Doolittle

“Sans danger, et donc sans méchant pour incarner ce danger, il n’y a pas d’histoire.”

- Grégoire Solotareff, éditeur et auteur à L'École des loisirs

de Marie Desplechin qui s’appelle tout simplement L’Argent, dans lequel elle fait le portrait d’une famille riche dont les membres sont des enfants gâtés, des mafieux ou des chefs d’entreprise ultra-cyniques.” Et quand l’ennemi n’est pas dans nos portefeuil­les, il faut le chercher du côté de nos assiettes : “Il y a aussi Le Festin des affreux, qui sortira en avril. L’idée, c’est que les pires méchants de l’histoire sont invités dans un restaurant 12 étoiles. Il y a tout le monde, le loup, le pirate, la momie, le monstre sous le lit, etc. Chacun a un menu spécifique. Le loup mange par exemple des pieds de petits cochons. Mais avant qu’ils aient le temps de manger arrive le dernier invité : un enfant. L’odeur de son plat écoeure tous les affreux. Quand on soulève sa cloche, on s’aperçoit qu’il s’apprête à se taper un triple hamburger. Le plus grand méchant de l’histoire, c’est donc la malbouffe.” Mais selon Thierry Magnier, le principe selon lequel les méchants des adultes deviennent les méchants des enfants n’est pas neuf : “Ça change en fonction des époques, mais prenez Tintin au pays des Soviets ou les promoteurs immobilier­s dans les albums des Barbapapa des années 1970, c’est pareil. De toute façon, il faut séduire l’adulte pour aller chercher l’enfant. On peut le faire en l’aidant à faire passer un message, ou en utilisant les terreurs de sa propre enfance.” Une chose est sûre : qu’ils soient plus ou moins nombreux, les méchants sont indispensa­bles. Et Grégoire Solotareff le sait mieux que personne : “L’aventure, c’est se demander ce qui va se passer. Pour se poser cette question, il faut intégrer un principe de danger. Sans danger, et donc sans méchant pour incarner ce danger, il n’y a pas d’histoire.” Alors, ogres, sorcières, monstres dépressifs ou vampires, peu importe, tous les moyens sont bons. L’important pour l’auteur de Loulou – et son loup qui a peur du loup – c’est avant tout qu’ils ne soient jamais “tout-puissants, parce que c’est ça qui inquiète les enfants”. Qu’ils se planquent donc à la cave pour éviter les petits ou pour les dévorer, les méchants ont encore de belles nuits devant eux. Et peuvent même aujourd’hui se permettre, selon Angèle Cambournac, de télétravai­ller : “On vient de sortir un livre qui s’appelle Où es-tu ? dans lequel un petit garçon cherche son papa dans la forêt, qui devient le lieu de toutes les terreurs possibles. Les méchants ne sont pas vraiment là, mais ils sont présents en creux. Ils sont tellement importants qu’ils n’ont plus vraiment besoin qu’on parle d’eux pour exister.” Pratique, quand on a des problèmes d’haleine.

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