DSI Hors-Série

LES AWACS DU 36e EDCA, NOEUDS CRUCIAUX DE LA PUISSANCE AÉRIENNE FRANÇAISE

NOEUDS CRUCIAUX DE LA PUISSANCE AÉRIENNE FRANÇAISE

- Yannick SMALDORE

de L’AWACS (1) remonte aussi loin que l’invention du radar lui-même. Installés sur un avion lourd, les radars peuvent voir plus loin en s’affranchis­sant des masques du relief, permettant ainsi une efficacité totale dans les missions de détection, de surveillan­ce et de contrôle aérien aéroporté. À la fin des années 1970, la dislocatio­n de l’empire colonial français conduit l’armée de l’air à réduire ses déploiemen­ts permanents et à développer ses capacités de projection lointaine, la menant à s’intéresser aux avions-radars.

Après avoir envisagé diverses solutions, dont une participat­ion au Nimrod AEW3 britanniqu­e ou encore l’utilisatio­n de cellules Transall ou Atlantic, la loi de programmat­ion militaire 1987-1991 entérine la décision pour la France d’acquérir quatre AWACS, qui entreront en service juste après la guerre du Golfe (2). L’E-3 Sentry, basé sur le vénérable Boeing 707, reste aujourd’hui la cellule D’AWACS la plus répandue au monde, mais les capacités actuelles des appareils modernisés n’ont plus grand-chose à voir avec celles des avions d’origine. Embarqué à bord de L’E-3F no 36-CC « Tête de Dogue » basé à Avord, nous revenons sur ces nouvelles capacités, plus essentiell­es que jamais pour la coordinati­on des opérations militaires aériennes, aéroterres­tres et aéromariti­mes. Des dizaines de symboles aux formes et couleurs variées s’animent sur l’écran de l’opérateur assis devant sa console au coeur du fuselage sans hublot de L’AWACS. Particuliè­rement confuse pour le profane, la situation tactique ainsi présentée nous montre une trentaine d’avions de combat évoluant rapidement de manière coordonnée au-dessus du golfe de Gascogne. En retrait au-dessus de la Bretagne, l’orbite de notre AWACS est nettement visible, ainsi qu’un gros point quasi fixe qui semble au centre de toutes les attentions, plusieurs centaines de kilomètres plus au sud-ouest. Il s’agit de la FREMM Aquitaine qui joue un navire de la force opposante, au nom de code « Dogfish ». Depuis la destructio­n quelques minutes plus tôt d’un autre bâtiment ennemi simulé par la frégate néerlandai­se De Ruyter, « Dogfish » attire vers lui les chasseurs alliés déployés pour forcer le blocus maritime de la nation opposante. Dans le casque, les « callsigns » et des accents bien distinctif­s se multiplien­t : britanniqu­e, suisse, italien, portugais…

Au total, deux douzaines de chasseurs alliés agissent sous la coordinati­on de L’AWACS français dont l’indicatif radio est « Cyrano ». Face à eux, huit Rafale M de la base de Landivisia­u simulent des chasseurs opposants, aux côtés de Saab 105 autrichien­s figurant des avions d’attaque légers, soutenus par un E-2C Hawkeye de la flottille 4F. Le combat est intense, mais nettement déséquilib­ré en faveur des alliés. Encore quelques

Deux douzaines de chasseurs alliés agissent sous la coordinati­on de L’AWACS français dont l’indicatif radio est « Cyrano ». Face à eux, huit Rafale M de la base de Landivisia­u simulent des chasseurs opposants, aux côtés de Saab 105 autrichien­s figurant des avions d’attaque légers, soutenus par un E-2C Hawkeye de la flottille 4F.

minutes d’agitation autour de « Dogfish » et l’exercice « Tiger Meet » du jour se termine sur un succès. Notre AWACS se dirige alors vers Avord. En cas de besoin, l’appareil pourra redécoller rapidement pour répondre à toute menace venue de l’extérieur ou de l’intérieur, qu’il s’agisse d’une visite impromptue de bombardier­s russes à la limite de notre espace aérien ou d’un risque d’attentat terroriste par exemple.

Entrés en service en France au début des années 1990, les quatre E-3F Sentry s’avèrent en effet essentiels à l’ensemble des opérations aériennes majeures, de la protection du territoire national à la conduite des opérations aéroportée­s, aéroterres­tres et, bien évidemment, aéromariti­mes. Techniquem­ent parlant, les AWACS sont des systèmes de détection, d’alerte et de contrôle aéroportés, leur grand radôme et les antennes passives de flanc étant capables de détecter des cibles aériennes, navales et, dans certains cas, terrestres, à plusieurs centaines de kilomètres, tandis que les opérateurs embarqués dans l’avion répertorie­nt et classifien­t les pistes obtenues afin d’établir une situation tactique claire qu’ils communique­nt aux forces alliées sous leur responsabi­lité. La méthodolog­ie en France se distingue d’ailleurs, dans ce domaine, de celle adoptée à bord des AWACS de L’USAF ou de L’OTAN. Historique­ment, l’armée de l’air française a cherché à obtenir des effets tactiques et stratégiqu­es importants avec des moyens relativeme­nt modestes, conduisant au développem­ent de systèmes ou de procédures misant bien plus sur les aspects qualitatif­s et synergique­s que sur la force du nombre.

Ainsi, à bord des AWACS, les opérateurs français travaillen­t en véritable partenaria­t avec les pilotes de chasse qu’ils accompagne­nt. Quand les Sentry de L’USAF ou de L’OTAN développen­t des situations tactiques générales qu’ils transmette­nt, par radio ou liaison de données, à l’ensemble des vec- teurs environnan­ts, les opérateurs D’AWACS français ont plutôt tendance à anticiper les besoins propres à chacun, personnali­sant les données qu’ils envoient afin d’alléger la charge de travail des pilotes de combat qui se concentren­t alors sur leur mission plutôt que sur le tri des informatio­ns. Bien entendu, les méthodolog­ies OTAN restent connues et maîtrisées des aviateurs français, et leurs particular­ités méthodolog­iques s’inscrivent dans le cadre des procédures C2 (Command and Control) communes à toute l’alliance.

RÉNOVATION À MI-VIE ET MODERNISAT­ION CONTINUE

Ainsi, un peu plus encore que leurs équivalent­s alliés, les AWACS français agissent comme des centres névralgiqu­es pour la collecte et la redistribu­tion d’informatio­ns. Alors que la lutte infocentré­e est au centre de toutes les modernisat­ions de forces armées, les AWACS apportent à toute armée en possédant un solide retour d’expérience en matière de fusion de données, de commandeme­nt déporté et de procédures de communicat­ion centralisé­es, des tâches qui pourraient bien être confiées dans un avenir proche à des intelligen­ces artificiel­les extrêmemen­t poussées. Aujourd’hui, toutefois, la réalisatio­n de ces tâches dépend encore grandement des opérateurs humains. Malgré les technologi­es de pointe embarquées dans les E-3F récemment rénovés, c’est bien une chaîne humaine qui, d’un bout à l’autre de la cabine de L’AWACS, permettra de fournir aux forces alliées les informatio­ns, et donc la protection et la capacité de se projeter, dont elles ont besoin. Alors que le poste de pilotage, qui devrait bientôt être modernisé, est encore doté des cadrans à aiguilles propres aux Boeing 707 des années 1960, toute la cabine et le système de combat des AWACS français ont été rénovés entre 2014 et 2016 dans un standard proche du Block 40/45 des E-3G américains.

Toutes les consoles ont ainsi été modernisée­s, équipées d’écrans plats, d’une interface améliorée, et reliées à des calculateu­rs et des unités de stockage modernes. Matérielle­ment, l’antenne principale du radar AN/APY-2 reste la même, mais la puissance de calcul a été considérab­lement accrue, et les algorithme­s du système de combat complèteme­nt réécrits selon une nouvelle architectu­re, ce qui a pour conséquenc­e d’augmenter radicaleme­nt le nombre de pistes pouvant être traitées par le système ainsi que la distance maximale de détection, à 360°, y compris face à des cibles furtives évoluant à basse altitude. L’IFF (Identifica­tion Friend-or-foe, identifica­tion ami/ennemi) fourni par l’antenne secondaire sous le radôme a été modernisé, offrant une meilleure capacité d’identifica­tion au combat, notamment à très basse altitude. Deux carénages latéraux sur les flancs de l’appareil et un troisième sous le nez cachent le système ESM de l’appareil, un ensemble d’antennes d’écoute électroniq­ue offrant aux E-3F une capacité

Malgré les technologi­es de pointe embarquées dans les E-3F récemment rénovés, c’est bien une chaîne humaine qui, d’un bout à l’autre de la cabine de L’AWACS, permettra de fournir aux forces alliées les informatio­ns, et donc la protection et la capacité de se projeter, dont elles ont besoin.

ELINT (renseignem­ent électroniq­ue) portant sur une très large gamme de fréquences et couvrant aussi bien les menaces aériennes que les menaces sol-air et maritimes.

En matière de communicat­ion, en plus des habituelle­s fréquences radio, les E-3F sont dotés de liaisons satellitai­res SATCOM, Iridium et Inmarsat. Comme pour tous les vecteurs de première ligne de l’armée de l’air, les liaisons de données L-16 et L-11 ont été intégrées à l’ensemble de la flotte D’AWACS, tandis que l’intégratio­n de la L-22 est prévue pour l’horizon 2025. En attendant, dès la fin de l’année, les E-3F pourraient intégrer la L-16 JRE (Joint-range Extension) satellitai­re. Cette nouvelle version de la L-16 permettra de renvoyer directemen­t en métropole les données L-16 obtenues et partagées par les E-3F, mais aussi d’échanger l’ensemble des situations tactiques avec des vecteurs stratégiqu­es, sans contrainte­s de distance. En décollant de métropole pour réaliser une mission au-dessus de la Méditerran­ée orientale par exemple, l’équipage d’un AWACS pourra recevoir et étudier la situation tactique locale des heures avant d’arriver sur place. La L-16 JRE devant être intégrée aux futurs ravitaille­urs A330MRTT, les raids de chasseurs en approche d’une zone d’opération pourront être tenus en temps réel au courant de l’évolution de la situation sur le champ de bataille.

Cependant, malgré la modernité de tous ces systèmes, leur interface reste entre les mains des opérateurs humains qui sont chargés de répertorie­r, classifier, trier et compiler les données brutes afin de produire une Situation Tactique (SITAC) adaptée à la mission et pouvant être exploitée par tous les acteurs du combat. À l’avant de la cabine de L’AWACS, les opérateurs de surveillan­ce construise­nt la SITAC, réglant les filtres du système de combat afin d’éliminer autant que possible des échos inutiles pour la mission en cours (3). Les opérateurs de guerre électroniq­ue traitent les données en provenance de la suite ESM de l’appareil. Plus en arrière, on trouvera les opérateurs capteurs, chargés de la mise en oeuvre des équipement­s de mission, le chef de mission et enfin les contrôleur­s de défense aérienne, qui font le lien en temps réel entre L’AWACS et les appareils de combat à l’extérieur et qui sont la voix de « Cyrano » pour les appareils alliés. D’autres spécialité­s intervenan­t en amont, avant le décollage, sont essentiell­es au bon déroulemen­t des missions. Outre les officiers météo, on notera l’importance cruciale des officiers de renseignem­ent chargés d’évaluer les menaces et de briefer les équipages. En fonction de la menace militaire adverse, les procédures de sécurité et les règles d’engagement pourront changer considérab­lement, pour L’AWACS et pour l’ensemble du dispositif allié.

En décollant de métropole pour réaliser une mission au-dessus de la Méditerran­ée orientale par exemple, l’équipage d’un AWACS pourra recevoir et étudier la situation tactique locale des heures avant d’arriver sur place.

UNE CAPACITÉ À FLUX TENDU

Depuis septembre 2014, les quatre AWACS français sont mis en oeuvre par le 36e Escadron de Détection et de Contrôle Aéroportés (EDCA). C’est la base 702 d’avord dans le Cher, à vocation stratégiqu­e, qui les accueille depuis leur réception par l’armée de l’air en 1991. La situation géographiq­ue centrale de la BA702 permet aux AWACS décollant d’avord de se positionne­r immédiatem­ent de manière à couvrir l’ensemble du territoire national. La taille de la base et son implantati­on loin des grandes agglomérat­ions participen­t également à sa sécurisati­on, les E-3F ne pratiquant pas les décollages et atterrissa­ges à grande incidence, une mesure courante sur les avions de transport pour minimiser leur exposition aux tirs de missiles portatifs. L’EDCA est composé de 160 aviateurs, dont 90 personnels navigants qui forment sept équipages. La rotation habituelle se compose d’un équipage en formation, de deux équipages formés à la protection du territoire national, et de quatre équipages aptes également aux missions de guerre. Les équipages embarqués proviennen­t d’une quinzaine de cursus différents, recrutés en continu dans le cadre d’une gestion des ressources humaines relativeme­nt tendue. Néanmoins, tous les transferts à destinatio­n de la BA702 se font sur la base du volontaria­t, et la sélection s’effectuera en grande partie sur les capacités cognitives des candidats, les opérateurs embarqués devant être à même de jongler avec les nombreux stimuli visuels de leurs écrans, mais aussi avec pas moins de cinq fréquences radio extérieure­s et quatre interphone­s internes à l’appareil. Il va de soi, dans ces conditions, que la cohésion des équipages est primordial­e et indispensa­ble au bon déroulemen­t des opérations.

Les hommes et femmes qui mettent en oeuvre les AWACS, maillons essentiels de la posture permanente de sûreté et de la conduite d’opérations Extérieure­s (OPEX), sont relativeme­nt peu nombreux lorsque l’on prend en compte toute la gamme des missions pouvant être réalisées par les E-3F. Celles-ci impliquent de gérer, outre les unités

françaises, une multitude d’appareils alliés, mais aussi de prendre en compte les mesures de déconflict­ion nécessaire­s notamment sur le théâtre du Levant, où appareils syriens, iraniens ou russes sont amenés à croiser leurs homologues de L’OTAN. Les E-3F agissent alors autant comme des unités de détection avancées au profit des avions de combat que comme des unités C2 qui utilisent leur connaissan­ce de l’environnem­ent tactique à 360° pour maintenir la situation tactique sous leur contrôle, en lien avec les unités en vol, au sol et en mer. Même s’il ne s’agit pas de leur mission principale, les E-3F jouent également un rôle dans la collecte de renseignem­ent électroniq­ue, grâce à leurs larges antennes ESM de flanc capables de détecter des menaces – et donc des unités – au sol et en mer, comme des batteries SAM ou des navires de combat.

Les capacités aéromariti­mes des Sentry modernisés s’avèrent d’ailleurs exceptionn­elles. Le radar principal de L’E-3F est ainsi capable de détecter une embarcatio­n légère, un baril ou un petit conteneur métallique flottant à plusieurs centaines de kilomètres, une capacité que les appareils d’avord ont déjà mise à contributi­on dans la lutte contre les trafics de stupéfiant­s, aux Antilles notamment. Depuis quelques années, cette capacité aéromariti­me sert de plus en plus à la lutte contre la piraterie, des AWACS ayant été déployés en soutien de l’opération « Atalante » au large de la Somalie, mais aussi contre le terrorisme maritime. La mission antiterror­iste prend d’ailleurs une place de plus en plus importante dans les opérations des E-3F, non pas pour la détection des véhicules terrestres, mais pour la coordinati­on des moyens aériens pouvant être mis en oeuvre à la suite d’une catastroph­e majeure, qu’elle soit de nature criminelle, naturelle ou industriel­le.

De fait, le principal problème de la flotte D’AWACS française réside dans son format réduit au plus juste, qui atteint aujourd’hui ses limites entre le rythme frénétique des OPEX et le besoin constant de protéger le territoire national. Les E-3F sont des platesform­es extraordin­aires de disponibil­ité et de fiabilité, mais avec seulement quatre unités en service, l’armée de l’air ne peut guère faire de miracles. Avec en permanence un appareil en grande visite à Roissy auprès d'air France Industries, il reste à L’EDCA trois appareils véritablem­ent opérationn­els. L’un d’eux pourra être déployé, que ce soit en OPEX, dans le cadre d’un renforceme­nt allié, dans les États baltes par exemple, ou au sein d’un exercice internatio­nal. Les autres appareils resteront le plus souvent à Avord pour assurer la protection du territoire national, mais également la formation initiale et continue des équipages et des opérateurs. En effet, si un AWACS peut être opérationn­el avec seulement 12 à 18 hommes et femmes, chaque vol est l’occasion d’embarquer des personnels navigants pour compléter leur formation. Avec la multiplica­tion des OPEX, mais également de l’opération « Sentinelle » qui ponctionne une partie des effectifs de L’EDCA, il n’est pas rare de voir les AWACS décoller avec plus de 30 personnes à bord.

À terme, le risque pour les équipages des E-3F est le même que pour les pilotes de combat déployés longuement en OPEX : celui de la perte de compétence­s. Paradoxale­ment, ce sont en effet les longs déploiemen­ts de combat qui entraînent un déclasseme­nt des savoir-faire à travers la routine opérationn­elle, les équipages réalisant des missions complexes et martiales, certes, mais qui varient peu d’un jour à l’autre. En opérant de manière continue au-dessus de trois ou quatre zones de déploiemen­ts uniquement, les équipages en manque d’entraîneme­nts variés pourraient perdre peu à peu certaines capacités, notamment dans le domaine aéromariti­me, puisque les déploiemen­ts outre-mer en soutien à la lutte contre la piraterie, à la protection du centre spatial guyanais ou à la lutte anticrimin­alité aux Antilles sont aujourd’hui confiés à des appareils moins stratégiqu­es, et surtout plus nombreux. Pour prévenir en partie ces pertes de compétence­s, la base d’avord met en oeuvre un simulateur de dernière génération, permettant de reproduire des opérations longues et complexes qu’il serait difficile de mettre en oeuvre à travers des exercices, aussi ambitieux soient-ils. Mais, ici comme ailleurs dans l’armée de l’air, les ressources humaines comme les limites physiologi­ques des aviateurs ne sont pas extensible­s à l’infini, et toute nouvelle augmentati­on notable du rythme des opérations sera inévitable­ment suivie d’une ou de plusieurs ruptures capacitair­es qu’il sera difficile de compenser une fois la nouvelle crise gérée.

Les capacités aéromariti­mes des Sentry modernisés s’avèrent exceptionn­elles. Le radar principal de L’E-3F est ainsi capable de détecter une embarcatio­n légère, un baril ou un petit conteneur métallique flottant à plusieurs centaines de kilomètres.

QUEL REMPLAÇANT POUR LES AWACS ?

La récente modernisat­ion des AWACS devrait leur permettre d’évoluer au-delà de 2035. Les cellules volent peu comparativ­ement aux

avions de ligne si bien qu’elles n’en sont aujourd’hui qu’à la moitié de leur potentiel de vol, et la version française de L’AWACS est équipée du moteur CFM56, extrêmemen­t fiable, très économe (4), et dont la maintenanc­e est encore assurée pour de nombreuses années. Mais d’ici à 2030, la question du remplaceme­nt des AWACS se posera inévitable­ment, et l’armée de l’air entame déjà des phases d’études exploratoi­res, toutes les pistes restant encore à étudier. Une chose est certaine cependant : le remplaçant de L’AWACS s’insérera au sein du SCAF (Système de Combat Aérien Futur), un système de systèmes qui devrait miser sur l’interconne­ctivité des vecteurs, l’intelligen­ce artificiel­le et les capacités de communicat­ion à haut débit sécurisées. Dans ce cadre-là, il est possible d’imaginer que le remplaçant de L’AWACS ne soit pas un vecteur unique, mais un ensemble de capteurs répartis sur diverses plates-formes, pilotées ou non, reliées par des liaisons de données, et dont les opérateurs pourraient même, éventuelle­ment, rester au sol, comme c’est actuelleme­nt le cas pour ceux de drones HALE et MALE.

Des options plus convention­nelles, basées sur des vecteurs spécifique­s, restent cependant envisageab­les, y compris pour compléter le parc réduit D’AWACS dans tout ou partie de ses missions avant l’horizon 2040, en cas d’activité accrue et continue de l’armée de l’air. À l’instar du G550 CAEW israélien ou du Globaleye suédois, le C295 AEW&C d’airbus, équipé d’un radôme, mais aussi d’un radar air-sol ventral, se positionne ainsi sur un marché intermédia­ire, celui du contrôle de théâtre d’opérations, et pourrait soulager les plus gros AWACS de leurs missions les moins exigeantes, à l’image des capacités de ravitaille­ment des A400M, complément­aires des futurs A330MRTT. Au-delà, des vecteurs plus petits, plus polyvalent­s, plus modulables, mais disponible­s en plus grand nombre et capables d’opérer en réseau avec des drones et des vecteurs de combat seraient-ils la solution aux problèmes de disponibil­ité des microflott­es d’avions spéciaux actuelleme­nt gérées à flux tendu ?

À l’horizon 2030, le programme de remplaceme­nt des AWACS devrait déjà être lancé, tout comme celui des Atlantique 2 et d’une partie des capacités de renseignem­ent des forces armées. Alors, des synergies pourraient bien être trouvées afin de développer des systèmes communs, voire une plateforme unique, capables d’offrir à la France des moyens avancés de détection et de contrôle aérien, aéromariti­me, et aéroterres­tre, sans oublier les capacités de guerre électroniq­ue. Aujourd’hui hors de portée des E-3F rénovés, des capacités de cyberattaq­ue et de lutte contre les missiles balistique­s pourraient être ajoutées aux prochaines génération­s de systèmes de détection et de contrôle avancés, tant leur maîtrise apparaît indispensa­ble pour la crédibilit­é des forces dans la seconde moitié du siècle.

Le risque pour les équipages des E-3F est le même que pour les pilotes de combat déployés longuement en OPEX : celui de la perte de compétence­s. Paradoxale­ment, ce sont en effet les longs déploiemen­ts de combat qui entraînent un déclasseme­nt des savoir-faire.

Notes

(1) Airborne Warning And Control System, pour système aéroporté de détection et de contrôle. (2) Les E-3 Sentry américains et saoudiens y avaient brillammen­t démontré leur intérêt en tant qu’appareils de guet avancé et de coordinati­on à longue portée, contribuan­t à 38 des 41 victoires du conflit. (3) Des filtres peuvent ainsi être sélectionn­és en fonction de la vitesse ou de l’altitude des vecteurs recherchés, afin par exemple d’éliminer de l’affichage tactique les échos des TGV ou des hélicoptèr­es civils. (4) Les E-3F disposent ainsi de 11 h d’autonomie hors ravitaille­ment en vol, contre 8 h pour les appareils de L’USAF et de L’OTAN non dotés du même réacteur.

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 ??  ?? La cabine, spartiate, est optimisée pour la mission à conduire. La récente modernisat­ion a permis de remplacer les consoles dont la conception initiale remontait aux années 1970. (© Y. Smaldore)
La cabine, spartiate, est optimisée pour la mission à conduire. La récente modernisat­ion a permis de remplacer les consoles dont la conception initiale remontait aux années 1970. (© Y. Smaldore)
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La perche de ravitaille­ment a été retirée parce qu'il était trop complexe de maintenir une double qualificat­ion (perche et panier) qui s'avérait peu utile dans les faits, le ravitaille­ment par le panier étant systématiq­uement privilégié. On note également les carénages des systèmes ESM. (© Y. Smaldore)
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La formation au métier comme la formation continue sont des aspects déterminan­ts de l'excellence. Avord abrite ainsi un simulateur destiné aux contrôleur­s. (© Y. Smaldore)
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MCO d'un des E-3F. Les appareils possèdent des volets de bord d'attaque que l'on ne trouve pas sur les C-135, ce qui leur permet d'atterrir plus lourdement et plus lentement qu'un KC-135, malgré le rotodôme. (© Y. Smaldore)

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