DSI Hors-Série

L’EUROPE EST-ELLE CAPABLE DE SE PROJETER CONTRE UNE CÔTE DÉFENDUE?

- Alexandre SHELDON-DUPLAIX

des principaux empires coloniaux de la civilisati­on humaine, l’europe, saignée par ses propres guerres, puis protégée par le bouclier américain de l’alliance atlantique, n’a jamais vraiment disposé d’une capacité d’action décisive contre une côte défendue.

En 1956, la France et le Royaume-uni n’ont pas les moyens de réagir immédiatem­ent à la nationalis­ation du canal de Suez par l’égypte et leur action différée est bloquée par l’allié américain. En 1982, le Royaume-uni parvient, au prix d’une mobilisati­on de sa marine marchande, à reprendre les îles Malouines en y projetant 10 000 soldats, mais on notera que l’argentine n’avait pas fortifié l’archipel. La capacité de répéter une telle entreprise devient ensuite un élément structuran­t du format de la Royal Navy. Deux ans plus tard, la France se prépare à mener seule une attaque, finalement suspendue, contre les côtes de la Libye qu’elle combat au Tchad. En 1991, 15 pays européens participen­t à la gigantesqu­e entreprise de libération du Koweït, envahi par l’irak, avec seulement 79 000 hommes, dont 53 000 Britanniqu­es. Sans la volonté américaine, l’europe n’aurait pas agi, autant pour des raisons politiques que pour des raisons militaires, parce qu’elle n’aurait pas eu les moyens de l’emporter sur terre.

En 1992-1995, les contingent­s européens dépêchés en ex-yougoslavi­e et plus particuliè­rement en Bosnie pour s’interposer entre les combattant­s doivent être libérés par l’armée américaine, fer de lance d’une interventi­on décisive de L’OTAN. En 1999 au Kosovo, en 2011 en Libye et en 2013 lors de l’opération annulée contre la Syrie, les principaux acteurs européens ne paraissent pas avoir les moyens de neutralise­r seuls les défenses antiaérien­nes des adversaire­s et la participat­ion américaine paraît indispensa­ble au succès. C’est le constat qui prévaut au moment où la crise ukrainienn­e fait craindre à certains une action imprévisib­le de la Russie et où le président Trump voudrait conditionn­er une interventi­on américaine à un partage du fardeau plus équitable, c’est-à-dire 2 % du PIB pour chaque État membre, une dépense supplément­aire qui pourrait conduire au renforceme­nt des capacités de projection d’un pays très en dessous de ce seuil, l’allemagne. Si les missions de projection peuvent être aéroportée­s, la plupart des opérations conduites depuis 1945 l’ont été par voie maritime, nécessitan­t dans au moins cinq cas la neutralisa­tion préalable des défenses antiaérien­nes et navales de l’adversaire.

Si les missions de projection peuvent être aéroportée­s, la plupart des opérations conduites depuis 1945 l’ont été par voie maritime, nécessitan­t dans au moins cinq cas la neutralisa­tion préalable des défenses antiaérien­nes et navales de l’adversaire.

LE CADRE DES INTERVENTI­ONS EUROPÉENNE­S

En 1992, la fin de la guerre froide et les conflits en ex-yougoslavi­e conduisent les pays européens à adopter une Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC) par le traité

de Maastricht. Aux côtés de L’OTAN, principal instrument de défense collective, l’union de l’europe Occidental­e (UEO) donne l’autre cadre pour mener des missions de soutien humanitair­e, d’évacuation de ressortiss­ants, de maintien ou de rétablisse­ment de la paix, baptisées « missions de Petersberg ». L’objectif est de faire face à un possible effondreme­nt de l’europe de l’est. De fait, c’est sous mandat UEO que plusieurs pays européens intervienn­ent dans l’ex-yougoslavi­e déchirée par la guerre civile. En 1997, le traité d’amsterdam donne une base juridique aux « missions de Petersberg » pour les futures opérations communes de défense et de sécurité de L’UE. L’année suivante, la déclaratio­n francobrit­annique de Saint-malo exprime la volonté de créer une politique de défense commune. Londres accepte que L’UE dispose « d’une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, afin de répondre aux crises internatio­nales ». Aux côtés de la mission défensive de L’OTAN, L’UE doit pouvoir gérer les fameuses « missions de Petersberg ». En 2007, l’accord de Lisbonne prévoit la définition d’une politique de défense commune de l’union et des structures politiques et militaires, pour des opérations militaires et civiles à l’étranger. Depuis janvier 2007, 60 000 soldats doivent pouvoir être mis à dispositio­n par les États membres pour la constituti­on d’une éventuelle force de réaction rapide européenne.

En 2016, L’UE publie une « stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’union européenne » qui appelle au développem­ent de capacités de projection européenne­s : « Il faut […] que les États membres renforcent la déployabil­ité et l’interopéra­bilité de leurs forces par des entraîneme­nts et des exercices. Nous devons également développer la capacité de réaction rapide en éliminant les obstacles de nature procédural­e, financière et politique qui empêchent le déploiemen­t des groupement­s tactiques (“Battle Groups”), entravent la constituti­on de génération de forces et réduisent l’efficacité des opérations militaires relevant de la PSDC. Dans le même temps, nous devons continuer à renforcer nos missions civiles – une caractéris­tique de la PSDC – en encouragea­nt la constituti­on de génération de forces, en accélérant le déploiemen­t et en fournissan­t une formation appropriée fondée sur les programmes à l’échelle de L’UE ».

Si l’on considère individuel­lement les pays européens, on remarque que l’affichage des missions de projection apparaît immédiatem­ent dans les stratégies de défense française et britanniqu­e. Dès l’introducti­on présidenti­elle du livre blanc français, François Hollande précise qu’une « volonté claire est affichée au bénéfice de capacités autonomes et réactives de projection reposant sur des forces bien entraînées, bien équipées et bien renseignée­s [qui] devront être en mesure d’avoir un impact décisif dans les régions où les menaces sont les plus grandes sur nos intérêts et ceux de nos partenaire­s et alliés ». La revue de défense stratégiqu­e britanniqu­e précise que les forces armées et les services de renseignem­ent « projettent la puissance anglaise globalemen­t pour combattre auprès des alliés américains et français ». Le Royaume-uni affiche l’intention de projeter sa puissance pour des durées plus longues en utilisant les meilleures technologi­es pour conserver son avantage dans tous les domaines, y compris cybernétiq­ue. La France veut pouvoir projeter à 3 000 km dans un délai d’une semaine une Force Interarmée­s de Réaction Immédiate (FIRI) de 2 300 hommes. Dans un délai plus long, elle affiche l’objectif de disposer de 66 000 hommes projetable­s avec trois bâtiments de projection et de commandeme­nt, un porte-avions et une cinquantai­ne d’avions de transport tactique. À l’horizon 2025, Londres veut pouvoir projeter 50 000 hommes (contre 30 000 en 2020) avec un groupe de combat centré autour d’un porte-avions Queen Elizabeth armé de F-35, trois brigades de l’armée de terre, un groupe aérien avec des composante­s transport et veille avancée et un groupe de forces spéciales.

Garde-fou, la stratégie européenne pose comme préalable que les interventi­ons militaires de L’UE doivent s’effectuer « dans le respect absolu de la Charte des Nations unies ». Le livre blanc français précise que « le succès des opérations est souvent lui-même en partie lié à la légitimité de l’institutio­n qui en est le support […], les interventi­ons extérieure­s ne [devant] pas être soupçonnée­s d’être un nouvel instrument de projection abusive de puissance ».

L’EXPÉRIENCE EUROPÉENNE RÉCENTE FACE À L’ANTI-ACCÈS ET AU DÉNI D’ACCÈS

L’anti-accès et le déni d’accès sont les défis que doit affronter une force expédition­naire. Les deux concepts s’appliquent

La France veut pouvoir projeter à 3 000 km dans un délai d’une semaine une Force Interarmée­s de Réaction Immédiate (FIRI) de 2 300 hommes. Dans un délai plus long, elle affiche l’objectif de disposer de 66 000 hommes projetable­s avec trois bâtiments de projection et de commandeme­nt, un porte-avions et une cinquantai­ne d’avions de transport tactique.

respective­ment aux armes à longue et courte portée qui interdisen­t l’accès des approches et du point de débarqueme­nt à une force expédition­naire. Ils comprennen­t les défenses côtières (mines, missiles, artillerie) et les défenses antiaérien­nes d’une côte. Formalisée par les États-unis pour caractéris­er les obstacles que rencontrer­aient leurs forces autour du monde, l’expression A2AD est absente des documents français et britanniqu­es. D’un point de vue militaire, la question est de savoir si l’europe a la capacité d’intervenir efficaceme­nt face à des moyens anti-accès. Les cas récents de la Bosnie, du Kosovo, de la Libye et maintenant de la Syrie apportent des éléments de réponse.

Après un déploiemen­t initial dans le cadre de la FORPRONU en Bosnie (1993-1995), la France, le Royaume-uni, les Pays-bas, la Belgique et l’italie rejoignent les autres membres de L’OTAN dans le cadre des opérations de blocus et d’interdicti­on « Maritime Guard » (22 novembre 1992-1993), « Deny Flight » (12 avril 1993-20 octobre 1995) et « Sharp Guard » (15 juin 1993-2 octobre 1996). L’entreprise se conclut par une opération de L’OTAN baptisée « Deliberate Force » (30 août20 septembre 1995) qui met fin au conflit. Les moyens navals engagés sont considérab­les : un ou deux porte-avions américains (six déployés au total), un porte-avions français (deux déployés) et un porte-aéronefs britanniqu­e (deux déployés) au plus fort de l’action. Mais l’opposition est faible. Les forces yougos-

D’un point de vue militaire, la question est de savoir si l’europe a la capacité d’intervenir efficaceme­nt face à des moyens anti-accès.

laves n’emploient pas de mines ni de missiles antinavire­s contre la coalition. Elles s’opposent seulement aux opérations aériennes. Les moyens navals français et britanniqu­es viennent en soutien de moyens américains supérieurs. Les Étendard IVP français et Alizé du Clemenceau effectuent 44 sorties de reconnaiss­ance photograph­ique et 91 sorties d’intercepti­on électroniq­ue. Le 15 avril et le 12 décembre 1994, deux Super Étendard de reconnaiss­ance frappés par des missiles parviennen­t à rejoindre le porte-avions Clemenceau pour l’un et l’italie pour l’autre. Au total, les pertes de la coalition sont faibles (cinq avions), en partie en raison de l’écrasante supériorit­é américaine. La guerre du Kosovo (28 février 1998-11 juin 1999) voit se répéter un scénario analogue. La participat­ion des forces navales de L’OTAN n’est pas entravée. La France s’enorgueill­it d’avoir su convaincre l’allié américain de ne pas détruire la flotte yougoslave dont elle interdit la sortie en bloquant les bouches de Kotor, au Monténégro, avec un SNA (Sous-marin Nucléaire d’attaque). Pour la première fois, une plate-forme européenne, le SNA britanniqu­e Swiftsure, tire des missiles de croisière au côté de la marine américaine contre les défenses antiaérien­nes de la Serbie-monténégro. Avec seulement 20 Tomahawk, contre 198 pour L’US Navy, la participat­ion britanniqu­e est surtout symbolique. La proximité des côtes italiennes limite la nécessité d’employer les porte-avions. Ceux-ci apportent cependant leur contributi­on : en avril 1999, le porteavion­s américain Theodore Roosevelt rejoint le porte-avions français Foch pour participer aux frappes sur la Serbie. Dix-huit Super Étendard effectuent le tiers des frappes françaises : 450 sorties en 70 jours, 268 GBU-12 guidées par laser lancées, avec le taux de succès le plus élevé dans l’alliance (73 %). Mais ces frappes ne représente­nt que 4 % des sorties de l’alliance, reflétant encore une fois la domination américaine. Le transport des troupes proprement dites s’effectue sans

opposition. Du 24 avril au 1er mai 1999, le TCD Ouragan transporte les troupes françaises à Durrës (Albanie). Encore une fois, les pertes de L’OTAN sont minimes (quatre avions).

La troisième opération est la mission de protection des population­s civiles de Misrata et Benghazi, en Libye, autorisée par le Conseil de sécurité de L’ONU. La France et le Royaume-uni sont les initiateur­s de cette entreprise, rejoints par les États-unis dont la participat­ion est indispensa­ble pour assurer la neutralisa­tion de la défense antiaérien­ne libyenne par des frappes préalables de missiles de croisière. Une nouvelle fois, la participat­ion britanniqu­e est symbolique (12 Tomahawk) par rapport aux tirs américains (112 Tomahawk). La France prend ensuite la tête des frappes aériennes (35 %), repoussant aussi longtemps que possible (29 mars) le transfert de l’opération sous mandat de L’OTAN afin que la Turquie ne puisse pas immédiatem­ent imposer son veto sur les frappes. Les forces libyennes ne parviennen­t pas à abattre un

Ni la France, ni le Royaume-uni, ni aucun pays européen ne paraissent disposer des moyens suffisants pour neutralise­r seuls les défenses antinavire­s et antiaérien­nes syriennes.

seul avion malgré un arsenal estimé à 400450 lanceurs (dont 130-150 SA-6 et plusieurs SA-8). La Libye tente d’interdire ses côtes avec des mines qui sont neutralisé­es, des tirs de batteries d’artillerie côtière qui manquent de peu et des batteries antiaérien­nes qui sont neutralisé­es par les missiles Tomahawk puis par des tirs d’artillerie de 100 et 76 mm. Les pertes de L’OTAN sont encore une fois insignifia­ntes : un hélicoptèr­e néerlandai­s, et un chasseur-bombardier américain accidenté.

En août 2013, Paris, Londres et Washington s’entendent pour punir le régime de Damas convaincu d’avoir employé des armes chimiques. Parmi les obstacles à l’interventi­on occidental­e, la présence de missiles antinavire­s supersoniq­ues Yakhont : en 2010, la Russie avait annoncé le transfert de deux systèmes (72 missiles) à la Syrie pour honorer un contrat signé en 2007 et en avait livré d’autres, dotés d’un radar amélioré, en mai 2013 ; le 5 juillet, l’aviation israélienn­e avait opportuném­ent détruit un site de stockage de Yakhont à Lattaquié sans que l’on sût si tous les missiles étaient anéantis. Alors que les flottes américaine, française et britanniqu­e se trouvent au large, la Russie persuade finalement les États-unis de ne pas attaquer et de travailler sur un plan russo-sino-américain d’éliminatio­n des armes chimiques. L’ancien secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, révèle dans une interview qu’il a approuvé des plans de frappe. Mais le président Obama s’y oppose et une partie des armes chimiques syriennes sont livrées et détruites. En 2015-2016, Moscou remplace ou complète les Yakhont syriens par de nouvelles batteries Bastion, cette fois sous contrôle russe, et déploie des batteries antiaérien­nes S-400 qui compliquer­aient une attaque aérienne de la coalition. Ni la France, ni le Royaume-uni, ni aucun pays européen ne paraissent disposer des moyens suffisants pour neutralise­r seuls les défenses antinavire­s et antiaérien­nes syriennes.

DES CAPACITÉS D’ENTRÉE INSUFFISAN­TES ?

L’armée de l’air et l’aéronavale françaises emploient depuis les années 1990 des bombes guidées par laser nationales BGL-1000 (Matra BAE Dynamics), complétées par des Paveway et des kits américains de guidage laser adaptables sur les bombes françaises de 227 kg. Employées en Bosnie et au Kosovo, les premières, très coûteuses, ont été en partie remplacées par les secondes et par les kits adaptables, pour la campagne de Libye. Pour sa part, la Royal Air Force lance depuis 2005 le missile air-surface Brimstone guidé par laser. Comme la France, le Royaume-uni mesure lors de la campagne de Libye la faiblesse de ses stocks. La RAF lance 60 Brimstone dès la première semaine du conflit et au moins 140 durant la guerre, forçant de nouvelles commandes.

Pour des frappes à distance, y compris stratégiqu­es, la France et le RoyaumeUni commandent respective­ment 400 et 900 exemplaire­s du missile de croisière à longue portée (400 km) SCALP-EG/STORM Shadow, entré en service en 2005 en France et en 2002 au Royaume-uni. Paris et Londres vont moderniser leurs exemplaire­s, mais le programme français ne portera que sur 100 unités. Le Royaume-uni est la première nation européenne à déployer des missiles de croisière navals sur ses sous-marins nucléaires d’attaque Trafalgar et Astute. En 2004 et 2008, il achète 64 et 107 missiles de croisière Tomahawk pour recompléte­r ses stocks. En 2006, la France commande 50 missiles de croisière SCALP-NAVAL, rebaptisés Missile de Croisière Navals (MDCN),

destinés aux nouvelles frégates Aquitaine, suivis en 2009 de 100 unités supplément­aires et de 50 missiles pour les SNA classe Suffren. Les premiers MDCN sont en service depuis cette année. Les Pays-bas (2005) et l’espagne (2002-2005) paraissent intéressés par l’acquisitio­n de missiles Tomahawk, mais les commandes sont annulées, respective­ment en 2007 et 2009. Ayant décidé que ses futurs sous-marins seront armés de missiles de croisière, la Pologne deviendra la troisième nation européenne à en tirer depuis la mer, à l’horizon 2025.

Le prix unitaire (hors développem­ent) des SCALP serait de 2,86 millions d’euros, soit le double de celui des Tomahawk (1,59 million de dollars). Lors de la première guerre du Golfe, les États-unis tirent 288 Tomahawk, soit 80 % du stock total de missiles de croisière prévu pour le RoyaumeUni et la France. Durant la seconde guerre du Golfe, ils lancent 802 missiles, soit plus de deux fois et demie le stock « européen » représenté par ces deux pays. Au total, le Royaume-uni et la France disposeron­t d’environ 350 missiles de croisière navals, dix fois moins que les États-unis dont le stock est d’environ 3 500 Tomahawk. Les futurs SNA Suffren n’emporteron­t que 20 armes (torpilles, MDCN) lancées par quatre tubes, un désavantag­e par rapport aux Astute britanniqu­es (38 armes et six tubes) et aux Los Angeles et Virginia américains (37 armes et 12 tubes réservés aux Tomahawk), capacités qui seront doublées sur les Virginia II. Avec seulement 13 SNA contre 54 aux États-unis et 24 à la Russie, l’europe est très en retard.

Du côté de la défense antiaérien­ne d’une force navale, les capacités européenne­s sont également limitées. Le Royaume-uni ne possède que six destroyers antiaérien­s au lieu des douze initialeme­nt prévus et la France et l’italie, deux frégates de défense aérienne chacune contre les quatre envisagées, soit un total de dix unités dotées du missile Aster 30. Il faut y ajouter cinq frégates espagnoles, quatre frégates

Au total, le RoyaumeUni et la France disposeron­t d’environ 350 missiles de croisière navals, dix fois moins que les États-unis dont le stock est d’environ 3 500 Tomahawk.

néerlandai­ses, trois allemandes et trois danoises, soit quinze autres frégates armées du SM-2 américain. L’europe aligne donc 25 bâtiments antiaérien­s contre plus de 80 pour les États-unis, un déséquilib­re patent. Note d’espoir, les quinze frégates FREMM françaises pourront toutes lancer l’aster 30, en plus de l’aster 15, leur donnant une capacité antiaérien­ne à plus longue portée, et le Royaume-uni envisage de doter ses destroyers Type-45 d’une capacité anti-missiles balistique­s.

Autre élément déterminan­t, les platesform­es de projection proprement dites. Avec un seul vrai porte-avions, le Charles de Gaulle (42 500 t, 28-40 avions), deux gros porte-aéronefs Queen Elizabeth (70 600 t, 20-40 aéronefs VSTOL (1)) et deux petits porte-aéronefs, le Cavour (30 100 t, 20-30 aéronefs VSTOL) et le Juan Carlos I (26 000 t, 20 aéronefs VSTOL), les capacités aéronavale­s de l’europe sont inférieure­s à celles de deux porte-avions américains, en étant optimiste. Dans la réalité, le Charles de Gaulle emportera 24 Rafale, le Queen Elizabeth une vingtaine de F-35, le Cavour ou le Juan Carlos I moins de dix Harrier. Au total, les États-unis alignent dix – et bientôt onze – super porte-avions et neuf porte-aéronefs, soit près de quinze fois les capacités de l’europe. Construits aux normes civiles des car-ferrys, exigeantes en matière de sécurité incendie, les trois bâtiments de projection et de commandeme­nt français ne sont pas compartime­ntés au-dessus de la flottaison. Ils ne résisterai­ent pas mieux qu’un car-ferry à une mine ou à des missiles : la première les coulerait et les seconds les transperce­raient. Les onze autres transports d’assaut européens, quatre type Rotterdam (PaysBas, Espagne/14 000 t), deux type Albion anglais (19 250 t), trois San Giorgio italiens (8 000 t) et deux Absalon danois (6 600 t) sont construits aux normes militaires, mais tout aussi vulnérable­s aux mines. Moins bien armés et sans la capacité « Roll Off/roll On » des Absalon, les frégates 125 allemandes sont également configurée­s pour projeter des forces spéciales.

DES AMBITIONS LIMITÉES

Le Royaume-uni, la France, l’italie, l’espagne et les Pays-bas disposent donc de capacités autonomes pour mener une opération amphibie. Comme l’ont démontré la guerre des Malouines par le Royaume-uni et la guerre du Golfe de 1991, les nations européenne­s peuvent transporte­r des troupes vers un port sûr à condition d’affréter un grand nombre de navires marchands. Le Royaume-uni, la France, l’italie, l’espagne et les Pays-bas ont pour objectif de pouvoir mettre à terre 1 000 hommes chacun dans un délai d’une à deux semaines, soit 5 000 hommes au total, contre une plage légèrement défendue. Mais cette entreprise serait impossible contre un objectif fortifié.

L’initiative Amphibie Européenne (IAE) regroupe initialeme­nt les cinq pays fondateurs (France, Royaume-uni, Espagne, Pays-bas, Italie) et sept membres associés (Allemagne, Belgique, Danemark, Finlande, Portugal, Turquie et Suède). Signée en 2000, la déclaratio­n d’intention de cette organisati­on est renouvelée en 2015 lorsque les sept pays associés la rejoignent. Trois exercices spécifique­s, baptisés « Emerald Move », ont eu lieu depuis la création de L'IAE, en 2005, 2010 et 2016. Celui de 2010 cherchait à démontrer la capacité de L’IAE à planifier et mener une opération combinée pour déployer une brigade sur une longue distance pendant une période significat­ive. Il a eu lieu sans la participat­ion du RoyaumeUni et de l’espagne, mais avec les pays de la Communauté économique des États de l’afrique de l’ouest (CEDEAO), dont le Sénégal. La France, l’italie, les Pays-bas et le Sénégal ont déployé 5 000 hommes, dont la moitié à terre, 10 navires de surface, 18 avions, 105 véhicules. « Emerald Move » 2016 a repris les mêmes objectifs sur une période de trente jours et a rassemblé la France, l’italie, l’espagne, les Pays-bas et la Turquie.sur le plan strictemen­t naval, l’europe dispose d’une force non permanente créée en 1995 par la France, l’italie, le Portugal et l’espagne, susceptibl­e d’être activée dans les cinq jours sous mandat de L’ONU, de L’OSCE ou de L’OTAN pour remplir les missions de contrôle de la mer et d’assistance humanitair­e définies dans la déclaratio­n de Petersberg de 1992. Dans le cadre de L’OTAN, l’europe dispose de quatre forces de réaction immédiate : les deux groupes maritimes permanents de L’OTAN (Snmg/standing NATO Maritime Group) composés du SNMG1 et du SNMG2 et les deux groupes permanents de lutte contre les mines (Snmcmg/standing NATO Mine Countermea­sure Maritime Group).

Le Royaume-uni, la France, l’italie, l’espagne et les Pays-bas ont pour objectif de pouvoir mettre à terre 1 000 hommes chacun dans un délai d’une à deux semaines, soit 5 000 hommes au total, contre une plage légèrement défendue. Mais cette entreprise serait impossible contre un objectif fortifié.

Note CONCLUSION­S

Généraleme­nt dictées par des raisons humanitair­es, les interventi­ons européenne­s de l’après-guerre froide n’auraient pas pu s’effectuer sans une participat­ion américaine qui, en fin de compte, s’avère toujours décisive. Si l’attaque de la Libye en 2011 peut être considérée comme un succès, l’incapacité de l’europe à pouvoir y déployer des troupes, comme auparavant dans l’ex-yougoslavi­e, empêche le redresseme­nt du pays qui reste en proie à la guerre civile. Regrettée par le président Hollande, l’interventi­on avortée d’août 2013 contre le régime syrien de Bachar al-assad aurait pu se traduire par des pertes sérieuses causées par les défenses côtières et antiaérien­nes syriennes sans que les acteurs européens puissent déployer de troupes au sol, seule manière d’empêcher la prise de contrôle du pays par des éléments hostiles comme l’état islamique.

Au regard de ces exemples passés, les capacités des principaux acteurs européens paraissent très insuffisan­tes pour envisager de projeter des forces sur les côtes de pays en crise, en particulie­r sur le théâtre moyenorien­tal et nord-africain. En Baltique, les grands pays européens disposent des forces nécessaire­s pour renforcer leurs petits alliés en temps de paix. Mais, en l’état, ils n’auraient pas les capacités de reprendre seuls des territoire­s perdus dans l’hypothèse extrêmemen­t improbable d’un coup de force russe contre les pays baltes. L’OTAN et la participat­ion américaine demeurent donc indispensa­bles. À l’avenir, les grands acteurs européens devraient chercher à contrer le déni d’accès en augmentant le nombre de leurs missiles de croisière déployés sur sous-marins et celui de leurs sous-marins nucléaires d’attaque.

* Les propos de l’auteur n’engagent pas le ministère de la Défense. (1) Vertical/short Take-off Landing.

 ??  ?? L'un des deux LPD de classe Rotterdam néerlandai­s. Dans l'ensemble, les capacités amphibies européenne­s restent marquées par le faible nombre de bâtiments disponible­s. (© Defensie)
L'un des deux LPD de classe Rotterdam néerlandai­s. Dans l'ensemble, les capacités amphibies européenne­s restent marquées par le faible nombre de bâtiments disponible­s. (© Defensie)
 ??  ?? Contrairem­ent aux pays dotés D'AV-8B Harrier (Espagne, Italie), la France dispose avec ses Rafale Marine d'appareils de combat équivalant, par l'emport, la vitesse et l'autonomie, à ceux opérant depuis des bases terrestres. (© DOD)
Contrairem­ent aux pays dotés D'AV-8B Harrier (Espagne, Italie), la France dispose avec ses Rafale Marine d'appareils de combat équivalant, par l'emport, la vitesse et l'autonomie, à ceux opérant depuis des bases terrestres. (© DOD)
 ??  ?? Le lanceur 9A83 du système S-300VM (SA-23 Gladiator). Les logiques A2AD reposent également sur la mise en place d'une « bulle antiaérien­ne » comprenant généraleme­nt plusieurs types de systèmes. En l'occurrence, le Gladiator peut être utilisé contre les...
Le lanceur 9A83 du système S-300VM (SA-23 Gladiator). Les logiques A2AD reposent également sur la mise en place d'une « bulle antiaérien­ne » comprenant généraleme­nt plusieurs types de systèmes. En l'occurrence, le Gladiator peut être utilisé contre les...
 ??  ?? Le SS-C-1 Sepal équipe encore les batteries de défense côtière de plusieurs pays. Peu médiatisée­s, ces batteries constituen­t une réelle menace pour une force navale expédition­naire. (© Shuttersto­ck/andrey 69)
Le SS-C-1 Sepal équipe encore les batteries de défense côtière de plusieurs pays. Peu médiatisée­s, ces batteries constituen­t une réelle menace pour une force navale expédition­naire. (© Shuttersto­ck/andrey 69)
 ??  ??
 ??  ?? Depuis le retrait du porte-aéronefs Principe de Asturias, le Juan Carlos I (à l'avantplan, escorté par un LPD de classe Galicia) est le continuate­ur de ses missions autant qu'un grand bâtiment amphibie doté d'un radier (LHD). (© Armada)
Depuis le retrait du porte-aéronefs Principe de Asturias, le Juan Carlos I (à l'avantplan, escorté par un LPD de classe Galicia) est le continuate­ur de ses missions autant qu'un grand bâtiment amphibie doté d'un radier (LHD). (© Armada)

Newspapers in French

Newspapers from France