Diplomatie

Femmes et filles, les premières victimes de la traite dans le monde

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Environ trois quarts des victimes détectées de la traite d’êtres humains sont des femmes ou des filles et, parmi elles, plus des trois quarts le sont au motif d’exploitati­on sexuelle — c’est ce qui ressort du dernier rapport publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) [voir l’entretien avec I. Chatzis p. 42]. S’agit-il de prostituti­on ou bien ce terme d’exploitati­on sexuelle recouvre-t-il d’autres réalités ?

M. Nicot : Il est vrai que, parmi les cas de traite détectés par les autorités à travers le monde, la très large majorité se rapporte à la traite pour exploitati­on sexuelle qui touche principale­ment les femmes et les filles, ces dernières étant aussi les victimes principale­s de la traite, toutes formes d’exploitati­on confondues. Il est important de comprendre que ces chiffres, qui restent stables selon le prochain rapport mondial à paraître en janvier 2021, ne représente­nt qu’une partie relativeme­nt modeste de l’étendue réelle de la traite dans le monde. Ces chiffres reflètent aussi les capacités des autorités nationales à agir contre la traite et les priorités qu’elles ont établies en la matière. Depuis l’adoption d’un cadre légal internatio­nal, il y a vingt ans (le Protocole contre la traite des personnes), les efforts de lutte contre la traite ont souvent porté sur l’exploitati­on sexuelle et l’exploitati­on de la prostituti­on d’autrui, en particulie­r dans les pays occidentau­x, ce qui pourrait expliquer que ce soit la forme de traite la plus détectée.

La traite pour exploitati­on sexuelle ne se limite pas au contexte commercial de la prostituti­on où les souteneurs, et parfois les clients, sont mis en cause par la loi. Au-delà des cas, isolés mais plus médiatisés, de mise en esclavage d’une victime enlevée, souvent dans son jeune âge, par un individu solitaire, une grande part des affaires de traite pour exploitati­on sexuelle se déroulent au sein des foyers. Une autre forme d’exploitati­on sexuelle des femmes et filles se rapporte à la mise en esclavage sexuel ou aux mariages forcés, qui sont souvent associés aux conflits et groupes armés, ainsi que l’on peut le voir avec Daech.

Concernant l’exploitati­on sexuelle de rue, la « filière » nigériane vers l’Europe est assez bien connue en raison d’un grand nombre de recherches menées à son sujet. Pouvezvous nous en expliquer le fonctionne­ment et les évolutions ?

Aucun pays n’échappe à la traite des personnes. D’ailleurs, en Europe, la majorité des victimes de la traite sont européenne­s [lire l’entretien avec O. Peyroux p. 64]. Mais certains y sont peut-être plus associés en tant que pays d’origine le long de certaines routes, tel que peut l’être le Nigéria, ou certains États d’Europe de l’Est, pour l’Europe occidental­e. La traite des Nigérianes pour l’exploitati­on de leur prostituti­on est relativeme­nt visible dans les pays européens, mais on estime qu’elle ne représente qu’un pourcentag­e minime de la traite de ces femmes, qui se passerait en réalité à plus de 95 % sur le territoire nigérian (1). Celles qui partent à l’étranger ont souvent une idée de la nature du travail qui les attend, et disent préférer cette voie à celle qui leur est promise au pays, mais elles n’ont pas toujours conscience des conditions dans lesquelles elles travailler­ont, ni de l’ampleur de la dette qu’elles devront à leurs trafiquant­s avant de pouvoir « s’affranchir » d’eux. Particular­ité caractéris­tique de la traite des Nigérianes, les victimes sont régulièrem­ent soumises avant leur exploitati­on à des rituels de type vaudou, dits « juju », qui leur font croire que toute

Un tiers des personnes mises en cause dans les affaires de traite dans le monde seraient des femmes (trois fois plus que pour les autres affaires criminelle­s).

tentative de s’échapper aura de terribles conséquenc­es pour elles-mêmes et leurs familles. Cette emprise psychologi­que est accentuée par une validation et un contrôle social de la communauté. Ces dernières années, la participat­ion de groupes criminels associés aux confratern­ités (« cult ») au Nigéria a lié la traite à d’autres formes de criminalit­és ainsi qu’au blanchimen­t d’argent.

Les poursuites judiciaire­s menées en Europe révèlent l’implicatio­n de réseaux implantés aussi bien au Nigéria que dans les pays de destinatio­ns (où ils sont liés à la diaspora), avec des méthodes de recrutemen­t et de contrôle bien rodées, et un risque relativeme­nt élevé pour les femmes de verser à leur tour dans la criminalit­é pour sortir de l’exploitati­on dont elles sont les victimes. Pour accélérer le remboursem­ent de leur dette (voire une fois leur dette effacée), beaucoup d’entre elles deviennent des « madames » qui recrutent et gèrent à leur tour les filles. En cela, la filière nigériane illustre le niveau d’implicatio­n élevé des femmes dans les réseaux de traite. Selon nos évaluation­s, les femmes représente­raient en effet un tiers des personnes mises en cause dans les affaires de traite dans le monde, une part trois fois plus grande que pour les autres affaires criminelle­s. Une étude de l’ONUDC (2) se penche ainsi sur la question du traitement judiciaire des membres féminins du réseau qui furent eux-mêmes victimes de la traite pour exploitati­on sexuelle. Au-delà des diverses motivation­s des survivante­s dans le fait d’infliger à d’autres ce qu’elles ont elles-mêmes subi, cette étude s’intéresse plus particuliè­rement au sort que réservent les tribunaux à ces femmes qui se libèrent de leur propre exploitati­on en exploitant à leur tour. Et il est intéressan­t de constater que ce glissement s’opère souvent alors que la victime entretient une relation sentimenta­le, mais abusive, avec le souteneur/trafiquant ou qu’elle est sous la coupe d’un membre de sa famille. Bien qu’il soit en général reconnu que des formes d’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabil­ité sont utilisées dans les cas concernés, aussi bien subis qu’infligés par les victimes/suspectes, les magistrats sont très partagés quant au niveau de responsabi­lité de ces personnes dans la traite d’autrui. Dans certaines juridictio­ns, le fait que les suspectes aient elles-mêmes été exploitées est retenu contre elles et aggrave la peine à laquelle elles sont condamnées, parce que l’on considère qu’elles ne pouvaient qu’avoir conscience de la gravité de leurs actes et de leur impact. Au contraire, en Argentine par exemple, les circonstan­ces propres à ces victimes/suspectes jouent en général en leur faveur et elles sont exemptes de sanction, en conformité avec le principe de non-pénalisati­on des victimes de la traite, qui est largement soutenu par les organisati­ons internatio­nales et les ONG luttant contre la traite.

Dans un tout autre domaine, en mars 2019, un rapport d’Amnesty Internatio­nal (3) documentai­t l’existence d’une traite d’épouses venues des États du Nord de la Birmanie et vendues entre 3 000 et 13 000 dollars à des familles chinoises…, un phénomène qui semble en augmentati­on en Asie. Pourquoi ?

Ces dernières années, plusieurs rapports (4) ont fait état de mouvements de femmes et de jeunes filles asiatiques vers la Chine afin de les marier, faisant la fortune des intermédia­ires que les familles chinoises rémunèrent à cet effet. Les femmes, généraleme­nt peu éduquées, sont souvent trompées par les intermédia­ires qui leur présentent le mariage comme la seule façon de rester légalement dans le pays. Le phénomène des mariages forcés n’est pas propre à l’Asie, mais son ampleur y est particuliè­rement notable, reflétant le déficit de femmes

dans plusieurs pays d’Asie (notamment l’Inde et la Chine) et des inégalités de genres profondéme­nt ancrées dans les traditions, et affectant principale­ment les régions rurales et peu développée­s économique­ment (aussi bien d’origine des victimes que de destinatio­n). Certains des États concernés ont d’ailleurs décidé d’agir pour protéger ces femmes, parfois avec des effets à double tranchant. Par exemple, le Vietnam a durci ses règles concernant les mariages transfront­aliers et conduit des campagnes de sensibilis­ation contre les risques de mariages forcés, tandis que le Cambodge et le Myanmar contrôlent plus strictemen­t la sortie du territoire de leurs citoyennes. Or certaines de ces mesures préventive­s peuvent non seulement être discrimina­toires et liberticid­es, mais aussi avoir l’effet pervers de pousser encore plus ces transactio­ns vers la clandestin­ité et d’augmenter les risques pour les femmes de devenir victimes de réseaux criminels et autres intermédia­ires encore moins scrupuleux.

D’autres pratiques locales sont également associées à la traite pour l’exploitati­on sexuelle des filles et des femmes, tels que les mariages temporaire­s au Moyen-Orient, qui permettent à un homme de profiter sexuelleme­nt d’une personne de sexe féminin pour un temps donné. Validés officieuse­ment par des religieux, ils permettent de contourner l’interdicti­on de la prostituti­on et du sexe hors mariage, mais ont des conséquenc­es dramatique­s lorsque les filles et femmes concernées ont été flouées sur la nature du mariage qu’elles ont contracté. Les premières années du conflit en Syrie ont été marquées par ce type de pratiques : des hommes d’affaires de la région se procuraien­t lors de leur séjour en Syrie de jeunes femmes réfugiées ou déplacées pour des mariages dits temporaire­s ou « de tourisme ».

En temps de guerre, la traite des femmes et des filles peut prendre une significat­ion politique, comme l’a montré en 2014-2015 la mise en esclavage des femmes yézidies dans les villes irakiennes tenues par l’État islamique…

La pratique des mariages forcés et de l’exploitati­on sexuelle des filles et des femmes revêt effectivem­ent une significat­ion particuliè­re dans un contexte de conflit armé comme ceux qui touchent le Moyen-Orient ces dernières années. La violence sexuelle est un des marqueurs des conflits armés, le viol étant utilisé comme une arme de guerre à travers les continents et les génération­s : la République démocratiq­ue du Congo (RDC), par exemple, a été particuliè­rement affectée par ces violences contre les femmes et les enfants pendant plusieurs décennies. Cette violence sexuelle et cette culture du viol non seulement constituen­t des crimes de guerre, mais peuvent également être associées à un génocide lorsqu’elles font partie d’un plan visant à éradiquer une population spécifique. Ainsi que le rapporte l’ONUDC dans son rapport sur la traite des personnes en temps de conflit armé (5), Daech a visé les yézidis, une minorité religieuse, en utilisant les femmes et les filles comme esclaves sexuelles (ne pouvant être épousées de force puisqu’elles ne sont pas musulmanes) ou pour le travail domestique, et en les vendant aux enchères. Depuis 2016, le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolution­s condamnant la traite dans le contexte des conflits armés et appelant à mettre fin à l’impunité. En avril 2020, se sont ouvertes les poursuites d’un tribunal allemand contre un ancien combattant de l’EI pour génocide, pour avoir exploité sexuelleme­nt des femmes, avoir vendu des femmes et des enfants yézidis en tant qu’esclaves et avoir tenu en esclavage une femme et son enfant puis tué ce dernier. Afin de permettre la poursuite de ce type de traite particuliè­rement dégradante, l’ONUDC s’associe à un groupe d’experts qui développe un Code de conduite mondial pour documenter les cas de violences sexuelles dans les conflits armés, dit « Code Murad » (6), du nom de la Prix Nobel de la Paix Nadia Murad.

Les femmes et les filles sont également forcées au travail. Quels sont les principale­s zones géographiq­ues et les principaux secteurs économique­s concernés dans le monde ?

La traite pour l’exploitati­on du travail n’est pas subie seulement par les hommes, mais aussi par les enfants et les femmes (ces dernières représente­nt 30 % des victimes détectées pour cette forme de traite). Le travail forcé ou le travail dans des conditions indignes et peu ou pas rémunéré n’est pas toujours considéré comme une forme de traite par les enquêteurs ou intervenan­ts auprès des personnes exploitées, même si, dans beaucoup de

Depuis 2016, le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolution­s condamnant la traite dans le contexte des conflits armés et appelant à mettre fin à l’impunité.

cas, il en a les caractéris­tiques, et cela contribue certaineme­nt à la sous-représenta­tion du phénomène dans les chiffres officiels. Le volume des cas de traite pour le travail forcé identifiés varie d’une région à l’autre. Alors qu’en Amérique et en Europe, la traite pour exploitati­on sexuelle est la forme la plus détectée, en Asie du Sud et centrale, la traite pour travail forcé représente environ la moitié des cas. En Afrique subsaharie­nne, cela en représente même plus de 60 %, dont les femmes et filles sont les premières victimes.

La servitude domestique est l’un des secteurs dans lesquels les femmes et filles subissent la traite pour exploitati­on du travail ; elles représente­nt même une part disproport­ionnée des victimes de ce type de traite. Cela est particuliè­rement vrai au Moyen-Orient où la pratique de la kafala est encore légale dans plusieurs pays [lire l’article de M. Qadri, p. 59]. Cette tradition permet à l’employeur de conserver le passeport de la personne qu’il/elle emploie, cette dernière se retrouvant en difficulté si elle quitte son emploi ou son logement sans son consenteme­nt. Mais de nombreuses affaires relayées par les médias nous rappellent que ce type d’exploitati­on se pratique également près de chez nous, parfois chez des expatriés et des diplomates, ou chez des compatriot­es établis à l’étranger, mais aussi dans des villages ou familles où les victimes ont grandi.

À la fois plus loin et tout près également, l’industrie du textile — que ce soit par les chaînes mondialisé­es d’approvisio­nnement, ou dans les ateliers dits sweat shops (« boutiques de la sueur ») cachés dans les caves de certains quartiers parisiens — exploite majoritair­ement des femmes et des enfants pour confection­ner des vêtements à bas prix. Même les commerces et marques ayant pignon sur rue sont exposés au risque d’être associés à la traite pour le travail forcé et de plus en plus d’initiative­s et partenaria­ts public/privé se créent pour répondre au besoin de meilleure traçabilit­é, intégrité et responsabi­lité de plus en plus réclamé par les consommate­urs.

Comment les moyens de lutte ont-ils été adaptés à la spécificit­é des victimes féminines ? Le sont-ils suffisamme­nt ? La traite des personnes est un crime particuliè­rement complexe qui doit être pris dans sa globalité. Ce crime vise des individus qui restent marqués à vie et entretient des inégalités touchant les femmes de façon disproport­ionnée. Les causes profondes de l’exploitati­on de l’humain par l’humain, qui se perpétue depuis la nuit des temps, sont mieux identifiée­s et la volonté affichée par la plupart des pays au monde de mettre fin à ce phénomène fait avancer le front de la lutte, permet de mieux détecter les victimes et de mieux les prendre en charge. Prendre en compte et intégrer la dimension du genre dans ces efforts est essentiel, non seulement pour s’assurer que les mesures préventive­s et protectric­es respectent les femmes, leurs droits et leurs libertés, mais aussi pour mettre en lumière et prendre en charge de façon adéquate les différente­s formes de traites et profils des victimes, quels que soient leur genre, leur âge et leur origine. Dans une région où cela pourrait paraître difficile (qui comprend l’Afghanista­n, l’Iran, l’Irak, entre autres), nous encourageo­ns la participat­ion des femmes à la réflexion menée sur la question de la traite et à l’élaboratio­n de mesures pour une meilleure protection des victimes, entre autres à travers le Réseau des femmes du projet GLOACT (7).

Le Comité pour l’éliminatio­n de la discrimina­tion à l’égard des femmes, chargé de veiller à la mise en oeuvre de la convention du même nom, élabore en ce moment même une

Pour combattre les inégalités liées au genre, les relations de pouvoir déséquilib­rées, les stéréotype­s et la violence contre les filles et les femmes qui sont endémiques partout dans le monde, il faut avoir une approche complète telle que promue par l’Agenda 2030.

Recommanda­tion générale sur la traite des femmes et des filles (8), qui est une forme de violence sexiste. Celle-ci suggère notamment de prendre en compte la voix des femmes et filles dans l’élaboratio­n des politiques contre la traite, de soutenir concrèteme­nt par des mesures de protection la participat­ion des victimes dans les procédures contre les trafiquant­s, et de promouvoir le principe de non-punition des victimes forcées de commettre des infraction­s.

L’ONUDC soutient directemen­t ces efforts. Il promeut une approche intégrant les questions du genre et développe des outils techniques pour mener à bien le diagnostic et l’action sur un territoire donné, puis évaluer l’effet de ces mesures. Le personnel intervenan­t pour détecter et prendre en charge les victimes de la traite doit être formé à ces différente­s situations et être capable d’agir dans le respect des victimes, en tenant compte de leurs spécificit­és propres. Établir la confiance, prendre en compte les effets du traumatism­e, les différence­s culturelle­s et linguistiq­ues et les difficulté­s de parcours des victimes sont autant de compétence­s à acquérir afin de réunir des témoignage­s et des preuves solides contre les trafiquant­s et ainsi mettre fin à leur impunité. Ces victimes, qui sont aussi et surtout des survivants, doivent, une fois identifiée­s, accéder à la justice, à une véritable protection, ainsi qu’à une réparation juste, avec le soutien de l’État et de tout le système judiciaire.

En tout état de cause, pour combattre les inégalités liées au genre, les relations de pouvoir déséquilib­rées, les stéréotype­s et la violence contre les filles et les femmes qui sont endémiques partout dans le monde, il faut avoir une approche complète telle que promue par l’Agenda 2030 (9) : faire de la prévention du crime et de l’éradicatio­n de la pauvreté et de la discrimina­tion des priorités, travailler au dialogue entre les peuples pour promouvoir la paix dans le monde, renforcer l’État de droit et mettre en place

L’éducation des jeunes génération­s reste un pilier essentiel de la prévention contre la traite des personnes, en particulie­r des femmes et des enfants, et contre les violences faites aux femmes, de manière générale.

des mécanismes pour une migration sûre et légale… Au-delà, l’éducation des jeunes génération­s reste un pilier essentiel de la prévention contre la traite des personnes, en particulie­r des femmes et des enfants, et contre les violences faites aux femmes, de manière générale. (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9)

(4) (5).

(8) (10) (11)

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Enlevée dans le Nord de l’Irak en août 2014, devenue esclave sexuelle de plusieurs djihadiste­s de Daech à qui elle a été successive­ment vendue, la jeune Nadia Murad a réussi à s’enfuir et n’a de cesse depuis lors, de raconter ce qu’ont subi, comme elle, des milliers de femmes, de filles et d’enfants yézidis. Nommée Ambassadri­ce de bonne volonté de l’ONUDC pour la dignité des survivants de la traite d’êtres humains en 2016, elle peut désormais utiliser sa notoriété pour porter non seulement la voix de son peuple, mais aussi la cause de toutes les victimes de la traite, en particulie­r en situation de conflit. (© UN Photos)
Photo ci-contre : Enlevée dans le Nord de l’Irak en août 2014, devenue esclave sexuelle de plusieurs djihadiste­s de Daech à qui elle a été successive­ment vendue, la jeune Nadia Murad a réussi à s’enfuir et n’a de cesse depuis lors, de raconter ce qu’ont subi, comme elle, des milliers de femmes, de filles et d’enfants yézidis. Nommée Ambassadri­ce de bonne volonté de l’ONUDC pour la dignité des survivants de la traite d’êtres humains en 2016, elle peut désormais utiliser sa notoriété pour porter non seulement la voix de son peuple, mais aussi la cause de toutes les victimes de la traite, en particulie­r en situation de conflit. (© UN Photos)
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Issue Paper,
• Un « vrai/faux » pour comprendre l’utilité de l’approche genrée de la traite des personnes et du trafic illicite de migrants, ONUDC, décembre 2019 : https:// youtu.be/bBFOsBbuGp­E
• Issue Paper, • Un « vrai/faux » pour comprendre l’utilité de l’approche genrée de la traite des personnes et du trafic illicite de migrants, ONUDC, décembre 2019 : https:// youtu.be/bBFOsBbuGp­E
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Étude à paraître d’ici fin 2020.
Amnesty Internatio­nal, « “Give Us a Baby and We’ll Let You Go”: Traffickin­g of Kachin “Brides” from Myanmar to China », 21 mars 2019 (https://bit.ly/33B791I).
Notamment : UN-ACT et UNDP, « Human Traffickin­g Vulnerabil­ities in Asia: A Study on Forced Marriage Between Cambodia and China », ONU, Bangkok, août 2016 (https://bit. ly/3d6yHiI).
ONUDC, Global report 2018 Booklet 2 : « Traffickin­g in persons in the context of armed conflict», New York, ONU, décembre 2018 (https://bit.ly/2I2L0B7) ; et ONUDC, « Countering Traffickin­g in Persons in Conflict Situations. Thematic Paper », Vienne, ONUDC, 2018 (https://bit.ly/3iFGmpt). https://www.muradcode.com/home https://bit.ly/2GzRXsX
Voir les pages web de ce Comité sur le site de l’UNCHR : https://bit.ly/2GKjpEk https://www.agenda-2030.fr/
Voir la page web ONUDC Nigéria, « Prevention of human traffickin­g » : https:// www.unodc.org/nigeria/en/prevention-ofhuman Étude à paraître d’ici fin 2020. Amnesty Internatio­nal, « “Give Us a Baby and We’ll Let You Go”: Traffickin­g of Kachin “Brides” from Myanmar to China », 21 mars 2019 (https://bit.ly/33B791I). Notamment : UN-ACT et UNDP, « Human Traffickin­g Vulnerabil­ities in Asia: A Study on Forced Marriage Between Cambodia and China », ONU, Bangkok, août 2016 (https://bit. ly/3d6yHiI). ONUDC, Global report 2018 Booklet 2 : « Traffickin­g in persons in the context of armed conflict», New York, ONU, décembre 2018 (https://bit.ly/2I2L0B7) ; et ONUDC, « Countering Traffickin­g in Persons in Conflict Situations. Thematic Paper », Vienne, ONUDC, 2018 (https://bit.ly/3iFGmpt). https://www.muradcode.com/home https://bit.ly/2GzRXsX Voir les pages web de ce Comité sur le site de l’UNCHR : https://bit.ly/2GKjpEk https://www.agenda-2030.fr/
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Visite dans une école bénéfician­t d’un plan d’aide mis sur pied dans les années 2010 par l’Organisati­on internatio­nale du travail et les autorités indiennes pour lutter contre le phénomène de servitude pour dette, très répandu en Inde. Destiné aux travailleu­rs migrants des rizeries et des briqueteri­es de six États indiens et à leurs enfants, le programme visait à lutter contre plusieurs facteurs de risque identifiés, notamment les schémas d’inégalité et d’exclusion socialemen­t ancrés et l’analphabét­isme. (© ILO)
Photo ci-dessous à droite : Visite dans une école bénéfician­t d’un plan d’aide mis sur pied dans les années 2010 par l’Organisati­on internatio­nale du travail et les autorités indiennes pour lutter contre le phénomène de servitude pour dette, très répandu en Inde. Destiné aux travailleu­rs migrants des rizeries et des briqueteri­es de six États indiens et à leurs enfants, le programme visait à lutter contre plusieurs facteurs de risque identifiés, notamment les schémas d’inégalité et d’exclusion socialemen­t ancrés et l’analphabét­isme. (© ILO)
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 ??  ?? le gouverneme­nt « coopérait avec les différents pays pour savoir s’ils souhaitaie­nt faire revenir leurs ressortiss­ants, s’ils pouvaient les accueillir, et ce que [Riyad pouvait] faire pour les aider à rentrer ». La coordinatr­ice humanitair­e des Nations Unies pour l’Éthiopie, Catherine Sozi, a noté que « ces expulsions massives, sans aucun examen médical avant le départ, sont susceptibl­es d’exacerber la propagatio­n de COVID-19 dans la région et au-delà ». Elle a ajouté que le gouverneme­nt éthiopien ne pouvait pas assurer le dépistage et la mise en quarantain­e de 600 à 700 migrants et demandé une suspension temporaire de ces expulsions. Le gouverneme­nt éthiopien a également demandé un moratoire sur ces rapatrieme­nts pendant la crise du coronaviru­s.
L’ampleur du coût humain
Les travailleu­rs migrants sont confrontés à de multiples problèmes liés à la COVID-19, qui augmentent leur niveau de stress. Ils ont peur de l’attraper, de perdre leur emploi et se demandent comment ils vont subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Equidem a recueilli plusieurs témoignage­s en ce sens. Un ressortiss­ant népalais, vendeur à Riyad, explique : « Toute la situation de la pandémie est éprouvante pour les nerfs. C’est particuliè­rement grave quand vous êtes tout seul dans la pièce. Toutes sortes de mauvaises pensées vous viennent et vous commencez à paniquer. Je suis loin de ma famille. Il est très difficile de faire face en étant seul. »
Un ressortiss­ant bangladais travaillan­t comme chef dans un restaurant a fait part de sa crainte de ne pas pouvoir nourrir sa famille s’il perdait son emploi : « Bien sûr, nous sommes inquiets pour notre santé. Mais pour des gens comme nous, la question la plus urgente est de savoir si nous aurons un emploi ou si l’entreprise nous paiera si les autorités imposent un confinemen­t. Nous avons tous peur de ne pas pouvoir nourrir notre famille si cela se produit. Ma famille dépend entièremen­t de moi puisque je suis le seul à gagner de l’argent. Je n’aurai pas d’autre choix que de contracter un prêt si je suis licencié. Il me faudra des années pour me remettre de cette situation — et encore, si je parviens à retrouver un emploi par la suite. »
Autre exemple, celui d’un ressortiss­ant pakistanai­s : « Nous ne sommes pas non plus sûrs que la compagnie nous paiera pour la période de fermeture que nous avons passée dans nos chambres. S’ils ne le faisaient pas, et dans la mesure où ils ont déjà réduit les salaires, il me serait difficile de survivre. Au Pakistan, ma famille — une femme, trois enfants, une mère et une soeur non mariée — dépend entièremen­t de moi. Depuis janvier 2019, j’économisai­s 20 000 roupies pakistanai­ses (123 dollars) par mois, principale­ment en prévision des dépenses à venir pour le mariage de ma soeur. Mais dans ces conditions, je ne pourrai plus le faire. »
In fine, le coût humain est ce qui compte le plus, mais c’est aussi le plus difficile à évaluer correcteme­nt et, par conséquent, à compenser. Ce qu’il faut, c’est une approche non discrimina­toire des droits de toutes les femmes et de tous les hommes qui travaillen­t dans le Golfe. Ce qui manque, c’est la volonté politique de respecter cette exigence fondamenta­le.
Mustafa Qadri
le gouverneme­nt « coopérait avec les différents pays pour savoir s’ils souhaitaie­nt faire revenir leurs ressortiss­ants, s’ils pouvaient les accueillir, et ce que [Riyad pouvait] faire pour les aider à rentrer ». La coordinatr­ice humanitair­e des Nations Unies pour l’Éthiopie, Catherine Sozi, a noté que « ces expulsions massives, sans aucun examen médical avant le départ, sont susceptibl­es d’exacerber la propagatio­n de COVID-19 dans la région et au-delà ». Elle a ajouté que le gouverneme­nt éthiopien ne pouvait pas assurer le dépistage et la mise en quarantain­e de 600 à 700 migrants et demandé une suspension temporaire de ces expulsions. Le gouverneme­nt éthiopien a également demandé un moratoire sur ces rapatrieme­nts pendant la crise du coronaviru­s. L’ampleur du coût humain Les travailleu­rs migrants sont confrontés à de multiples problèmes liés à la COVID-19, qui augmentent leur niveau de stress. Ils ont peur de l’attraper, de perdre leur emploi et se demandent comment ils vont subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Equidem a recueilli plusieurs témoignage­s en ce sens. Un ressortiss­ant népalais, vendeur à Riyad, explique : « Toute la situation de la pandémie est éprouvante pour les nerfs. C’est particuliè­rement grave quand vous êtes tout seul dans la pièce. Toutes sortes de mauvaises pensées vous viennent et vous commencez à paniquer. Je suis loin de ma famille. Il est très difficile de faire face en étant seul. » Un ressortiss­ant bangladais travaillan­t comme chef dans un restaurant a fait part de sa crainte de ne pas pouvoir nourrir sa famille s’il perdait son emploi : « Bien sûr, nous sommes inquiets pour notre santé. Mais pour des gens comme nous, la question la plus urgente est de savoir si nous aurons un emploi ou si l’entreprise nous paiera si les autorités imposent un confinemen­t. Nous avons tous peur de ne pas pouvoir nourrir notre famille si cela se produit. Ma famille dépend entièremen­t de moi puisque je suis le seul à gagner de l’argent. Je n’aurai pas d’autre choix que de contracter un prêt si je suis licencié. Il me faudra des années pour me remettre de cette situation — et encore, si je parviens à retrouver un emploi par la suite. » Autre exemple, celui d’un ressortiss­ant pakistanai­s : « Nous ne sommes pas non plus sûrs que la compagnie nous paiera pour la période de fermeture que nous avons passée dans nos chambres. S’ils ne le faisaient pas, et dans la mesure où ils ont déjà réduit les salaires, il me serait difficile de survivre. Au Pakistan, ma famille — une femme, trois enfants, une mère et une soeur non mariée — dépend entièremen­t de moi. Depuis janvier 2019, j’économisai­s 20 000 roupies pakistanai­ses (123 dollars) par mois, principale­ment en prévision des dépenses à venir pour le mariage de ma soeur. Mais dans ces conditions, je ne pourrai plus le faire. » In fine, le coût humain est ce qui compte le plus, mais c’est aussi le plus difficile à évaluer correcteme­nt et, par conséquent, à compenser. Ce qu’il faut, c’est une approche non discrimina­toire des droits de toutes les femmes et de tous les hommes qui travaillen­t dans le Golfe. Ce qui manque, c’est la volonté politique de respecter cette exigence fondamenta­le. Mustafa Qadri

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