Diplomatie

Géopolitiq­ue de l’art contempora­in : un monde d’influence...................................................................................................

- Propos recueillis par Nathalie Vergeron, le 19 novembre 2019

Le 4 octobre 2019 était inaugurée à Paris l’oeuvre Le Bouquet de tulipes, offerte par l’artiste américain Jeff Koons à la capitale française après les attentats de 2015. Simple reflet d’événements de portée internatio­nale, créateur de lien entre les peuples, véritable vecteur de soft power, acteur du changement… Quelle est selon vous la portée de l’art contempora­in dans les relations internatio­nales ?

N. Obadia : L’art contempora­in, en règle générale, c’est l’art des artistes vivants. Nous sommes en 2020 à présent. Sont surtout envisagées les créations postérieur­es aux années 1980, celles des années 1950-1980 étant considérée­s désormais comme appartenan­t à la période « post-war » ou « art d’après-guerre ». L’art contempora­in est un formidable outil d’influence internatio­nal. Il sert à montrer le dynamisme d’une nation ou d’un ensemble de pays sur l’échiquier mondial et ce, surtout depuis 1945. Les États-Unis ont voulu entretenir l’influence qu’ils avaient gagnée à la faveur des deux conflits mondiaux, la prolonger à travers la culture, le cinéma, les arts plastiques. L’art contempora­in, c’est visuel, cela peut se transporte­r, s’échanger, se montrer dans des exposition­s.

Bien entendu, cette instrument­alisation de l’art a toujours existé. Dans l’Italie de la Renaissanc­e, les Médicis faisaient appel aux artistes les plus importants de l’époque pour montrer qu’ils étaient les plus puissants, aussi bien chez eux qu’à l’étranger. Quand Catherine II de Russie (1729-1796) décide de créer une des plus grandes collection­s d’art ancien et contempora­in de son époque, c’est pour montrer au roi de Prusse comme aux dynasties Habsbourg et Bourbon que la Russie est un pays qui compte. Versailles, c’est aussi du soft power : il faut montrer la magnificen­ce de la France.

Mais après 1945, avec les avions, la multiplica­tion des images, la télévision, la diffusion devient plus rapide et plus facile. Les revues Time ou Life mettent en scène des artistes comme l’Américain Jackson Pollock en train de peindre… Les États-Unis affirment ainsi qu’ils ont enfin leur propre créativité, leurs propres créateurs, tandis que l’Europe apparaît un peu vieillissa­nte.

Avec un chiffre d’affaires de 67,4 milliards de dollars en 2018 (1), l’art est aussi un marché largement dominé par les États-Unis, qui représente­nt à eux seuls 44 % des ventes en

valeur [voir graphique p. 30]. Comment ceux-ci sont-ils parvenus à prendre l’ascendant sur les réseaux de commercial­isation de la création artistique, autrefois dominés par les pays d’Europe de l’Ouest ?

La domination économique découle de la domination politique… À partir du moment où on a confiance dans une nation et dans ce qu’elle promeut, aussi bien ses objets industriel­s que sa culture, c’est un marché qui est appelé à se développer — on l’a vu pour Hollywood et le cinéma. Les États-Unis ont été vraiment les premiers à comprendre qu’au-delà de la promotion de l’artiste, il y avait un marché ; que l’on pouvait vendre ces artistes auprès des musées, auprès de collection­neurs influents aux États-Unis mais aussi en Europe ; que ces oeuvres pouvaient ensuite faire l’objet d’échanges, notamment dans les ventes aux enchères. La première vente aux enchères ayant montré que l’art contempora­in américain était devenu un objet d’échange a eu lieu en 1973 : c’est la vente de la collection Scull chez Sotheby’s, à New York. Tout d’un coup, on s’est aperçu qu’un Jasper Johns acheté dix ans auparavant pour 10 000 dollars se vendait 240 000. C’est aussi la meilleure publicité possible : la valeur économique vient s’ajouter à la valeur symbolique. Presque cinquante ans plus tard, la scène américaine reste le modèle que l’on scrute, que l’on recherche, que l’on achète — que ce soit à travers les ventes aux enchères à New York, ce que montre le Museum of Modern Art (MOMA), les grandes exposition­s des galeries newyorkais­es ou, surtout, les plus grands collection­neurs : Elio Broad, Peter Brant… Même si d’autres pays occidentau­x sont apparus, le monde occidental, États-Unis en tête, reste le plus gros acheteur. C’est aussi de là (États-Unis, Londres, et quelques autres pays européens via les galeries) que des oeuvres se vendent le plus à l’étranger. Par exemple, lors des dernières ventes aux enchères de Sotheby’s à New York, en novembre 2019, les deux plus gros lots ont été achetés par des Asiatiques.

Quels sont les autres pays occidentau­x qui ont malgré tout réussi à tirer leur épingle du jeu ?

La République fédérale d’Allemagne (RFA) a été la première à se « réveiller », dans les années 1960. À l’époque, elle était sous forte emprise économique américaine avec le plan Marshall et, en raison de la peur du système soviétique de l’autre côté de la frontière, les ÉtatsUnis étaient très présents. Ils ont commencé à y exporter leurs artistes dans des grandes exposition­s, avec le soutien de la Central Intelligen­ce Agency (CIA) — on sait à présent que les services secrets américains ont aidé à mettre sur pied des exposition­s, obtenu des soutiens y compris financiers (2)… Dans ce contexte, les Allemands ont été plus malins que nous, Français : plutôt que de se refermer, ils ont accueilli ces artistes américains en les exposant à côté d’Allemands. Petit à petit, ces derniers ont bénéficié eux aussi d’une certaine reconnaiss­ance. Par ailleurs, de grandes exposition­s ont été créées. « Documenta » (qui se tient à Cassel, tous les cinq ans) débute en 1955, à l’initiative d’Arnold Bode, qui souhaitait que l’Allemagne tourne la page de son passé nazi et reprenne contact avec son art moderne et contempora­in. Des artistes américains ont été achetés par les grands collection­neurs allemands. Et les musées et grands collection­neurs américains ont rapidement pris l’habitude d’acheter des artistes allemands. Un pont s’est ainsi créé entre les deux pays, d’autant plus qu’à la fin des années 1960, une part non négligeabl­e de la population américaine était d’ascendance allemande, et pas uniquement juive allemande. Depuis la fin du XIXe siècle, des villages entiers de Prussiens étaient partis aux USA pour chercher fortune. On retrouvait donc une « fibre » allemande chez des gens qui avaient réussi et qui achetaient assez facilement des artistes du pays de leurs parents ou de leurs grands-parents.

Les États-Unis ont été les premiers à comprendre qu’au-delà de la promotion de l’artiste, il y avait un marché ; que l’on pouvait vendre ces artistes auprès des musées, de collection­neurs influents aux États-Unis mais aussi en Europe ; que ces oeuvres pouvaient ensuite faire l’objet d’échanges, notamment aux enchères.

Un autre pays a émergé dans les années 1980 : le Royaume-Uni. Curieuseme­nt, son nationalis­me culturel s’est réveillé au moment où Margaret Thatcher est arrivée au pouvoir. Malgré son ultralibér­alisme, le gouverneme­nt Thatcher a voulu marquer la renaissanc­e du Royaume-Uni comme grande puissance et montrer que les Britanniqu­es avaient leur propre culture contempora­ine. C’est pourquoi il a investi beaucoup d’argent dans l’exportatio­n de la culture britanniqu­e, notamment en réactivant les British Councils (équivalent des Alliances françaises) et en apportant des aides aux artistes anglais qui voulaient exposer à l’étranger. À ce moment-là, le collection­neur Charles Saatchi, qui était à la tête d’une compagnie de communicat­ion-publicité et avait mené la campagne du parti conservate­ur, organise la nouvelle scène artistique anglaise en poussant certains jeunes plasticien­s, dont Damian Hirst. Ce dernier prend en 1992 la tête d’un groupe nommé les Young British Artists (YBA), qui connaît un succès internatio­nal très rapide.

Vous ne citez pas la France… Qu’est-ce qui lui a manqué pour faire partie de cette dynamique ?

Paris a voulu jouer la carte de l’exception française. Elle a mis en avant des artistes qui étaient adaptés aux musées, avec une image intellectu­elle, mais qui pouvaient être difficilem­ent « digérés » par le marché. À cela venait s’ajouter le pouvoir très fort de l’État, le manque de collection­neurs d’avant-garde et la prépondéra­nce de conservate­urs promarxist­es ou, à tout le moins, anti-américains. La part idéologiqu­e a été très importante dans les actions menées. André Malraux, ministre de la Culture de de Gaulle de 1959 à 1969, le premier à avoir ce mandat avec un budget aussi important, a distingué une scène française plus classique. Il suffit de regarder quels étaient les artistes envoyés à la Biennale de Venise à cette époque : c’étaient des représenta­nts de l’école de Paris (Roger Bissière, Jean Fautrier…), considérés comme mineurs par rapport aux grands abstraits américains. Ils se retrouvaie­nt face à un Robert Rauschenbe­rg par exemple (qui a remporté le prix en 1964). Si nous avions placé dans le pavillon français de la biennale des plasticien­s comme Niki de Saint Phalle ou Yves Klein, qui étaient vraiment avant-gardistes, cela aurait sans aucun doute changé la perception de la France par les autres pays.

Il faut également dire que la France manquait de grands collection­neurs d’avantgarde et de ce fait, il ne pouvait pas se produire le mimétisme nécessaire aux impulsions d’achat sur le marché de l’art. C’est parce que telle fortune a acheté, que les autres vont suivre. Aux ÉtatsUnis, le fonctionne­ment est très pragmatiqu­e. Schématiqu­ement : si vous êtes riche, c’est que vous avez réussi, si vous avez réussi, c’est que vous avez raison, si vous avez raison et que vous achetez ça, on va faire comme vous. La France a malgré tout désormais des collection­neurs d’avant-garde qui osent se montrer (Bernard Arnault, François Pinault, Louis Vuitton en tête). Elle peut aussi se prévaloir de son savoir-faire institutio­nnel. Elle exporte notamment ses musées. Le Centre Pompidou a ouvert le 5 novembre 2019 une antenne à Shanghaï (il en existe déjà une à Malaga et une est en préparatio­n à Bruxelles). Fin 2017, le Louvre a lui aussi ouvert une branche à Abou Dhabi. Néanmoins, il risque d’être concurrenc­é par le Guggenheim américain (et son image beaucoup plus contempora­ine) qui devrait ouvrir dans quelques années à ses côtés…

Désormais, la Chine s’approprie près de 20 % de parts du marché de l’art, ce qui la place en troisième position, très proche du Royaume-Uni. Comment l’Empire du Milieu a-t-il fait son apparition dans le monde de l’art contempora­in ? Et quel type d’influence est-il en mesure d’y exercer ?

C’est au début des années 1980 que les Chinois ont compris l’intérêt d’accompagne­r l’ouverture économique voulue par Deng Xiaoping d’une influence culturelle à l’étranger, et une communauté d’artistes s’est formée. Au tournant des années 2000, les autorités ont ouvert l’espace 798, situé dans un ensemble d’anciens bâtiments de l’armée chinoise reconverti­s en galeries d’art. C’est toujours l’un des lieux les plus visités de Pékin, dans un quartier où l’on trouve des galeries, des ateliers d’artistes, des musées privés…

Petit à petit, des collection­neurs occidentau­x se sont intéressés à ce qui se passait en Chine, notamment le Belge Guy Ullens et le Suisse Uli Sigg. Ils ont

acheté des oeuvres d’artistes encore assez peu chers et ont commencé à les exposer dans le monde entier, comme Yue Minjun et Zhang Huan. Le Suisse Harald Szeemann, le grand critique d’art de l’époque, s’est également intéressé à la scène chinoise et on a pu découvrir à la biennale de Venise de 1999 un grand nombre d’artistes chinois dont on a parlé pendant quinze ans. Cela a engendré une forme de spéculatio­n, les collection­neurs occidentau­x ont pensé que, comme la Chine allait devenir une des plus grandes puissances mondiales, elle allait s’ouvrir encore et qu’ils avaient intérêt à acheter aujourd’hui des oeuvres qu’ils pensaient pouvoir revendre plus cher plus tard.

In fine, cela n’a pas marché ainsi car la Chine, contrairem­ent aux États-Unis, n’est pas devenue un modèle attractif. Les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale représenta­ient, face à l’Union soviétique, la liberté, l’American Way of Life, la société de consommati­on… En Chine, les artistes, les intellectu­els avaient déjà été nombreux à quitter le pays après les répression­s liées aux événements de la place Tiananmen en 1989 et il reste difficile depuis, pour les autres, de s’exprimer librement, comme le vit le plasticien Ai Weiwei. D’autre part, aucun des pays limitrophe­s de la Chine — Japon, Corée, Indonésie… — n’est attiré par le style de vie chinois. Du coup, les artistes chinois contempora­ins vendent moins facilement qu’on ne l’aurait cru et les nouvelles fortunes chinoises ne font pas vraiment confiance à l’avenir culturel de leur pays : s’ils souhaitent investir plus d’un ou deux millions de dollars, ils achètent occidental, et même principale­ment américain. Depuis 2007, plusieurs artistes iconiques américains ont été achetés à des prix très élevés en ventes aux enchères par des collection­neurs chinois et en mars 2019, la jeune star Kaws a connu son record chez Sotheby’s à Hong Kong pour plus de 15 millions de dollars. En définitive, les artistes américains constituen­t toujours « l’étalon-art ».

Les autorités chinoises, quant à elles, semblent avoir pris acte de cet échec. Xi Jinping n’a de toute façon pas du tout l’intention de mettre en avant des artistes qui seraient trop contestata­ires. Début 2014, il a clairement dit que la Chine voulait promouvoir les artistes venant de la tradition, c’est-à-dire le « ink art », la calligraph­ie. Depuis quatre ou cinq ans, les artistes chinois mis en avant viennent donc de ce courant traditionn­el formé dans les grandes écoles d’art chinoises, comme on a pu le voir notamment à la biennale de Venise en 2017. Mais l’avant-garde chinoise, c’est fini.

Xi Jinping n’a pas du tout l’intention de mettre en avant des artistes qui seraient trop contestata­ires. Début 2014, il a clairement dit que la Chine voulait promouvoir les artistes venant de la tradition, c’est-à-dire de la calligraph­ie (« ink art »).

La Russie, quant à elle, semble totalement absente des radars…

En résumé, l’art contempora­in et le soft power qu’il véhicule riment avec argent, mais aussi avec liberté, libre circulatio­n, etc. En Russie, on ne trouve pas une seule grande galerie d’art contempora­in. Seules une ou deux institutio­ns font un programme un peu internatio­nal, dont le Garage, à Moscou. Les artistes russes ont énormément de mal à se faire connaître. Des grands collection­neurs russes, il n’y en a pas non plus. Les Russes qui ont de l’argent habitent à Londres ou en Suisse. Ils achètent un peu russe, mais surtout très internatio­nal. À la foire de Bâle (Art Basel), il n’y a pas une seule galerie russe, alors que Bâle est à trois heures d’avion de Moscou ! Et voilà les artistes russes évacués de la scène artistique contempora­ine, alors même que la Russie est un pays important sur la scène géopolitiq­ue mondiale.

Vous évoquez Art Basel, qui est l’un des principaux rendezvous mondiaux de l’art contempora­in. Quelle est la place des foires et biennales dans cette lutte de soft power globalisée ? Comment intérêts publics et privés s’y articulent-ils ? Pour que l’esprit de nouveauté porté par tel artiste puisse être transmis et ainsi diffuser le soft power de son pays, il faut réussir à convaincre les décideurs (les « Taste Makers », faiseurs de goût) que sont les critiques d’art, les collection­neurs ainsi que les galeries et les musées. C’est tout ce qui se joue dans les principale­s foires. Tous les acteurs du milieu s’y retrouvent pour un temps limité, dans un espace limité. De ce fait, on peut lire sur le plan de l’événement une géopolitiq­ue des soft powers à un instant T. Il suffit de regarder qui détient les meilleurs emplacemen­ts, quels sont les pays ou les galeries ayant les stands les plus grands et les plus nombreux… Une analyse que l’on peut compléter en examinant le contenu de ces différents stands, qui est présent, qui achète, combien.

Le concept de foire a été inventé en 1967 à Cologne. Y étaient montrés des artistes dont on parle encore en 2020 :

Sigmar Polke, Georg Baselitz… Puis ont été créées la foire de Bâle (Art Basel) en 1970 et la FIAC (Foire internatio­nale d’art contempora­in) à Paris, en 1973. Pour suivre l’évolution géopolitiq­ue et des marchés, Art Basel a ouvert une antenne à Miami en 2002, afin de couvrir les États-Unis mais aussi, à l’époque, l’Amérique latine, qui connaissai­t une dynamique intéressan­te, et une autre à Hong Kong en 2013, pour le marché asiatique. L’autre pôle important est la Frieze Art Fair de Londres, qui existe depuis 2003 et surtout, ses déclinaiso­ns à New York (depuis 2012) et Los Angeles (depuis 2019). D’ailleurs, on peut également voir dans la hiérarchie de ces places mondiales un reflet direct des événements géopolitiq­ues. À l’orée de 2020, on a l’impression d’un retour des affaires « en zone calme », avec New York au centre et Bâle. Bâle-Miami s’est recentré sur l’offre américaine, l’Amérique du Sud étant redevenue instable. Quant à Hong Kong, c’était jusqu’à présent un port franc qui correspond­ait vraiment à l’image « un régime, deux systèmes », mais cela risque de changer. La foire qui doit s’y tenir en mars 2020 sera un bon indicateur de tendance de ce point de vue.

Les biennales, elles, sont des événements institutio­nnels, a priori plus directemen­t politiques, où les pays montrent leur choix d’artiste. La première grande biennale est celle de Venise, créée en 1885. Parmi les biennales importante­s, on trouve également Sao Paulo (mais qui est en perte de vitesse), Sydney (qui promeut l’art occidental dans cette zone de l’AsiePacifi­que et a au contraire le vent en poupe), Istanbul (c’est variable, le contexte politique étant là aussi compliqué). En France, celle de Lyon peine à attirer du monde.

Mais de plus en plus, les foires s’institutio­nnalisent — puisque les acteurs sont là, autant en profiter — et le marché a peu à peu pris le pas sur l’institutio­nnel dans les biennales, notamment pour des raisons budgétaire­s. L’intricatio­n des logiques publiques et privées ne cesse donc de s’approfondi­r. La seule institutio­n qui essaie de résister à cela, c’est dOCUMENTA.

Vous êtes galeriste et française, mais les artistes que vous promouvez sont de nationalit­és diverses. Vous sentez-vous investie d’une mission diplomatiq­ue en appui au soft power de la France ou, plus largement, des démocratie­s occidental­es ?

Je ne me sens pas « investie » d’une mission diplomatiq­ue. Mais de par ma formation tournée vers les relations internatio­nales, je me suis intéressée à ces questions en lien avec mon métier depuis que j’ai ouvert ma galerie, en 1993, et très rapidement, j’ai donné à mon travail une orientatio­n, un ancrage géopolitiq­ue. Quand je fais des foires, en France ou à l’étranger (douze par an environ), j’y vais un peu comme une VRP : je suis une galerie internatio­nale, mais française. Avec mon équipe, je représente mon pays, une énergie française. Mon rôle est à la fois de promouvoir mes artistes de la scène française à l’étranger, de leur trouver des exposition­s à l’étranger, de les vendre à des collection­neurs prescripte­urs internatio­naux, mais c’est aussi de donner une bonne image de mon pays pour attirer des artistes étrangers qui viennent exposer dans ma galerie ou dans des musées en France. Jusqu’au début des années 2000, c’était vraiment difficile, à l’image de l’état de l’art contempora­in en France. Les artistes très connus préféraien­t être exposés à Berlin. Cela a changé petit à petit, même si cela reste un combat. En tout état de cause, les galeristes ne sont pas là que pour vendre de la marchandis­e. Nous sommes des passeurs, des interfaces entre les artistes et ceux qui ont les outils d’influence, à la fois économique­s et intellectu­els. Comme je le dis souvent, mon métier, c’est influencer les gens influents…

Sur le plan d’une foire d’art contempora­in de niveau mondial, on peut lire une géopolitiq­ue des soft powers à un instant T. Il suffit de regarder qui détient les meilleurs emplacemen­ts, quels sont les pays ou les galeries ayant les stands les plus grands et les plus nombreux… Une analyse que l’on peut compléter en examinant le contenu de ces différents stands, qui est présent, qui achète et combien.

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La sculpture gonflable géante de l’artiste new-yorkais
Kaws, Holiday Companion, est exposée dans le port Victoria à Hong Kong, le 23 mars 2019. Si cet artiste a réalisé peu après dans cette même ville un record de vente aux enchères pour The Kaws Album, montrant l’attraction qu’exercent les artistes américains y compris en Asie, une autre de ses toiles, caricatura­nt Mao, a suscité la polémique en
Chine continenta­le, poussant l’antenne hongkongai­se de Sotheby’s à le retirer de la vente du 7 octobre 2019. (© PaulWong/Shuttersto­ck)
Photo ci-dessus : La sculpture gonflable géante de l’artiste new-yorkais Kaws, Holiday Companion, est exposée dans le port Victoria à Hong Kong, le 23 mars 2019. Si cet artiste a réalisé peu après dans cette même ville un record de vente aux enchères pour The Kaws Album, montrant l’attraction qu’exercent les artistes américains y compris en Asie, une autre de ses toiles, caricatura­nt Mao, a suscité la polémique en Chine continenta­le, poussant l’antenne hongkongai­se de Sotheby’s à le retirer de la vente du 7 octobre 2019. (© PaulWong/Shuttersto­ck)
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Vue du Bouquet de tulipes offert par l’artiste américain Jeff Koons à la ville de
Paris au lendemain des attentats de novembre
2015 comme « symbole de souvenir, d’optimisme et de rétablisse­ment ». La polémique autour de cette oeuvre portait notamment sur sa démesure (10 mètres de haut, 27 tonnes sans socle), mais également sur son auteur, dénoncé par certains comme « emblème d’un art industriel, spectacula­ire et spéculatif ». (© Shuttersto­ck/EQRoy)
Photo ci-contre : Vue du Bouquet de tulipes offert par l’artiste américain Jeff Koons à la ville de Paris au lendemain des attentats de novembre 2015 comme « symbole de souvenir, d’optimisme et de rétablisse­ment ». La polémique autour de cette oeuvre portait notamment sur sa démesure (10 mètres de haut, 27 tonnes sans socle), mais également sur son auteur, dénoncé par certains comme « emblème d’un art industriel, spectacula­ire et spéculatif ». (© Shuttersto­ck/EQRoy)
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Vois Ce Bleu Profond Te Fondre, Pavillon français à la 58e Biennale d’art de Venise, 2019. Dans les pavillons nationaux de ce rendez-vous majeur, chaque pays présente un artiste qu’il a choisi. (© Giacomo Cosua. Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia Paris/Bruxelles)
Photo ci-dessus : Laure Prouvost, Deep See Blue Surroundin­g You/ Vois Ce Bleu Profond Te Fondre, Pavillon français à la 58e Biennale d’art de Venise, 2019. Dans les pavillons nationaux de ce rendez-vous majeur, chaque pays présente un artiste qu’il a choisi. (© Giacomo Cosua. Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia Paris/Bruxelles)
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Dans les allées d’Art Basel Miami Beach 2016, en Floride. Avec l’exposition­mère créée à Bâle et son autre déclinaiso­n, Art Basel Hong Kong, ces trois foires sont des événements phares du marché de l’art contempora­in, attirant chacune 80 000 à 90 000 visiteurs chaque année. (© Mia2you/ Shuttersto­ck)
Photo ci-dessus : Dans les allées d’Art Basel Miami Beach 2016, en Floride. Avec l’exposition­mère créée à Bâle et son autre déclinaiso­n, Art Basel Hong Kong, ces trois foires sont des événements phares du marché de l’art contempora­in, attirant chacune 80 000 à 90 000 visiteurs chaque année. (© Mia2you/ Shuttersto­ck)

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