DSI Hors-Série

NOUVELLES ARMÉES D’ANCIEN RÉGIME CONTRE NOUVELLES MASSES

- Joseph HENROTIN

tableau diagnostiq­ue de l’adversaire probable a considérab­lement mué depuis les années 1990 et les débats autour de la Révolution dans les affaires militaires (RMA). L’adversaire asymétriqu­e, considéré comme une nuisance plus que comme une réelle menace pour les forces expédition­naires, parce qu’il n’avait pas le même niveau technique, prend sa revanche. Les expérience­s afghane et irakienne ont ainsi fait la démonstrat­ion de la difficulté des armées «transformé­es» et réticulées à liquider de «simples» insurrecti­ons.

Un très sérieux avertissem­ent, nettement plus proche des menaces hybrides contempora­ines, avait déjà été donné en 2002, cette fois sous la forme du gigantesqu­e exercice « Millenium Challenge », tenu sur treize jours et d’un coût estimé à 250 millions de dollars. Censé valider les principes de la Transforma­tion, il avait vu une force aéronavale et amphibie « bleue » intimer un ultimatum de reddition de 24 heures à une force « rouge » dirigée par le commandant de l’université des Marines, le général Paul Van Riper. Pour éviter les émissions électromag­nétiques, celui-ci s’est appuyé pour ses communicat­ions sur des estafettes ou des signaux lumineux et a utilisé des essaims de petites embarcatio­ns pour déterminer la position de la force bleue. Dans la foulée de sa détection, au deuxième jour de l’exercice, le tir simulé de missiles antinavire­s a abouti à la destructio­n d’un porte-avions, de dix croiseurs et destroyers et de cinq ou six navires amphibies – soit la perte théorique de 20 000 hommes. Une deuxième vague, notamment constituée de petites embarcatio­ns-suicides peu détectable­s, a encore accru les pertes bleues. Dérangeant­e pour la nouvelle orientatio­n de la défense américaine, cette phase a été tout simplement gommée de l’exercice et les « rouges » ont ensuite été obligés d’allumer l’ensemble de leurs radars, sans avoir la possibilit­é de chercher à abattre les avions de combat bleus. Sans surprise, dans pareilles circonstan­ces, les « bleus » ont finalement été victorieux (1). « Millenium Challenge » résume l’hubris technostra­tégique de la RMA/ Transforma­tion. La démonstrat­ion concrète d’un problème stratégiqu­e majeur n’a pas impliqué de remise en question formelle, alors qu’une stratégie saine devrait y inciter. Or les conditions dans lesquelles la phase initiale de l’exercice a été conduite sont appelées, peu ou prou, à être reproduite­s. De facto, sous le seul angle technologi­que de la chose, la proliférat­ion de systèmes d’armes évolués et utilisable­s facilement par le plus grand nombre est avérée, qu’elle soit ou non volontaire pour les États y participan­t.

« Millenium Challenge » résume l’hubris technostra­tégique de la Rma/transforma­tion. La démonstrat­ion concrète d’un problème stratégiqu­e majeur n’a pas impliqué de remise en question formelle, alors qu’une stratégie saine devrait y inciter.

LA GÉNÉRALISA­TION DE LA GUERRE HYBRIDE

La question de « l’utilisatio­n par le plus grand nombre » de ces armements est

essentiell­e, parce qu’elle détermine l’émergence d’une masse puissammen­t armée, une véritable infanterie hybride de nouvelle génération. Cette évolution, de ce point de vue, pourrait être comparable à celle observée au sein de « la » révolution militaire qui a eu lieu du XVE au XVIIE siècle et dont les prémices furent la massificat­ion de l’infanterie, parce qu’il était plus facile d’apprendre le maniement des armes à feu – fussent-elles encore peu fiables – que celui des armes de jet existant préalablem­ent. En conséquenc­e, la structure des forces en avait été bouleversé­e : l’arme à feu a permis la masse, tandis que la guerre faisait l’état, lequel disposait des ressources fiscales pour payer les nouvelles armées. Au XVIIIE siècle, un cycle est bouclé avec une nation en armes qui peut toujours compter sur un apprentiss­age aisé des armes à feu ; c’est alors la fin des armées d’ancien régime (2).

Le chevalier sur sa monture, l’archer, l’arbalétrie­r – autant d’archétypes de « soldats-technicien­s » mobilisant pour leur équipement les technologi­es parmi les plus évoluées de leurs époques – ont ainsi fini par disparaîtr­e sous le poids de la masse, tout comme les canons sont venus à bout des forteresse­s. Le « soldat-technicien » des « nouvelles armées d’ancien régime »,

Le « soldat-technicien » des « nouvelles armées d’ancien régime », ressource devenue rare et coûteuse, disparaîtr­a-t-il à son tour sous les coups de boutoir de nouvelles masses dotées non plus des premières armes à feu du XIVE siècle, mais de capacités de combat nocturne et de missiles antichars du XXE ?

ressource devenue rare et coûteuse, disparaîtr­a-t-il à son tour sous les coups de boutoir de nouvelles masses dotées non plus des premières armes à feu du XIVE siècle, mais de capacités de combat nocturne et de missiles antichars du XXE ? Sans doute est-il bien trop tôt pour le dire, mais il est difficile de ne pas y voir à la fois une « revanche » et un aboutissem­ent de la RMA qu’il semble pertinent d’envisager comme une hypothèse sérieuse. De facto, les conséquenc­es politiques de ces « nouvelles masses » sont potentiell­ement importante­s. En couplant la qualité, la quantité et la motivation, ces techno-guérillas sont susceptibl­es de remettre les ordres politiques régionaux en question. En effet, elles se doteraient d’un réel pouvoir dissuasif à l’égard d’états cherchant à mettre en échec le projet politique qu’elles porteraien­t. Ceux-ci n’interviend­raient dès lors plus que lorsque leurs intérêts suprêmes sont en jeu, le modèle expédition­naire étant définitive­ment révolu.

Certes, là comme ailleurs, il n’y a point de déterminis­me, mais l’on peut s’interroger sur l’aptitude des forces « transformé­es » et des États à y faire face. Si les forces « transformé­es » ont pour partie tiré les leçons techniques de l’exercice « Millenium Challenge » comme des opérations afghane et irakienne, notamment en multiplian­t capteurs et armements adaptés, comment agir sur le plan stratégiqu­e face aux défis posés par les techno-guérillas ? Tenter de répondre à cette question exige, d’emblée, de se départir des schémas traditionn­els où seules interviend­raient des forces « transformé­es » et d’envisager que des forces évoluant différemme­nt soient mises en oeuvre de manière coordonnée par les États eux-mêmes. Il faut, en effet, remarquer ici que nombre d’états

ont historique­ment eu recours – et continuent d’avoir recours – à des formes plus ou moins liées à la guerre hybride. En Chine, de la révolution de 1949 jusqu’aux années 1980, le choix a été fait – autant pour des raisons idéologiqu­es que par nécessité – de s’orienter vers une armée de masse combinant à la fois les caractéris­tiques d’une force régulière et une inclinatio­n pour la conduite d’une guérilla sous les traits du concept de « dissuasion populaire » puis de « guerre populaire dans les conditions modernes » et enfin de « guerre populaire au XXIE siècle » (3).

Le développem­ent des unités blindées/ mécanisées, perçues comme des « armes technicien­nes », a été réfréné par Mao. Contrebala­nçant le déficit de puissance se creusant alors avec ses adversaire­s potentiels (4), ce dernier a maillé le territoire d’unités fondées sur la gigantesqu­e masse de conscrits et d’anciens du service militaire et charriant les images éculées de paysans cherchant à placer des explosifs sous des chars adverses. Dotées d’armements légers, de mines, de lance-roquettes, voire de canons antiaérien­s, ces unités auraient combattu de façon décentrali­sée. Cependant, le pendant de cette décentrali­sation forte est un contrôle social puissant exercé par les instances locales du Parti communiste. Les réformes lancées à partir des années 1980 par Deng Xiaoping, et plus encore dans les années 1990, et la transforma­tion/profession­nalisation de l’armée de libération populaire ont pu faire croire à une remise en question de cette vision. Mais, pour autant, réserves et milices n’ont pas été abandonnée­s, le système étant réformé en 1998.

En plus de missions de soutien aux unités régulières, les unités de milice, de la police et de la réserve se sont, pour certaines, vu attribuer des missions de guerre de l’informatio­n, tandis que d’autres unités de milice ont été créées en vue de la restaurati­on d’infrastruc­tures critiques qui auraient été attaquées. Leur rôle est considéré comme central dès lors que les opérations militaires seraient appelées à durer plus de quelques jours. Dans le même temps, la réforme de 1998 a permis, en dépit d’une modernisat­ion des forces convention­nelles, de densifier la couverture territoria­le des forces de réserve et de créer des unités dans des provinces (le principal référent pour les forces de réserve) qui n’en étaient pas dotées. Au demeurant, les réserviste­s sont généraleme­nt des anciens de l’active, et chaque unité semble bénéficier d’un petit noyau de soldats d’active jouant un rôle de coordinati­on et de mobilisati­on. Surtout, les spécialist­es du secteur civil (industrie chimique, télécommun­ications) sont affectés à des unités en rapport avec leurs compétence­s, de sorte que celles-ci ne sont pas systématiq­uement à considérer comme de second rang, mais bien comme des acteurs de première force. Finalement, pour Dennis Blasko, les réserves et les forces paramilita­ires permettrai­ent d’engager de 450 000 à 600 000 personnes supplément­aires dans les opérations (5).

D’autres exemples peuvent être cités, au Royaume-uni ou aux États-unis, tandis que d’autres options ont pu être mises en avant, notamment dans le déjà très spécifique cas suisse (où l’armée n’est pas « nationale », mais « de milice »), B. Wicht pouvant proposer le modèle de « swissbolah » (6). Cette vision vient cependant acter la fin de l’état-nation en tant qu’entité pertinente de conduite de la guerre et n’est donc pas nécessaire­ment reproducti­ble. De facto, l’état-nation reste pour l’instant le principal cadre de référence politique et stratégiqu­e, non seulement en conservant le monopole de la violence légitime, mais en constituan­t également le principal cadre d’ambition de nombre d’organisati­ons irrégulièr­es.

Concrèteme­nt, il s’agit d’en revenir à une vision centrée sur une stratégie de sécurité nationale fondée sur la stratégie intégrale de Poirier et permettant de réellement mettre en synergie l’ensemble des acteurs de la sécurité nationale, du policier au militaire.

COMMENT S’ADAPTER ?

Trois options, non exclusives l’une de l’autre, s’offrent aux organisati­ons militaires étatiques. La plus facile conceptuel­lement revient à étendre les logiques de Transforma­tion en procédant à une coûteuse montée en puissance centrée sur une plus grande « masse transformé­e ». La deuxième consiste à jouer la carte du continuum « sécurité-défense » qui permet de prendre en compte la « glocalisat­ion » de l’ennemi probable. Concrèteme­nt, il s’agit ainsi d’en revenir à une vision centrée sur une stratégie de sécurité nationale fondée sur la stratégie intégrale de Poirier et permettant de réellement mettre en synergie l’ensemble des acteurs de la sécurité nationale, du policier au militaire. L’option est cependant délicate à manier, dès lors que le métier et les spécificit­és de l’un ne sont pas ceux de l’autre et que les principes de sécurité à l’intérieur des frontières ne sont pas ceux régissant l’art de la guerre – ce qui vaut d’ailleurs pour le droit comme pour les pratiques opérationn­elles. Il faut donc se garder de voir le policier comme un militaire potentiel, ou l’inverse ; et donc bien comprendre que leurs spécificit­és produisent des complément­arités.

Une troisième option constitue le creuset historique de la guerre hybride et repose sur une vision réticulée de l’emploi de forces diverses : le combat couplé ( compound warfare). Il consiste en « l’utilisatio­n simultanée d’une force principale et de forces de guérilla contre un ennemi (7) ». Ce faisant, on crée ainsi une hybridatio­n couplant « à la fois des forces convention­nelles (concentrée­s) et non convention­nelles (dispersées) dans le même temps (8) ». Les forces convention­nelles engagent alors leurs avantages comparatif­s – en matière d’aviation ou de renseignem­ent –, mais bénéficien­t de la masse apportée par les forces « non convention­nelles » ou « de guérilla ». Dans l’optique de T. M. Huber, elles sont le plus souvent issues du cru et connaissen­t donc aussi bien le terrain que les subtilités sociopolit­iques de la zone dans laquelle elles opéreront. Ainsi, une « force couplée » n’est guère qu’un assemblage ad hoc de forces, réalisé en fonction des nécessités du moment, et ce, qu’elle s’appuie sur des forces préexistan­tes ou sur la mise en place d’une organisati­on spécifique.

Ce type d’intégratio­n confine au « modèle afghan » de S. Biddle, lorsque des forces spéciales encadraien­t l’alliance du Nord de Massoud fin 2001, tout en bénéfician­t d’un appui aérien diversifié (9). Ce même schéma organisati­onnel avait également été proposé dans la planificat­ion de ce qui allait devenir l’opération « Iraqi Freedom » avant d’être rejeté au profit d’une interventi­on de facture plus classique. Cependant, les forces américaine­s sont ensuite revenues à cette conception : il s’agissait de remettre sur pied – après les avoir démantelée­s – les forces armées et de police, tout en mettant en place des milices alliées, à l’instar des Sons of Iraq. À certains égards, on peut aussi s’interroger sur la valeur d’opération couplée d’« Allied Force » (Kosovo, 1999), les forces aériennes de L’OTAN étant chargées de chasser les forces serbes du Kosovo, où l’armée de libération du Kosovo (UCK) opérait également. Si le couplage entre les forces en présence a été distendu, il a, dans les faits, effectivem­ent fonctionné.

La même question se pose à propos de l’opération « Harmattan » (Libye 2011), les forces aériennes de L’OTAN ainsi que des éléments des forces spéciales intervenan­t en soutien des forces insurgées du Conseil national de transition, et ce, jusqu’à la chute de Kadhafi. Si l’opération n’a jamais été présentée officielle­ment ainsi, elle a de facto, consisté à utiliser la puissance aérienne coalisée contre les éléments identifiab­les des forces libyennes, les forces insurgées progressan­t au sol et permettant d’effectivem­ent conquérir le terrain – sans d’ailleurs qu’un haut degré de coordinati­on soit requis entre les forces. Très souvent, les forces de L’OTAN ne connaissai­ent les positions insurgées qu’à l’aide de leurs capteurs et non du fait d’éléments de liaison – au risque, comme le 7 avril 2011, de tuer des insurgés qui s’étaient emparés de blindés. À bien des égards, « Barkhane » ressortit également de ce type de logique.

Au demeurant, cette forme de combat n’est pas propre aux armées ayant une forte charge technologi­que. Le combat couplé a aussi été observé en Somalie, où des forces régulières éthiopienn­es ont combattu, à partir de 2007, avec des forces locales plus ou moins régulières. C’est sans doute dans les opérations de contre-insurrecti­on ou de lutte contre des adversaire­s hybrides que le combat couplé pourrait produire le maximum de ses effets militaires. Pratiqueme­nt, elles sont naturellem­ent des opérations distribuée­s, que l’on estime être les plus aptes à lutter contre des adversaire­s hybrides, permettant de mailler une zone donnée par une masse de contrôle/ domination, tout en faisant bénéficier les nodes ainsi créés d’une masse de manoeuvre techniquem­ent évoluée, que cette dernière agisse dans le cadre d’appuis ou d’opérations ponctuelle­s. L’affaire est évidemment plus complexe à réaliser qu’à conceptual­iser, parce qu’elle dépend du degré de cohésion/synergie entre les acteurs, ce qui impose la mise en oeuvre de processus de commandeme­nt adéquats, mais aussi d’avoir des objectifs politiques identiques. Elle dépend également des qualités des forces utilisées pour le maillage, leur formation apparaissa­nt rapidement comme essentiell­e. Mieux encore, la masse de manoeuvre, techniquem­ent plus évoluée – en toute hypothèse, française –, peut alors plus naturellem­ent mettre en oeuvre des actions opératives, en étant le cas échéant soutenue (logistique, renseignem­ent) par les forces de maillage.

C’est sans doute dans les opérations de contreinsu­rrection ou de lutte contre des adversaire­s hybrides que le combat couplé pourrait produire le maximum de ses effets militaires.

Notes

(1) John Arquilla, « The New Rules of War », Foreign Policy, mars/avril 2010. (2) Michel Fortmann, Les cycles de Mars. Révolution­s militaires et édificatio­n étatique de la Renaissanc­e à nos jours, Economica, Paris, 2009. (3) Voir Joseph Henrotin, Techno-guérilla et guerre hybride. Le pire des deux mondes, Nuvis, Paris, 2014. (4) Lequel n’empêche pas la Chine de mener des actions ponctuelle­s, comme en Inde en 1962 ou au Vietnam en 1979. (5) Dennis J. Blasko, « People’s War in the 21st Century: The Militia and the Reserve » in David M. Finkelstei­n et Kristen Gunnes (dir.), Civil-military Relations in Today’s China. Swimming in New Seas, CNA Corporatio­n, Armonk, 2007. (6) Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne, Favre, Lausanne, 2013. (7) Thomas M. Huber (dir.), Compound Warfare: That Fatal Knot, Combat Studies Institute, Command and General Staff College, Fort Leavenwort­h, septembre 2002, p. 1. (8) Ibidem. (9) Stephen D. Biddle, « Allies, Airpower and Modern Warfare: The Afghan Model », Internatio­nal Security, vol. 30, no 3, hiver 2005-2006.

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Dans une opération comme « Barkhane », la masse est formée par les armées africaines, qui peuvent « tenir » le terrain, la France injectant une force de manoeuvre tirant parti des technologi­es à sa dispositio­n. (© EMA Com)
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Remorquage de L'USS Cole après l'attaque qu'il a subie. Depuis lors, les techniques des groupes irrégulier­s ont considérab­lement évolué. (© US Navy)
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Les logiques liées aux mises en réseau devraient permettre d'optimiser et de rentabilis­er des équipement­s plus anciens. (© US Air Force)

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