– ANALYSE L’année de l’épée : le génocide assyro-chaldéen sous l’Empire ottoman (1915-1918)
En 1915, comme les Arméniens, des centaines de milliers d’Assyro-Chaldéens ont subi par l’Empire ottoman un véritable génocide aux termes de la Convention de l’ONU de 1948. Un siècle plus tard, la communauté internationale redécouvre cet épisode méconnu, auquel font écho les persécutions commises par Daech sur les chrétiens en Irak et en Syrie.
De nombreux actes douloureux et des scènes d’horreur jalonnent l’histoire des Assyro-Chaldéens, victimes en 1915 et 1918 du panturquisme et du panislamisme, principalement dans l’Est de la Turquie et le Nord de l’Iran. Des centaines de milliers de personnes furent massacrées ou sont mortes de privation, de soif, de faim, de misère, d’inanition, d’épuisement et de maladies sur les routes de l’exode et de la déportation. On estime le nombre de personnes qui ont péri sur l’ensemble du territoire turco-persan, des mains des Turcs, des irréguliers kurdes et d’autres ethnies qui furent utilisées à ces fins, à plus de 250 000, ce qui représente la moitié de la communauté. Ce fut une stratégie d’éradication, à laquelle s’est ajouté un ethnocide. L’objectif était de les évacuer des zones géographiques trop sensibles aux yeux des nationalistes turcs et de se débarrasser, sous le prétexte trompeur d’infidélité et de déloyauté, de ces non-Turcs et non-musulmans, en les éliminant physiquement, en les diluant et en les déportant. Ce fut un génocide conforme à la définition que donne de ce terme la Convention de l’ONU du 9 décembre 1948. Au lendemain de la guerre, ils ont déployé une importante action diplomatique auprès des Alliés. La question assyro-chaldéenne prit alors une tournure internationale, documentation à l’appui. Mais les
choses ne s’arrêtent pas à 1915. Il y eut 1918 sur le front turco-persan et d’autres phases éprouvantes comme celles de 1922-1924 (en Turquie) et de 1933 (en Irak).
La tragédie subie par les Assyro-Chaldéens sous l’Empire ottoman se poursuit désormais sous d’autres cieux. Pour les chrétiens d’Orient (Assyriens, Chaldéens et Syriaques proprement dits), le XXe siècle a tragiquement commencé, s’est cruellement poursuivi et s’est mal terminé. Quant à notre siècle, ses premières pages s’ouvrent sur les persécutions en Irak et en Syrie. Ironie du sort, les victimes assyriennes de Daech, dans le Khabour, dans le NordEst de la Syrie, en février 2015, sont des descendants des réfugiés venus d’Irak en 1933, des rescapés du génocide de 1915 qui avaient, auparavant, fui le Hakkari turc. Une nouvelle fois, ils furent chassés par des organisations islamistes, à l’instar de leurs frères de Mossoul et de la région de Ninive. Loin d’être réglé en Irak, le drame se poursuit, comme on le voit dans la Nord-Est syrien, car ils vivent dans l’incertitude depuis la proclamation du Rojava kurde (2012) et surtout l’offensive turque du 9 octobre 2019. Affaiblie et menacée dans son existence même au Moyen-Orient, plus de la moitié de la population chrétienne a pris le chemin de l’exil. Héritiers d’un illustre passé, les Assyro-Chaldéens laissent derrière eux une terre cultivée par leur labeur, un sol couvert de leurs traces et irrigué de leur mémoire. S’organisant en diaspora, ils agissent désormais pour faire entendre leur voix, en pointant du doigt le génocide de 19151918, qui est à l’origine de leur malheur et de leur dispersion. Cette tragédie, dite la Nakba (terme arabe qui veut dire catastrophe) (2), est qualifiée d’« année de l’épée ».
Qui sont les Assyro-Chaldéens ?
Enracinés au Moyen-Orient (Irak, Turquie, Iran, Syrie, Liban), dotés de caractéristiques identitaires propres, peuple autochtone mais démuni d’État protecteur, les Assyro-Chaldéens se considèrent en filiation avec les peuples assyro-babylonien, chaldéen et araméen de la Syro-Mésopotamie antique. Vivant à la périphérie et sur les marches des Empires ottoman et persan, dans une zone hautement convoitée, ils étaient établis principalement en Anatolie orientale (Tour Abdin, Midyat, Mardin, Séert, Bitlis, Diarbékir, Van, Hakkari, Bohtan…), dans le Nord de l’Irak actuel (provinces de Ninive et de Kirkouk) et le NordOuest de l’Iran (Ourmia et Salamas, province de l’Azerbaïdjan occidental). Jamais à l’abri de persécutions séculaires, appartenant principalement à l’Église de l’Orient (dans ses deux branches chaldéenne et assyrienne dite nestorienne) et à l’Église syriaque (dans ses deux rameaux syriaque orthodoxe, dit jacobite, et catholique), ils eurent à subir les outrages et les avanies des Romains, des Grecs, des Persans, et aussi des Byzantins, des Mongols, des Turcs et de bien d’autres conquérants. Sous le pouvoir arabo-musulman, ils ont été traités comme des citoyens de seconde zone, leur vie vacillant entre coexistence et persécution.
Événements précurseurs et signes avant-coureurs
Pour comprendre 1915-1918, il faut remonter à 1907, en examinant l’évolution de l’Empire ottoman et son déclin progressif. À partir de cette année-là, les Turcs commencèrent à se mêler de la politique de l’Iran, avec des ambitions territoriales déclarées sur la région de l’Azerbaïdjan, aidés par les Kurdes qui agissaient comme leurs agents et se chargeaient du pillage des villages. Les Turcs contestaient le tracé de la frontière et revendiquaient ces montagnes
et, plus encore, visaient la plaine jusqu’au lac d’Ourmia. Face à ces attaques, les autorités persanes, elles, se montraient impuissantes. Des invasions turco-kurdes dévastèrent ainsi en 1907-1908 des villages chrétiens des montagnes d’Iran comme Mavana, habité par plus de 1000 Assyro-Chaldéens, ce qui provoqua un exode vers la ville d’Ourmia. William A. Shedd, missionnaire presbytérien américain à Ourmia, écrivait en 1916 : « Les Turcs occupaient en 1906 une bande de territoire le long de la frontière perse s’étendant depuis Soujboulak au sud-ouest jusqu’à Khoï à l’ouest. »
Avec la révolution des Jeunes-Turcs (1908-1909), qui mit fin au règne du despote, le sultan Abdel-Hamid, et qui fut accueillie à ses débuts avec espoir par les communautés chrétiennes, les Assyro-Chaldéens n’ont pratiquement rien perçu de positif, car elle a vite laissé la place à un nationalisme aigu. Il faut dire que les guerres balkaniques (1911-1912) et le démembrement progressif de l’Empire ottoman en Europe — commencé en 1878, voire avant — firent irrémédiablement pencher le pays vers le panturquisme et le panislamisme. Le pouvoir turco-ottoman
Pour les chrétiens d’Orient (Assyriens, Chaldéens et Syriaques proprement dits), le XXe siècle a tragiquement commencé, s’est cruellement poursuivi et s’est mal terminé.
était aveuglé par un nationalisme de conquête (panturquisme) à caractère exclusif, un État autoritaire et hypercentralisé, hostile aux autonomies locales et réfractaire aux réformes, soupçonneux de toute manifestation d’aspiration à la liberté des nationalités et religions qui composaient alors la Turquie. Cette politique était attisée par le panislamisme et le fanatisme religieux. Les chrétiens étaient considérés comme des infidèles ( kafer).
Le 9 septembre 1914, le gouvernement turc abolit unilatéralement le régime des Capitulations (3), ouvrant la voie à l’arbitraire pour les non-musulmans qui craignaient un appel au djihad (4). Alors que la guerre n’était pas encore officiellement déclarée, des massacres eurent lieu notamment à Bachkalé ( caza d’Albaq) et dans les districts de Gavar et de Shemsdinan, situés au nord-ouest du sandjak de Hakkari, toujours vers la frontière turco-persane.
Déterminée à entrer en guerre, la Turquie s’allia aux Puissances centrales (Allemagne et Autriche-Hongrie) contre la Russie, la France et l’Angleterre. Les négociations avec l’Allemagne aboutirent à la signature d’un accord d’alliance le 2 août 1914. Les Assyriens furent alors extrêmement choqués de voir l’Allemagne soutenir la Turquie et appuyer son appel au djihad, alors que ses missionnaires géraient dans la région des écoles et des orphelinats en leur faveur (5).
« […] Quand, au mois de novembre, la guerre fut déclarée officiellement, le mot d’ordre fut donné aux Kurdes, la Guerre sainte fut proclamée, et on commença les massacres et les rapines, notamment à Albaq, près Bachkalé (6) », écrit le consul de Russie à Ourmia, Basile Nikitine. Quelques semaines plus tard, en janvier 1915, après le retrait momentané (24 décembre 1914) des troupes russes qui occupaient la province persane d’Azerbaïdjan et celle de Van, l’arrivée en nombre de réfugiés, paralysés par la peur, en provenance du Bohtan et du Hakkari, dans les plaines d’Ourmia et de Salamas révéla cette tragédie au grand jour. Yonan Shahbaz, témoin oculaire, rapporta que, chaque nuit, il entendait des fusillades continues (7). Commentant ces drames, il affirma que ces agressions étaient délibérément planifiées et organisées par les Turcs dans le but de chasser les Russes et de prendre possession de l’Azerbaïdjan iranien. Cette question était loin d’être ignorée. Entre 1915 et 1925, c’était au contraire une affaire internationale. On savait quasiment tout et ces massacres furent en leur temps dénoncés par les plus hautes autorités religieuses et politiques, et couverts par la presse internationale (voir infra).
Les massacres de 1915-1918 et l’ethnocide
De janvier à novembre 1915, embrassant plusieurs fronts, les massacres eurent lieu sur une vaste échelle. Partant d’OurmiaSalamas, dans le Nord-Ouest de l’Iran, ils se déroulèrent en maintes phases, dévastant le Hakkari dans la province de Van, s’étendant à celle de Diarbékir, aux villes de Mardin, Nisibe, Bitlis, Séert, Midyat, à la région de Tour Abdin, Kharpout, Malatia, Ourfa, Adana, Bohtan, à la ville de Djéziré et à d’autres endroits d’Anatolie orientale. Sous la conduite du vali (gouverneur général) turc de Van, Djevdet pacha, beau-frère d’Enver, commandant en chef des troupes de la frontière turco-persane, les exactions commencèrent début janvier 1915 dans la région iranienne de Salamas et d’Ourmia, où des dizaines de villages assyro-chaldéens seront ravagés : Khosrava, Pataver, Goetapa, Ada, Gulpashan, Sopurghan, ainsi que dans les villes. Soeur Marie Guillou, des Filles de la charité, a dressé, le 7 avril 1919, un inventaire (neuf pages) de la maison de sa congrégation à Khosrava, en Perse, comparant avec ce que les soeurs
avaient laissé avant le pillage, quand elles durent tout quitter lors de l’invasion turco-kurde, le 5 janvier 1915. Tout a été saccagé et vandalisé, écrivait-elle : chapelle, dortoirs, dortoirs des orphelines et hôpital, chambres de communauté, appartements, cuisine, denrées, réserves dans la cave murée, réfectoire, lingerie, vestiaire des orphelines, bibliothèque (8).
Après 1915, la tragédie continua en 1918. Des événements majeurs se sont produits, derechef en Azerbaïdjan iranien et sur les mêmes lieux qu’en 1915, car, après le retrait définitif des troupes russes du front turco-persan en décembre 1917 — à la suite de la Révolution bolchevique —, cette province était tombée aux mains des Turcs en avril 1918, avec l’aide des Kurdes et l’appui de groupes persans, qui en ont profité pour perpétrer de nouveaux massacres (9).
Les protagonistes des massacres poursuivaient un dessein qui visait, selon des objectifs arrêtés, à homogénéiser l’Empire et à turquifier le pays. Nous possédons à ce sujet une documentation riche, puisée aux sources les plus autorisées et dignes de foi, issues de personnalités reconnues pour leur moralité et leur intégrité (voir encadré). Les faits sont relatés en une multitude de langues, parfois au jour le jour, voire localité par localité. Il en ressort une condamnation nette des actions du gouvernement turc et des autorités régionales et locales respectives. De plus, les documents révèlent que ces massacres furent des actes systématiquement préparés, froidement combinés et concertés par les autorités turco-ottomanes. Autrement dit, il ne s’agit en aucune manière d’individus isolés ou incontrôlés.
Ce génocide physique et cette spoliation des terres et des biens se sont accompagnés d’atteintes graves à l’héritage culturel. Des monuments historiques furent détruits et laissés à l’abandon, des églises profanées et des écoles démolies. Des bibliothèques contenant des livres rares et de riches manuscrits ont été dilapidées, comme celles du diocèse chaldéen de Séert, des villages des districts de Salamas et d’Ourmia ou encore des monastères syriaques de Tour Abdin. Le Hakkari, dont des manuscrits furent ensevelis lors de l’exode, comptait plus de 200 églises, dont les plus anciennes remontent au IVe siècle. Les Assyro-Chaldéens se sont vus ainsi dépossédés d’une grande partie de leurs lieux de mémoire et de leur culture. En tout, plus de 400 églises et couvents ont été ruinés, dont 156 syriaques orthodoxes. Par le biais de cette politique lugubre, on a cherché à détruire l’héritage culturel d’un peuple. C’est ce que les ethnologues appellent un ethnocide.
Les massacres dans la presse internationale
L’alerte a été donnée. Plusieurs journaux français ont rendu compte des massacres de 1915 et 1918. En 1916, des appels ont été lancés pour venir en aide aux Assyro-Chaldéens massacrés. La Croix titrait le 19 avril 1916 : « Massacres de chrétiens en Turquie et en Perse ». Le 27 mars 1917, un autre appel paraissait dans le même quotidien. Il s’agissait d’une lettre adressée au cardinal archevêque de Paris, Léon-Adolphe Amette, par Mgr Jacques-Eugène Manna, évêque chaldéen du diocèse de Van, suivie de la réponse du cardinal. Le 21 juin 1916, Le Journal publiait un reportage, « Le Journal en Arménie. Deux millions de cadavres ! », signé par Henry Barby, qui décrivait des massacres conçus et ordonnés et dans lequel il évoquait aussi les Assyro-Chaldéens. La Semaine religieuse de Paris alertait le 16 juillet 1921 sur les persécutions de juillet 1918 en Perse. La presse américaine, notamment le New York Times, mettait
Les protagonistes des massacres poursuivaient un dessein qui visait, selon des objectifs arrêtés, à homogénéiser l’Empire et à turquifier le pays.
l’accent sur le besoin urgent d’aide humanitaire pour les rescapés, dès avril 1915. On y lisait des lettres de missionnaires presbytériens qui étaient présents sur les lieux, tel William A. Shedd, précédemment cité. Les journaux anglais, eux, titraient également sur les massacres en Perse et l’hécatombe des nestoriens, comme The Guardian et le Times de Londres en octobre et novembre 1915. Les hiérarchies religieuses et politiques assyro-chaldéennes s’investirent beaucoup auprès des chancelleries européennes dès la fin de la Première guerre mondiale, et de nombreux délégués se présentèrent à Paris lors de la Conférence de la paix en 1919. Le patriarche chaldéen Emmanuel II Thomas envoya début 1919, à la fois au pape Benoît XV et aux autorités à Paris et à Londres, un rapport dense, accompagné de tableaux explicatifs, sur tout ce que sa communauté avait perdu durant la guerre. Dans une autre lettre du 6 juillet 1920 au même pape Benoît XV, il décrivit les malheurs de son peuple. Ephrem Barsoum, futur patriarche de l’Église syriaque orthodoxe, a lui aussi témoigné à Paris et à Londres sur les pertes subies par sa communauté. Comme à Londres, un comité de soutien fut créé aux États-Unis.
Parmi les nombreuses personnalités politiques et religieuses contactées et certaines rencontrées par ces hiérarchies, entre 1918 et 1923, nous pouvons mentionner : Stephen Pichon, Lord Curzon, Lloyd George, Alexandre Millerand, Raymond Poincaré, le pape Benoît XV, le cardinal Pietro Gasparri, Georges Clemenceau, Woodrow Wilson, Aristide
Briand, l’archevêque de Canterbury Randall Davidson, Paul Deschanel, le cardinal Léon-Adolphe Amette et Mgr Alfred Baudrillart.
Quant à l’exode des Assyro-Chaldéens de Perse vers l’Irak, le 31 juillet 1918, il est décrit dans plusieurs documents, notamment dans un rapport de la Société des Nations (SDN, 1935).
Quelle a été la résonance de la tragédie ?
En ce début de XXIe siècle, qui s’accompagne d’un nouvel horizon, les descendants des rescapés du génocide prennent la parole en interpellant le monde politique. De nombreuses stèles ont été érigées en mémoire des victimes, en Australie, aux États-Unis, en Europe (Belgique, Suède, Pays-Bas, Ukraine…), avec l’appui des autorités régionales, et parfois nationales. En France, le département du Val-d’Oise, qui compte de nombreux Assyro-chaldéens, est parsemé de traces mémorielles, notamment dans la ville de Sarcelles.
Ce processus de reconnaissance et cette prise de conscience se sont nettement étendus, en lien avec les commémorations du centenaire du génocide arménien, en 2015. Ainsi, le Parlement arménien a voté à l’unanimité, le 24 mars 2015, une résolution condamnant les massacres perpétrés sous l’Empire ottoman contre des Assyriens et des Grecs. Quant au Parlement néerlandais, il a reconnu le génocide assyrien, grec et arménien le 9 avril 2015, à une forte majorité. Le pape François a, le 12 avril
Les Assyro-Chaldéens se sont vus dépossédés d’une grande partie de leurs lieux de mémoire et de leur culture. En tout, plus de 400 églises et couvents ont été ruinés, dont 156 syriaques orthodoxes.
2015, reconnu le génocide arménien, mais aussi syriaque, assyrien et chaldéen : « Notre humanité a vécu, le siècle dernier, trois grandes tragédies inouïes : la première est celle qui est généralement considérée comme “le premier génocide du XXe siècle” (Jean-Paul II et Karékin II, Déclaration commune, Etchmiadzin, 27 septembre 2001) ; elle a frappé votre peuple arménien — première nation chrétienne — avec les Syriens catholiques et orthodoxes, les Assyriens, les Chaldéens et les Grecs. Des évêques, des prêtres, des religieux, des femmes, des hommes, des personnes âgées et même des enfants et des malades sans défense ont été tués. » Un peu plus d’un an plus tard, le 2 juin 2016, le Bundestag allemand adoptait, quasi unanimement, une résolution qui reconnaît le génocide arménien et d’autres minorités chrétiennes affectées par les déportations et les massacres perpétrés par l’Empire ottoman en 1915 (10). Y sont mentionnés explicitement comme victimes les Araméens, les Assyriens et les Chaldéens, au même titre que les Arméniens. Il est important de remarquer que, dans l’exposé des motifs, on évoque la mémoire d’illustres personnalités allemandes qui, en leur temps, avaient dénoncé et attiré l’attention des autorités allemandes sur les massacres des Arméniens, comme le théologien Dr Johannes Lepsius et Matthias Erzberger, qui avaient fourni des informations détaillées sur les massacres et déportations des populations assyriennes, syriaques et chaldéennes. Le 29 octobre 2019 (résolution H.Res.296), la Chambre des représentants américaine s’est prononcée à une immense majorité en faveur de la reconnaissance du génocide arménien, en soulignant, dans l’exposé des motifs de cette résolution, que ce génocide concernait aussi les Grecs, les Assyriens, les Chaldéens, les Syriaques, les Araméens, les maronites et d’autres chrétiens.
En France, la question est en débat et les initiatives se multiplient. Une proposition de loi pour la reconnaissance du génocide, présentée le 18 avril 2019 par Valérie Boyer (no 1865), a été cosignée par 28 députés. Le secrétariat général de la Conférence des évêques de France a quant à lui publié en 2015 une étude sur les chrétiens d’Orient, dans laquelle on lit : « Nous constatons clairement une volonté et des actes génocidaires, liés à un plan d’épuration, un siècle après le génocide ayant visé les Arméniens, et aussi les AssyroChaldéens et les Syriaques. (11) »
Aussi peut-on dire que le génocide assyro-chaldéen est, dorénavant, sorti de l’oubli, déchirant le voile qui l’entourait depuis 1940, et commence à pénétrer dans la conscience universelle.