Doolittle

FIGHT CLUBS pour les enfants

Krav maga, MMA, taekwondo ou Viêt Vo Dao... Réputés violents, ces sports de combat a irent de plus en plus d’enfants, désireux d’apprendre à se défendre ou simplement de se défouler. Une école de discipline, de concentrat­ion, mais aussi de coups de pied d

- texte Grégoire Belhoste photos Stephanie Lou

L’air sonné, un filet de bave au coin de la bouche. Au mur de la MMA Factory, salle de combat de l’Est parisien, le portrait d’un boxeur encaissant un crochet dans la mâchoire est accroché. Le doigt pointé vers le poster, Samir Faiddine prévient : “Si vous ne tenez pas votre garde, les enfants, vous allez finir comme ça !” Silence inquiet parmi les combattant­s du jour. Comme chaque samedi matin, ils sont une petite dizaine, entre six et douze ans, à apprendre le MMA, un sport à la réputation sulfureuse, où l’on s’affronte debout et au sol dans une cage grillagée. Dans la version adulte, du moins. Car dans la section “kids” de ce petit club du 12e arrondisse­ment, l’ambiance reste bon enfant. “L’été dernier, avec ma fille, je suis passée devant la salle, où boxait un petit groupe, raconte Soazic, mère d’une petite Bleuwen, six ans. Nous avons rencontré les professeur­s, ils ont bien insisté sur le fait que l’entraîneme­nt serait ludique.” Visage planqué derrière une paire de gants, les enfants s’exercent notamment au “toucher épaule”. Règle du jeu : toucher l’épaule de l’adversaire sans que celui-ci ne vous touche en retour. “Chaque fois que vous mettez un direct, je vous demande de pivoter avec le pied, comme si vous écrasiez une fourmi”, répète Samir, en alliant le geste à la parole. Quelques minutes plus tard, l’horloge indique midi. La salle se remplit d’ados du quartier, prêts à pénétrer dans la cage où pend un lourd punchingba­ll noir. La voix de Booba surgit d’une enceinte posée à côté d’un distribute­ur de boissons énergisant­es. “J’ai formule adéquate : uppercut gauche droite”, scande le rappeur sur quelques notes de kora. Chauffés à blanc, les “grands” débutent leur entraîneme­nt. Cette fois, la cage est pleine et les coups fusent. Derrière le grillage, Cheryl, neuf ans, jette un coup d’oeil, avant de s’approcher de la sortie, la main dans celle de son père. “J’aimerais savoir faire l’uppercut, glisse-t-elle timidement, avant de s’excuser : On doit y aller, j’ai cours de danse.” Dojo de Grenelle, un mercredi après-midi. “On n’est pas à l’armée ici, c’est bien pire”, lance Mathieu Cosse en concluant son entraîneme­nt de Viêt Vo Dao. “Ça m’agace qu’on parle de mon sport comme du ‘karaté vietnamien’, soupire-t-il, assis dans les vestiaires de ce club du 15e arrondisse­ment. Si un film sur les arts martiaux vietnamien­s sort demain, tout le monde saura de quoi il s’agit.” Concrèteme­nt, durant une heure, une quinzaine d’enfants vêtus de kimonos noirs à ceintures jaunes enchaînent les techniques à mains nues et les mouvements de nunchaku. Ce jour-là, un petit cogne l’un de ses camarades à la tête. Regard noir de Mathieu : “Tu connais la règle, tape dix pompes.” Et le coupable de s’exécuter sans moufter. “Au fil des années, les façons de réagir des enfants changent, déroule Cosse. Il y a vingt ans, on comptait 90 % d’élèves et 10 % de consommate­urs. Aujourd’hui, 80 % de consommate­urs pour 20 % d’élèves. Un élève s’investit et veut apprendre, il est prêt à une régularité et des sacrifices, alors qu’un consommate­ur, lui, veut juste du plaisir sans contrainte. À chaque fois qu’un enfant s’inscrit, je précise devant ses parents qu’il ne peut pas arrêter en cours d’année, par respect pour sa famille qui a sorti de l’argent.” Dans la salle voisine, Greg Caudron, vingt et un ans, enseigne le taekwondo. “Un sport que je pratique depuis mes quatre ans, éclaire ce grand brun en tunique blanche. On m’a appris les techniques de combat à la dure, mais j’essaie d’être un peu moins rigide, de proposer des petits jeux, même s’il faut aussi de la discipline et de l’autorité.” Pour cadrer ses jeunes combattant­s, rien de tel qu’un grand écart. “On va faire quelque chose que vous adorez, lâche Caudron d’une voix forte, les bras dans le dos. On pose les mains au sol, puis on descend.” “Oh non”, bronchent les enfants, avant de s’y mettre illico. Une petite réussit son écart parfaiteme­nt, tandis qu’un enfant à ceinture jaune se plaint à voix basse que “ça nique l’entrejambe”. “Allez, c’est bon

“J’aimerais savoir faire l’uppercut… Bon, on doit y aller maintenant, j’ai cours de danse !” Cheryl, neuf ans

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