L’Inde de Modi, national-populisme et démocratie ethnique
Christophe Jaffrelot, Paris, Fayard, mars 2019, 352 p.
En cinq ans, les nationalistes hindous ont changé la face de l’Inde. Non seulement ils ont mis au pas les tenants du sécularisme (universitaires, ONG…), mais ils se sont aussi attaqués aux chrétiens et aux musulmans, au point de les marginaliser dans les assemblées nationales et régionales, et, surtout, de mettre en place une police culturelle. Ce dispositif, s’il ne s’est pas traduit par des réformes constitutionnelles, donne aujourd’hui naissance à une démocratie ethnique de fait. Au terme d’une longue enquête, Christophe Jaffrelot, ancien directeur du Centre de recherches internationales (CERI/Sciences Po) et directeur de recherche au CNRS, livre ainsi le portrait saisissant d’une Inde nationaliste, dont les dirigeants ont su profiter du jeu électoral pour exclure. En Inde comme dans bien d’autres pays, la nation ne se définit pas seulement sur le mode ouvert de la citoyenneté, mais aussi sur celui, fermé, de l’ethnicité. Le premier a longtemps été représenté par le parti du Congrès de Gandhi puis de Nehru, et le second par les nationalistes hindous, pour lesquels la communauté majoritaire incarne l’Inde éternelle, tandis que les chrétiens et les musulmans sont des pièces rapportées devant prêter allégeance aux symboles hindous pour être reconnus comme des Indiens à part entière. Né dans les années 1920, le nationalisme hindou n’a pris son essor que dans les années 1990 avant de conquérir le pouvoir en 2014. Ce tournant doit beaucoup au populisme de son leader, Narendra Modi.