Comment Trump a-t-il changé le monde ? Le recul des relations internationales
Charles-Philippe David et Élisabeth Vallet, Paris, CNRS Éditions, septembre 2020, 144 p.
Charles-Philippe David, professeur titulaire de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et président de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, publie simultanément deux ouvrages consacrés à la politique étrangère de la présidence Trump, l’un au Canada (disponible en France en version électronique), l’autre en France, coécrit avec Élisabeth Vallet, professeur agrégé en études internationales au Collège militaire royal de Saint-Jean et professeur associé à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) — deux ouvrages qui se complètent et se répondent, abordant le même problème de deux points de vue différents.
Le premier ouvrage regarde vers les États-Unis. Après un chapitre consacré au bilan diagnostic du mandat du 45e président des États-Unis en matière de politique étrangère (doctrine, rôle de Washington dans le monde, questions diplomatiques et de défense, politique commerciale, gestion des crises), l’auteur étudie dans une seconde partie les causes de « l’infection » constatée en examinant tout l’écosystème dans lequel s’élabore habituellement cette politique étrangère. Observateur de cet univers complexe au fil des administrations qui se sont succédé depuis 1990, s’appuyant sur de très nombreuses références, Charles-Philippe David constate la « personnalisation » totale de la politique étrangère américaine, entièrement soumise aux improvisations d’un président uniquement motivé par sa popularité électorale, et décrit le démembrement progressif de tous les centres d’expertise sur lesquels s’appuyaient les précédents locataires de la Maison-Blanche : conseillers, Conseil national de sécurité, renseignement… L’évolution présentée des modalités de prise de décision du président Trump — « sous tutelle », puis « rebelle », « toute puissante » et « indolente » — laisse peu d’espoir d’amélioration en cas de second mandat Trump.
Cela est vrai pour les États-Unis, mais aussi pour le reste du monde vers lequel se tourne le second ouvrage, car les conséquences de cette présidence américaine erratique sur la vie politique internationale sont considérables. Pour les auteurs, elles se mesurent non pas en termes de simples « changements », mais à l’aune des véritables reculs observés et qui sont de quatre natures, tout à tour étudiés : recul du multilatéralisme, qui empêche de ce fait la mise en oeuvre d’une coopération internationale sur les problèmes globaux (climat, économie, etc.) et qui va de pair avec la perte de leadership de l’hyperpuissance censée être la garante de cette gouvernance mondiale ; recul sécuritaire, avec un réarmement très fort, une instabilité avivée, notamment au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est, et, en retour, un durcissement des frontières ; recul démocratique, avec la montée du populisme, en particulier au Brésil, en Inde, et aux États-Unis, car ces derniers ne sont plus en mesure d’incarner le modèle qu’ils prétendaient être en la matière ; recul normatif, en raison de la destruction, de l’intérieur, du droit international et du système onusien de promotion de la paix, rendant impossible la gestion des crises internationales.
Si tout ou partie des travers de la politique étrangère américaine étaient déjà perceptibles avant 2017, notamment une certaine imprévisibilité, l’ampleur des attaques menées par Donald Trump contre une formulation raisonnée de la posture américaine et une gouvernance mondiale dialoguée constitue in fine, pour C.-P. David et pour É. Vallet comme pour de nombreux commentateurs, un danger inédit pour la démocratie, aux ÉtatsUnis et dans le monde.