éditorial
Soixante-dix ans après sa création, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) demeure sans doute l’alliance politique et militaire la plus puissante que l’Histoire ait jamais connue. Forte de 29 États membres, elle incarne pour ces derniers l’assurance d’une réelle protection militaire, au titre de l’article 5 du traité.
Fondée autour de valeurs démocratiques, son image demeure pourtant ambivalente aux yeux d’un grand nombre de pays étrangers, où elle incarne avant tout l’expression militaire d’un « Occident » dominateur et interventionniste sous influence américaine.
Son existence même, chahutée à l’issue de la victoire du bloc de l’Ouest face à l’URSS, a acquis une nouvelle épaisseur après la guerre russo-géorgienne de 2008 et l’annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014. Plus encore, la Chine constitue désormais un nouveau repère stratégique pour l’OTAN, qui se perçoit désormais comme un acteur de sécurité global et non plus simplement régional.
Au-delà des défis budgétaires auxquels la plupart des États membres de l’alliance sont confrontés (peu d’entre eux satisfont à l’objectif, fixé en 2014, d’un effort de défense porté à 2 % de leur PIB), la cohésion interne de l’OTAN semble de plus en plus fragilisée depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Sans parler de l’attitude ambiguë de la Turquie face à la Russie et à certains mouvements terroristes en Syrie, qui a conduit le président français à parler d’une « mort cérébrale » de l’alliance en octobre dernier, en pleine commémoration des 30 ans de la chute du mur de Berlin. Des propos qui s’inscrivent dans une posture gaullienne, mais dont la portée effective, au-delà des frontières de l’opinion publique française — semble plus que limitée. Car dans un contexte géostratégique de grand désordre, où l’Alliance atlantique demeure, pour la plupart de ses États membres, l’une des rares certitudes en matière de sécurité, les critiques françaises déclenchent davantage l’irritation ou l’incompréhension qu’une véritable adhésion, alors même que la nouvelle stratégie de rapprochement franco-russe initiée par Emmanuel Macron brouille sensiblement tout discours provenant de Paris.