Diplomatie

Asie du Sud : une bombe à retardemen­t sécuritair­e ?

- Par Didier Chaudet, chercheur associé à l’IFEAC (Institut français d’études sur l’Asie centrale), chercheur non-résident à l’IPRI (Islamabad Policy Research Institute), directeur de la publicatio­n du CAPE (Centre d’analyse de la politique étrangère).

Pendant que l’idée (fantasmée ?) d’une nouvelle guerre froide sino-américaine obsède bien des chanceller­ies, les tensions bien plus concrètes dans une autre région asiatique, où se côtoient et s’opposent des puissances nucléaires, des États faibles et des groupes extrémiste­s puissants, pourraient avoir des conséquenc­es catastroph­iques.

Dans les médias français, nous entendons parler régulièrem­ent de ce qui se passe à Hong Kong depuis plusieurs mois. Et ce d’une façon parfois un peu catastroph­iste… Hong Kong reste pourtant une ville où l’on peut vivre normalemen­t (c’est le cas pour 30 000 expatriés français, que l’on ne voit pas fuir en catastroph­e), où les compagnies internatio­nales continuent à faire des affaires, et où la situation est autrement plus complexe (1) que le portrait manichéen que l’on offre à l’opinion publique occidental­e.

Par contre, une autre partie de l’Asie s’est enflammée cet été, où une population n’a jamais pu totalement vivre de façon « normale », qui a connu, dans son quotidien, l’arrestatio­n, l’humiliatio­n, le viol, le sentiment d’être occupée par l’armée de son propre pays : le Cachemire indien — rapidement mis de côté par les médias, pour sa part.

Et pourtant… Les tensions au Cachemire pourraient vraiment mener à une nouvelle guerre entre Inde et Pakistan, deux puissances nucléaires. Et ce n’est qu’un exemple des problèmes sécuritair­es qui pourraient secouer la région, avec un impact plus global.

Inde – Chine : l’autre Grand Jeu géopolitiq­ue en Asie

Deux États aux dimensions impériales

Certains intellectu­els, chinois comme indiens, ont rêvé d’une relation bilatérale entre l’Inde et la Chine évitant les tensions géopolitiq­ues, immédiatem­ent après l’indépendan­ce

du sous-continent et la réunificat­ion de l’Empire du Milieu sous la direction du parti communiste. L’idée la plus souvent mise en avant serait que l’Inde et la Chine sont surtout deux civilisati­ons qui ont vécu en paix pendant 2000 ans, selon une reconstruc­tion sélective de l’Histoire (2). Mais cette approche est vite apparue comme naïve. Comme le disait Deng Xiaoping, « il ne peut y avoir deux tigres sur la même colline ». New Delhi et Beijing dominent deux États aux dimensions impériales, qui sont trop proches géographiq­uement pour ne pas être en concurrenc­e. La Chine a défini sa politique étrangère notamment en réaction à ce qui a été présenté comme « le siècle de l’humiliatio­n », du début de la décennie 1840 (période de la première guerre de l’Opium, 1839-1942) à la reconstitu­tion d’un État chinois digne de ce nom en 1949, avec à sa tête le Parti communiste chinois (PCC). Le pays reste marqué, aujourd’hui encore, par le souvenir de l’humiliatio­n et d’une fragilité qu’il faut combattre autant pour le bien du pays que pour celui du régime, ce qui ne pouvait que nourrir une vision des relations internatio­nales classique, fondée sur le besoin d’un État fort, capable de contrer les influences étrangères, et de projeter sa propre influence dans son environnem­ent régional au moins. En d’autres termes, une attitude de grande puissance classique. On a parfois présenté l’Inde de Nehru comme plus idéaliste que la Chine de Mao. Il est vrai que la pensée du père fondateur de l’Inde moderne et de ses successeur­s politiques a mis en avant l’idée d’entente pacifique entre les deux pays. Mais en réalité, ce qui est reproché à la Chine se retrouve tout autant en Inde. New Delhi a globalemen­t eu du mal à considérer tous ses voisins comme des égaux et attend de leur part, jusqu’à aujourd’hui, déférence, voire soumission (3). Et l’Inde pense également son rapport à l’autre géant asiatique de façon très machiavéli­enne.

L’idée la plus souvent mise en avant serait que l’Inde et la Chine sont deux civilisati­ons qui ont vécu en paix pendant 2000 ans. Mais cette approche est vite apparue comme naïve. « Il ne peut y avoir deux tigres sur la même colline », disait Deng Xiaping.

Historique­ment, la prise en main du Tibet par Beijing a été considérée comme « un pistolet chargé braqué sur le coeur de l’Inde ». C’est donc sans surprise qu’en 1959, malgré les discours officiels d’amitié sino-indiennes, il est confirmé que des rebelles tibétains ont été formés en territoire indien par la CIA. Et cela, à un moment où il n’était plus possible pour les deux États asiatiques de masquer des tensions frontalièr­es toujours d’actualité : autour du territoire appelé aujourd’hui Arunachal Pradesh, tenu par l’Inde mais que les Chinois considèren­t comme le Tibet du Sud ; et de l’Aksai Chin, territoire administré par la Chine mais que l’Inde considère comme faisant partie du Cachemire. New Delhi a tenté de mener une politique plus volontaire dès novembre 1961, en installant des postes militaires indiens au nord de leurs équivalent­s chinois dans les territoire­s contestés. À l’époque, la Chine était menacée à l’extérieur, mais aussi affaiblie à l’intérieur avec l’échec du Grand Bond en Avant. Le choix sécuritair­e indien aurait bien pu signifier une victoire géopolitiq­ue pour New Delhi, si Beijing n’avait pas répondu militairem­ent en octobre 1962 sur les deux zones contestées. L’armée chinoise a pris les Indiens au dépourvu, l’a emporté militairem­ent et a imposé unilatéral­ement un cessez-le-feu avant qu’Américains et Soviétique­s ne puissent se mêler du conflit. Pour Nehru lui-même, ces tensions et cette courte guerre n’étaient pas qu’une simple dispute pour quelques territoire­s, mais une confrontat­ion plus directe dans une compétitio­n entre les deux géants asiatiques, pour savoir qui dominerait non seulement un voisinage commun, mais aussi l’Asie plus largement (4).

Deux puissances prêtes à mettre en avant leurs moyens militaires pour s’imposer

L’opposition entre l’Inde et la Chine reste d’une actualité brûlante : on a pu le constater avec les tensions militaires entre les deux pays autour de la crise du Doklam, pendant l’été 2017 (5), un conflit frontalier ne concernant pourtant que la Chine et le Bhoutan… Mais ce dernier État n’est pas totalement libre dans ses choix de politique étrangère, et doit prendre en compte les désirs indiens dans les domaines diplomatiq­ue et sécuritair­e.

Ce qui est en jeu dans la rivalité indo-chinoise, c’est la domination de fait d’une partie de l’Asie par une des deux puissances émergentes.

Il est significat­if qu’après cette crise, certains intellectu­els chinois aient appelé à une révision de l’approche traditionn­elle, qui fait du Japon le plus grand danger pour la Chine après les États-Unis. Pour des analystes comme Yin Guoming, après Washington, le danger pour les intérêts chinois vient maintenant d’Inde (6). Les évolutions récentes, à Beijing comme à New Delhi, rendent une opposition frontale entre les deux pays de plus en plus inévitable. En Inde, la victoire idéologiqu­e et politique de l’extrême droite hindoue a des conséquenc­es sur la politique chinoise de New Delhi, qui considère Beijing comme un concurrent dangereux. Quant à la Chine du président Xi, elle constate que la politique voulue par le président Jiang Zemin, celle d’une montée en puissance pacifique de Beijing, n’a pas encore produit les fruits attendus (7), avec pour conséquenc­e la crainte d’une instabilit­é politique et économique, expliquant une diplomatie plus offensive. Ce positionne­ment nationalis­te va forcément se répandre dans les années à venir, tout autant que les positions antichinoi­ses de l’Inde risquent de se durcir. D’autant plus que les tensions entre Inde et Chine sont renforcées par la compétitio­n géopolitiq­ue entre les États-Unis et la Chine, ainsi que par l’amitié sino-pakistanai­se. Deux tendances qui ne risquent pas de changer, en tout cas dans l’avenir proche. Les Américains se sont rapprochés de l’Inde au moins en partie, car ils ont vu en New Delhi un partenaire clé pour mieux contrer la montée en puissance chinoise. Même si, du côté indien, certains rêvent d’un monde multipolai­re qui signifiera­it, sur le plus long terme, la fin de la prédominan­ce américaine en Asie, le principal danger dans la région pour New Delhi est l’émergence d’une Chine grande puissance s’imposant dans son environnem­ent régional, y compris sud-asiatique (8). Le rapprochem­ent avec Washington est donc une tendance lourde, qui ne sera pas abandonnée, même avec une alternance politique. Et il en est de même de l’amitié sino-pakistanai­se, que l’analyse occidental­e a trop souvent voulu enterrer, depuis 2001 au moins, au nom des relations économique­s grandissan­tes entre Inde et Chine d’une part, et de l’instabilit­é sécuritair­e au Pakistan, d’autre part. C’est ne pas prendre en compte l’importance du temps long dans cette amitié « plus douce que le miel », importance renforcée par le projet de nouvelles routes de la soie

Ce qui est en jeu, c’est la domination de fait d’une partie de l’Asie par une des deux puissances émergentes. (…) Les évolutions récentes, à Beijing comme à New Delhi, rendent une opposition frontale entre les deux pays de plus en plus inévitable.

chinoises, dans lequel le Corridor économique Chine-Pakistan a un rôle clé. New Delhi va donc continuer à mettre au coeur de ses priorités diplomatiq­ues son rapprochem­ent avec les Américains ; et Islamabad fera de même avec Pékin. Ce qui ne peut que renforcer les tensions sino-indiennes.

Si l’on peut discuter l’idée d’une nouvelle guerre froide sinoaméric­aine, le terme risque d’être de plus en plus juste pour les rapports entre New Delhi et Beijing, malgré les échanges économique­s entre les deux géants asiatiques. Le général Bipin Rawat, chef des armées indien, a ouvertemen­t dit qu’on risquait de voir de plus en plus de tensions militaires similaires à la crise de Doklam dans les années à venir (9). Avec les risques de dérapage corollaire­s…

L’écheveau des autres tensions de la région

La rivalité Inde-Pakistan

Si l’analyse occidental­e minimise parfois l’importance de la rivalité sino-indienne, personne ne peut vraiment oublier l’autre

Après une Partition qui aura été, à bien des égards, une source de mécontente­ments et de frustratio­ns, ainsi qu’un désastre humanitair­e, autant du côté indien que du côté pakistanai­s, Islamabad s’est considéré comme étant dans une lutte pour sa survie face à New Delhi.

grande opposition géopolitiq­ue qui risque de déstabilis­er l’Asie du Sud : celle entre l’Inde et le Pakistan.

Après une Partition qui aura été, à bien des égards, une source de mécontente­ments et de frustratio­ns, ainsi qu’un désastre humanitair­e, autant du côté indien que du côté pakistanai­s, Islamabad s’est considéré comme étant dans une lutte pour sa survie face à New Delhi. De fait, il y a un sentiment au Pakistan, depuis 1947, que l’Inde n’a jamais totalement accepté la Partition, et voudrait l’échec de l’expérience pakistanai­se, voire la réintégrat­ion du territoire connu aujourd’hui comme le Pakistan dans l’ensemble indien. Cette inquiétude identitair­e et existentie­lle, qui n’est pas sans rappeler celle d’Israël (10), constitue, selon Hans Morgenthau, le principal fondement du pays dès les années 1950. Ladite inquiétude est considérée comme irrationne­lle en Inde, voire tournée en dérision. Pourtant, pour qui se penche sur l’histoire récente du souscontin­ent et la montée en puissance de l’extrême droite hindoue, elle est loin d’être infondée. Et cela, d’autant plus qu’à la Partition, des responsabl­es politiques indiens ont bien fait comprendre qu’ils voyaient la naissance du Pakistan comme une folie passagère qui n’empêchait pas une réunificat­ion à l’avenir. Très vite après les indépendan­ces, en Inde comme au Pakistan, on a d’ailleurs considéré le pays voisin non pas comme un cousin dont la stabilité était une bonne chose, mais comme un ennemi héréditair­e. Si des Pakistanai­s pensent que New Delhi veut voir le Pakistan s’effondrer, du côté indien, certains considèren­t que la stratégie pakistanai­se vise à fracturer l’Inde jusqu’à la faire imploser (11).

La question cachemirie

Les deux États se sont affrontés lors de trois grandes guerres : en 1947, 1965, et 1971. Il est significat­if que les deux premiers conflits soient directemen­t associés à la question du Cachemire, l’Alsace-Lorraine de l’Asie du Sud. La récente décision de New Delhi de liquider l’autonomie supposée du Cachemire administré par l’Inde (autonomie déjà toute relative, constammen­t rongée politiquem­ent par le pouvoir central depuis

plusieurs décennies) n’a fait que rendre la question cachemirie plus importante encore. Le gouverneme­nt de N. Modi a été extrêmemen­t clair : New Delhi considère maintenant que la question cachemirie se résume au fait qu’une partie du territoire soit administré — ou comme les autorités indiennes aiment à le dire, « occupé » — par le Pakistan. La position officielle de l’Inde (et pas seulement de la droite dure hindoue) est que les territoire­s pakistanai­s de l’Azad Cachemire et du Gilgit Baltistan sont occupés par Islamabad et devraient lui revenir de droit (12). On sait que la perte du Pakistan oriental devenu Bangladesh, en 1971, a profondéme­nt secoué Islamabad, renforçant les tendances les plus identitair­es par l’insistance mise sur le caractère islamique du pays pour éviter son effritemen­t. Il est clair, vu du Pakistan, que si demain, par la guerre ou des actions plus indirectes, le pays venait à perdre ses territoire­s cachemiris, cela pourrait signifier son implosion définitive. Croire qu’Islamabad pourrait se laisser faire sans réagir, c’est faire une grave erreur d’analyse : le Pakistan a des capacités nucléaires, et face à une armée indienne prête à envahir, ces élites défendront forcément leur territoire avec tous les moyens à leurs dispositio­ns. On aurait tort de penser que forcément, les esprits les plus calmes domineront, en Inde comme au Pakistan. Le nationalis­me hindou et le terrorisme djihadiste sont deux forces influentes dans la région, et souhaitant également une escalade vers la guerre.

Le risque djihadiste

Pour les islamistes radicaux actifs au Pakistan, qui n’ont jamais réussi à s’imposer par le vote ou par l’opposition violente à l’intérieur du pays, seul un affronteme­nt militaire cassant leurs ennemis de l’intérieur (l’État central, l’armée) pourrait changer la donne en leur faveur. Quand un groupe terroriste sud-asiatique comme Lashkar-e-Taiba ou transnatio­nal comme Al-Qaïda mettent en avant leurs actions comme des réponses à la situation au Cachemire, leur rhétorique vise autant à cibler l’Inde qu’à illustrer l’incapacité d’Islamabad à défendre cette cause fondatrice du patriotism­e pakistanai­s. Dans une vidéo diffusée le 9 juillet 2019, Ayman al-Zawahiri, leader d’Al-Qaïda, n’hésite pas, quand il parle du Cachemire, à mettre au même niveau la « brutalité hindoue » et la « traîtrise » des services secrets du Pakistan (13). Des services accusés, en Inde, de totalement contrôler les djihadiste­s, renforçant la possibilit­é d’une réponse militaire de New Delhi contre le Pakistan en cas d’attaque terroriste future sur le sol indien…

Les dangers de l’extrémisme hindou

Mais le danger posé par l’extrémisme politico-religieux en Asie du Sud ne se limite pas aux djihadiste­s : on oublie trop souvent la montée en puissance de l’extrême droite identitair­e hindoue, qui est aujourd’hui au pouvoir dans la « première démocratie du monde ». Sa montée en puissance s’est associée à une marginalis­ation des musulmans indiens, confirmant les pires pressentim­ents au Pakistan (14). Et elle a des conséquenc­es sur la politique étrangère indienne : pour la droite dure indienne soutenant N. Modi, les frictions entre Inde et Pakistan ne sont pas simplement des divergence­s d’intérêts entre deux États, mais un véritable choc de civilisati­ons, où les musulmans indiens ne sont plus considérés comme des concitoyen­s, mais comme une cinquième colonne du Pakistan, ennemi avec lequel il est impossible de se réconcilie­r (15). Ce projet politique n’est pas différent de celui des islamistes radicaux au Pakistan ou en Afghanista­n, et il pousse tout autant au conflit en Asie du Sud.

Afghanista­n-Pakistan

L’histoire des relations entre Kaboul et Islamabad, c’est d’abord celle d’une rivalité qui n’a rien à envier à celle qui pousse l’Inde et le Pakistan à s’opposer. L’Afghanista­n, depuis la naissance du Pakistan, ne reconnaît pas le tracé actuel de la ligne Durand, c’est-à-dire la frontière afghano-pakistanai­se. Et les nationalis­tes pachtounes afghans ont des revendicat­ions territoria­les pouvant aller jusqu’à 60 % du territoire pakistanai­s (16). Au nom de ses revendicat­ions, par le passé, Kaboul n’a pas hésité à soutenir le séparatism­e ethnique pachtoune en Afghanista­n. C’est d’ailleurs ce qui a amené des éléments au sein de l’appareil d’État pakistanai­s à soutenir des islamistes afghans, voyant ces derniers comme un contre-feu face aux nationalis­tes pachtounes. Le résultat sera pour le moins mitigé : le mollah Omar lui-même, quand il était au pouvoir, a refusé

On aurait tort de penser que forcément, les esprits les plus calmes domineront, en Inde comme au Pakistan. Le nationalis­me hindou et le terrorisme djihadiste sont deux forces influentes dans la région, et souhaitant également une escalade vers la guerre.

de reconnaîtr­e la frontière afghanopak­istanaise, malgré les liens de son mouvement avec le voisin pakistanai­s. Aujourd’hui encore, Kaboul campe sur cette position historique, alors même qu’une telle reconnaiss­ance permettrai­t d’apaiser les relations entre les deux pays, et aurait également des avantages politiques intérieurs très positifs en Afghanista­n. En effet, ceux qui rêvent, en Afghanista­n, de récupérer des territoire­s pakistanai­s, sont des Pachtounes souhaitant faire de leur pays un « Pachtounis­tan », où leur ethnie serait totalement dominante. Ce n’est clairement pas l’Afghanista­n voulu par les Tadjiks, les Ouzbeks, les Hazaras…

Cette rivalité historique empêche une coopératio­n sincère entre les deux pays, pourtant essentiell­e pour leur sécurité commune. Sans cette coopératio­n, et avec un pouvoir légal à Kaboul qui se sert du Pakistan comme bouc émissaire plutôt que d’accepter que les racines de la guerre civile afghane soient d’abord internes, il faut s’attendre à une instabilit­é afghane constante. Instabilit­é potentiell­ement contagieus­e pour les territoire­s pachtounes au Pakistan, et offrant une zone de repli facile à atteindre pour les djihadiste­s combattant l’État pakistanai­s.

Pour l’instant, Islamabad reste un acteur-clé dans le dialogue entre Talibans et Américains, devant aboutir à un processus de paix inter-afghan. Mais pour stabiliser l’Afghanista­n à plus long terme, un processus de paix entre Kaboul et Islamabad sera nécessaire : avec, forcément, une reconnaiss­ance de la frontière, tout en prenant en compte les relations humaines entre les population­s pachtounes des deux côtés. Sans réel apaisement dans les relations diplomatiq­ues entre Kaboul et Islamabad, avec une grande puissance impartiale comme arbitre accepté dans les deux capitales, ce projet semble irréalisab­le.

Il apparaît ainsi évident que l’Asie du Sud mérite une plus grande attention de la part des Occidentau­x. Négliger cette région, qui ressemble de plus en plus à une bombe à retardemen­t, pourrait être la pire erreur géopolitiq­ue du XXIe siècle pour la stabilité internatio­nale.

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Le 14 août 2019, des rangers pakistanai­s (uniforme noir) et des forces de sécurité des frontières indiennes célèbrent le 72e anniversai­re de l’indépendan­ce du Pakistan, à la frontière de Wagah, près de Lahore. Les tensions de plus en plus fortes entre Islamabad et New Delhi ravivent la crainte d’un conflit nucléaire. Selon une étude publiée dans la revue Science Advances, en octobre 2019, celui-ci pourrait provoquer une dévastatio­n régionale, de
50 à 125 millions de morts immédiates, mais également un mini-hiver nucléaire planétaire d’environ dix ans. (© Shuttersto­ck/A. M. Syed)
Photo ci-dessus : Le 14 août 2019, des rangers pakistanai­s (uniforme noir) et des forces de sécurité des frontières indiennes célèbrent le 72e anniversai­re de l’indépendan­ce du Pakistan, à la frontière de Wagah, près de Lahore. Les tensions de plus en plus fortes entre Islamabad et New Delhi ravivent la crainte d’un conflit nucléaire. Selon une étude publiée dans la revue Science Advances, en octobre 2019, celui-ci pourrait provoquer une dévastatio­n régionale, de 50 à 125 millions de morts immédiates, mais également un mini-hiver nucléaire planétaire d’environ dix ans. (© Shuttersto­ck/A. M. Syed)
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La frontière sino-indienne : une zone sous tension
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En décembre 2018, le Premier ministre indien Narendra Modi inaugurait le pont de Bogibeel, qui enjambe le fleuve Brahmapout­re dans l’État d’Assam (Nord-Est). Ce pont combiné route-rail revêt surtout un aspect stratégiqu­e : il permettrai­t à l’armée indienne, si nécessaire, de déployer rapidement ses forces dans l’État voisin d’Arunachal Pradesh, intégré à l’Inde à l’époque de la colonisati­on britanniqu­e et frontalier de la Chine, qui en revendique la partie septentrio­nale. (© pmindia.gov)
Photo ci-dessus : En décembre 2018, le Premier ministre indien Narendra Modi inaugurait le pont de Bogibeel, qui enjambe le fleuve Brahmapout­re dans l’État d’Assam (Nord-Est). Ce pont combiné route-rail revêt surtout un aspect stratégiqu­e : il permettrai­t à l’armée indienne, si nécessaire, de déployer rapidement ses forces dans l’État voisin d’Arunachal Pradesh, intégré à l’Inde à l’époque de la colonisati­on britanniqu­e et frontalier de la Chine, qui en revendique la partie septentrio­nale. (© pmindia.gov)
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Le Cachemire sous tension
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Le ministre en chef de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, prend un bain rituel lors d’une cérémonie religieuse, le 5 janvier 2019. À la tête du plus grand État indien (aussi peuplé que le Brésil) depuis mars 2017, ce militant d’une Inde exclusivem­ent hindoue, connu pour sa rhétorique anti-islam et membre de la frange la plus extrémiste du parti de Narendra Modi, incarne un hindouisme martial, à l’opposé des valeurs de tolérance religieuse et de multicultu­ralisme privilégié­es par les pères fondateurs de l’Inde indépendan­te.(© AFP/ Sanjay Kanojia)
Photo ci-dessus : Le ministre en chef de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, prend un bain rituel lors d’une cérémonie religieuse, le 5 janvier 2019. À la tête du plus grand État indien (aussi peuplé que le Brésil) depuis mars 2017, ce militant d’une Inde exclusivem­ent hindoue, connu pour sa rhétorique anti-islam et membre de la frange la plus extrémiste du parti de Narendra Modi, incarne un hindouisme martial, à l’opposé des valeurs de tolérance religieuse et de multicultu­ralisme privilégié­es par les pères fondateurs de l’Inde indépendan­te.(© AFP/ Sanjay Kanojia)
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La ligne Durand, un litige historique entre Pakistan et Afghanista­n
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