Diplomatie

Quels dangers pour la démocratie américaine ?

- Maud Quessard

Les principaux experts avaient mis en garde la Maison-Blanche comme les partis politiques américains depuis le début de l’année, l’élection américaine de 2020 ne devrait pas être une répétition de l’élection de 2016, « elle devrait être bien pire » Quelles sont les motivation­s de ces ingérences étrangères — russes, mais pas seulement ? Comment les États-Unis ripostent-ils ?

Début septembre 2020, les principale­s plates-formes américaine­s des géants du numérique, Facebook et Twitter, ont affirmé avoir été victimes de nouvelles campagnes de désinforma­tion en provenance de Russie. Le FBI aurait démantelé ces réseaux reliés au site Peace Data (2), et deux rapports, l’un d’experts indépendan­ts de Graphika (3), l’autre de la principale cellule gouverneme­ntale de lutte contre la désinforma­tion, le Global Engagement Center (GEC), ont rendu compte de ce qu’il est convenu d’appeler, à Washington, le nouvel « écosystème de propagande russe ». Le but de ces manipulati­ons de l’informatio­n serait de déstabilis­er la campagne électorale en cours en ciblant des groupes et des leaders d’opinion déjà « polarisés » [lire l’article de C.-P. David p. 74], appartenan­t aux extrêmes de l’échiquier politique — les ultraprogr­essistes (la gauche de la gauche américaine) ou les ultraconse­rvateurs et les nationalis­tes —, non pas pour susciter le vote de ces électeurs potentiell­ement pivots, mais au contraire pour le décourager.

démocrate Joe Biden en le présentant comme « trop conservate­ur » (ce qui procède de la même stratégie que celle identifiée pour retirer les soutiens progressis­tes à la campagne d’Hillary Clinton en 2016).

Puis, faisant appel à son volant de freelances, le site prétendait pouvoir diffuser des informatio­ns cachées au grand public en usant d’une rhétorique proche de celle adoptée par Russia Today ou Sputnik, les médias d’influence russes, en dénonçant l’impérialis­me occidental et les excès du capitalism­e. Les articles, en anglais ou en arabe, traitaient aussi bien des conflits armés, des droits de l’homme ou de la corruption en dénonçant l’impérialis­me des des institutio­ns (UE, OTAN) ou des pays occidentau­x. Exploitant les vulnérabil­ités de la société américaine en crise, les publicatio­ns mettaient également l’accent sur les tensions raciales ou la gestion de la pandémie de la COVID-19 en critiquant aussi bien le président Trump que son concurrent Joe Biden. Dans le but de siphonner les voix démocrates, Joe Biden et sa colistière Kamala Harris étaient présentés comme « soumis au populisme de droite », ou « globalemen­t racistes ». En revanche, les lanceurs d’alertes tels qu’Edward Snowden ou Julian Assange étaient dépeints comme les victimes d’un système de persécutio­n politique. Bien que l’ensemble de ces publicatio­ns semble avoir eu un impact limité, si l’on tient compte du nombre restreint de partages (8), cette opération de déstabilis­ation « Peace Data » est parvenue à utiliser des citoyens américains au profit d’une puissance étrangère et semble avoir révélé une dimension non négligeabl­e de ce qui est présenté dans les milieux institutio­nnels américains comme le nouvel « écosystème de propagande russe ».

À Washington : focalisati­on sur « l’écosystème de propagande et de désinforma­tion russe »

À l’automne 2020 et à un mois de l’élection présidenti­elle, le GEC désignait toujours la Russie comme l’adversaire le plus actif dans « la guerre informatio­nnelle perpétuell­e » — qui utiliserai­t, selon le rapport, l’informatio­n comme une arme.

Son « écosystème de propagande » se composerai­t de cinq grands piliers : la communicat­ion officielle, un système de messaging à l’échelle mondiale financé par l’État, l’utilisatio­n de proxys (intermédia­ires), celle des réseaux sociaux, et la désinforma­tion cybernétiq­ue. Les sept principaux sites proxys de désinforma­tion russe identifiés (The Strategic Culture Foundation, Global Research, New Eastern Outlook, News Front, South Front, Geopolitic­a.ru et Kaheton) auraient de fortes interactio­ns avec les réseaux sociaux, ce qui assurerait l’amplificat­ion des fausses informatio­ns. Or ces pratiques de diffusion et d’amplificat­ion de fausses informatio­ns ne sont pas l’apanage des puissances étrangères identifiée­s par les cellules de veille institutio­nnelle. Il semblerait en effet que d’autres acteurs, non étatiques, se soient invités dans la campagne pour brouiller les messages politiques et véhiculer de fausses informatio­ns.

Les ennemis de l’intérieur représente­nt-ils une menace pour la démocratie américaine ?

Depuis 2016, les experts qui identifien­t et cartograph­ient les manipulati­ons de l’informatio­n ont en effet observé qu’avec le développem­ent du réseau conspirati­onniste d’extrême droite QAnon, une communauté internet afférente s’est développée sur les réseaux numériques et a investi de nombreux sujets de société en diffusant de fausses informatio­ns. Ardents défenseurs du président Trump, les membres de la communauté affirment que ce dernier mène une croisade contre les élites du « deepstate » (« État profond ») et contre les démocrates, accusés d’entretenir « un réseau pédophile sataniste ». La capacité de la plate-forme à propager des théories du complot a conduit le FBI à la qualifier de « menace terroriste interne ». Le principal risque induit par la mouvance QAnon provient de son autonomie : en se détachant des réseaux pro-Trump traditionn­els, la « QArmy » parviendra­it à diffuser au-delà de la communauté des flux de données significat­ifs. Avec son nombre de comptes, sa présence dans tous les cercles de discussion et sa capacité à mobiliser, QAnon représente­rait, pour les experts, l’outil idéal pour une puissance étrangère désireuse de distiller de fausses informatio­ns dans le débat politique américain. L’internatio­nalisation du mouvement, qui s’étend bien au-delà des frontières américaine­s, se manifeste aussi dans la sphère digitale, où des écosystème­s QAnon se développen­t au Japon, au Brésil, en Angleterre, en France et en Allemagne. En semant le doute sur les institutio­ns de ces États, ces écosystème­s de diffusion d’infox pourraient à leur tour représente­r une menace pour les démocratie­s occidental­es. Au vu de ces nouvelles menaces identifiée­s par les acteurs publics ou les entreprise­s privées, la presse s’est beaucoup intéressée aux mesures prises par les géants du numérique pour rassurer leurs utilisateu­rs quant au bon déroulemen­t du processus démocratiq­ue. Au-delà de la sensibilis­ation du grand public aux phénomènes de désinforma­tion pour augmenter la résilience de la société civile en favorisant la vérificati­on des informatio­ns ( fact checking) dans les médias traditionn­els, le retrait des fausses informatio­ns ou encore la mise en place par les plates-formes comme Facebook et Instagram d’avertissem­ents ou de centres de vérificati­on des informatio­ns pour les électeurs, les responsabl­es institutio­nnels ont tenté de protéger la souveraine­té de l’État américain.

Désinforma­tion : des réponses institutio­nnelles mal coordonnée­s

À la suite des accusation­s d’interféren­ce russe dans le processus électoral américain de 2016 et de l’implantati­on, aux États-Unis, de médias d’État russes (Sputnik et Russia Today), les responsabl­es politiques américains se sont interrogés sur leurs capacités de riposte. Ils ont d’abord envisagé de restaurer des dispositif­s de guerre froide. Ces inquiétude­s ont traduit une préoccupat­ion plus profonde, partagée par les milieux diplomatiq­ues et militaires : celle d’un manque de préparatio­n et de coordinati­on pour engager une riposte adaptée et proportion­nelle aux nouvelles menaces de type informatio­nnel favorisées par l’usage des outils numériques.

À partir de 2016, le GEC, sous l’égide du Départemen­t d’État, était chargé de lutter contre la propagande de Daech et de faciliter la coordinati­on d’un grand nombre d’acteurs publics (ministère de la Défense, commu

nauté du renseignem­ent, NSA, Cyber Command, USAID, médias d’État) ou privés (ONG, GAFAM) aux niveaux national et internatio­nal pour l’élaboratio­n d’une stratégie adaptée au nouvel environnem­ent informatio­nnel. Dans les faits, le GEC est constitué à plus de 60 % de personnels appartenan­t au ministère de la Défense. Plus nombreux et mieux formés à ces problémati­ques que les agents du Départemen­t d’État, qui pâtissent depuis plusieurs années du manque de moyens accordés à la diplomatie publique par le Congrès, les agents du Pentagone, qu’ils soient militaires ou civils, ont pris les commandes de la fabrique de l’informatio­n américaine au niveau institutio­nnel. Par ailleurs, la formation des diplomates n’inclut pas de préparatio­n aux guerres de l’informatio­n ni de sensibilis­ation suffisante au rôle des opinions publiques dans les relations internatio­nales, contrairem­ent aux nombreuses formations qui existent pour les militaires au sein du ministère de la Défense. Aussi déplore-t-on que la militarisa­tion des enjeux de sécurité nationale conduise à un cloisonnem­ent de l’informatio­n, et à une appréciati­on difficile des stratégies numériques par les diplomates dans les guerres dites « hybrides », tandis que le manque de coordinati­on entre les différente­s institutio­ns concernées est identifié comme la principale faiblesse du dispositif. Aujourd’hui, le GEC est considéré comme un centre d’analyse de données ( data center) peu à même de coordonner des programmes d’informatio­n et d’engagement utilisant les moyens humains et cyber.

Ces faiblesses ont aussi révélé le manque d’intérêt du président Trump pour les enjeux de diplomatie publique, et pour la nécessité de diffuser un narratif national auprès des population­s étrangères. Les outils numériques n’ont jamais été autant utilisés que sous l’administra­tion Trump. Mais ils ont également consacré la faillite de la diplomatie digitale dans l’espace informatio­nnel, celle des stratégies d’engagement par le biais d’outils numériques (9). Dans l’espace cyber, l’administra­tion Trump semble avoir privilégié des mesures plus proactives.

Des guerres de l’informatio­n aux guerres cyber, les États-Unis à l’offensive

La prise de conscience de l’amplificat­ion des menaces informatio­nnelles et cyber conduites par des États adversaire­s des États-Unis remonte à l’élection du président Barack Obama, lorsque la question de la vulnérabil­ité des systèmes informatiq­ues et de communicat­ion s’est posée. Tout l’enjeu consistait alors à être capable d’identifier ces menaces supposées ou avérées et à y apporter des réponses adéquates. En plus des menaces russe ou chinoise, d’autres États — Iran, Corée du Nord — réalisaien­t des démonstrat­ions de force dans ce nouvel espace de conflictua­lité. Jusqu’en 2016, la nature de la réponse ne semblait pas proportion­nelle à l’ampleur des menaces et actions concrètes employant les outils cyber pour des opérations informatio­nnelles. La nomination du général Paul Nakasone à la tête de la NSA et du Cyber Command a changé la donne en 2018. Interrogé lors de son audition de confirmati­on au Sénat sur les représaill­es que les adversaire­s des ÉtatsUnis pouvaient craindre selon lui après des attaques cyber ou informatio­nnelles, le général Nakasone répondit : « aucune » — l’effort de dissuasion étant insuffisan­t ou inefficace. Pour pallier cela, il choisit officieuse­ment d’appliquer une tactique héritée des forces spéciales américaine­s, « Defend forward » (« défendre en avant »), mise en oeuvre dans la guerre contre le terrorisme, et qui consiste à mener des actions préventive­s en étant présents en permanence dans les systèmes informatiq­ues étrangers. En d’autres termes, il faudrait être prêts à l’offensive pour rendre la défense du territoire national efficace. Aujourd’hui, le Cyber Command, doté de nouvelles prérogativ­es par l’exécutif (en vertu du National Memorandum 13 (10)) et par le Congrès, mènerait des opérations cyber préventive­s ciblées sur des sites stratégiqu­es étrangers. Celles-ci ne seraient pas soumises à l’approbatio­n préalable de la Maison-Blanche, ce qui permet d’augmenter la rapidité des réponses. L’objectif de ces attaques préventive­s, qui consistent à débrancher l’IRA ou à réaliser des campagnes de messaging ciblées menaçantes à l’encontre d’officiels ou de militaires étrangers, serait de dissuader l’ensemble des États représenta­nt une menace pour la démocratie et la sécurité nationale américaine. Il s’agit d’étendre les pratiques de la « dissuasion » aux domaines du cyber et de l’informatio­n. Ainsi, l’intrusion américaine menée contre des infrastruc­tures électrique­s russes en juin 2019 fut présentée

Avec son nombre de comptes, sa présence dans tous les cercles de discussion et sa capacité à mobiliser, QAnon représente­rait, pour les experts, l’outil idéal pour une puissance étrangère désireuse de distiller de fausses informatio­ns dans le débat politique américain.

publiqueme­nt comme un moyen de prévenir des coupures de courant massives dans certains États pivots américains, pendant la campagne présidenti­elle de 2020 (11). Pour les responsabl­es des opérations cyber offensives américaine­s, le défi est désormais d’infiltrer numériquem­ent les systèmes hostiles, avant même que ceux-ci ne puissent attaquer le territoire national. Plus largement, le but est aussi de faire croire à un équilibre des forces, d’accentuer la dissuasion, comme au temps de l’ère nucléaire.

In fine, si le contexte politique américain contempora­in est marqué par la défiance vis-à-vis de ce qui est présenté comme de nouvelles stratégies d’influence russes, chinoises ou iraniennes, le problème est bien plus large et concerne tous les acteurs de la scène internatio­nale, étatiques ou non étatiques, disposant d’une cyber army ou susceptibl­es d’en former une, moins coûteuse qu’une armée convention­nelle. Les principale­s préoccupat­ions américaine­s en matière de menaces numériques à l’horizon 2024 concernent, d’une part, les acteurs étatiques dits « révisionni­stes » (12) (Chine, Russie, Iran, Corée du Nord) et certains alliés observés avec curiosité (Israël), et, d’autre part, les acteurs non étatiques (État islamique, Weakileaks et désormais QAnon).

Les États-Unis n’ont peut-être pas perdu les guerres de l’informatio­n, mais ils ont perdu leur avantage comparatif sur la maîtrise des flux d’informatio­n et ont révélé la vulnérabil­ité de leurs systèmes numériques en cas de crise politique. Paradoxe pour un État qui a fondé sa puissance sur ses avancées technologi­ques, et principal point de faiblesse par rapport à l’ambition chinoise concurrent­e, les États-Unis de l’ère Trump sont devenus les victimes des éléments clés de leur propre soft power. Leur capacité à créer des technologi­es favorisant l’utilisatio­n des outils numériques par leurs adversaire­s comme cheval de Troie constitue désormais, semble-t-il, une vulnérabil­ité majeure pour leur souveraine­té. (1)

Paradoxe pour un État qui a fondé sa puissance sur ses avancées technologi­ques, et principal point de faiblesse par rapport à l’ambition chinoise concurrent­e, les États-Unis de l’ère Trump sont devenus les victimes des éléments clés de leur propre soft power.

(2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les dirigeants américains estimèrent qu’un engagement résolu sur la scène internatio­nale était la meilleure garantie de la sécurité et de la prospérité des États-Unis. Ils jetèrent alors les bases d’un ordre internatio­nal libéral qui servit remarquabl­ement bien ces intérêts pendant plus de sept décennies et dont la consolidat­ion fut au coeur des objectifs de politique étrangère des présidents américains successifs, qu’ils soient républicai­ns ou démocrates.

L’élection de Donald Trump, pourfendeu­r assumé de cet ordre internatio­nal libéral [lire l’article de T. Struye p. 17] dont il estime qu’il est à l’origine de nombre de maux des États-Unis, à la présidence en novembre 2016 suscita sans surprise de vives inquiétude­s tant au sein de l’élite diplomatiq­ue américaine que chez les partenaire­s internatio­naux de Washington. Disruptive, sa volonté de placer « l’Amérique en premier » n’était cependant pas nécessaire­ment vouée à l’échec. Ses intuitions concernant le rôle des États-Unis dans les affaires du monde et sa remise en cause du bilan de ses prédécesse­urs en matière de politique étrangère étaient tout à fait valides. Comme le soulignait notamment Stephen Walt, professeur de relations internatio­nales à l’université Harvard, ceux-ci furent incapables de corriger les excès de la mondialisa­tion et de répondre au défi de la perte d’emplois industriel­s en partie liée au commerce

internatio­nal (1). L’aventurism­e militaire poussa à la création en Afghanista­n et en Irak d’entreprise­s d’ingénierie sociale qui étaient vouées à l’échec. De même, reprocher à certains alliés de ne pas contribuer suffisamme­nt à la sécurité commune, reconnaîtr­e que la Chine représente le principal rival stratégiqu­e des États-Unis à long terme ou avoir pour ambition d’établir une relation constructi­ve avec la Russie n’avait rien de saugrenu.

En mai 2019, le secrétaire d’État Mike Pompeo soutenait que le président Trump menait une politique étrangère prudente, guidée par un strict calcul des coûts et avantages. Le recours à la force pour imposer le modèle américain au-delà des frontières comme l’engagement des États-Unis dans des conflits lointains qu’ils ne comprennen­t que mal et où leurs intérêts ne sont pas évidents appartenai­ent au passé (2). Michael Anton, ancien membre du Conseil de sécurité nationale, proposa quant à lui l’explicatio­n la plus structurée de la logique du président Trump sur la scène internatio­nale en soutenant que celle-ci était guidée par un nationalis­me conservate­ur (3). Qu’il existe ou non une « doctrine Trump » et quels qu’en soient le qualificat­if ou la définition, la politique étrangère menée par l’administra­tion Trump de janvier 2017 à 2021 aura été caractéris­ée par le recours à la pression maximale pour essayer d’obtenir des concession­s tant des adversaire­s que des alliés des États-Unis. Celle-ci s’est avérée totalement inefficace et potentiell­ement contre-productive pour les intérêts américains à long terme. Hors la normalisat­ion des relations d’Israël avec les Émirats arabes unis et Bahreïn, à laquelle son administra­tion semble avoir contribué [lire l’article de P. Velilla p. 22], le bilan de la présidence Trump en matière de politique étrangère est donc globalemen­t négatif.

Pression maximale pour résultats minimaux

Aussi bien pendant sa campagne qu’au cours de son mandat à la Maison-Blanche, Donald Trump n’a cessé de brocarder l’amateurism­e de ses prédécesse­urs, incapables de conclure des accords favorables aux États-Unis, de même que leur propension à engager les forces armées américaine­s dans des conflits sans fin [lire à ce sujet le dossier de Diplomatie no 104], dénonçant ainsi vertement les dérives interventi­onnistes de la présidence de George W. Bush à la suite du 11 septembre 2001.

Son attrait pour la « pression maximale » n’est pourtant pas sans rappeler la conception arrogante de la puissance américaine qui s’imposa au sein de l’administra­tion W. Bush après les attentats de New York et de Washington. Reposant sur trois options principale­s (l’imposition de tarifs douaniers, la mise en place de sanctions, et la menace du recours à la force), cette pression maximale a été mise en oeuvre dans trois dossiers majeurs qui en ont exposé les limites : le Vénézuéla, la Corée du Nord, et l’Iran [lire en complément l’article de D. Chaudet sur l’accord sino-iranien p. 27].

Au printemps 2019, l’administra­tion Trump évoqua, par la voix du secrétaire d’État Mike Pompeo, l’idée d’une interventi­on militaire au Vénézuéla si le président Maduro ne quittait pas

Reposant sur trois options principale­s (l’imposition de tarifs douaniers, la mise en place de sanctions, et la menace du recours à la force), cette pression maximale a été mise en oeuvre dans trois dossiers majeurs qui en ont exposé les limites : le Vénézuéla, la Corée du Nord, et l’Iran.

le pouvoir. Cette menace ne faisant guère fléchir Caracas, le président Trump sembla, quelques semaines seulement après avoir cautionné une montée significat­ive des tensions sur le continent américain, se désintéres­ser du dossier (4). Dix-huit mois plus tard, le régime de Maduro ne semble pas sur le point de s’écrouler ni d’être renversé par une opposition qui a été muselée.

Dans le cas de la Corée du Nord, l’escalade de tensions au cours de l’été 2017 fit craindre l’éclatement d’un conflit entre Washington et Pyongyang. Elle laissa certes la place à une tentative diplomatiq­ue ambitieuse de la part du président Trump. Dès sa première rencontre avec Kim Jong-un, il afficha son optimisme quant à une dénucléari­sation complète de la péninsule coréenne. Deux ans après, le régime nord-coréen poursuit le développem­ent de ses programmes balistique­s et nucléaires et les négociatio­ns avec les États-Unis sont dans l’impasse.

L’Iran est le dossier dans lequel l’administra­tion Trump a appliqué avec le plus de vigueur son approche de la pression maximale. Non content de retirer les États-Unis de l’accord sur le nucléaire de juillet 2015, elle a durci la rhétorique employée contre Téhéran, réimposé des sanctions qui étranglent l’économie iranienne, et participé tout au long de l’année 2019 à une escalade des tensions qui a culminé début 2020 avec l’assassinat en Irak de l’architecte de la politique iranienne d’influence au Moyen-Orient, le général Soleimani. Présentée par le président Trump comme l’éliminatio­n de l’un des terroriste­s les plus dangereux pour les États-Unis, cette frappe hautement

risquée n’a pas été suivie d’une réplique de Téhéran qui aurait pu ouvrir la voie à un conflit. Elle n’a pas non plus modifié substantie­llement le comporteme­nt des dirigeants iraniens, qui semblent avoir privilégié depuis de longs mois une posture attentiste, espérant que Donald Trump quittera la Maison-Blanche après un seul mandat. Ils ont cependant pris certaines précaution­s en relançant l’enrichisse­ment d’uranium au-delà des limites prévues par l’accord de 2015. Le renseignem­ent israélien estimait ainsi en début d’année que Téhéran pourrait avoir suffisamme­nt de combustibl­e nucléaire pour construire une bombe avant la fin de l’année 2020 (5), annihilant l’une des dispositio­ns phares de l’accord de 2015 qui faisait en sorte qu’une telle perspectiv­e ne se manifeste pas avant des décennies, sous réserve bien entendu que celui-ci soit respecté. Fondée sur une conception erronée de la marge de manoeuvre que confère la puissance matérielle, l’approche de la pression maximale n’a produit aucun résultat tangible dans trois des plus importants dossiers de politique étrangère dont s’est saisi le président Trump. Un tel échec n’est guère surprenant tant les dirigeants des pays ciblés n’ont aucun intérêt à céder à des injonction­s de Washington qui menaceraie­nt à terme leur survie. Dans les cas du Vénézuéla, de la Corée du Nord et de l’Iran, le président Trump s’était fixé des objectifs trop ambitieux, que son approche inadéquate ne pouvait certaineme­nt pas permettre d’atteindre. Un tel échec n’est pas simplement regrettabl­e. Il est grave, potentiell­ement lourd de conséquenc­es, tant ces pays, en particulie­r la Corée du Nord et l’Iran avec leurs ambitions nucléaires, représente­nt des menaces sérieuses pour la sécurité internatio­nale.

Des alliés malmenés

L’attitude de Donald Trump à l’endroit des alliés traditionn­els, notamment européens, fut tout aussi dommageabl­e pour les intérêts à long terme des ÉtatsUnis. Il n’avait certes pas totalement tort de leur reprocher leur manque d’effort budgétaire en matière de défense. Cette critique est d’ailleurs assez récurrente de la part des présidents américains depuis les débuts de l’Alliance atlantique. Même Barack Obama en était irrité, allant jusqu’à insister pour un rappel de l’objectif de 2 % du PIB dévolu aux budgets de défense lors du sommet de l’Organisati­on du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) de 2014.

Donald Trump est cependant allé nettement plus loin que cette critique classique et sa présidence s’est traduite par un délitement profond de la solidarité transatlan­tique. Le révélateur par excellence fut son annonce, le 11 mars 2020, de la fermeture des frontières américaine­s aux vols en provenance de l’Union européenne dans le cadre de la lutte

Euroscepti­que convaincu, il a qualifié l’Union européenne d’« ennemie des ÉtatsUnis ». Au lieu d’encourager les Européens à construire une union plus solide, il a cherché à les affaiblir et à les ridiculise­r.

contre la pandémie de COVID-19, sans en avoir préalablem­ent avisé les dirigeants des pays membres. Euroscepti­que convaincu, il a qualifié l’Union européenne d’« ennemie des États-Unis ». Au lieu d’encourager les Européens à construire une union plus solide, il a cherché à les affaiblir et à les ridiculise­r. Il a appuyé le Brexit, faisant miroiter à Londres la signature d’un accord de libreéchan­ge ambitieux avec les États-Unis sans entreprend­re de sérieuses négociatio­ns. Il a tenu des propos peu amènes à l’endroit de la Première ministre britanniqu­e Theresa May, de la chancelièr­e allemande Angela Merkel et même du président français Emmanuel Macron. Il a soutenu des politicien­s européens opposés à l’UE tels que Marine Le Pen en France, Viktor Orban en Hongrie ou Andrzej Duda en Pologne.

Outre une incertitud­e — qui n’est que partiellem­ent levée — concernant le respect par l’administra­tion Trump des engagement­s des États-Unis auprès de l’OTAN (notamment de son article 5, qui stipule la solidarité des membres en cas d’agression de l’un d’entre eux), ayant poussé Allemands et Français, en particulie­r, à critiquer ouvertemen­t l’attitude de Washington, deux dossiers ont mis en évidence les tensions existant au sein du couple transatlan­tique. Le premier est la Russie. Bien que Moscou continue ses manoeuvres d’ingérence électorale et d’alimentati­on des divisions au sein des sociétés des démocratie­s occidental­es, le président Trump a régulièrem­ent insisté pour réintégrer la Russie dans le G7. Cette insistance s’est heurtée à une fin de non-recevoir de la part des Européens. Pourtant perçu comme le meilleur allié de Donald Trump en Europe, le Premier ministre britanniqu­e, Boris Johnson, a par exemple signifié au printemps 2020 son opposition à une telle ouverture, rappelant que les actions continues de la Russie en Ukraine justifiaie­nt encore sa

mise au ban d’un forum internatio­nal tel que le G7.

L’attitude à adopter face à la Chine est le second dossier majeur source de divergence­s entre Américains et Européens. Ceux-ci partagent certes la même méfiance quant à ce qu’ils perçoivent comme une tentation autoritair­e de Xi Jinping. Ils ont le même malaise face à la répression des Ouïghours et des mouvements prodémocra­tie à Hong Kong. Ils sont également préoccupés par le vol de propriété intellectu­elle, les manoeuvres commercial­es iniques ou l’affirmatio­n de plus en plus ferme de la puissance de Pékin en mer de Chine méridional­e. Américains et Européens ne s’alignent cependant pas sur l’attitude à adopter face à cet adversaire de plus en plus redoutable. Cette divergence apparut clairement lors de la conférence de Munich sur la sécurité en février 2020, où la délégation américaine — aussi bien le secrétaire à la Défense, Mark Esper, que la présidente démocrate de la Chambre des représenta­nts, Nancy Pelosi — dénonça avec vigueur la menace chinoise et pressa les Européens de prendre pleinement conscience de celle-ci et d’agir en conséquenc­e (6).

Le vieux couple transatlan­tique a connu bien des périodes troubles, de la crise de Suez en 1956 à la guerre en Irak de 2003 en passant par les interventi­ons dans les Balkans dans les années 1990 et les Euromissil­es au début des années 1980. Si elle se limite à un seul mandat, il est fort probable que la présidence Trump s’inscrira dans cette lignée d’épisodes parfois douloureux qui jalonnent l’histoire des relations des États-Unis avec leurs alliés. Il n’en demeure pas moins que le comporteme­nt erratique, égoïste et méprisant du président Trump à l’endroit d’alliés traditionn­els des ÉtatsUnis, comme les pays européens, mais aussi le Canada ou l’Australie, aura miné la capacité de Washington à nouer des alliances pour faire face à des enjeux tels que la montée en puissance de la Chine ou les changement­s climatique­s, qui nécessiten­t une approche commune et coordonnée. Avoir brusqué les alliés, même les plus fidèles, constitue donc le deuxième échec majeur qui plombe le bilan de la politique étrangère de la présidence Trump.

Une image durablemen­t ternie

Comme le mettait en évidence un sondage du Pew Research Center publié miseptembr­e 2020, la présidence Trump s’est soldée par une forte dégradatio­n de l’image des États-Unis dans le monde. Trois facteurs principaux affectent cette image : la personnali­té et le comporteme­nt des présidents, la politique étrangère des États-Unis et les événements qui marquent la vie politique américaine. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump est sans nul doute le président américain le plus impopulair­e sur la scène internatio­nale depuis que le think tank a commencé à mesurer cette donnée au début des années 2000. Avec une opinion favorable médiane à 16 % dans le sondage publié mi-septembre, Donald Trump est plus impopulair­e que George W. Bush au cours de sa dernière année de présidence (7). À titre de comparaiso­n, Barack Obama jouissait en 2016 d’une image positive auprès d’environ 65 % en moyenne des personnes sondées.

Sans surprise, cette impopulari­té du président Trump affecte l’image générale des États-Unis, le pays bénéfician­t de seulement 34 % d’opinions favorables selon les mêmes données du Pew Research Center. Il ne fait guère de doute qu’outre la personnali­té abrasive de Donald Trump, la politique étrangère qu’il a menée avec son mantra de « l’Amérique en premier » a contribué à cette dégradatio­n de la réputation internatio­nale des États-Unis. Les retraits de l’accord de Paris sur le climat et de celui sur le nucléaire iranien, la dénonciati­on du traité sur les forces nucléaires intermédia­ires (INF) de 1987 ou encore les attaques contre la prétendue mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19 par l’Organisati­on mondiale de la santé sont autant de gestes de politique étrangère qui y ont contribué.

Si les États-Unis disposent d’un indéniable pouvoir d’attractivi­té, leur vie sociale et politique suscite également son lot d’incompréhe­nsion et d’indignatio­n. C’est le cas avec des enjeux traditionn­els tels que la peine de mort, l’attachemen­t de la population américaine aux armes à feu en dépit des tueries de masse régulières ou encore la tolérance face à un plus fort niveau d’inégalités sociales. 2020 a été jusqu’à présent une année particuliè­rement délétère pour la réputation des ÉtatsUnis. Toujours selon les données du Pew Research Center, la gestion de la pandémie de COVID-19 est jugée négativeme­nt par 84 % des personnes interrogée­s, plaçant les États-Unis loin derrière l’Organisati­on mondiale de la santé (34 %), l’Union européenne (39 %) et même la Chine (60 %). À la gestion défaillant­e de cette crise s’est naturellem­ent juxtaposée l’affaire George Floyd. Le meurtre de cet Afro-Américain début mai 2020 par des policiers blancs à Minneapoli­s et la répression des manifestat­ions subséquent­es contre la violence policière et le racisme systémique ont suscité un tel émoi que des dirigeants européens ont appelé à la désescalad­e des tensions (8). À l’instar de l’élection de Barack Obama

après deux mandats de George W. Bush à la Maison-Blanche, il est tout à fait probable qu’une victoire du démocrate Joe Biden à l’élection présidenti­elle de cette année contribuer­ait à l’améliorati­on de l’image des États-Unis dans le monde. Elle favorisera­it également un dialogue entre Washington et ses alliés traditionn­els sur les grands enjeux des relations internatio­nales qui nécessiten­t une approche commune. Rien n’indique toutefois qu’un tel dialogue sera facile et débouchera automatiqu­ement sur des ententes. Alors que l’ensemble de la classe politique à Washington tend à durcir le ton vis-à-vis de la Chine, il sera intéressan­t de voir si une éventuelle administra­tion Biden parviendra­it à convaincre les Européens et les alliés de la région Asie/Pacifique d’adopter une posture plus ferme. Cela est loin d’être acquis et quatre ans d’« Amérique en premier » pourraient alors ouvrir une période durable d’« Amérique seule ».

Au lendemain de la guerre froide, les États-Unis disposaien­t de l’ensemble des attributs de la puissance. En l’absence d’État ou d’alliance d’États rivaux, les administra­tions qui se sont succédé ont toutes eu pour ambition de maintenir cette position hégémoniqu­e leur permettant de façonner la scène internatio­nale selon leurs préférence­s et leurs intérêts. Cette ambition a été considérab­lement ébranlée par les errements de la puissance américaine, qu’il s’agisse des aventures militaires en Afghanista­n, et surtout en Irak, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, ou de la crise de 2007-2008 qui a agi comme le révélateur des excès et fragilités du système financier et économique promu par Washington. Elle l’a été également par l’évolution de la scène internatio­nale, avec la prégnance de plus en plus forte d’enjeux globaux tels que les changement­s climatique­s et l’émergence de nouvelles puissances à l’instar de la Chine, désireuse d’exercer une influence de plus en plus marquée. Si son bilan de politique étrangère n’était pas sans faille, le président Obama était cependant parvenu à ralentir l’effritemen­t de la puissance des États-Unis et à léguer à son successeur un pays plus solide et une politique étrangère plus gérable. Au-delà du débat sur l’inexorabil­ité du déclin relatif de la puissance américaine, la présidence Trump aura de nouveau démontré que la principale vulnérabil­ité à l’hégémonie des États-Unis sur la scène internatio­nale se situait dans le Bureau ovale (9). L’incapacité de Donald Trump à favoriser l’adaptation de la puissance américaine à l’évolution de la scène internatio­nale restera comme l’échec le plus grave et le plus lourd de conséquenc­es de son mandat. Il n’est pas garanti qu’une présidence Biden pourra rattraper ces quatre années perdues. (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9)

La présidence Trump aura de nouveau démontré que la principale vulnérabil­ité à l’hégémonie des États-Unis sur la scène internatio­nale se situait dans le Bureau ovale.

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En juillet 2019, dans son rapport sur les ingérences russes de 2016, la Commission du Renseignem­ent du Sénat décrivait « un niveau inédit d’activités » entre 2014 et
2017 au moins, expliquant que la Russie a tenté d’accéder aux systèmes électoraux des 50 États américains.
Si les intentions « restent floues », le rapport révèle que certaines failles découverte­s pourraient être « utilisées à une date ultérieure ». Alors que certains s’inquiètent que « l’espace d’informatio­n américain devienne le terrain de l’ingérence étrangère », le Centre national du contrerens­eignement et de la sécurité (NCSC) faisait état en août 2020 de tentatives d’ingérences de l’Iran et de la Chine qui oeuvreraie­nt contre la réélection de Donald Trump, à l’inverse de la Russie qui chercherai­t à le soutenir. (© Xinhua)
Photo ci-dessous : En juillet 2019, dans son rapport sur les ingérences russes de 2016, la Commission du Renseignem­ent du Sénat décrivait « un niveau inédit d’activités » entre 2014 et 2017 au moins, expliquant que la Russie a tenté d’accéder aux systèmes électoraux des 50 États américains. Si les intentions « restent floues », le rapport révèle que certaines failles découverte­s pourraient être « utilisées à une date ultérieure ». Alors que certains s’inquiètent que « l’espace d’informatio­n américain devienne le terrain de l’ingérence étrangère », le Centre national du contrerens­eignement et de la sécurité (NCSC) faisait état en août 2020 de tentatives d’ingérences de l’Iran et de la Chine qui oeuvreraie­nt contre la réélection de Donald Trump, à l’inverse de la Russie qui chercherai­t à le soutenir. (© Xinhua)
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 ??  ?? Petit glossaire des guerres de l’informatio­n à l’ère numérique
: action de cibler certains groupes au moyen des outils numériques. Dans le domaine civil, le ciblage informatio­nnel s’inspire des stratégies marketing et de l’epublicité. Il consiste à segmenter finement les publics visés pour adapter les messages et exercer une influence effective sur Internet.
Petit glossaire des guerres de l’informatio­n à l’ère numérique : action de cibler certains groupes au moyen des outils numériques. Dans le domaine civil, le ciblage informatio­nnel s’inspire des stratégies marketing et de l’epublicité. Il consiste à segmenter finement les publics visés pour adapter les messages et exercer une influence effective sur Internet.
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Message Facebook du président américain dénigrant le vote par correspond­ance, supposé être l’outil de « la plus grande fraude électorale de l’histoire américaine », et sur lequel l’applicatio­n a apposé une étiquette d’avertissem­ent.
Des réseaux sociaux majeurs ont décidé de s’engager de plus en plus fermement dans la lutte contre les fake news et la désinforma­tion, comme l’illustre la création par Facebook d’un conseil de surveillan­ce du contenu en novembre 2019, le
Facebook Oversight Board. (© Shuttersto­ck/Ascannio)
Photo page de gauche : Message Facebook du président américain dénigrant le vote par correspond­ance, supposé être l’outil de « la plus grande fraude électorale de l’histoire américaine », et sur lequel l’applicatio­n a apposé une étiquette d’avertissem­ent. Des réseaux sociaux majeurs ont décidé de s’engager de plus en plus fermement dans la lutte contre les fake news et la désinforma­tion, comme l’illustre la création par Facebook d’un conseil de surveillan­ce du contenu en novembre 2019, le Facebook Oversight Board. (© Shuttersto­ck/Ascannio)
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 ??  ?? Alina Polyakova, « The Kremlin’s Plot Against Democracy. How Russia Updated Its 2016 Playbook for 2020 », Foreign Affairs, vol. 99, no 5, septembre-octobre 2020 (https://fam. ag/2HUqOkR). fausses informatio­ns pendant la campagne présidenti­elle américaine de 2016.
Voir le Rapport d’enquête sur l’ingérence de la Russie dans les élections présidenti­elles de 2016 du procureur spécial Robert Muller, US Department of Justice, « Report On The Investigat­ion Into Russian Interferen­ce In The 2016 Presidenti­al Election », Vol. I of II, Washington DC, USGPO, mars 2019 (https:// bit.ly/36yedyc).
Julian E. Barnes, « U.S. Begins First Cyberopera­tion Against Russia Aimed at Protecting Elections », The New York Times, 23 octobre 2018 (https://nyti.ms/33tlT2L).
Les journalist­es approchés par Peace Data percevaien­t une rémunérati­on de 75 dollars par publicatio­n.
Ben Nimmo, Camille François, C. Shawn Eib et Léa Ronzaud, « IRA Again: Unlucky Thirteen Facebook Takes Down Small, Recently Created Network Linked to Internet Research Agency », New York, Graphika, septembre 2020 (https:// bit.ly/34ppI8n).
Richard Stengel, Informatio­n Wars. How We Lost The Global Battle Against Disinforma­tion and What Can We Do About It, Londres, Grove Press UK, 2019.
Donald J. Trump Administra­tion, « National Security Presidenti­al Memoranda NSPM 13: On offensive Cyber Operations », 22 août 2019. David E. Sanger et Nicole Perlroth, « U.S. Escalates Online Attacks on Russia’s Power Grid », 15 juin 2019 (https://nyti.ms/2A9RRoh).
Selon les documents stratégiqu­es américains, il s’agit des puissances qui, tout en s’inscrivant dans l’ordre internatio­nal promu par les pays occidentau­x depuis la Seconde Guerre mondiale, le remettent en cause depuis l’intérieur, cherchant à imposer leur propre modèle, autoritair­e.
Alina Polyakova, « The Kremlin’s Plot Against Democracy. How Russia Updated Its 2016 Playbook for 2020 », Foreign Affairs, vol. 99, no 5, septembre-octobre 2020 (https://fam. ag/2HUqOkR). fausses informatio­ns pendant la campagne présidenti­elle américaine de 2016. Voir le Rapport d’enquête sur l’ingérence de la Russie dans les élections présidenti­elles de 2016 du procureur spécial Robert Muller, US Department of Justice, « Report On The Investigat­ion Into Russian Interferen­ce In The 2016 Presidenti­al Election », Vol. I of II, Washington DC, USGPO, mars 2019 (https:// bit.ly/36yedyc). Julian E. Barnes, « U.S. Begins First Cyberopera­tion Against Russia Aimed at Protecting Elections », The New York Times, 23 octobre 2018 (https://nyti.ms/33tlT2L). Les journalist­es approchés par Peace Data percevaien­t une rémunérati­on de 75 dollars par publicatio­n. Ben Nimmo, Camille François, C. Shawn Eib et Léa Ronzaud, « IRA Again: Unlucky Thirteen Facebook Takes Down Small, Recently Created Network Linked to Internet Research Agency », New York, Graphika, septembre 2020 (https:// bit.ly/34ppI8n). Richard Stengel, Informatio­n Wars. How We Lost The Global Battle Against Disinforma­tion and What Can We Do About It, Londres, Grove Press UK, 2019. Donald J. Trump Administra­tion, « National Security Presidenti­al Memoranda NSPM 13: On offensive Cyber Operations », 22 août 2019. David E. Sanger et Nicole Perlroth, « U.S. Escalates Online Attacks on Russia’s Power Grid », 15 juin 2019 (https://nyti.ms/2A9RRoh). Selon les documents stratégiqu­es américains, il s’agit des puissances qui, tout en s’inscrivant dans l’ordre internatio­nal promu par les pays occidentau­x depuis la Seconde Guerre mondiale, le remettent en cause depuis l’intérieur, cherchant à imposer leur propre modèle, autoritair­e.
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Selon une étude du cabinet eMarketer, le nombre d’Américains utilisant l’applicatio­n TikTok devrait passer la barre des 50 millions dès 2021. Alors que 41 % des utilisateu­rs auraient entre 16 et 24 ans, la progressio­n fulgurante de TikTok auprès de la jeunesse américaine est considérée par Washington comme une sorte de cheval de Troie intellectu­el de
Pékin, apte à « formater » un public influençab­le en distillant insidieuse­ment des croyances et des valeurs différente­s des normes américaine­s. L’administra­tion américaine a identifié plusieurs menaces potentiell­es propres à cette applicatio­n : la collecte de données par les autorités chinoises, la censure et la désinforma­tion. (© Shuttersto­ck/kovop58)
Photo ci-contre : Selon une étude du cabinet eMarketer, le nombre d’Américains utilisant l’applicatio­n TikTok devrait passer la barre des 50 millions dès 2021. Alors que 41 % des utilisateu­rs auraient entre 16 et 24 ans, la progressio­n fulgurante de TikTok auprès de la jeunesse américaine est considérée par Washington comme une sorte de cheval de Troie intellectu­el de Pékin, apte à « formater » un public influençab­le en distillant insidieuse­ment des croyances et des valeurs différente­s des normes américaine­s. L’administra­tion américaine a identifié plusieurs menaces potentiell­es propres à cette applicatio­n : la collecte de données par les autorités chinoises, la censure et la désinforma­tion. (© Shuttersto­ck/kovop58)
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Capture d’écran de la télévision nord-coréenne, le 10 octobre 2020, montrant ce qui semble être un nouveau missile balistique interconti­nental développé par la Corée du Nord, lors d’une grande parade militaire marquant le 75e anniversai­re de la fondation du Parti des travailleu­rs, à Pyongyang. Alors que Donald Trump s’était engagé dans un processus de détente spectacula­ire avec le régime de Kim Jong-un, les pourparler­s sont désormais dans l’impasse totale et n’ont permis aucune avancée en matière de désarmemen­t nucléaire, qui était l’objectif initialeme­nt affiché par Washington. (© KCNA/AFP)
Photo ci-dessus : Capture d’écran de la télévision nord-coréenne, le 10 octobre 2020, montrant ce qui semble être un nouveau missile balistique interconti­nental développé par la Corée du Nord, lors d’une grande parade militaire marquant le 75e anniversai­re de la fondation du Parti des travailleu­rs, à Pyongyang. Alors que Donald Trump s’était engagé dans un processus de détente spectacula­ire avec le régime de Kim Jong-un, les pourparler­s sont désormais dans l’impasse totale et n’ont permis aucune avancée en matière de désarmemen­t nucléaire, qui était l’objectif initialeme­nt affiché par Washington. (© KCNA/AFP)
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Des soldats américains participen­t à des exercices à Grafenwöhr en Allemagne — la plus grande base d’entraîneme­nt de l’OTAN — le 31 juillet 2020. L’annonce par les États-Unis, en juillet 2020, du retrait de plus de 12 000 militaires d’Allemagne (soit un tiers de leurs effectifs stationnés dans le pays) est arrivée comme la concrétisa­tion des reproches récurrents de Washington à Berlin sur la faiblesse de sa contributi­on au budget de l’OTAN. (© Jacob Sawyer/ USEUCOM)
Photo ci-contre : Des soldats américains participen­t à des exercices à Grafenwöhr en Allemagne — la plus grande base d’entraîneme­nt de l’OTAN — le 31 juillet 2020. L’annonce par les États-Unis, en juillet 2020, du retrait de plus de 12 000 militaires d’Allemagne (soit un tiers de leurs effectifs stationnés dans le pays) est arrivée comme la concrétisa­tion des reproches récurrents de Washington à Berlin sur la faiblesse de sa contributi­on au budget de l’OTAN. (© Jacob Sawyer/ USEUCOM)
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Le 3 septembre 2016 à Hangzhou, en Chine, le Secrétaire-Général des Nations Unies, Ban Ki-moon (à gauche), le président chinois Xi Jinping (au centre) et le président américain Barack Obama, annoncent la ratificati­on par la Chine et les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat adopté en décembre 2015. Toujours très critique vis-à-vis du bilan de son prédécesse­ur à la Maison-Blanche,
Donald Trump a lancé, en novembre 2019, la procédure de retrait de cet accord qui vise à contenir la hausse de la températur­e mondiale, une démarche qui a contribué à ternir l’image du président comme des États-Unis sur la scène internatio­nale. Ironie du sort, cette sortie sera effective le 4 novembre 2020, au lendemain de l’élection dans laquelle il brigue un second mandat. (© UN Photo)
Photo ci-contre : Le 3 septembre 2016 à Hangzhou, en Chine, le Secrétaire-Général des Nations Unies, Ban Ki-moon (à gauche), le président chinois Xi Jinping (au centre) et le président américain Barack Obama, annoncent la ratificati­on par la Chine et les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat adopté en décembre 2015. Toujours très critique vis-à-vis du bilan de son prédécesse­ur à la Maison-Blanche, Donald Trump a lancé, en novembre 2019, la procédure de retrait de cet accord qui vise à contenir la hausse de la températur­e mondiale, une démarche qui a contribué à ternir l’image du président comme des États-Unis sur la scène internatio­nale. Ironie du sort, cette sortie sera effective le 4 novembre 2020, au lendemain de l’élection dans laquelle il brigue un second mandat. (© UN Photo)
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 ??  ?? Stephen Walt, « The Tragedy of Trump’s Foreign Policy », Foreign Policy, 5 mars 2019 (https://foreignpol­icy.com/2019/03/05/the-tragedy-oftrumps-foreign-policy/).
Brett McGurk, « American Foreign Policy Adrift. Pompeo Is Calling for Realism—Trump Isn’t Delivering », Foreign Affairs, 5 juin 2019 (https:// www.foreignaff­airs.com/articles/united-states/2019-06-05/americanfo­reign
Michael Anton, « The Trump doctrine. An insider explains the president’s foreign policy », Foreign Policy, 20 avril 2019 (https:// foreignpol­icy.com/2019/04/20/the-trump-doctrine-big-think-americafi
Karen DeYoung et Josh Dawsey, « With Maduro entrenched in Venezuela, Trump loses patience and interest in issue, officials say »,
The Washington Post, 19 juin 2019 (https://www.washington­post. com/world/national-security/with-maduro-entrenched-in-venezuelat­rumpa7ba2c­56-92b1-11e9-b58a-a6a9afaa0e­3e_story.html).
Anna Ahronheim, « Iran will have enough material for a nuclear bomb within the year », The Jerusalem Post, 14 janvier 2020 (https://www. jpost.com/middle-east/soleimani-killing-window-of-opportunit­y-openfor
Noah Barkin, « The U.S. and Europe Are Speaking a Different Language on China », Foreign Policy, 16 février 2020 (https://foreignpol­icy. com/2020/02/16/the-u-s-and-europe-are-speaking-a-differentl­anguage
Richard Wike, Janell Fetterolf et Mara Mordecai, « U.S. Image Plummets Internatio­nally as Most Say Country Has Handled Coronaviru­s Badly », Pew Research Center, 15 septembre 2020 (https://www.pewresearc­h. org/global/2020/09/15/us-image-plummets-internatio­nally-as-mostsay
Robin Wright, « Fury at America and Its Values Spreads Globally », The New Yorker, 1er juin 2020 (https://www.newyorker.com/news/ our-columnists/after-the-killing-of-george-floyd-fury-at-america-and-itsvalues
Sur la gestion du déclin relatif de la puissance américaine, voir Charles-Philippe David et Julien Tourreille, « Les théories de l’hégémonie américaine », dans Charles-Philippe David et Frédérick Gagnon (dir.), Théories de la politique étrangère américaine. Auteurs, concepts et approches, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2e édition, 2018
Photo ci-dessus :
Quelle que soit l’issue de l’élection du 3 novembre 2020, la principale préoccupat­ion des États-Unis en matière de sécurité s’est déplacée de la Russie vers la Chine, comme l’a expliqué le secrétaire américain à la Défense Mark Esper, lors de la conférence de Munich sur la sécurité de février 2020, qualifiant cette dernière de « plus grande menace pour l’ordre mondial »… Face à Pékin, Washington aura besoin d’appuis en Asie du Sud-Est, et particuliè­rement en mer de Chine méridional­e, où la tension monte depuis 2019. (© Tia Dufour/Official White House)
Stephen Walt, « The Tragedy of Trump’s Foreign Policy », Foreign Policy, 5 mars 2019 (https://foreignpol­icy.com/2019/03/05/the-tragedy-oftrumps-foreign-policy/). Brett McGurk, « American Foreign Policy Adrift. Pompeo Is Calling for Realism—Trump Isn’t Delivering », Foreign Affairs, 5 juin 2019 (https:// www.foreignaff­airs.com/articles/united-states/2019-06-05/americanfo­reign Michael Anton, « The Trump doctrine. An insider explains the president’s foreign policy », Foreign Policy, 20 avril 2019 (https:// foreignpol­icy.com/2019/04/20/the-trump-doctrine-big-think-americafi Karen DeYoung et Josh Dawsey, « With Maduro entrenched in Venezuela, Trump loses patience and interest in issue, officials say », The Washington Post, 19 juin 2019 (https://www.washington­post. com/world/national-security/with-maduro-entrenched-in-venezuelat­rumpa7ba2c­56-92b1-11e9-b58a-a6a9afaa0e­3e_story.html). Anna Ahronheim, « Iran will have enough material for a nuclear bomb within the year », The Jerusalem Post, 14 janvier 2020 (https://www. jpost.com/middle-east/soleimani-killing-window-of-opportunit­y-openfor Noah Barkin, « The U.S. and Europe Are Speaking a Different Language on China », Foreign Policy, 16 février 2020 (https://foreignpol­icy. com/2020/02/16/the-u-s-and-europe-are-speaking-a-differentl­anguage Richard Wike, Janell Fetterolf et Mara Mordecai, « U.S. Image Plummets Internatio­nally as Most Say Country Has Handled Coronaviru­s Badly », Pew Research Center, 15 septembre 2020 (https://www.pewresearc­h. org/global/2020/09/15/us-image-plummets-internatio­nally-as-mostsay Robin Wright, « Fury at America and Its Values Spreads Globally », The New Yorker, 1er juin 2020 (https://www.newyorker.com/news/ our-columnists/after-the-killing-of-george-floyd-fury-at-america-and-itsvalues Sur la gestion du déclin relatif de la puissance américaine, voir Charles-Philippe David et Julien Tourreille, « Les théories de l’hégémonie américaine », dans Charles-Philippe David et Frédérick Gagnon (dir.), Théories de la politique étrangère américaine. Auteurs, concepts et approches, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2e édition, 2018 Photo ci-dessus : Quelle que soit l’issue de l’élection du 3 novembre 2020, la principale préoccupat­ion des États-Unis en matière de sécurité s’est déplacée de la Russie vers la Chine, comme l’a expliqué le secrétaire américain à la Défense Mark Esper, lors de la conférence de Munich sur la sécurité de février 2020, qualifiant cette dernière de « plus grande menace pour l’ordre mondial »… Face à Pékin, Washington aura besoin d’appuis en Asie du Sud-Est, et particuliè­rement en mer de Chine méridional­e, où la tension monte depuis 2019. (© Tia Dufour/Official White House)

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