La jungle des océans. Crimes impunis, esclavage, ultraviolence, pêche illégale
Ian Urbina, Paris, Payot
(trad. Perla Slitack), 2019, 587 p.
Grand reporter au New York Times et lauréat du prix Pulitzer pour un précédent reportage, Ian Urbina a mené une enquête de plusieurs années sur cette immense zone de non-droit que sont les océans de la planète. Alors que plus de 56 millions de personnes y travaillent et que 90 % du fret mondial y transite, nous — qui consommons chaque jour ses richesses dans notre assiette — n’en connaissons rien ou presque. L’auteur nous emmène donc à la rencontre non seulement des plus démunis (travailleurs exploités ou abandonnés en mer, voire esclaves vendus d’un chalutier à l’autre), mais aussi d’autres personnes aux profils très divers qui sillonnent le large : capitaines peu scrupuleux, pollueurs, écologistes justiciers, pilleurs d’épaves, passagers clandestins ou encore forces de police en mer… Ces rencontres se font au fil du récit très enlevé de ses enquêtes, à la poursuite d’un bateau braconnier, dans les ports où sont recrutées les futures victimes de la traite en mer ou encore au côté d’un médecin aidant des femmes à avorter dans les eaux internationales. On comprend, peu à peu que beaucoup de ces phénomènes sont liés ; comment notamment la surpêche, en diminuant les ressources disponibles, réduit les marges financières des entreprises de pêche et favorise de ce fait les situations d’exploitation des marins. Ainsi, de la mer de Chine à l’océan Indien, ou de l’Antarctique au golfe d’Oman, la rentabilité s’impose au détriment de tout reste de civilisation, la violence et l’arbitraire règnent dans l’impunité la plus totale, faute de moyens appropriés pour y remédier. Pour voir et savoir, à lire d’urgence !