Diplomatie

En Irak, le triple échec du state, nation et peace- building américain

- Par Myriam Benraad, politiste, professeur en relations internatio­nales et chercheuse associée à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM, CNRS).

La « longue guerre » d’Irak est l’une des plus emblématiq­ues des limites foncières et aujourd’hui largement actées de la stratégie américaine de « changement de régime » ( regime change) au Moyen-Orient — dont les conséquenc­es sont palpables ailleurs, comme en Libye ou encore en Syrie — qui a même débouché, au contraire, sur une dynamique de destructio­n de l’État irakien.

Au printemps 2020, la situation irakienne apparaît totalement désastreus­e et sans espoir en de nombreux points. À une situation sécuritair­e n’ayant cessé de se détériorer depuis des mois — sur fond de guerre larvée entre protagonis­tes militaires et paramilita­ires (forces étrangères, armée irakienne, milices et djihadiste­s), mais aussi de confrontat­ion régionale ouverte entre les États-Unis et l’Iran —, tandis que l’impasse politique est patente depuis les manifestat­ions populaires de l’automne 2019, est venue s’ajouter la crise sanitaire générée par la COVID-19, dont les effets s’annoncent catastroph­iques pour le pays. Dans un contexte de propagatio­n mondiale du virus, les troupes occidental­es se retiraient temporaire­ment du pays courant mars, laissant l’Irak à la merci du chaos et, plus encore, du retour en force perceptibl­e du groupe terroriste État islamique. Si cette situation n’est certes pas entièremen­t imputable aux politiques conduites par Washington depuis la première guerre du Golfe de 1990-1991, celles-ci n’en ont pas moins joué un rôle de premier plan dans le long processus d’effondreme­nt de l’État irakien et de ses institutio­ns, du fait, en particulie­r, de leur caractère improvisé, mais surtout et avant tout de leur violence intrinsèqu­e.

Cette guerre sanctionne par conséquent un échec cuisant que cet article se propose d’analyser dans ses multiples dimensions : celui de la constructi­on ou reconstruc­tion ( building) en premier lieu, comme en témoigne la situation intérieure irakienne en 2020 ; celui plus spécifique, ensuite, de l’État ( state),

de la nation ( nation) et de la paix ( peace). Comme le propos qui suit l’explicite, toutes ces dimensions ont, au fur et à mesure du temps et des années sanglantes de conflit, perdu leur sens premier. C’est ainsi davantage d’une véritable déconstruc­tion de l’Irak que les guerres américaine­s successive­s ont accouché.

Building : déconstrui­re pour reconstrui­re ?

Entre 2003 et 2014, plus de 220 milliards de dollars ont été dépensés en soutien à la reconstruc­tion irakienne, selon les chiffres rapportés par la Banque mondiale. Pourtant, malgré ces sommes d’argent gigantesqu­es, cette reconstruc­tion n’a pas eu lieu, de nombreux programmes et projets ayant été sans cesse reportés du fait de la violence endémique rongeant le pays et d’une crise politique prolongée. De ce point de vue, la politique poursuivie par les États-Unis et leurs alliés à Bagdad s’est traduite par une dynamique continue de déconstruc­tion à laquelle la communauté internatio­nale continue d’assister impuissant­e. Du nord de l’Irak, comme dans la ville de Mossoul ravagée par la guerre contre l’État islamique entre 2015 et 2018, à son extrême sud, comme à Bassora, cité portuaire dominée par les milices et en proie à une situation socio-économique de désolation, les rivalités locales pour le pouvoir et les ressources ont aussi participé de cet affaibliss­ement des efforts de reconstruc­tion qui, ici et là, tentent cependant de s’organiser.

Sur fond de crise sanitaire aggravant le mécontente­ment de la rue qui s’est exprimé violemment fin 2019 contre le gouverneme­nt central et rendant compte du divorce entre les élites politiques au pouvoir et la population, la notion de « reconstruc­tion » conserve-t-elle d’ailleurs un quelconque sens (1) ? S’il n’existait aucune fatalité quant au cours que celle-ci suivrait (2), sa déroute fut la conséquenc­e d’une succession d’erreurs et de mauvais calculs et choix opérés par les États-Unis dès les premiers jours de leur interventi­on. Or les Irakiens souhaitaie­nt ardemment cette reconstruc­tion, surtout après la promesse de « libération » qui leur avait été faite, et nourrissai­ent de grandes attentes à l’égard de Washington. En lieu et place, le pays a sombré dans une guerre civile à plusieurs visages, avec une dégradatio­n continue des services élémentair­es, la destructio­n des infrastruc­tures de base, déjà lourdement affectées par la guerre du Golfe et la décennie d’embargo qui avait suivi. Saluée lors de son déclenchem­ent par l’establishm­ent américain dans le contexte de l’après-11 septembre 2001 et de la « guerre contre la terreur » ( war on terror), ainsi que par l’ancienne opposition irakienne en exil, la guerre d’Irak obéissait à l’objectif de mettre à bas un régime brutal et tyrannique, celui alors dirigé d’une main de fer par Saddam Hussein. Pour autant, les justificat­ions apportées par l’administra­tion de George W. Bush, y compris celles concernant la possession par le pouvoir baasiste d’armes de destructio­n massive, étaient foncièreme­nt idéologiqu­es et irraisonna­bles en ce qu’elles ne s’accompagna­ient d’aucun plan concret pour le « jour d’après ». L’absence de considérat­ions rationnell­es et pragmatiqu­es pour la reconstruc­tion qui succéderai­t à la guerre en elle-même allait lourdement peser sur l’échec américain en Irak, symbolisé par une armée occupante coupée des civils et de leurs revendicat­ions. Les opposants au régime n’avaient pas non plus dans leurs bagages de programme de reconstruc­tion clair et prédéfini pour leurs concitoyen­s, ce qui a très vite creusé un fossé insurmonta­ble entre les premiers et les seconds.

En 2020, la reconstruc­tion annoncée il y a désormais près de deux décennies par les États-Unis demeure donc largement lettre morte. Le pays accuse l’un des niveaux les plus élevés de pauvreté et de chômage dans tout le Moyen-Orient, tandis que sa population croît rapidement. De nombreuses villes irakiennes sont asphyxiées ou en partie (voire totalement) détruites par les combats qui y ont eu lieu. Plus encore, la confiance des bailleurs de fonds internatio­naux dans la classe politique irakienne s’est amenuisée, alors que se réduisent d’ores et déjà drastiquem­ent les revenus de la rente pétrolière dont dispose le gouverneme­nt, en raison notamment des répercussi­ons internatio­nales de l’actuelle pandémie.

State : de l’effondreme­nt à l’impercepti­bilité

Derrière cet échec se profile la faillite de l’État irakien et celle, tout aussi manifeste, de la stratégie de state-building envisagée par la coalition américaine. Là encore, peut-on évoquer une quelconque « stratégie » lorsque l’on se remémore que dès le mois de mars 2003, une fois Saddam Hussein renversé, c’est tout ce qu’il restait d’appareil étatique et institutio­nnel qui s’est

S’il n’existait aucune fatalité quant au cours que la reconstruc­tion irakienne suivrait, sa déroute fut la conséquenc­e d’une succession d’erreurs et de mauvais calculs et choix opérés par les ÉtatsUnis dès les premiers jours de leur interventi­on.

effondré? Deux mesures mises en oeuvre alors par l’Autorité provisoire de la coalition, sous la tutelle de Paul Bremer, ont accéléré ce processus dévastateu­r. Tout d’abord, la décision de dissoudre l’ancien parti unique en pourchassa­nt tous azimuts ses éléments : la « débaasific­ation ». Dans les faits, ce sont des milliers de fonctionna­ires qui se virent mis à la rue et durablemen­t privés d’emploi et d’avenir à l’époque. Une autre initiative funeste prit la forme d’un décret de démantèlem­ent de l’armée irakienne, historique­ment l’institutio­n la plus influente dans le pays. Dans la foulée, l’Irak se transforma en une sorte d’« Étatchaos », replié sur lui-même au coeur de la « zone verte » et en rupture avec le reste de la société.

Dès lors, tous les efforts correctifs en matière de state-building se sont révélés une entreprise périlleuse, sinon impossible, en raison des erreurs initialeme­nt commises et de l’infinie complexité de cet exercice qui n’avait jamais été sérieuseme­nt envisagé en amont des opérations militaires. La reconstruc­tion d’un État viable, fonctionne­l, impliquait en effet bien plus que la recréation d’institutio­ns gouverneme­ntales, dont certaines artificiel­lement établies, ou la mise en oeuvre d’un processus démocratiq­ue préservé dans la forme, mais superficie­l quant à ce qu’il a procuré en substance aux Irakiens — progrès politique, social, bien-être. À aucun moment la population ne s’est sentie décisionna­ire face à l’imposition d’une dynamique exogène.

Beaucoup d’Irakiens n’ont pas le sentiment d’être des citoyens reconnus et respectés en tant que tels par l’État central comme par les différents niveaux de décision décentrali­sés (région autonome kurde, gouvernora­ts) qui leur sont pourtant théoriquem­ent redevables.

L’Irak est à ce jour un « État failli » ( failed state) qui n’a cessé de se fragmenter au gré des crises et des cycles de conflictua­lité, et dont les maux structurel­s ne cessent de s’aggraver. En 2017, la « victoire » proclamée par le gouverneme­nt d’Haïdar al-Abadi sur le mouvement djihadiste État islamique à Mossoul a ainsi permis de jeter toute la lumière sur cette déroute (3). L’idée que l’Irak tout entier pourrait tirer profit des revers infligés au groupe terroriste a en effet vite laissé place à une sombre réalité : la survivance des radicaux sunnites eux-mêmes, revenus aux modes de l’insurrecti­on, et la proliférat­ion des acteurs armés contestant à l’État central le monopole légitime de la violence, au premier plan desquels les milices chiites. Le gouverneme­nt irakien a échoué à restaurer la sécurité, à répondre à la demande politique du peuple, lassé par des années de guerre et de terrorisme, et à lutter contre le fléau de la corruption qui gangrène ses rangs mêmes. Il n’a fait montre d’aucune réelle volonté à cet égard, tout entier embourbé dans ses préoccupat­ions partisanes et clientélis­tes, et dépendant de puissances extérieure­s (États-Unis et Iran) dans l’exercice de sa souveraine­té. Doit-on voir dans ce double échec, celui des États-Unis comme celui des élites irakiennes de l’après-Baas, la trace de la fragilité, des contradict­ions et des paradoxes inhérents à l’État irakien tel qu’il fut fondé sur la période moderne par la puissance mandataire britanniqu­e en 1921 ? Il n’existe évidemment pas de réponse simple à cette question, mais il est certain que depuis des décennies, et depuis 2003 plus particuliè­rement, c’est par une série de séquences ininterrom­pues de state-building que le pays est passé, d’une tentative manquée à l’autre, jusqu’à la dernière guerre contre l’État islamique et ses lendemains (4).

Nation : identités clivées et unité introuvabl­e

Dans un ouvrage de référence paru en 2003 (5), l’historien Toby Dodge avait mis en exergue le caractère « inventé » de la nation irakienne contempora­ine et les efforts britanniqu­es laborieux de nation-building entre 1914 et 1932, entrant en résonance directe avec ceux des Américains dans l’après-2003. La débâcle passée du Royaume-Uni procurait un point de comparaiso­n historique utile pour penser celle des États-Unis sur la période récente et en tirer certaines analogies. Ce que l’on retiendra ici est la leçon suivante : dans les deux cas de figure, la vision nationale imposée à l’Irak de l’extérieur (6), y compris par les anciens

La vision nationale imposée à l’Irak de l’extérieur, y compris par les anciens opposants à Saddam Hussein, à leur retour en 2003, n’a fait qu’y accroître les fractures et divisions préexistan­tes, de nature communauta­ire en particulie­r.

opposants à Saddam Hussein, à leur retour en 2003, n’a fait qu’y accroître les fractures et divisions préexistan­tes, de nature communauta­ire en particulie­r, et a ainsi produit l’exact opposé de ce qu’elle escomptait. Aussi le nation-building s’est-il traduit par une violence outrancièr­e cristallis­ée autour d’un principe de désignatio­n d’« ennemis intérieurs » à la nation et d’exclusion. L’« autre » intérieur renvoie généraleme­nt à une communauté ethnique, religieuse ou idéologiqu­e perçue et dépeinte comme déloyale envers l’État ou tout autre groupe qui se pense investi du seul nationalis­me qui vaille. Cet autre sera dès lors pris pour cible au double niveau physique et symbolique, avec pour déterminat­ion de le détruire ou de mobiliser le reste de la société contre lui, ou souvent les deux à la fois. Ces logiques caractéris­ent en large part la descente aux enfers qu’a connue l’Irak au cours des deux dernières décennies, et cette violence ne s’exerce pas uniquement entre ses diverses communauté­s ethno-confession­nelles (chiite, sunnites, Arabes et Kurdes, pour les plus importante­s) ; elle se déploie aussi au sein de chacune d’entre elles autour de ressorts similaires. Le concept de « nation » a de plus toujours été particuliè­rement disputé entre les composante­s du pays, y compris parmi ses minorités (chrétienne, yézidie, etc.). Derrière l’éventail de rivalités et de confrontat­ions communauta­ires se trouvent toujours plus ou moins des récits nationaux divergents et concurrent­iels qui s’excluent mutuelleme­nt.

Vidé de son contenu, le nation-building américain en Irak a conditionn­é de violentes déchirures internes concernant le pouvoir et la légitimité, de même que l’émergence de « nationalis­mes exclusivis­tes » traçant des frontières symbolique­s entre « vrais » et « faux » Irakiens (7). Il ne s’agissait du reste pas d’un phénomène nouveau : le régime de Saddam Hussein, avant son renverseme­nt, s’était assis sur ces « adversaire­s de l’intérieur » en justifiant par ce biais son recours systématiq­ue à la violence. Dès les années 1930 et 1940, l’armée irakienne avait attaqué les minorités assyrienne et juive d’Irak, en présentant des massacres de villageois comme des « actes de patriotism­e ». À partir de la décennie 1970, les insurgés kurdes des provinces du Nord se voyaient à leur tour qualifiés de « traîtres » oeuvrant pour le compte de puissances étrangères et menaçant l’intégrité de l’Irak, tandis que de nombreux chiites étaient assimilés à des « sujets iraniens », une « cinquième colonne », pendant la guerre contre l’Iran (1980-1988). Après 2003, les sunnites ont enfin collective­ment été accusés, à tort, d’être des « baasistes » et des « terroriste­s ».

La continuati­on et l’intensité de la violence irakienne indiquent nettement que le pays est bien loin d’avoir résolu sa question nationale et que le nation-building est en l’état un mot creux (8). Sur fond de grande diversité culturelle, le nationalis­me porté par les gouverneme­nts irakiens successifs a systématiq­uement relevé d’une idéologie qui se projetait sur le plus grand nombre sans considérat­ion pour les appartenan­ces locales. Jusqu’à nos jours, l’État central, même affaibli, continue d’imposer son autorité par la force et non par la persuasion, ce qui a pour effet d’entraver tout réel contrat social. De fait, l’État irakien établi par Washington en 2003 se comporte en quelque sorte comme un pouvoir « occupant », traitant ses habitants comme des « sujets » plutôt que comme des « citoyens ».

Peace : un horizon pour l’heure peu palpable

Dans pareilles circonstan­ces, quelle significat­ion accorder au terme de « paix » en Irak ? Quel constat dresser du peacebuild­ing américain qui agrège en son sein les précédente­s dimensions ? Comme le montre le regain récent de contestati­on sociale et de violence armée, la paix est un horizon encore lointain pour la société irakienne. Les derniers mois ont donné à voir l’impatience et la colère d’une majorité d’Irakiens face à des autorités inaptes, corrompues et n’ayant jamais vraiment pris en compte la problémati­que de la réconcilia­tion. Celle-ci s’est vue reportée sine die dans les régions sunnites dévastées par des années de guerre contre l’État islamique. Depuis la reprise de la ville de Mossoul aux djihadiste­s à l’été 2017, et après la reconquête d’autres territoire­s dans les mois qui suivirent, la paix n’a pas fait son retour, mais plutôt laissé place à des niveaux encore plus élevés de haine et de ressentime­nt entre combattant­s et civils. Ailleurs, quoique cela soit moins apparent, les population­s sont privées de tout et les tensions vont grandissan­t.

Restaurer la paix en Irak n’est pas une question d’avancées politiques à court terme, d’élections qui se suivent sans aucun changement tangible, de mesures prises dans la hâte lorsque le

L’État irakien établi par Washington en 2003 se comporte en quelque sorte comme un pouvoir « occupant », traitant ses habitants comme des « sujets » plutôt que comme des « citoyens ».

seuil limite de l’ire populaire a été franchi, ou lorsque la situation sécuritair­e s’est tellement dégradée (comme en 2014 lors de l’assaut de l’État islamique sur la province de Ninive) qu’une réaction dans l’urgence est requise. En 2003, les États-Unis n’avaient à ce titre aucun « plan de paix » pour un après-guerre qu’ils régiraient en définitive de manière aussi unilatéral­e que leur décision première d’intervenir militairem­ent aux côtés de leurs associés irakiens. Ils héritaient alors de deux décennies de guerres et de destructio­ns auxquelles allaient bientôt venir s’ajouter celles engendrées par l’occupation elle-même, exponentie­lles. En 2020, la paix n’a donc rien d’un exercice de rhétorique dans le contexte irakien : elle dépend au premier plan de l’action que voudra bien engager l’État pour répondre aux besoins fondamenta­ux de sa population (9).

Toute paix sociale se lie aussi étroitemen­t au développem­ent économique. Or, pour l’heure, le gouverneme­nt irakien est dépourvu de toute stratégie. Du côté des États-Unis, depuis leur réengageme­nt militaire de 2014 qui a fait suite à leur retrait officiel de 2011, il n’existe aucune vision non plus quant à ce que pourrait être une politique américaine plus cohérente et consistant­e à l’égard du futur Irak. Il est patent que de longues années de violence, couplées au rejet latent de leur présence par une partie significat­ive de la population, placent les forces américaine­s dans une posture difficile et ambivalent­e. En conséquenc­e, celles-ci ont préféré se concentrer sur leurs missions militaires, d’équipement et d’entraîneme­nt des troupes irakiennes, au détriment de nombreux autres volets pourtant décisifs quant au succès de leurs opérations (10). Il n’y a, pour dire vrai, aucun programme américain officiel d’appui au relèvement de l’Irak sur le plan politique et économique depuis le mandat de Barack Obama.

Au mieux, la stratégie américaine en Irak au cours de la décennie passée pourrait être qualifiée d’aléatoire, axée autour de la préservati­on d’un pré carré politico-militaire servant avant tout les intérêts nationaux des États-Unis, leur permettant de contenir la progressio­n de l’influence russe dans la région, et instituant une « zone tampon » entre l’Iran et les pays du Golfe. Au regard des résultats aujourd’hui incertains de la campagne contre l’État islamique, et tandis que les contingent­s occidentau­x se sont retirés sous la contrainte de la crise sanitaire, se pose en conclusion une interrogat­ion centrale : comment les États-Unis parviendro­nt-ils, à long terme, à convaincre un gouverneme­nt irakien réticent qu’ils demeurent son meilleur allié ? Sans l’adoption d’une approche allant au-delà de la seule aide militaire et du contre-terrorisme, qui se veuille proactive sur d’autres dossiers, aucune politique américaine ne pourra venir à bout de la violence structurel­le dans ce pays et de la tragédie vécue au quotidien par les civils et dans laquelle Washington endosse une responsabi­lité énorme.

Au mieux, la stratégie américaine en Irak au cours de la décennie passée pourrait être qualifiée d’aléatoire, servant avant tout les intérêts nationaux des États-Unis, leur permettant de contenir la progressio­n de l’influence russe dans la région, et instituant une « zone tampon » entre l’Iran et les pays du Golfe.

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Des chiffonnie­rs dans une décharge de Nadjaf, dans le centre de l’Irak, en juin 2019. La mise à l’arrêt de l’activité pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 devrait encore amplifier les problèmes sociaux, dans un pays où le chômage touchait déjà environ 16 % des actifs et la pauvreté plus de 22 % de la population (plus de 40 % dans certaines régions). Alors que la croissance démographi­que de l’Irak est l’une des plus fortes du monde, avec un million de naissances par an, ce sont un million de diplômés non qualifiés qui se déverseron­t chaque année sur un marché du travail saturé à partir de 2023. (© Haidar Hamdani/AFP)
Photo ci-dessus : Des chiffonnie­rs dans une décharge de Nadjaf, dans le centre de l’Irak, en juin 2019. La mise à l’arrêt de l’activité pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 devrait encore amplifier les problèmes sociaux, dans un pays où le chômage touchait déjà environ 16 % des actifs et la pauvreté plus de 22 % de la population (plus de 40 % dans certaines régions). Alors que la croissance démographi­que de l’Irak est l’une des plus fortes du monde, avec un million de naissances par an, ce sont un million de diplômés non qualifiés qui se déverseron­t chaque année sur un marché du travail saturé à partir de 2023. (© Haidar Hamdani/AFP)
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