LE COMBAT MULTIDOMAINE : L’AVÈNEMENT DE LA GUERRE DU XXIE SIÈCLE David G. PERKINS
L’AVÈNEMENT DE LA GUERRE DU XXIE SIÈCLE
La complexité de la guerre terrestre continue à croître à mesure qu’augmente le nombre d’acteurs susceptibles d’opérer des capacités aériennes, maritimes, spatiales et cyber.
EEn juillet 1940, L’US Army ne pouvait plus hésiter à se préparer à une guerre blindée. La France venait d’être défaite par l’allemagne après une campagne éclair menée au moyen de formations mécanisées et motorisées dotées d’armements combinés, intégrant la puissance aérienne au niveau tactique et opératif tout en synchronisant l’ensemble des éléments à une échelle et d’une manière telles que les Alliés n’avaient pas de solutions efficaces.
La rapidité du succès allemand illustra le fait que la doctrine de la Première Guerre mondiale était dépassée et que l’inadaptation aux changements portés par les avancées technologiques avait laissé L’US Army en retard dans une guerre qui allait se tenir sur deux fronts et nécessiter une armée moderne qui n’existait alors pas encore. En l’espace de quelques années, L’US Army allait évoluer d’une force active limitée, inférieure à 250000 hommes, sans équipement moderne, en une force armée moderne capable de vaincre l’axe en Afrique, dans le Pacifique et en Europe.
ENSEIGNEMENTS DU PASSÉ INCAPACITÉ À S’ADAPTER
Après la Première Guerre mondiale, l’army n’est pas parvenue à se moderniser de manière efficace, malgré les efforts fournis durant deux décennies précisément à cette fin. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, L’US Army allait à peine mieux qu’en 1920(1). Cette incapacité à entretenir une armée moderne dans l’entre-deux-guerres fut le résultat d’une compréhension et d’une vision précaires de ce qu’était une force moderne. La difficulté à obtenir des budgets nécessaires à la modernisation fut accentuée par l’absence de vision claire du combat futur. Pourtant, l’army a essayé.
D’importants efforts de modernisation ont été entrepris en 1920, lorsque L’US Army a adopté une stratégie de réactivité reposant précisément sur les personnels et la mobilisation, composantes essentielles pour gagner une guerre moderne. Toutefois, le fait d’accorder la priorité à ces deux éléments eut un coût direct sur la modernisation globale de la force. Compte tenu des ressources limitées, il fut difficile d’appuyer ou de coordonner de manière cohérente les efforts en matière d’équipements et de modernisation organisationnelle.
Pour exemple, au cours des deux décennies suivantes, les États-unis ne sont pas parvenus à constituer une force blindée performante. Cela fut en partie dû à l’incapacité de déployer des chars modernes. L’infanterie a formulé pour les chars une série d’exigences ne pouvant être satisfaites par un véhicule de moins de quinze tonnes, ce qui était alors le poids maximal pouvant être supporté par les ponts
flottants de l’army. Or le génie ne voulait pas engager de fonds de R&D pour augmenter ces capacités. Aucune des parties ne considéra pourtant comme prioritaire la nécessité de trouver une solution.
De même, en 1939, avec l’invasion de la Pologne, le Département de la Guerre insista pour que le chef de la cavalerie mette en sommeil les unités à cheval et fournisse des personnels pour les nouvelles forces mécanisées (2). Celui-ci a refusé, déclarant : « En aucun cas je ne donnerai mon accord pour que ma cavalerie continue à être réduite. Cela serait trahir la défense de la nation. (3) »
Dotée de ressources limitées, l’army n’a pas consacré de budgets aux personnels et aux capacités de mobilisation. Ces décisions ont finalement eu un rôle dans le fait que les forces blindées américaines ne disposaient ni de la protection, ni de la puissance de feu, ni de l’entraînement adéquats lorsqu’elles ont été pour la première fois confrontées aux panzers allemands (4). Si l’on tire les enseignements de cette période, il est clair que nous devons comprendre l’environnement opérationnel et nous représenter la manière dont l’army opérera avec des concepts prenant correctement en compte les exigences de la guerre future.
En 2018, L’US Army a besoin de concepts permettant de lancer un programme de modernisation pour faire face aux menaces anticipées. La complexité de la guerre terrestre continue à croître à mesure qu’augmente le nombre d’acteurs susceptibles d’opérer des capacités aériennes, maritimes, spatiales et cyber. L’interdépendance des activités militaires à l’intérieur des domaines devient autrement plus problématique que lorsque les forces jouissaient d’une supériorité quasi incontestée dans chacun d’entre eux. La prééminence de l’army au sol en est venue à dépendre de l’accès aux domaines aérien, cyber et spatial. Ces derniers posent un problème parce qu’ils seront contestés tout en mettant également au défi nos précédentes visions des responsabilités à des échelons de commandement et de confinement géographique des actions et des effets. Lorsque interviendra le prochain combat majeur, le combat terrestre à grande échelle du XXIE siècle aura également lieu, que l’army y soit prête ou non. Il lui faut, pour l’être, concevoir une vision précise du futur champ de bataille et comprendre ses environnements opérationnels. Le combat multidomaine est le début de ce processus. C’est un concept évolutif de conduite de la guerre conçu pour gagner dans un monde complexe, en perpétuelle évolution, en mettant à profit les enseignements du passé et les capacités du XXIE siècle.
LE COMBAT MULTIDOMAINE : UN NOUVEAU CONCEPT POUR UN NOUVEAU MONDE
En 1940, L’US Army a commencé à durement apprendre comment devenir une force militaire moderne(5). Nous sommes aujourd’hui confrontés à des défis semblables. Les environnements opérationnels évoluent à travers les avancées et la diffusion technologiques, les informations de plus en plus transformées en armes et des systèmes politiques divergents conçus pour renverser l’ordre international actuel. Ces défis nécessitent une nouvelle perspective – en termes d’objectif comme de concept – quant au mode de combat de l’army.
La force interarmées doit être en mesure de pénétrer les défenses de l’adversaire au moment et à l’endroit de notre choix, dans plus d’un domaine, en ouvrant des fenêtres de supériorité pour permettre les manoeuvres au sein de sa défense intégrée. Le rythme et la vitesse des événements mondiaux actuels et futurs ne nous laisseront pas le temps de synchroniser des solutions fédérées.
La nature de la guerre demeurera inchangée. Toutefois, le continuum du conflit doit être compris dans les contextes actuel et futur. La compétition stratégique existe et existera toujours. Soit on gagne, soit on perd, au temps présent. Le conflit conduira rarement à une victoire ou à une défaite permanente. La description linéaire de la paix à la guerre et inversement doit être revue pour refléter la nature cyclique de la guerre, où il n’existe que des positions d’avantage relatif. Le continuum du conflit est défini par une rivalité à la limite du conflit, le conflit proprement dit et le retour à la rivalité.
Nos adversaires et potentiels adversaires ont étudié et appris de nos succès sur le champ de bataille depuis la première guerre du Golfe. Par ces enseignements, ils adaptent leurs méthodes de conduite de la guerre, tout en accélérant la modernisation et la professionnalisation de leurs outils de combat. Ils cherchent à gagner un avantage stratégique en compensant les avantages dont nous avons bénéficié ces vingt dernières années. Avec ces nouvelles méthodes, ils s’affrontent à présent en deçà du seuil du conflit armé ouvert tout en continuant à se positionner pour s’engager efficacement dans le combat à grande échelle, si cela devait arriver. Pour compenser nos principaux avantages, trois macro-enseignements orientent leur nouvelle approche de la guerre. Premièrement, dénier l’accès des États-unis et de nos alliés à la zone des opérations. Une fois complètement déployés, nous bénéficions de l’avantage opérationnel en termes de logistique, de puissance de feu et de commandement et contrôle nécessaire pour l’emporter contre qui que ce soit. Deuxièmement, essayer de fracturer la formation interarmées en isolant nos forces aériennes, maritimes et terrestres afin d’empêcher le soutien mutuel. Ce sont les synergies de nos capacités interarmées interdépendantes qui confèrent notre supériorité. Troisièmement, nous fixer et ne pas permettre à nos forces de manoeuvrer et de mettre à profit dans le combat rapproché l’ensemble de nos capacités de puissance de combat (y compris le commandement).
Nous pouvons nous attendre à ce que tous les domaines soient contestés. Les adversaires possèdent d’importantes défenses aériennes intégrées et des capacités de tir longue portée, ainsi que des capacités performantes en matière de renseignement, de surveillance, de reconnaissance, d’information, de guerre électronique et cyber. Il n’est plus possible de conserver, de manière permanente, une supériorité totale dans l’ensemble de ces domaines.
Le combat multidomaine est un concept conçu pour défaire les capacités défensives intégrées adverses, pour éviter l’isolement et la fracturation au niveau du domaine et pour préserver la liberté d’action. La force interarmées doit être en mesure de pénétrer les défenses de l’adversaire au moment et à l’endroit de notre choix, dans plus d’un domaine, en ouvrant des fenêtres de supériorité pour permettre les manoeuvres au sein de sa défense intégrée. Le rythme et la vitesse des événements mondiaux actuels et futurs ne nous laisseront pas le temps de synchroniser des solutions fédérées. Afin de poser de multiples problèmes à l’ennemi, nous devons converger et intégrer les solutions et approches multidomaine avant que ne soit engagé le combat. Nous devons devenir des agnostiques du capteur-tireur sur toutes nos plates-formes et maintenir une image opérationnelle commune.
Le réseau offrira une image commune de l’environnement opérationnel en partageant les informations horizontalement et verticalement entre tous les services et partenaires – dirigeant l’information de la maison mère à l’échelon tactique.
CAPACITÉS ÉVOLUTIVES DE LA VISION À LA RÉALITÉ
Le succès d’un combat multidomaine dépend de notre capacité à harmoniser le concept avec la doctrine, l’organisation, l’entraînement, le matériel, le leadership et la formation, les personnels et les équipements, ainsi que les nécessités de modernisation des matériels. Certaines des capacités émergentes nécessaires à cet effet sont :
• les tirs de précision et à longue portée/ interdomaines. L’US Army développe des munitions et des capteurs polyvalents pour des tirs de précision et à longue portée et pour une guerre électronique conduite à travers les airs. L’objectif consiste à pouvoir effectuer des tirs létaux et non létaux depuis le domaine terrestre afin de produire des effets dans chacun des domaines. La capacité à délivrer des tirs de précision à grandes distances est essentielle pour atténuer les risques associés aux manoeuvres semi-indépendantes et créer les conditions nécessaires pour des manoeuvres dans la profondeur visant à vaincre le complexe de tirs intégrés de la menace ;
• le véhicule de combat de prochaine génération. La prochaine génération de véhicules de combat inclura de nouveaux armements avec de plus grandes portées et une meilleure adaptation aux environnements urbains. Conçus avec l’option d’être habités, ils seront de plus petites dimensions, permettant une meilleure manoeuvrabilité dans les zones d’accès limité.
Ils auront des taux réduits de consommation de carburant et de munitions tout en incorporant une protection active intégrée associée à un blindage en matériaux performants. La prochaine génération de véhicules de combat sera dotée de technologies émergentes comme les systèmes de ciblage en réseau, les armes à énergie dirigée, des éléments semi-autonomes dans le dispositif et des munitions avec une portée accrue(6). Tout cela rendra possible le type de manoeuvre semi-indépendante qu’exige le combat multidomaine;
• le Future Vertical Lift. Le Future Vertical Lift jouera un rôle essentiel pour amener la puissance directement dans le combat et permettre aux blessés de bénéficier des premiers secours, en dépit des distances. Dans le combat multidomaine, les capacités aériennes de reconnaissance couvriront de plus larges zones, celles d’attaque bénéficieront d’une meilleure adaptabilité pour profiter des occasions uniques et répondre plus rapidement aux besoins des unités terrestres amies, les unités aériennes d’assaut et de transport déplaceront un plus grand volume de forces, plus loin et plus rapidement afin de délivrer une puissance de combat sur des points décisifs et les unités d’évacuation médicale déplaceront les blessés sur de plus grandes distances durant « l’heure d’or » des premiers secours. Le Future Vertical Lift, disposant d’une autonomie supervisée, offrira aux commandants des options supplémentaires de plates-formes habitées et non habitées selon les exigences de la mission et le niveau de risque ;
• le réseau. Le réseau augmentera la vitesse et le flux des informations adéquates vers les personnes adéquates, permettant une compréhension et une action plus rapides tout en empêchant nos adversaires de disposer d’une liberté de manoeuvre sur le « champ
de bataille électronique » (7). Pour ce faire, L’US Army crée le cadre d’un réseau unique de bout en bout et des capacités cyber offensives et défensives avancées. Le réseau offrira une image commune de l’environnement opérationnel en partageant les informations horizontalement et verticalement entre tous les services et partenaires – dirigeant l’information de la maison mère à l’échelon tactique. Les capacités cyber offensives et défensives, recourant à l’intelligence artificielle, protègent le réseau ami et créent des opportunités tout en perturbant ou en empêchant l’utilisation par l’ennemi du spectre électromagnétique ;
• la défense aérienne/antimissile. L’army prend des mesures pour défendre des sites fixes clés et fournir une protection antiaérienne et antimissile efficace aux forces de manoeuvre en modernisant les défenses aériennes de courte portée et les systèmes THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) ainsi qu’en développant des systèmes de protection avancés à bord des vecteurs aériens et terrestres. La survivabilité des unités dépendra du succès et de la répartition de ces capacités. Facteur clé, les tirs croissants depuis le sol appuieront les commandants des forces interarmées en leur offrant plus d’options tout en protégeant la force contre les attaques de missiles ennemis et de systèmes aériens habités et inhabités. En tant qu’élément de dissuasion, le fait de positionner et de démontrer ces capacités mettra en défaut les tentatives des adversaires visant à fracturer la force interarmées.
• la létalité des soldats. Le soldat et la section sont la pierre angulaire de L’US Army. La qualité de notre armée dépend de la capacité de nos soldats à être performants sur les plans physique et cognitif. Ils doivent faire un avec leurs armes et équipements pour mener à bien les combats de haute intensité. La létalité doit être équilibrée entre tir et manoeuvre avec des systèmes qui intensifient les tirs précis et létaux tout en augmentant la manoeuvrabilité individuelle des soldats. En termes de létalité, l’army augmente la précision des armes légères à courte et longue portée grâce à de nouveaux systèmes de contrôle de tir, de nouvelles munitions et de nouveaux modèles d’armes. L’introduction de la robotique avec les exosquelettes et les équipes habité/non habité améliorera la manoeuvrabilité en réduisant la charge de chaque soldat tout en augmentant la portée, la couverture et la réactivité des petites unités ;
• le concept organisationnel. Un exemple de concept et d’expérimentation de la force liés au combat multidomaine est la Multi-domain Task Force (MDTF). La MDTF est en expérimentation sous la direction de L’US Army Pacific. Elle délivre des tirs opérationnels afin d’assurer la liberté de manoeuvre de la force interarmées aux premiers stades de déploiement et de conflit. La MDTF accomplit cela en déployant et en gérant des capacités telles que les tirs de précision de longue portée, la défense antiaérienne et antimissile, l’attaque des réseaux ennemis et la défense du réseau ami. Encore expérimentale, la première MDTF est un grand pas en avant vers la concrétisation du concept multidomaine.
DE L’ESPRIT DE CLOCHER À LA COMPRÉHENSION
Entre 1920 et 1939, la plus grande difficulté sur le chemin de la modernisation fut l’esprit de clocher au niveau des armes et des armées. Nous ne pouvons pas nous permettre que cela se reproduise.
L’esprit de clocher s’est atténué dans le passé avec des résultats considérables et efficaces. Un grand exemple dans ce sens sont les 31 Initiatives de L’US Army et de L’US Air Force. Composante du combat aéroterrestre, elles ont transformé les efforts de modernisation envisagés depuis le début des années 1970 en une recommandation conjointe de l’air Force et de l’army (8). Essentiels pour la réussite de cet effort interarmées, les Termes de référence (TOR) communs ont articulé une vision partagée des demandes relatives à la force actuelle ainsi que le processus de conceptualisation et de déploiement des meilleures forces de combat aéroterrestres que l’on pouvait se permettre (9). Les TOR sont apparus avec la doctrine de l’army du FM 100-5, Operations, pour des entraînements et des exercices interarmées, avant de parvenir à une compréhension commune du combat aéroterrestre (10).
Pour le combat multidomaine, nous avons déjà commencé à élaborer les composantes de la collaboration future dans l’esprit des 31 Initiatives. Comme ce fut le cas du combat aéroterrestre, le combat multidomaine met naturellement au défi les positions de clocher basées sur les domaines. Il en découle que les composantes terrestres ne peuvent dominer sans que les domaines convergent. Avec la publication de la première version du concept, nous travaillons à définir un point de départ clair pour une collaboration interarmes et interarmées renforcée et former une coalition de leaders engagés pour développer une vision et une compréhension communes de la force future et du combat multidomaine.
L’idée d’une coalition de leaders issus de l’ensemble des armées n’est pas qu’une aspiration. Dès le départ, L’US Marine Corps a travaillé en partenariat avec l’army pour élaborer un livre blanc et un concept (version 1.0) du combat multidomaine. Les Marines ont apporté leur grande expérience des manoeuvres interarmes et interdomaines. L’air Force s’est également engagée à travailler sur le combat multidomaine. Ils ont contribué à
Pour atteindre notre objectif, il est essentiel de comprendre que le combat multidomaine n’est, à ce stade, qu’un concept.
identifier le penchant naturel de L’US Army à réfléchir spatialement au prix de perspectives fonctionnelles lorsqu’il s’agit du cadre opérationnel (11). L’air Force, à travers l’air Combat Command (ACC), s’est également engagée à conduire des exercices, des expérimentations et des simulations interarmées sur le combat multidomaine afin de renforcer la compréhension et la représentation communes. Le Training and Doctrine Command de L’US Army et L’ACC travaillent aujourd’hui ensemble au développement d’un cadre opérationnel convergent permettant de visualiser plusieurs domaines simultanément. Enfin, nous pouvons évoquer les rôles inestimables joués par L’US Pacific Command et L’US Army Pacific, qui ont offert et continuent à offrir des manières d’opérationnaliser le combat multidomaine à travers des exercices et la première MDTF.
CONCLUSION
L’US Army doit poursuivre ses efforts pour demeurer une institution apprenante et innovante de premier plan. Le combat multidomaine et les capacités de l’army qui en découlent continueront à être évalués à travers nos processus itératifs de réflexion, d’apprentissage, d’analyse et de mise en oeuvre. Pour atteindre notre objectif, il est essentiel de comprendre que le combat multidomaine n’est, à ce stade, qu’un concept. La transition de l’army de la force constabulaire de 1917 à une armée de terre moderne a pris plus de vingt ans et deux guerres mondiales. La transition de l’army de la guerre au Vietnam au combat aéroterrestre a pris plus de dix ans. Au cours des années à venir, le combat multidomaine sera notre concept pour susciter le changement. Nous découvrirons invariablement que les idées, capacités et exigences que nous générons ne sont pas toujours correctes – l’essentiel sera que nous nous adaptions et que nous innovions constamment sur la base d’une vision interarmées commune et d’une compréhension partagée.
La guerre du XXIE siècle approche. À de nombreux égards, elle est déjà arrivée. Le défi auquel sont aujourd’hui confrontées l’army et la force interarmées tient au fait de savoir si nous pouvons ou non nous adapter. Le champ de bataille s’est simultanément rétréci, et élargi au niveau mondial (12). À la différence du passé, nous ne disposerons pas de deux ans pour corriger les erreurs faites en l’espace de vingt. La force qui est positionnée, résiliente et capable de faire converger ses capacités à travers l’ensemble des domaines sera victorieuse. Nous devons être cette force. La victoire commence ici.
* Article publié initialement dans Military Review, novembre-décembre 2017.
Notes
(1) David E. Johnson, « From Frontier Constabulary to Modern Army », in Harold R. Winton et David R. Mets (dir.), The Challenge of Change: Military Institutions and New Realities, 1918-1941, University of Nebraska Press, Lincoln, 2000, p. 204. (2) «Memorandum, Brig. Gen. F. M. Andrews for the Chief of Cavalry, G-3/42070 » 23 février 1940, file 322.02, Office of the Chief of Cavalry, correspondence, 1921-42, Box 7b, Record Group 177, National Archives and Records Administration.
(3) « Memorandum, Maj. Gen. J. K. Herr for the Assistant Chief of Staff, G-3 » 28 février 1940, file 322.02, Office of the Chief of Cavalry, correspondence, 1921-42, Box 7b, Record Group 177, National Archives and Records Administration.
(4) Ibid., p. 201.
(5) David E. Johnson, « From Frontier Constabulary to Modern Army », op. cit., p. 191.
(6) «U.S. Army Future Force Development Strategy (unsigned) » mai 2017, p. 26; « U.S. Army Tanks, Strykers, and Bradleys Are Getting Active-protection Systems to Fend off Enemy Fire », Business Insider, 8 juin 2017, consulté le 7 septembre 2017 (http:// www.businessinsider.com/us-army-tanks-strykers-and-bradleysgetting-active-protection-systems-2017-6).
(7) «U.S. Army Future Force Development Strategy», p. 24. (8) Richard G. Davis, The 31 Initiatives: A Study in Air Force– Army Cooperation Office of Air Force History, Washington, 1987. (9) Ibid., p. 38.
(10) Ibid., p. 35; Field Manual 100-5, Operations, U.S. Government Printing Office, Washinton, 1982 [daté].
(11) James M. Holmes et David G. Perkins, « Multidomain Battle: Converging Concepts toward a Joint Solution », Joint Force Quarterly, [no 88, 1er trimestre 2018].
(12) Ground Force Modernization Budget Request, Before the Subcommittee on Tactical Air and Land Forces, Committee on Armed Services, U.S. House of Representatives, 115e Congrès, 24 mai 2017 (déclarations des généraux John M. Murray et Paul A. Ostrowski), consulté le 21 septembre 2017 (https://armedservices.house.gov/legislation/hearings/ ground-force-modernization-budget-request-0).
Comme ce fut le cas du combat aéroterrestre, le combat multidomaine met naturellement au défi les positions de clocher basées sur les domaines. Il en découle que les composa ntes terrestres ne peuvent dominer sans que les domaines convergent.