Comment financer la maison de retraite de ma mère ?
À la suite d’une hospitalisation, Yvonne, veuve de 78 ans, est hébergée provisoirement dans un établissement de soins de longue durée. Limitée dans sa mobilité, elle ne peut plus se lever de son lit, s’y coucher ou se doucher seule. Elle envisage de s’installer dans une maison de retraite pour personne dépendante (ehpad). Martine souhaite apporter son soutien à sa mère, propriétaire d’une petite maison dans l’oise, afin que celle-ci n’ait pas besoin de vendre ce bien familial pour financer son séjour en ehpad.
LA RÉPONSE DE L’EXPERT
1 MARTINE PAIE UNE PART DE LA FACTURE DE L’EHPAD
Compte tenu des revenus limités de sa mère (1 400 euros mensuels) et de son épargne modeste (1 500 euros sur un livret A), les deux femmes se réjouissent d’avoir trouvé un ehpad public dans l’oise qui pratique un prix d’hébergement très raisonnable (51,56 euros par jour en chambre individuelle). Les tarifs des soins liés à la dépendance sont, eux, conventionnés par le département, ce qui garantit une participation optimale du conseil départemental du lieu de résidence au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Cette aide est calculée en fonction des revenus, du degré de perte d’autonomie de la personne – GIR 2 pour Yvonne selon le référentiel officiel – et des dépenses liées à sa prise en charge. L’ehpad lui coûtera 1 738 euros par mois, dont un tarif dépendance limité à
170 euros par mois, après déduction de L’APA, soit 20 859 euros par an. Au regard de ses revenus et du montant du tarif de l'hébergement, elle n’a aucun droit à l’aide personnalisée au logement (APL). Il manque donc à Yvonne 4 059 euros par an au minimum pour faire face à cette dépense. Sans compter qu’elle n’aura rien pour régler ses besoins personnels (coiffeur, vêtements, produits d’hygiène, abonnements divers). Et si elle conserve sa maison, son épargne ne suffira peut-être pas à couvrir ses frais (impôt foncier, assurance, etc.) à long terme.
Sa fille Martine envisage donc de payer directement 9 000 euros par an à l’ehpad, soit 750 euros par mois, ce qui est un assez gros effort étant donné les revenus du couple. Premier élément positif : cette stratégie n’augmente pas les ressources de sa mère qui ont été prises en compte pour le calcul du montant de L’APA. Ensuite, cette dépense, qui s’apparente à une obligation alimentaire due à un ascendant, est déductible de son revenu imposable (article 156 II 2e du Code général des
YVONNE, MODESTE RETRAITÉE, NE PEUT PLUS VIVRE SEULE SANS ASSISTANCE. SA FILLE MARTINE SOUHAITE LUI APPORTER SON AIDE FINANCIÈRE. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES QUATRE OPTIONS ENVISAGEABLES. Par Gilles Mandroux
impôts). Celui qui s’acquitte d’une telle dépense en tire un avantage fiscal au moins proportionnel à son taux marginal d’imposition (14 %, 30 %, 41 % ou 45 %). Dans le cas de Martine et de son mari, en raison de la décote dont bénéficient les petits contribuables sur le montant de leur impôt sur le revenu, l’avantage fiscal est même plus fort que 14 %. Leur impôt passera de 2 161 euros à seulement 302 euros ! Après avoir acquitté le complément de la facture de l’ehpad, il reste à Yvonne un budget de 412 euros par mois.
À noter : non imposable, Yvonne ne peut pas profiter de la réduction d’impôt prévue pour les contribuables hébergés en ehpad, égale à 25 % des dépenses restant à leur charge, au titre de la dépendance et de l’hébergement, après déduction des aides sociales éventuelles (APA, APL, etc.). Les dépenses sont retenues dans la limite de 10 000 euros par an, soit une réduction maximale de 2 500 euros pour qui paie au moins autant d’impôt sur le revenu.
2 MARTINE VERSE UNE PENSION À SA MÈRE
Plutôt que payer une part de la facture de l’ehpad, Martine envisage de verser 9 000 euros de pension alimentaire annuelle à sa mère. L’avantage fiscal demeurerait de même ampleur pour elle et son mari, mais cette option pénalise le budget d’yvonne car la pension gonfle ses revenus pris en compte pour le calcul de L’APA. Résultat : son reste à charge sur la facture dépendance, après APA, passe de 2 040 euros à 6 456 euros par an. En définitive, sur ses revenus et sa pension alimentaire, il ne lui reste que 525 euros par an, soit moins de 50 euros par mois, après avoir réglé la maison de retraite. Martine devra donc prendre en charge directement une partie des frais personnels de sa mère, alourdissant encore davantage sa participation financière réelle. Yvonne deviendrait théoriquement imposable à hauteur de 1 727 euros par an, en raison de la pension versée par sa fille. Montant qu’elle peut réduire à zéro en profitant de la réduction fiscale équivalente à 25 % de ses dépenses en maison de retraite prises en compte dans la limite de 10 000 euros.
À noter : le revenu fiscal de référence (RFR) est, lui, bel et bien majoré en raison de la pension alimentaire. Cela peut avoir des répercussions négatives sur l’attribution de différentes aides sociales et sur l’exonération de taxe d’habitation prévue dans le projet de loi de finances pour 2018 pour les personnes seules au RFR inférieur à 27 000 euros.
3 YVONNE SOLLICITE L’AIDE SOCIALE À L’HÉBERGEMENT
L’aide sociale à l'hébergement (ASH) est octroyée sur critères sociaux par le conseil départemental, après un examen personnalisé des dossiers. Cette aide permet habituellement de couvrir la totalité du coût du séjour dans une maison de retraite pratiquant des tarifs dans la moyenne, dès lors que ce prix est supérieur aux ressources modestes de la personne dépendante. Il est laissé à cette dernière 10 % de ses revenus pour ses frais personnels, le reste étant affecté au paiement des frais de séjour. En vertu de leur obligation alimentaire, les enfants de la personne aidée sont appelés à couvrir une partie des frais en fonction de leur situation familiale et financière. Le mode de calcul de cette contribution varie d’un département à l’autre, en l’absence de
barème légal. Martine peut en l’occurrence tabler sur une exigence de 200 à 300 euros par mois de participation. En outre, L’ASH est conçue comme une avance : le montant versé sera récupéré sur la succession d’yvonne, au détriment de ses héritiers.
4 MARTINE MET EN PLACE UNE AIDE À DOMICILE
Une alternative à une résidence en ehpad est envisageable dans le cas d’yvonne : le maintien à domicile avec des prestations d’assistance quotidienne. Une solution habituellement préférée par les personnes âgées. Et de surcroît, moins coûteuse. Le plan d’aide est élaboré par une équipe médicosociale qui, après avoir évalué les besoins d’yvonne, propose un programme horaire de prestations (aide-ménagère, infirmière...). Le plan indique également le montant de L’APA accordé pour couvrir une partie des dépenses. Le centre communal d’action sociale (CAS), le centre local d’information et de coordination (CLIC) ou le pôle territorial d’autonomie (adresses sur pour-les-personnes-agees.gouv.fr) oriente les familles vers l’équipe médicosociale compétente dans son secteur. Une fois le plan établi, reste à faire appel à une association ou à une société prestataire de services d’aide aux personnes dépendantes pour obtenir un devis. On peut aussi recourir à une structure ayant le statut de mandataire ou recruter directement des auxiliaires de vie, mais la personne âgée doit alors assumer la responsabilité d’un employeur avec les risques juridiques correspondants. Attention, les prix sont libres, alors que le département fixe un montant maximal du tarif retenu pour chaque type de prestations au titre de L’APA. En moyenne, les associations sont moins onéreuses que les prestataires et mandataires.
Martine retient le devis d’un groupement associatif prestataire facturant 20,25 euros l’heure d’aide à domicile,soit le tarfi maximal retenu par le conseil départemental du Val-de-marne. Le reste à charge pour Yvonne, après APA, sera ainsi le plus limité possible. Son plan d’aide prévoit trois heures par jour pour une auxiliaire de vie, soit trois passages d’une heure : lever, toilette et petit-déjeuner le matin ; déjeuner et un peu de ménage à midi ; dîner et coucher le soir. Coût annuel, déduction faite de L’APA: 9 168 euros, soit 4 584 euros après crédit d’impôt de 50 % dont elle peut profiter, même sans être imposable. Si Martine règle une partie de la facture au prestataire pour sa mère qui perçoit L’APA, elle bénéficiera elle aussi de ce crédit d’impôt. Attention, ce dernier ne peut pas être demandé si l’on déduit de ses revenus le versement d’une pension alimentaire à son ascendant. C’est l’un ou l’autre. Reste que, nécessairement, Martine devra s’impliquer personnellement dans l’assistance à sa mère, au moins pour assurer l’entretien de la maison et les courses.