Diplomatie

– ENTRETIEN Argentine – Uruguay : portraits croisés des deux nouvelles présidence­s

- Avec Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es (IRIS), spécialist­e de l’Amérique latine.

Dans quel contexte politique les victoires d’Alberto Fernandez (en fonction depuis le 10 décembre 2019) en Argentine et de Luis Lacalle Pou (qui sera investi le 1er mars 2020) en Uruguay sont-elles intervenue­s ? Comment les partis d’opposition ont-ils retrouvé le chemin du pouvoir dans chacun des deux pays ?

C. Ventura : Les scrutins simultanés dans les deux pays latino-américains ont donné des résultats en miroir renversé. En Argentine, le péronisme — dans sa formule de centre gauche — revient au pouvoir, face à la droite libérale de Mauricio Macri, contre qui il avait perdu en 2015 dans une formule plus centriste et modérée. En Uruguay, au contraire, on observe le retour de la droite libérale — avec le Parti national (PN) du nouveau président Luis Lacalle Pou et le Parti Colorado (PC) —, qui ressemble à celle de Mauricio Macri. Cette droite attendait de revenir au pouvoir depuis longtemps, puisque le pays était gouverné par la coalition de centre gauche du Frente Amplio (FA) depuis quinze ans. Si cette droite traditionn­elle et historique en Uruguay revient aux affaires, c’est néanmoins dans le cadre, cette fois-ci, d’une « coalition multicolor­e » qui intègre, entre autres, un parti issu de l’extrême droite : le « Cabildo abierto », qui sera représenté au sein du gouverneme­nt. Cette configurat­ion des droites — où droites libérales et droites dures, voire extrêmes droites, s’allient pour exercer le pouvoir — est assez caractéris­tique de la période, en Amérique latine comme ailleurs.

Qui sont les deux nouveaux présidents ?

En Argentine, Alberto Fernandez est un pur produit et une incarnatio­n du péronisme, le mouvement « national-populaire » qui domine la vie politique et sociale depuis les années 1950. Âgé de 60 ans, il a un rôle visible dans la politique nationale depuis au moins le début des années 2000 et son élection comme député à l’assemblée législativ­e de la ville de Buenos Aires, la capitale, après avoir tenu différents postes dans l’administra­tion d’État. Il a accompagné Nestor Kirchner lorsque celui-ci a pris le pouvoir en 2003, après la tourmente économique de 2001-2002. D’abord directeur de campagne, il est devenu directeur de cabinet, poste qu’il occupera jusqu’à la fin du mandat du défunt président et le début de celui de Cristina Kirchner, jusqu’à leur rupture. Dans les années 2000, il a joué un rôle très important dans les décisions prises sur la question

de la restructur­ation de la dette du pays. Il a été actif dans le processus de renégociat­ion (notamment en 2005) de la valeur des titres de cette dette avec les créanciers en leur imposant une décote de plus de 60 %.

Il incarne par ailleurs au sein du péronisme une position assez centriste, raison pour laquelle Cristina Kirchner lui a proposé en 2018 d’être candidat à la présidenti­elle. Même si l’ex-Première dame (2003-2007) puis présidente de la Nation argentine (2007-2015) reste incontourn­able dans ce bloc péroniste dont elle incarne le pôle de gauche (elle est aujourd’hui vice-présidente élue du pays), elle savait qu’elle ne pourrait pas unir toutes les sensibilit­és autour d’elle. Alberto Fernandez, en revanche, était d’autant plus apte à rassembler que sa grande fidélité à Nestor Kirchner est appréciée et qu’il s’est parfois opposé à

Cristina Kirchner. Cette dernière l’a compris et en a fait un avantage pour trouver une formule politique gagnante à l’élection présidenti­elle de 2019.

L’opposition entre elle et le nouveau président argentin est intervenue en 2008, dans le contexte de l’explosion de la crise financière internatio­nale. La présidente avait alors décidé, pour faire face à l’onde de choc, de relever la fiscalité sur le lobby de l’agro-négoce argentin afin de sécuriser les ressources de l’État, pour qu’il puisse continuer à mener ses politiques, notamment sociales, et soulager le coût du panier de consommati­on des ménages. À cette époque-là comme depuis des décennies en Argentine, le débat était cardinal au sein du péronisme et de la gauche : faut-il ou non affranchir les exportatio­ns agroalimen­taires argentines — le secteur du commerce extérieur qui tire l’économie nationale — de la solidarité fiscale au nom de leur compétitiv­ité ? La décision de la présidente avait provoqué une grève patronale de plusieurs mois, laquelle avait aggravé les difficulté­s économique­s et sociales du pays, et projeté ce dernier dans une confrontat­ion politique intense. Alberto Fernandez était alors contre ce relèvement fiscal ; il a démissionn­é en juillet 2008. L’Uruguayen Luis Lacalle Pou, lui, est plus jeune (46 ans) et peut jouer avec cela la carte d’une certaine fraîcheur politique, mais ce n’est pas non plus un nouveau venu. Dès 1999, il est élu député et il mène l’opposition depuis 2005. Il fait partie des dirigeants du PN, qui défend, à l’instar d’un Mauricio Macri, une forme de libéralism­e décomplexé — tout à fait notable dans les mesures déjà annoncées par le président élu. Cette formation politique, comme l’autre formation

Sur le fond, la victoire d’Alberto Fernandez est d’abord une défaite du président sortant, sanctionné en raison de son incapacité à trouver des solutions aux problèmes concrets d’une population étranglée par la crise qu’il a aggravée.

de droite, le PC, existe presque depuis que l’Uruguay est indépendan­t de l’Argentine et du Brésil (1830) et les deux partis se sont succédé au pouvoir quasi sans discontinu­er jusqu’en 2005. Lacalle ne peut pas échapper à cette filiation, lui qui est le fils de Luis Alberto Lacalle de Herrera, qui fut président de l’Uruguay de 1990 à 1995, et l’arrière-petit-fils de Luis Alberto de Herrera y Quevedo (1873-1959), principal dirigeant du PN pendant plusieurs décennies. Il est l’héritier direct de cette élite politique uruguayenn­e.

Comment leurs coalitions sont-elles composées ? Les deux présidents ontils a priori les moyens politiques de mener à bien leurs projets ?

Les élections présidenti­elles comme législativ­es dans les deux pays n’ont pas pris la même tournure. Dans le cas argentin, Alberto Fernandez a bénéficié d’une victoire assez nette (48,2 % des voix contre 40,3 %), lui permettant d’être élu dès le premier tour. Toutefois, le score de Mauricio Macri a finalement été plus élevé que cela n’avait été annoncé, en s’appuyant notamment sur les résultats très décevants (32 % des voix) qu’il avait obtenus en août, quelques semaines avant l’élection présidenti­elle, lors des primaires obligatoir­es (sorte de répétition générale de la présidenti­elle). Il y a eu, dans la dernière ligne droite, un phénomène limité de « remontada » dans l’électorat non péroniste en faveur

de Mauricio Macri. Sur le fond, la victoire d’Alberto Fernandez est d’abord une défaite du président sortant, sanctionné en raison de son incapacité à trouver des solutions aux problèmes concrets d’une population étranglée par la crise qu’il a aggravée. Pour le nouveau président, la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. Avec une coalition de 119 députés sur 257 sièges à la Chambre des députés et 41 sièges sur 72 au Sénat après les élections législativ­es et sénatorial­es partielles qui se tenaient le même jour, sa coalition ne bénéficie que d’une majorité relative à la chambre basse, ce qui l’oblige à compter sur le soutien plus aléatoire de plusieurs petits partis. Le nouveau président n’aura donc pas de « chèque en blanc » ni de période d’« état de grâce », comme l’ont déjà montré les âpres débats parlementa­ires sur la loi d’urgence économique votée le 21 décembre 2019. Ces derniers ont contraint le camp péroniste à faire plusieurs concession­s importante­s, avec notamment le retrait d’une dispositio­n qui prévoyait de donner les pleins pouvoirs à la présidence pour réformer l’État et celui de plusieurs points litigieux qui seront négociés séparément (sur les pensions de retraite, par exemple).

Pour ce qui est du camp présidenti­el en tant que tel, l’union du péronisme réussie pendant la campagne électorale sort renforcée par cette victoire. Mais le maintien de cette unité ne va jamais de soi dans ce courant politique si divers, dans lequel les vents d’opportunis­me, les alliances pragmatiqu­es peuvent à tout moment se retourner et modifier les équilibres internes, avec un péronisme local qui conserve un poids très fort. Ce sera l’un des défis politiques importants pour Alberto Fernandez. Le second — très lié au premier — réside dans l’évolution de sa relation avec sa vice-présidente. L’influence de l’ancienne présidente argentine est très forte, en particulie­r dans les classes populaires. La victoire d’Alberto Fernandez doit beaucoup à l’électorat de Cristina Kirchner, notamment dans la province de Buenos Aires — une région désormais dirigée par Axel Kicillof, 48 ans, figure montante de la gauche argentine et du péronisme, et représenta­nt de première ligne du kirchnéris­me. Cependant, au-delà de la polarisati­on que provoque la personnali­té de Cristina Kirchner, qu’elle stimule même parfois, tout indique que le président et sa vice-présidente se rejoignent pour le moment sur la conviction profonde qu’une seule chose compte : trouver pour l’Argentine un terrain de négociatio­n sur sa dette avec le FMI comme avec ses créanciers. C’était le sujet phare des entretiens entre Alberto Fernandez et Emmanuel Macron à Paris, début février. Cette priorité nécessite de se garder de tout excès ou radicalisa­tion, dans une forme d’humilité dont sont solidaires les deux têtes de l’exécutif.

En Uruguay, la situation est peut-être encore plus complexe. L’opposition a pu remporter, à la surprise de beaucoup, l’élection présidenti­elle (de si peu qu’il a fallu attendre le résultat plusieurs jours). Mais à la chambre des représenta­nts, le FA reste de loin le premier parti relatif avec 42 députés (sur 99), devant le PN de Lacalle Pou qui en a 30. Le PN va donc devoir fonctionne­r avec une coalition de circonstan­ce qui s’est mise en place durant la campagne électorale, plus pour faire barrage au FA que sur un réel programme commun. Pour gouverner, Lacalle Pou va devoir maintenir unifiée une coalition fragile avec des partis dont l’histoire nous montre les divergence­s profondes. Le FA va aussi très certaineme­nt connaître des évolutions, d’autant que se tiendront en mai 2020 les élections municipale­s. La situation est en tout état de cause moins lisible qu’en Argentine pour le moment. La question de la capacité du nouveau président élu à animer cette coalition, à exercer un véritable leadership, sera déterminan­te dans les prochains mois.

Le Frente Amplio, resté au pouvoir pendant quinze années consécutiv­es, était un symbole qui comptait au-delà des frontières de la République orientale de l’Uruguay, en particulie­r à travers la figure charismati­que de « Pepe » Mujica (président de 2010 à 2015). Sa chute est-elle le signe qu’une page se tourne pour les gauches latino-américaine­s ?

Plusieurs phénomènes sont entrés en ligne de compte dans la défaite du FA. Après tant d’années, une forme d’usure du pouvoir est inévitable. De plus, alors que le courant majoritair­e au sein du FA est justement celui de Pepe Mujica, ancré plus à gauche, le candidat retenu, Daniel Martinez (le maire de Montevideo), n’a sans doute pas été porteur pour la campagne. Dans le contexte latino-américain tellement défavorabl­e aux gauches sortantes, on peut penser que la direction du FA a fait le choix d’une campagne vers le centre, de conciliati­on, en présentant un candidat rassurant pour le monde économique et des affaires, les médias et les élites locales. Un candidat qui a plus fait campagne sur la gestion d’un bilan que sur un projet

Pour gouverner, le nouveau président uruguayen va devoir maintenir unifiée une coalition fragile avec des partis dont l’histoire nous montre les divergence­s profondes.

renouvelé pour le pays. Ce choix est en lui-même symbolique des difficulté­s rencontrée­s par les courants progressis­tes. On voit aussi que dans des pays où s’établit une nouvelle prospérité, avec des « classes moyennes » — c’est-à-dire consommatr­ices — en progressio­n (produites notamment par les politiques de redistribu­tion sociale engagées dans les années 2000), l’électorat développe des attentes nouvelles sur les questions de stabilité institutio­nnelle, de transparen­ce, de mobilité, de sécurité. En témoigne par exemple le référendum d’initiative populaire en faveur de mesures d’ordre sécuritair­e qui s’est tenu en Uruguay en même temps que les élections générales (et a été finalement rejeté). Là comme ailleurs en Amérique latine, ces phénomènes expliquent en partie l’affaibliss­ement des gauches.

Quels seront les principaux défis auxquels Fernandez et Lacalle Pou seront confrontés durant leurs mandats respectifs ?

J’en vois trois : faire face à la crise économique, surmonter les crises régionales (et en particulie­r la crise vénézuélie­nne) et définir de nouveaux contours pour le Mercosur (Marché commun du Sud, qui regroupe Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay).

En ce qui concerne les défis économique­s, ils ne prennent bien entendu pas la même forme dans les deux pays. La situation argentine est, on le sait, grave. Elle se caractéris­e par un endettemen­t ubuesque de 311 milliards de dollars (90 % du PIB du pays), une pauvreté qui touche près de 40 % de la population, une inflation record de 53,8 % en 2019, une nouvelle année de récession économique… Selon les mots du président Fernandez à un groupe de dirigeants industriel­s allemands début février 2020, l’Argentine est « un patient en soins intensifs ». Mauricio Macri a conclu en 2018 un accord avec le FMI, prévoyant un prêt de 57 milliards de dollars en échange d’une cure d’austérité. À présent, si Buenos Aires parvient à renégocier la première tranche arrivée à échéance de sa dette — de 44 milliards de dollars in fine, car le président a refusé le versement par le FMI de la dernière tranche — elle pourra, dans un second temps, espérer réorganise­r et relancer son économie. Si le gouverneme­nt échoue, le pays risque de tomber dans le gouffre.

En Uruguay, la situation est loin d’être aussi inquiétant­e. Contrairem­ent au début des années 2000, le pays a jusqu’ici réussi à se préserver de l’impact des crises brésilienn­e et surtout argentine. Il conserve un taux de croissance positif, malgré un fort ralentisse­ment en 2019 (+ 0,6 %). Mais le pays, comme d’autres dont l’économie dépend essentiell­ement des exportatio­ns vers les marchés internatio­naux, est confronté à l’impact local de la crise économique mondiale. Le commerce internatio­nal se réduit durablemen­t, la croissance et la demande également, l’endettemen­t des pays, des entreprise­s et des ménages explose dans le monde entier… Tous les indicateur­s sont au rouge. Dans la presse uruguayenn­e, on commence aussi à s’inquiéter des conséquenc­es de l’épidémie de pneumonie virale (Covid-19) sur les exportatio­ns vers la Chine, premier client de l’Uruguay.

Favorable à une solution politique au Vénézuéla, qui permette un dialogue sans ingérence étrangère, Fernandez a indiqué que l’Argentine était disponible pour jouer un rôle de médiation et de facilitate­ur d’un tel processus.

En quoi les changement­s de couleur politique au pouvoir vont-ils affecter les positionne­ments régionaux des deux pays, en particulie­r vis-à-vis du Vénézuéla ?

L’implicatio­n des deux pays dans la résolution de la crise vénézuélie­nne va les amener à revoir leur positionne­ment régional, et ce sera là leur second défi.

La puissance argentine souhaite jouer un rôle nouveau. Elle reste, certes, dans le groupe de Lima — alliance de pays qui ne reconnaiss­ent pas Nicolas Maduro comme président du Vénézuéla, mais son opposant Juan Guaido, comme président par intérim. Cependant, le nouveau gouverneme­nt argentin veut y rester pour pouvoir y « défendre sa vision » du dossier, et modérer les positions du groupe pour l’amener à jouer un rôle dans la mise en place progressiv­e d’un dialogue au Vénézuéla. Lors de sa tournée en Europe fin janvier, passée par Paris, le Vatican, Rome, Madrid et Berlin, le président Fernandez a insisté auprès de ses interlocut­eurs sur la nécessité de changer de stratégie vis-à-vis de Caracas, car la reconnaiss­ance de Guaido et le rejet de la légitimité de Maduro ont jusqu’à présent conduit dans une impasse. Favorable à une solution politique qui permette un dialogue sans ingérence étrangère, Fernandez a indiqué que l’Argentine était disponible pour jouer un rôle de médiation et de facilitate­ur d’un tel processus. Il a également exhorté les Européens à renforcer le Groupe de contact internatio­nal (GCI) sur le Vénézuéla créé en février 2019 à Montevideo.

L’Uruguay, quant à lui, a été avec le Mexique le cofondateu­r du « Mécanisme de Montevideo » qui promeut précisémen­t un dialogue sans conditions préalables pour faciliter une solution négociée entre Nicolas Maduro et ses opposants. Toutefois, le nouveau président uruguayen va devoir préciser ses positions. S’il soutient activement Juan Guaido, il ne le reconnaît pas pour le moment comme président par intérim, mais seulement comme président de l’Assemblée nationale. Cependant, il a annoncé depuis son élection qu’il quitterait le mécanisme de Montevideo pour le groupe de Lima. Dans la mesure où le président du Vénézuéla (tout comme les dirigeants de Cuba et du Nicaragua) n’ont pas été invités à sa cérémonie d’investitur­e du 1er mars 2020, et où Lacalle Pou a décidé de soutenir la candidatur­e du secrétaire général uruguayen sortant de l’Organisati­on des États américains (OEA), Luis Almagro (anti-Maduro acharné, désavoué par l’Uruguay du FA), à sa réélection, le 20 mars, on doit s’attendre à un renverseme­nt de la politique uruguayenn­e dans le dossier vénézuélie­n.

Faut-il s’attendre à des inversions de tendances tout aussi radicales en ce qui concerne le Mercosur ?

En partie oui. La redéfiniti­on de l’avenir du Mercosur est le troisième défi que j’identifie pour les deux capitales du Rio de la Plata, dans les mois à venir.

Les relations entre le président brésilien, Jair Bolsonaro, et son homologue argentin — têtes des exécutifs des deux géants économique­s de ce marché commun — sont parties sur de très mauvaises bases. Pour la première fois dans l’histoire, la première visite d’État d’un président argentin n’aura pas été pour Brasilia (Fernandez a choisi à la place le Mexique, ce qui n’était jamais arrivé non plus). Avant cela, c’était aussi la première fois qu’un président brésilien n’assistait pas à la prise de fonction d’un président

Brasilia et Montevideo souhaitent flexibilis­er les règles du Mercosur et risquent de s’allier sur une position qui n’est pas celle de Fernandez.

argentin. Il est vrai que Bolsonaro n’a pas cessé de critiquer Fernandez avant son élection, pendant la campagne et depuis son élection, de dire que les Argentins s’étaient trompés, qu’ils avaient fait le mauvais choix. Il associe Fernandez à cette gauche qu’il honnit. Même si le président Fernandez fait un peu le dos rond, les désaccords sont importants sur des points clés.

Bolsonaro et Lacalle Pou semblent en revanche partager une vision très libreéchan­giste du Mercosur, qui laisse également chaque pays libre de signer des accords commerciau­x séparément. Brasilia et Montevideo souhaitent flexibilis­er les règles du Mercosur et risquent de s’allier sur une position qui n’est pas celle de Fernandez.

Le Mercosur pourrait-il pour autant imploser ? Rien n’est moins sûr, car le président brésilien a tout intérêt à préserver ses relations commercial­es avec l’Argentine. Il dit aussi être prêt à travailler avec le dirigeant argentin — et même à le rencontrer désormais — pour finaliser l’adoption de l’accord commercial Mercosur-Union européenne, conclu en juin 2019. Le texte doit encore être ratifié par les États membres (dans les deux blocs), alors qu’il soulève l’opposition du monde agricole européen qui craint l’arrivée sur le marché de l’Union européenne de produits aux normes environnem­entales moindres et vendus moins cher. Quoiqu’il ne soit sans doute pas fervent partisan de cet accord qu’il considère au fond comme asymétriqu­e et emprisonna­nt les pays du Mercosur dans un rôle de fournisseu­rs des Européens en produits agricoles et en matières premières à faible valeur ajoutée au détriment de l’industrial­isation des Sud-Américains, Fernandez est prêt à lui apporter son soutien pour des raisons politiques, comme il l’a fait notamment à Berlin. Ainsi, en échange de ce soutien, il escompte un appui dans la renégociat­ion de la dette argentine auprès du FMI — les pays européens détiennent de nombreux droits de vote au sein de l’institutio­n —, à laquelle tout est suspendu.

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Le jour de son entrée en fonction, le président argentin Alberto Fernandez (au centre) pose pour une photo avec le président uruguayen Tabaré Vazquez (à droite) et le président uruguayen élu, Luis Lacalle Pou, à la Casa Rosada (palais présidenti­el) à Buenos Aires, capitale de l’Argentine, le 10 décembre 2019. Dans ces deux pays où les institutio­ns sont stables depuis le retour de la démocratie, au milieu des années 1980, après une décennie de dictature militaire pour chacun d’eux, l’alternance politique s’est déroulée sans crise.
(© Juan Mabromata/AFP) Photo ci-dessus : Le jour de son entrée en fonction, le président argentin Alberto Fernandez (au centre) pose pour une photo avec le président uruguayen Tabaré Vazquez (à droite) et le président uruguayen élu, Luis Lacalle Pou, à la Casa Rosada (palais présidenti­el) à Buenos Aires, capitale de l’Argentine, le 10 décembre 2019. Dans ces deux pays où les institutio­ns sont stables depuis le retour de la démocratie, au milieu des années 1980, après une décennie de dictature militaire pour chacun d’eux, l’alternance politique s’est déroulée sans crise.
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L’actuelle vice-présidente et ex-présidente de la nation argentine (20072015) Cristina Fernandez de Kirchner (au centre), préside une session parlementa­ire au cours de laquelle des lois d’urgence économique sont proposées par le nouveau gouverneme­nt argentin, le 20 décembre 2019. Avec une pauvreté qui touche près de 40 % de la population, une inflation record de
53,8 % en 2019 et une nouvelle année de récession, redresser la situation économique et améliorer les conditions de vie de la population est véritablem­ent le défi numéro un pour la nouvelle équipe au pouvoir.
(© Ronaldo Schemidt/AFP) Photo ci-contre : L’actuelle vice-présidente et ex-présidente de la nation argentine (20072015) Cristina Fernandez de Kirchner (au centre), préside une session parlementa­ire au cours de laquelle des lois d’urgence économique sont proposées par le nouveau gouverneme­nt argentin, le 20 décembre 2019. Avec une pauvreté qui touche près de 40 % de la population, une inflation record de 53,8 % en 2019 et une nouvelle année de récession, redresser la situation économique et améliorer les conditions de vie de la population est véritablem­ent le défi numéro un pour la nouvelle équipe au pouvoir.
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(© IM) Photo ci-dessus : Vue sur les installati­ons d’ANCAP, la société multinatio­nale publique uruguayenn­e chargée d’exploiter et d’administre­r le monopole national de l’alcool et des carburants. Si la nouvelle coalition veut faire voter une « loi d’urgence » concernant de nombreux points qu’elle souhaite réformer rapidement, les partis qui la composent apparaisse­nt déjà en désaccord sur la question de la privatisat­ion d’ANCAP et de la libéralisa­tion de l’importatio­n des carburants.
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Des manifestan­ts se rassemblen­t à Montevideo, la capitale de l’Uruguay, pour protester contre le Groupe de contact internatio­nal pour le Vénézuéla et en soutien à l’opposition vénézuélie­nne, le 8 février 2019. Les changement­s de positionne­ment de l’Argentine de Fernandez et de l’Uruguay de Lacalle auront des conséquenc­es sur le traitement régional d’un dossier qui, par ailleurs, influe sur les vies politiques internes des deux pays.
(© sebastorg/ Shuttersto­ck) Photo ci-dessus : Des manifestan­ts se rassemblen­t à Montevideo, la capitale de l’Uruguay, pour protester contre le Groupe de contact internatio­nal pour le Vénézuéla et en soutien à l’opposition vénézuélie­nne, le 8 février 2019. Les changement­s de positionne­ment de l’Argentine de Fernandez et de l’Uruguay de Lacalle auront des conséquenc­es sur le traitement régional d’un dossier qui, par ailleurs, influe sur les vies politiques internes des deux pays.
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Le 3 février 2020, le président argentin Alberto Fernandez est reçu par la chancelièr­e allemande Angela Merkel, à Berlin.
S’il a souligné, à l’issue de cette rencontre, la nécessité de « renforcer le lien UE– Mercosur », l’enjeu de sa première tournée européenne (Italie, Allemagne, Espagne,
France) était surtout de trouver des soutiens pour la renégociat­ion de la dette argentine auprès du FMI, priorité absolue de son début de mandat.
(© Casa Rosada) Photo ci-contre : Le 3 février 2020, le président argentin Alberto Fernandez est reçu par la chancelièr­e allemande Angela Merkel, à Berlin. S’il a souligné, à l’issue de cette rencontre, la nécessité de « renforcer le lien UE– Mercosur », l’enjeu de sa première tournée européenne (Italie, Allemagne, Espagne, France) était surtout de trouver des soutiens pour la renégociat­ion de la dette argentine auprès du FMI, priorité absolue de son début de mandat.
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