– ENTRETIEN Argentine – Uruguay : portraits croisés des deux nouvelles présidences
Dans quel contexte politique les victoires d’Alberto Fernandez (en fonction depuis le 10 décembre 2019) en Argentine et de Luis Lacalle Pou (qui sera investi le 1er mars 2020) en Uruguay sont-elles intervenues ? Comment les partis d’opposition ont-ils retrouvé le chemin du pouvoir dans chacun des deux pays ?
C. Ventura : Les scrutins simultanés dans les deux pays latino-américains ont donné des résultats en miroir renversé. En Argentine, le péronisme — dans sa formule de centre gauche — revient au pouvoir, face à la droite libérale de Mauricio Macri, contre qui il avait perdu en 2015 dans une formule plus centriste et modérée. En Uruguay, au contraire, on observe le retour de la droite libérale — avec le Parti national (PN) du nouveau président Luis Lacalle Pou et le Parti Colorado (PC) —, qui ressemble à celle de Mauricio Macri. Cette droite attendait de revenir au pouvoir depuis longtemps, puisque le pays était gouverné par la coalition de centre gauche du Frente Amplio (FA) depuis quinze ans. Si cette droite traditionnelle et historique en Uruguay revient aux affaires, c’est néanmoins dans le cadre, cette fois-ci, d’une « coalition multicolore » qui intègre, entre autres, un parti issu de l’extrême droite : le « Cabildo abierto », qui sera représenté au sein du gouvernement. Cette configuration des droites — où droites libérales et droites dures, voire extrêmes droites, s’allient pour exercer le pouvoir — est assez caractéristique de la période, en Amérique latine comme ailleurs.
Qui sont les deux nouveaux présidents ?
En Argentine, Alberto Fernandez est un pur produit et une incarnation du péronisme, le mouvement « national-populaire » qui domine la vie politique et sociale depuis les années 1950. Âgé de 60 ans, il a un rôle visible dans la politique nationale depuis au moins le début des années 2000 et son élection comme député à l’assemblée législative de la ville de Buenos Aires, la capitale, après avoir tenu différents postes dans l’administration d’État. Il a accompagné Nestor Kirchner lorsque celui-ci a pris le pouvoir en 2003, après la tourmente économique de 2001-2002. D’abord directeur de campagne, il est devenu directeur de cabinet, poste qu’il occupera jusqu’à la fin du mandat du défunt président et le début de celui de Cristina Kirchner, jusqu’à leur rupture. Dans les années 2000, il a joué un rôle très important dans les décisions prises sur la question
de la restructuration de la dette du pays. Il a été actif dans le processus de renégociation (notamment en 2005) de la valeur des titres de cette dette avec les créanciers en leur imposant une décote de plus de 60 %.
Il incarne par ailleurs au sein du péronisme une position assez centriste, raison pour laquelle Cristina Kirchner lui a proposé en 2018 d’être candidat à la présidentielle. Même si l’ex-Première dame (2003-2007) puis présidente de la Nation argentine (2007-2015) reste incontournable dans ce bloc péroniste dont elle incarne le pôle de gauche (elle est aujourd’hui vice-présidente élue du pays), elle savait qu’elle ne pourrait pas unir toutes les sensibilités autour d’elle. Alberto Fernandez, en revanche, était d’autant plus apte à rassembler que sa grande fidélité à Nestor Kirchner est appréciée et qu’il s’est parfois opposé à
Cristina Kirchner. Cette dernière l’a compris et en a fait un avantage pour trouver une formule politique gagnante à l’élection présidentielle de 2019.
L’opposition entre elle et le nouveau président argentin est intervenue en 2008, dans le contexte de l’explosion de la crise financière internationale. La présidente avait alors décidé, pour faire face à l’onde de choc, de relever la fiscalité sur le lobby de l’agro-négoce argentin afin de sécuriser les ressources de l’État, pour qu’il puisse continuer à mener ses politiques, notamment sociales, et soulager le coût du panier de consommation des ménages. À cette époque-là comme depuis des décennies en Argentine, le débat était cardinal au sein du péronisme et de la gauche : faut-il ou non affranchir les exportations agroalimentaires argentines — le secteur du commerce extérieur qui tire l’économie nationale — de la solidarité fiscale au nom de leur compétitivité ? La décision de la présidente avait provoqué une grève patronale de plusieurs mois, laquelle avait aggravé les difficultés économiques et sociales du pays, et projeté ce dernier dans une confrontation politique intense. Alberto Fernandez était alors contre ce relèvement fiscal ; il a démissionné en juillet 2008. L’Uruguayen Luis Lacalle Pou, lui, est plus jeune (46 ans) et peut jouer avec cela la carte d’une certaine fraîcheur politique, mais ce n’est pas non plus un nouveau venu. Dès 1999, il est élu député et il mène l’opposition depuis 2005. Il fait partie des dirigeants du PN, qui défend, à l’instar d’un Mauricio Macri, une forme de libéralisme décomplexé — tout à fait notable dans les mesures déjà annoncées par le président élu. Cette formation politique, comme l’autre formation
Sur le fond, la victoire d’Alberto Fernandez est d’abord une défaite du président sortant, sanctionné en raison de son incapacité à trouver des solutions aux problèmes concrets d’une population étranglée par la crise qu’il a aggravée.
de droite, le PC, existe presque depuis que l’Uruguay est indépendant de l’Argentine et du Brésil (1830) et les deux partis se sont succédé au pouvoir quasi sans discontinuer jusqu’en 2005. Lacalle ne peut pas échapper à cette filiation, lui qui est le fils de Luis Alberto Lacalle de Herrera, qui fut président de l’Uruguay de 1990 à 1995, et l’arrière-petit-fils de Luis Alberto de Herrera y Quevedo (1873-1959), principal dirigeant du PN pendant plusieurs décennies. Il est l’héritier direct de cette élite politique uruguayenne.
Comment leurs coalitions sont-elles composées ? Les deux présidents ontils a priori les moyens politiques de mener à bien leurs projets ?
Les élections présidentielles comme législatives dans les deux pays n’ont pas pris la même tournure. Dans le cas argentin, Alberto Fernandez a bénéficié d’une victoire assez nette (48,2 % des voix contre 40,3 %), lui permettant d’être élu dès le premier tour. Toutefois, le score de Mauricio Macri a finalement été plus élevé que cela n’avait été annoncé, en s’appuyant notamment sur les résultats très décevants (32 % des voix) qu’il avait obtenus en août, quelques semaines avant l’élection présidentielle, lors des primaires obligatoires (sorte de répétition générale de la présidentielle). Il y a eu, dans la dernière ligne droite, un phénomène limité de « remontada » dans l’électorat non péroniste en faveur
de Mauricio Macri. Sur le fond, la victoire d’Alberto Fernandez est d’abord une défaite du président sortant, sanctionné en raison de son incapacité à trouver des solutions aux problèmes concrets d’une population étranglée par la crise qu’il a aggravée. Pour le nouveau président, la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. Avec une coalition de 119 députés sur 257 sièges à la Chambre des députés et 41 sièges sur 72 au Sénat après les élections législatives et sénatoriales partielles qui se tenaient le même jour, sa coalition ne bénéficie que d’une majorité relative à la chambre basse, ce qui l’oblige à compter sur le soutien plus aléatoire de plusieurs petits partis. Le nouveau président n’aura donc pas de « chèque en blanc » ni de période d’« état de grâce », comme l’ont déjà montré les âpres débats parlementaires sur la loi d’urgence économique votée le 21 décembre 2019. Ces derniers ont contraint le camp péroniste à faire plusieurs concessions importantes, avec notamment le retrait d’une disposition qui prévoyait de donner les pleins pouvoirs à la présidence pour réformer l’État et celui de plusieurs points litigieux qui seront négociés séparément (sur les pensions de retraite, par exemple).
Pour ce qui est du camp présidentiel en tant que tel, l’union du péronisme réussie pendant la campagne électorale sort renforcée par cette victoire. Mais le maintien de cette unité ne va jamais de soi dans ce courant politique si divers, dans lequel les vents d’opportunisme, les alliances pragmatiques peuvent à tout moment se retourner et modifier les équilibres internes, avec un péronisme local qui conserve un poids très fort. Ce sera l’un des défis politiques importants pour Alberto Fernandez. Le second — très lié au premier — réside dans l’évolution de sa relation avec sa vice-présidente. L’influence de l’ancienne présidente argentine est très forte, en particulier dans les classes populaires. La victoire d’Alberto Fernandez doit beaucoup à l’électorat de Cristina Kirchner, notamment dans la province de Buenos Aires — une région désormais dirigée par Axel Kicillof, 48 ans, figure montante de la gauche argentine et du péronisme, et représentant de première ligne du kirchnérisme. Cependant, au-delà de la polarisation que provoque la personnalité de Cristina Kirchner, qu’elle stimule même parfois, tout indique que le président et sa vice-présidente se rejoignent pour le moment sur la conviction profonde qu’une seule chose compte : trouver pour l’Argentine un terrain de négociation sur sa dette avec le FMI comme avec ses créanciers. C’était le sujet phare des entretiens entre Alberto Fernandez et Emmanuel Macron à Paris, début février. Cette priorité nécessite de se garder de tout excès ou radicalisation, dans une forme d’humilité dont sont solidaires les deux têtes de l’exécutif.
En Uruguay, la situation est peut-être encore plus complexe. L’opposition a pu remporter, à la surprise de beaucoup, l’élection présidentielle (de si peu qu’il a fallu attendre le résultat plusieurs jours). Mais à la chambre des représentants, le FA reste de loin le premier parti relatif avec 42 députés (sur 99), devant le PN de Lacalle Pou qui en a 30. Le PN va donc devoir fonctionner avec une coalition de circonstance qui s’est mise en place durant la campagne électorale, plus pour faire barrage au FA que sur un réel programme commun. Pour gouverner, Lacalle Pou va devoir maintenir unifiée une coalition fragile avec des partis dont l’histoire nous montre les divergences profondes. Le FA va aussi très certainement connaître des évolutions, d’autant que se tiendront en mai 2020 les élections municipales. La situation est en tout état de cause moins lisible qu’en Argentine pour le moment. La question de la capacité du nouveau président élu à animer cette coalition, à exercer un véritable leadership, sera déterminante dans les prochains mois.
Le Frente Amplio, resté au pouvoir pendant quinze années consécutives, était un symbole qui comptait au-delà des frontières de la République orientale de l’Uruguay, en particulier à travers la figure charismatique de « Pepe » Mujica (président de 2010 à 2015). Sa chute est-elle le signe qu’une page se tourne pour les gauches latino-américaines ?
Plusieurs phénomènes sont entrés en ligne de compte dans la défaite du FA. Après tant d’années, une forme d’usure du pouvoir est inévitable. De plus, alors que le courant majoritaire au sein du FA est justement celui de Pepe Mujica, ancré plus à gauche, le candidat retenu, Daniel Martinez (le maire de Montevideo), n’a sans doute pas été porteur pour la campagne. Dans le contexte latino-américain tellement défavorable aux gauches sortantes, on peut penser que la direction du FA a fait le choix d’une campagne vers le centre, de conciliation, en présentant un candidat rassurant pour le monde économique et des affaires, les médias et les élites locales. Un candidat qui a plus fait campagne sur la gestion d’un bilan que sur un projet
Pour gouverner, le nouveau président uruguayen va devoir maintenir unifiée une coalition fragile avec des partis dont l’histoire nous montre les divergences profondes.
renouvelé pour le pays. Ce choix est en lui-même symbolique des difficultés rencontrées par les courants progressistes. On voit aussi que dans des pays où s’établit une nouvelle prospérité, avec des « classes moyennes » — c’est-à-dire consommatrices — en progression (produites notamment par les politiques de redistribution sociale engagées dans les années 2000), l’électorat développe des attentes nouvelles sur les questions de stabilité institutionnelle, de transparence, de mobilité, de sécurité. En témoigne par exemple le référendum d’initiative populaire en faveur de mesures d’ordre sécuritaire qui s’est tenu en Uruguay en même temps que les élections générales (et a été finalement rejeté). Là comme ailleurs en Amérique latine, ces phénomènes expliquent en partie l’affaiblissement des gauches.
Quels seront les principaux défis auxquels Fernandez et Lacalle Pou seront confrontés durant leurs mandats respectifs ?
J’en vois trois : faire face à la crise économique, surmonter les crises régionales (et en particulier la crise vénézuélienne) et définir de nouveaux contours pour le Mercosur (Marché commun du Sud, qui regroupe Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay).
En ce qui concerne les défis économiques, ils ne prennent bien entendu pas la même forme dans les deux pays. La situation argentine est, on le sait, grave. Elle se caractérise par un endettement ubuesque de 311 milliards de dollars (90 % du PIB du pays), une pauvreté qui touche près de 40 % de la population, une inflation record de 53,8 % en 2019, une nouvelle année de récession économique… Selon les mots du président Fernandez à un groupe de dirigeants industriels allemands début février 2020, l’Argentine est « un patient en soins intensifs ». Mauricio Macri a conclu en 2018 un accord avec le FMI, prévoyant un prêt de 57 milliards de dollars en échange d’une cure d’austérité. À présent, si Buenos Aires parvient à renégocier la première tranche arrivée à échéance de sa dette — de 44 milliards de dollars in fine, car le président a refusé le versement par le FMI de la dernière tranche — elle pourra, dans un second temps, espérer réorganiser et relancer son économie. Si le gouvernement échoue, le pays risque de tomber dans le gouffre.
En Uruguay, la situation est loin d’être aussi inquiétante. Contrairement au début des années 2000, le pays a jusqu’ici réussi à se préserver de l’impact des crises brésilienne et surtout argentine. Il conserve un taux de croissance positif, malgré un fort ralentissement en 2019 (+ 0,6 %). Mais le pays, comme d’autres dont l’économie dépend essentiellement des exportations vers les marchés internationaux, est confronté à l’impact local de la crise économique mondiale. Le commerce international se réduit durablement, la croissance et la demande également, l’endettement des pays, des entreprises et des ménages explose dans le monde entier… Tous les indicateurs sont au rouge. Dans la presse uruguayenne, on commence aussi à s’inquiéter des conséquences de l’épidémie de pneumonie virale (Covid-19) sur les exportations vers la Chine, premier client de l’Uruguay.
Favorable à une solution politique au Vénézuéla, qui permette un dialogue sans ingérence étrangère, Fernandez a indiqué que l’Argentine était disponible pour jouer un rôle de médiation et de facilitateur d’un tel processus.
En quoi les changements de couleur politique au pouvoir vont-ils affecter les positionnements régionaux des deux pays, en particulier vis-à-vis du Vénézuéla ?
L’implication des deux pays dans la résolution de la crise vénézuélienne va les amener à revoir leur positionnement régional, et ce sera là leur second défi.
La puissance argentine souhaite jouer un rôle nouveau. Elle reste, certes, dans le groupe de Lima — alliance de pays qui ne reconnaissent pas Nicolas Maduro comme président du Vénézuéla, mais son opposant Juan Guaido, comme président par intérim. Cependant, le nouveau gouvernement argentin veut y rester pour pouvoir y « défendre sa vision » du dossier, et modérer les positions du groupe pour l’amener à jouer un rôle dans la mise en place progressive d’un dialogue au Vénézuéla. Lors de sa tournée en Europe fin janvier, passée par Paris, le Vatican, Rome, Madrid et Berlin, le président Fernandez a insisté auprès de ses interlocuteurs sur la nécessité de changer de stratégie vis-à-vis de Caracas, car la reconnaissance de Guaido et le rejet de la légitimité de Maduro ont jusqu’à présent conduit dans une impasse. Favorable à une solution politique qui permette un dialogue sans ingérence étrangère, Fernandez a indiqué que l’Argentine était disponible pour jouer un rôle de médiation et de facilitateur d’un tel processus. Il a également exhorté les Européens à renforcer le Groupe de contact international (GCI) sur le Vénézuéla créé en février 2019 à Montevideo.
L’Uruguay, quant à lui, a été avec le Mexique le cofondateur du « Mécanisme de Montevideo » qui promeut précisément un dialogue sans conditions préalables pour faciliter une solution négociée entre Nicolas Maduro et ses opposants. Toutefois, le nouveau président uruguayen va devoir préciser ses positions. S’il soutient activement Juan Guaido, il ne le reconnaît pas pour le moment comme président par intérim, mais seulement comme président de l’Assemblée nationale. Cependant, il a annoncé depuis son élection qu’il quitterait le mécanisme de Montevideo pour le groupe de Lima. Dans la mesure où le président du Vénézuéla (tout comme les dirigeants de Cuba et du Nicaragua) n’ont pas été invités à sa cérémonie d’investiture du 1er mars 2020, et où Lacalle Pou a décidé de soutenir la candidature du secrétaire général uruguayen sortant de l’Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro (anti-Maduro acharné, désavoué par l’Uruguay du FA), à sa réélection, le 20 mars, on doit s’attendre à un renversement de la politique uruguayenne dans le dossier vénézuélien.
Faut-il s’attendre à des inversions de tendances tout aussi radicales en ce qui concerne le Mercosur ?
En partie oui. La redéfinition de l’avenir du Mercosur est le troisième défi que j’identifie pour les deux capitales du Rio de la Plata, dans les mois à venir.
Les relations entre le président brésilien, Jair Bolsonaro, et son homologue argentin — têtes des exécutifs des deux géants économiques de ce marché commun — sont parties sur de très mauvaises bases. Pour la première fois dans l’histoire, la première visite d’État d’un président argentin n’aura pas été pour Brasilia (Fernandez a choisi à la place le Mexique, ce qui n’était jamais arrivé non plus). Avant cela, c’était aussi la première fois qu’un président brésilien n’assistait pas à la prise de fonction d’un président
Brasilia et Montevideo souhaitent flexibiliser les règles du Mercosur et risquent de s’allier sur une position qui n’est pas celle de Fernandez.
argentin. Il est vrai que Bolsonaro n’a pas cessé de critiquer Fernandez avant son élection, pendant la campagne et depuis son élection, de dire que les Argentins s’étaient trompés, qu’ils avaient fait le mauvais choix. Il associe Fernandez à cette gauche qu’il honnit. Même si le président Fernandez fait un peu le dos rond, les désaccords sont importants sur des points clés.
Bolsonaro et Lacalle Pou semblent en revanche partager une vision très libreéchangiste du Mercosur, qui laisse également chaque pays libre de signer des accords commerciaux séparément. Brasilia et Montevideo souhaitent flexibiliser les règles du Mercosur et risquent de s’allier sur une position qui n’est pas celle de Fernandez.
Le Mercosur pourrait-il pour autant imploser ? Rien n’est moins sûr, car le président brésilien a tout intérêt à préserver ses relations commerciales avec l’Argentine. Il dit aussi être prêt à travailler avec le dirigeant argentin — et même à le rencontrer désormais — pour finaliser l’adoption de l’accord commercial Mercosur-Union européenne, conclu en juin 2019. Le texte doit encore être ratifié par les États membres (dans les deux blocs), alors qu’il soulève l’opposition du monde agricole européen qui craint l’arrivée sur le marché de l’Union européenne de produits aux normes environnementales moindres et vendus moins cher. Quoiqu’il ne soit sans doute pas fervent partisan de cet accord qu’il considère au fond comme asymétrique et emprisonnant les pays du Mercosur dans un rôle de fournisseurs des Européens en produits agricoles et en matières premières à faible valeur ajoutée au détriment de l’industrialisation des Sud-Américains, Fernandez est prêt à lui apporter son soutien pour des raisons politiques, comme il l’a fait notamment à Berlin. Ainsi, en échange de ce soutien, il escompte un appui dans la renégociation de la dette argentine auprès du FMI — les pays européens détiennent de nombreux droits de vote au sein de l’institution —, à laquelle tout est suspendu.