renforcer la coopération internationale et le multilatéralisme. Il soutient la mise en oeuvre de l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique. Il a signé le pacte mondial de Marrakech sur les migrations. Il participe aux activités du système des Nations Unies, sollicité sur diverses questions relatives aux biens culturels, aux droits de l’homme comme à la transparence de l’État mexicain. Il a fait adopter par la Conférence générale de l’UNESCO, le 23 octobre 2019, avec le soutien de l’Organisation de la francophonie où il est observateur, une résolution condamnant la discrimination raciale.
AMLO a pris soin de faire entendre que le Mexique ne voulait désormais avoir de relations qu’avec des chefs d’État en situation de gouverner, sans tenir compte de leur idéologie, qu’elle soit jugée proche ou non des orientations prêtées au fondateur du MORENA. Il a donc invité Nicolas Maduro, président du Vénézuéla, à sa prise de fonction le 1er décembre 2018. Le Mexique a fait acte de présence le 10 janvier 2019 à celle de Nicolas Maduro, et de même, il avait été représenté à celle du brésilien Jair Bolsonaro, le 1er janvier 2019. AMLO a, le 8 mai 2019, invité son homologue chilien Sebastián Piñera. Il n’a pas reçu en revanche le candidat péroniste kirchnériste argentin, Alberto Fernandez, en septembre 2019, comme cela avait été annoncé par la presse argentine. Bien que ce dernier fût donné gagnant à ce moment-là dans les sondages, AMLO a signalé qu’il le recevrait volontiers, mais après sa victoire éventuelle aux élections du 27 octobre 2019 (12). Ce qu’il a fait le 4 novembre.
Afin d’être bien compris, le Mexique a tenu à préciser sa position sur un certain nombre de dossiers internationaux marqués de décisions unilatérales. Le ministre, toujours aux Nations Unies, a rappelé que son pays « s’opposait aux mesures de blocus à l’égard de Cuba ou à l’imposition de sanctions vis-à-vis de quelque pays que ce soit ». Le mémorandum détaillant la position du Mexique à la 74e session de l’Assemblée générale de l’ONU précise au sujet de l’Iran que le pays soutient l’application effective du plan d’action conjoint de la communauté internationale (13).
Cette raideur n’est pas exempte de rondeurs tactiques. Le Mexique d’AMLO n’a pas dénoncé sa participation à tel ou tel organisme multilatéral décidée par un prédécesseur, que celle-ci réponde ou non aux principes qu’il prétend restaurer. Simplement, il se réserve la possibilité de défendre son point de vue au sein d’organismes qui témoignent par leur existence d’une forme de multilatéralisme auquel le Mexique est attaché. Le Mexique d’AMLO n’a pas remis en question sa participation, modeste, à diverses opérations de paix des Nations Unies (14). Il a confirmé cet engagement
le 29 mars 2019 à l’occasion de la Conférence ministérielle sur les opérations de maintien de la paix.
Le Mexique reste membre d’organisations intergouvernementales aux ambitions originelles parfois en contradiction avec les valeurs affichées pendant sa campagne par le candidat AMLO. Il est ainsi resté membre du groupe de Lima, tout en contestant sa politique qui privilégie les sanctions plutôt que le dialogue. Il n’a pas remis en cause sa présence au sein de l’Alliance du Pacifique, institution à caractère libéral, qualifiée dans un communiqué du SRE du 10 mai 2019 « de colonne vertébrale de la politique extérieure de notre pays en direction de l’Amérique latine ». La démarche est identique dans le MITKA (Mexique, Indonésie, Turquie, Corée du Sud, Australie), organisation créée dans un esprit de contention des BRICS. Le Mexique préside en 2020 la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC), issue d’une ambition régionale souverainiste, conforme celle-là aux conceptions diplomatiques du nouveau président. « La CELAC, signale un communiqué du SRE du 26 septembre 2019, est le mécanisme politique latino-américain et caribéen par excellence. »
Une diplomatie préventive
La politique étrangère d’AMLO privilégie par ailleurs la construction d’une diplomatie préventive, permettant de faire l’économie du recours à la force, et donc la recherche de médiations et de coopérations pour désamorcer diverses crises régionales. La plus proche, celle des migrations centraméricaines, a été l’occasion d’une première initiative diplomatique. AMLO a en effet annoncé dès le 1er décembre 2018, jour de son entrée en fonction présidentielle, la mise en oeuvre d’un programme d’aide financière, ou Plan de développement intégral, destiné à trois pays centraméricains : le Guatémala, le Honduras et le Salvador. Il a reçu les trois chefs d’État du Triangle du Nord et signé un accord permettant la mise en oeuvre d’un Fonds pour les infrastructures de l’Amérique moyenne et la Caraïbe. Il a par ailleurs obtenu la participation des États-Unis, de l’Union européenne, de la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe de l’ONU) et du SEGIB (Secrétariat général ibéro-américain) à ce plan. En ce qui concerne la crise régionale du Vénézuéla, le Mexique a signalé le 4 janvier 2019 qu’il ne s’associerait plus aux sanctions coordonnées par le Groupe de Lima. Il a refusé de reconnaître la légitimité de Juan Guaido, président autoproclamé bénéficiant de la reconnaissance des grandes puissances occidentales et des pays du Groupe de Lima, mais n’exerçant aucune autorité effective sur le territoire vénézuélien. Le 8 février 2019, le Mexique s’est joint à l’Uruguay et aux pays de la Caricom pour proposer la mise en oeuvre d’une initiative de dialogue entre les parties.
À l’égard des États-Unis de Donald Trump, la marge de manoeuvre était minimale. AMLO s’est attaché à préserver en permanence un espace de contact pour éviter une rupture unilatérale assortie de sanctions commerciales. Il a dès avant sa prise de fonction délégué ses représentants pour négocier avec les États-Unis, aux côtés de ceux du président sortant, Enrique Peña Nieto, une révision de l’ALENA. Il a préservé les apparences souveraines en rebaptisant le traité signé d’une appellation mexicaine. Appelé initialement ACEUM, (Accord Canada – États-Unis – Mexique), le Mexique l’a renommé T-MEC (Traité Mexique – États-Unis – Canada). Ce traité n’avait pas, fin octobre 2019, été ratifié par le Parlement des États-Unis, Donald Trump l’utilisant comme arme de dissuasion migratoire. L’horizon des mesures préventives mexicaines visant à assécher les flux migratoires — le Plan de développement intégral avec l’Amérique centrale —, étant jugé trop lointain par les États-Unis, Donald Trump avait menacé, le 30 mai 2019, de mettre en place des taxes douanières d’un montant de 25 % qui auraient déstabilisé l’économie mexicaine. Ces fortes pressions ont conduit AMLO, en dépit de critiques dans son camp, à céder aux États-Unis. Un accord a été conclu entre les deux pays le 7 juin 2019. AMLO a dû se résoudre à renforcer sa frontière sud. La Garde nationale créée pour affronter les groupes délinquants est désormais aussi chargée du contrôle et de l’étanchéité des frontières. Les expulsions de sans-papiers centraméricains par le Mexique sont passées de 62 746 (janvier-août 2018) à 102 314 (janvier-août 2019), selon les autorités guatémaltèques ( 15). Des milliers d’autres migrants sont retenus à la frontière nord. Seule concession obtenue, le Mexique n’est pas considéré comme un tiers pays fiable contraint d’accepter les demandeurs d’asile refoulés par les États-Unis. Effet indirect de la pression des États-Unis, le Mexique cherche à réduire le poids des migrants bloqués sur son territoire en imperméabilisant ses aéroports et en sollici
« Si loin de Dieu, si près des États-Unis », la marge de manoeuvre diplomatique du Mexique est étroite et laisse peu de place au volontarisme.
tant divers pays africains et asiatiques afin d’organiser des vols charters de sans-papiers.
Une politique extérieure d’État
AMLO, bien qu’ayant pris quelque distance avec la vie intérieure agitée du parti MORENA, est un président de sensibilité progressiste. Le rappel persistant aux valeurs nationales léguées par la Révolution mexicaine, la priorité donnée symboliquement à l’Amérique latine dans la présentation de la politique étrangère, les mesures de diplomatie économique préventive adoptées avec les pays d’Amérique centrale, la volonté de démocratiser la vie internationale, le rappel de l’initiative prise conjointement avec la France visant à réduire le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité, le soutien à tout ce qui peut, de Cuba à l’Iran en passant par le Vénézuéla, jouer en faveur de sorties de crises négociées, en témoignent.
« Si loin de Dieu, si près des États-Unis », la marge de manoeuvre diplomatique du Mexique est cela dit étroite et laisse peu de place au volontarisme. Moralité tirée par le président mexicain : « Nous devons agir avec les États-Unis de façon extrêmement prudente. […] Nous agissons de façon respectueuse de la souveraineté des États-Unis. Nous allons continuer comme cela afin qu’ils respectent notre souveraineté. (16) » Le 19 juin 2019, sous la menace tarifaire de Donald Trump, il a ajouté et confirmé : « Je ne veux pas de confrontation, de guerre commerciale, nous sommes pour le libre commerce. (17) » Compensation à un état de frustration structurel ? AMLO a tenté de marquer un territoire idéologique et national en s’en prenant à l’Espagne à laquelle il a, par une lettre adressée en mars 2019 au roi Philippe VI, demandé des excuses pour les abus de la conquête coloniale. Mais, ici encore, les contre-feux espagnols ont nécessité un repli prudent. La page a été rapidement tournée.
Le Mexique d’AMLO, à supposer qu’il le souhaite, n’est pas en mesure de constituer la base arrière d’un retour de cycle progressiste continental. Il s’en est publiquement expliqué de la façon suivante à l’occasion de la visite du président élu d’Argentine : « Nous avons des relations fraternelles avec les peuples d’Amérique latine […] Nous avons aussi […] une relation de respect mutuel avec les États-Unis et le Canada. (18) » Il peut, et il l’a démontré, pratiquer une politique extérieure raisonnable et rationnelle, afin de préserver au mieux les intérêts des Mexicains. Défense et illustration exposée de façon révélatrice par le SRE Marcelo Ebrard, justifiant ainsi la présence du gouvernement mexicain à la prise de fonction du président brésilien Jair Bolsonaro : « Nos divergences sont évidentes et de toutes sortes. Mais le gouvernement mexicain ne peut autre chose que souhaiter le meilleur au président élu du Brésil. Le Brésil est un pays trop important pour l’Amérique latine. […] C’est la position du Mexique. Pour le Brésil comme pour les autres pays. (19) »