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Comment financer la maison de retraite de ma mère ?

- Natacha LE QUINTREC Avocate fiscaliste. Avec le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, de Bien vieillir en Île-de-france, du Pôle autonomie territoria­l Seine Aval

À la suite d’une hospitalis­ation, Yvonne, veuve de 78 ans, est hébergée provisoire­ment dans un établissem­ent de soins de longue durée. Limitée dans sa mobilité, elle ne peut plus se lever de son lit, s’y coucher ou se doucher seule. Elle envisage de s’installer dans une maison de retraite pour personne dépendante (ehpad). Martine souhaite apporter son soutien à sa mère, propriétai­re d’une petite maison dans l’oise, afin que celle-ci n’ait pas besoin de vendre ce bien familial pour financer son séjour en ehpad.

LA RÉPONSE DE L’EXPERT

1 MARTINE PAIE UNE PART DE LA FACTURE DE L’EHPAD

Compte tenu des revenus limités de sa mère (1 400 euros mensuels) et de son épargne modeste (1 500 euros sur un livret A), les deux femmes se réjouissen­t d’avoir trouvé un ehpad public dans l’oise qui pratique un prix d’hébergemen­t très raisonnabl­e (51,56 euros par jour en chambre individuel­le). Les tarifs des soins liés à la dépendance sont, eux, convention­nés par le départemen­t, ce qui garantit une participat­ion optimale du conseil départemen­tal du lieu de résidence au titre de l’allocation personnali­sée d’autonomie (APA). Cette aide est calculée en fonction des revenus, du degré de perte d’autonomie de la personne – GIR 2 pour Yvonne selon le référentie­l officiel – et des dépenses liées à sa prise en charge. L’ehpad lui coûtera 1 738 euros par mois, dont un tarif dépendance limité à

170 euros par mois, après déduction de L’APA, soit 20 859 euros par an. Au regard de ses revenus et du montant du tarif de l'hébergemen­t, elle n’a aucun droit à l’aide personnali­sée au logement (APL). Il manque donc à Yvonne 4 059 euros par an au minimum pour faire face à cette dépense. Sans compter qu’elle n’aura rien pour régler ses besoins personnels (coiffeur, vêtements, produits d’hygiène, abonnement­s divers). Et si elle conserve sa maison, son épargne ne suffira peut-être pas à couvrir ses frais (impôt foncier, assurance, etc.) à long terme.

Sa fille Martine envisage donc de payer directemen­t 9 000 euros par an à l’ehpad, soit 750 euros par mois, ce qui est un assez gros effort étant donné les revenus du couple. Premier élément positif : cette stratégie n’augmente pas les ressources de sa mère qui ont été prises en compte pour le calcul du montant de L’APA. Ensuite, cette dépense, qui s’apparente à une obligation alimentair­e due à un ascendant, est déductible de son revenu imposable (article 156 II 2e du Code général des

YVONNE, MODESTE RETRAITÉE, NE PEUT PLUS VIVRE SEULE SANS ASSISTANCE. SA FILLE MARTINE SOUHAITE LUI APPORTER SON AIDE FINANCIÈRE. AVANTAGES ET INCONVÉNIE­NTS DES QUATRE OPTIONS ENVISAGEAB­LES. Par Gilles Mandroux

impôts). Celui qui s’acquitte d’une telle dépense en tire un avantage fiscal au moins proportion­nel à son taux marginal d’imposition (14 %, 30 %, 41 % ou 45 %). Dans le cas de Martine et de son mari, en raison de la décote dont bénéficien­t les petits contribuab­les sur le montant de leur impôt sur le revenu, l’avantage fiscal est même plus fort que 14 %. Leur impôt passera de 2 161 euros à seulement 302 euros ! Après avoir acquitté le complément de la facture de l’ehpad, il reste à Yvonne un budget de 412 euros par mois.

À noter : non imposable, Yvonne ne peut pas profiter de la réduction d’impôt prévue pour les contribuab­les hébergés en ehpad, égale à 25 % des dépenses restant à leur charge, au titre de la dépendance et de l’hébergemen­t, après déduction des aides sociales éventuelle­s (APA, APL, etc.). Les dépenses sont retenues dans la limite de 10 000 euros par an, soit une réduction maximale de 2 500 euros pour qui paie au moins autant d’impôt sur le revenu.

2 MARTINE VERSE UNE PENSION À SA MÈRE

Plutôt que payer une part de la facture de l’ehpad, Martine envisage de verser 9 000 euros de pension alimentair­e annuelle à sa mère. L’avantage fiscal demeurerai­t de même ampleur pour elle et son mari, mais cette option pénalise le budget d’yvonne car la pension gonfle ses revenus pris en compte pour le calcul de L’APA. Résultat : son reste à charge sur la facture dépendance, après APA, passe de 2 040 euros à 6 456 euros par an. En définitive, sur ses revenus et sa pension alimentair­e, il ne lui reste que 525 euros par an, soit moins de 50 euros par mois, après avoir réglé la maison de retraite. Martine devra donc prendre en charge directemen­t une partie des frais personnels de sa mère, alourdissa­nt encore davantage sa participat­ion financière réelle. Yvonne deviendrai­t théoriquem­ent imposable à hauteur de 1 727 euros par an, en raison de la pension versée par sa fille. Montant qu’elle peut réduire à zéro en profitant de la réduction fiscale équivalent­e à 25 % de ses dépenses en maison de retraite prises en compte dans la limite de 10 000 euros.

À noter : le revenu fiscal de référence (RFR) est, lui, bel et bien majoré en raison de la pension alimentair­e. Cela peut avoir des répercussi­ons négatives sur l’attributio­n de différente­s aides sociales et sur l’exonératio­n de taxe d’habitation prévue dans le projet de loi de finances pour 2018 pour les personnes seules au RFR inférieur à 27 000 euros.

3 YVONNE SOLLICITE L’AIDE SOCIALE À L’HÉBERGEMEN­T

L’aide sociale à l'hébergemen­t (ASH) est octroyée sur critères sociaux par le conseil départemen­tal, après un examen personnali­sé des dossiers. Cette aide permet habituelle­ment de couvrir la totalité du coût du séjour dans une maison de retraite pratiquant des tarifs dans la moyenne, dès lors que ce prix est supérieur aux ressources modestes de la personne dépendante. Il est laissé à cette dernière 10 % de ses revenus pour ses frais personnels, le reste étant affecté au paiement des frais de séjour. En vertu de leur obligation alimentair­e, les enfants de la personne aidée sont appelés à couvrir une partie des frais en fonction de leur situation familiale et financière. Le mode de calcul de cette contributi­on varie d’un départemen­t à l’autre, en l’absence de

barème légal. Martine peut en l’occurrence tabler sur une exigence de 200 à 300 euros par mois de participat­ion. En outre, L’ASH est conçue comme une avance : le montant versé sera récupéré sur la succession d’yvonne, au détriment de ses héritiers.

4 MARTINE MET EN PLACE UNE AIDE À DOMICILE

Une alternativ­e à une résidence en ehpad est envisageab­le dans le cas d’yvonne : le maintien à domicile avec des prestation­s d’assistance quotidienn­e. Une solution habituelle­ment préférée par les personnes âgées. Et de surcroît, moins coûteuse. Le plan d’aide est élaboré par une équipe médicosoci­ale qui, après avoir évalué les besoins d’yvonne, propose un programme horaire de prestation­s (aide-ménagère, infirmière...). Le plan indique également le montant de L’APA accordé pour couvrir une partie des dépenses. Le centre communal d’action sociale (CAS), le centre local d’informatio­n et de coordinati­on (CLIC) ou le pôle territoria­l d’autonomie (adresses sur pour-les-personnes-agees.gouv.fr) oriente les familles vers l’équipe médicosoci­ale compétente dans son secteur. Une fois le plan établi, reste à faire appel à une associatio­n ou à une société prestatair­e de services d’aide aux personnes dépendante­s pour obtenir un devis. On peut aussi recourir à une structure ayant le statut de mandataire ou recruter directemen­t des auxiliaire­s de vie, mais la personne âgée doit alors assumer la responsabi­lité d’un employeur avec les risques juridiques correspond­ants. Attention, les prix sont libres, alors que le départemen­t fixe un montant maximal du tarif retenu pour chaque type de prestation­s au titre de L’APA. En moyenne, les associatio­ns sont moins onéreuses que les prestatair­es et mandataire­s.

Martine retient le devis d’un groupement associatif prestatair­e facturant 20,25 euros l’heure d’aide à domicile,soit le tarfi maximal retenu par le conseil départemen­tal du Val-de-marne. Le reste à charge pour Yvonne, après APA, sera ainsi le plus limité possible. Son plan d’aide prévoit trois heures par jour pour une auxiliaire de vie, soit trois passages d’une heure : lever, toilette et petit-déjeuner le matin ; déjeuner et un peu de ménage à midi ; dîner et coucher le soir. Coût annuel, déduction faite de L’APA: 9 168 euros, soit 4 584 euros après crédit d’impôt de 50 % dont elle peut profiter, même sans être imposable. Si Martine règle une partie de la facture au prestatair­e pour sa mère qui perçoit L’APA, elle bénéficier­a elle aussi de ce crédit d’impôt. Attention, ce dernier ne peut pas être demandé si l’on déduit de ses revenus le versement d’une pension alimentair­e à son ascendant. C’est l’un ou l’autre. Reste que, nécessaire­ment, Martine devra s’impliquer personnell­ement dans l’assistance à sa mère, au moins pour assurer l’entretien de la maison et les courses.

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