Nouvelle-Zélande : un exemple dans le Pacifique ?
Principalement connue à l’étranger pour ses paysages ayant servi de décor à la trilogie cinématographique Le Seigneur des anneaux, de Peter Jackson, et les hakas de son équipe de rugby inspirés des rites maoris, la Nouvelle-Zélande s’est illustrée en juin 2020 pour avoir éradiqué la COVID-19. Pourtant, des défis majeurs persistent dans cet État atypique, soumis à des tensions sociales notables, et le virus a refait son apparition avant la tenue du scrutin législatif de l’automne 2020.
Avec quelque 1 500 cas et 22 décès avant l’été 2020 sur une population totale de 4,78 millions d’habitants (2019), l’archipel du Pacifique sud a été très peu touché par la maladie. En partie protégé par son isolement géographique, la Nouvelle-Zélande a surtout mis en place une gestion efficace de la crise sanitaire, avec une fermeture précoce des frontières et un lock down strict, sous la houlette de la populaire Jacinda Ardern, Première ministre travailliste au pouvoir depuis 2017. Dès juin 2020 et sans cas de contamination locale, les restrictions ont été levées et la reprise de l’activité quasi totale. Ce répit peut-il durer ?
Des atouts malgré l’isolement
En dépit d’un impact économique fort, la Nouvelle-Zélande devrait renouer avec la croissance à la faveur de l’un des plans de relance proportionnellement les plus ambitieux de l’OCDE, autour de 10 % du PIB. Si le tourisme (6 % du PIB) a été lourdement touché, le secteur primaire se porte bien et la pêche, l’agriculture et la sylviculture restent des points forts, de même que l’industrie du film. Avec un PIB de 206,92 milliards de dollars en 2019, un PIB par habitant comparable à celui de la France et un indice de développement humain élevé, la NouvelleZélande se classe parmi les pays les plus développés au monde. Sa faune et sa flore endémiques, avec par exemple l’emblématique kiwi, son dynamisme démographique (autour de 2 % de croissance par an) et son économie libérale sont des atouts importants qui compensent le handicap relatif de son enclavement à plus de 2 000 kilomètres au sud-est de l’Australie et de son émiettement insulaire (deux îles principales et près de 600 plus petites). Bien qu’elle ait acquis sa pleine souveraineté en 1947, la NouvelleZélande conserve des liens étroits avec l’ancienne métropole britannique et fait partie du Commonwealth.
Pourtant, plusieurs crises ont mis au jour les fragilités de l’archipel. Sa situation sur la ceinture de feu du Pacifique l’expose à d’importants risques d’origine naturelle, comme l’ont rappelé les séismes de Christchurch en février 2011 (185 morts et environ 8 milliards d’euros de dégâts) et l’éruption sur White Island en décembre 2019 (21 victimes). Surtout, la société néo-zélandaise est en proie à des tensions en lien avec son caractère multiculturel. Figurant parmi les dernières terres peuplées du globe et tardivement colonisée, la Nouvelle-Zélande a été habitée par des vagues successives d’immigration : Polynésiens (Maoris) vers le XIIIe siècle, Européens au XVIIIe, et des personnes en provenance d’Asie et des îles du Pacifique au XXe.
Inégalités sociales
Il existe de fortes disparités entre les Maoris d’origine polynésienne (14,6 % de la population en 2013, date du dernier recensement) et les « Pakehas », terme désignant les Néo-Zélandais d’origine européenne (74 %). Les Maoris constituent une minorité socialement marginalisée, avec les plus faibles qualifications et rémunérations, le plus fort taux de chômage et d’incarcération (ils représentent la moitié des détenus) et leur sous-représentation dans le champ politique. Le décalage d’espérance de vie reste criant : 80 ans pour un homme européen, contre 73 pour un Maori en 2014. Depuis les années 1960, on assiste à une renaissance culturelle maorie qui a engagé les gouvernements sur la voie d’une meilleure reconnaissance. Des tensions persistent néanmoins autour des droits fonciers sur un littoral de plus en plus convoité par des activités lucratives, comme le tourisme balnéaire, l’aquaculture et l’exploitation des hydrocarbures. Le racisme persiste au sein de la société néozélandaise. La discrimination à l’égard des immigrés, notamment asiatiques et issus du Pacifique, demeure une réalité quotidienne. Surtout, le pays a été choqué, en mars 2019, par l’attentat de Christchurch, perpétré par un suprématiste blanc australien qui a attaqué des mosquées et causé la mort de 51 personnes issues de 15 nationalités ou origines différentes. C’est la pire tuerie commise contre des musulmans dans un pays occidental. Saluée pour sa gestion de crise, sa fermeté contre l’extrême droite et sa compassion visà-vis de la communauté islamique (1 % de la population de l’archipel), Jacinda Ardern est parvenue depuis à durcir le contrôle des armes. Avec son mot d’ordre « This is not us », elle a encouragé les témoignages spontanés de solidarité des habitants, prouvant l’attachement des « Kiwis » à la cohabitation des communautés, dans l’un des pays les plus divers et néanmoins les plus pacifiques du monde. Pourtant, en août 2020, la COVID-19 refaisait son apparition, entraînant de nouvelles mesures de restriction et le report d’un mois des élections législatives initialement prévues en septembre.
C. Loïzzo