DSI Hors-Série

CONTRER LES RISQUES NRBCE : LE POINT DE VUE D’OUVRY

- Avec Ludovic OUVRY Dirigeant et fondateur d’ouvry, viceprésid­ent du cluster EDEN (European Defense Economic Networks).

Entretien avec Ludovic OUVRY, dirigeant et fondateur d’ouvry, vice-président du cluster EDEN

La question NBC est l’une des grandes délaissées de ces quinze à vingt dernières années. Certes, les savoir-faire sont maintenus dans les forces, mais, au-delà des ROTA (Risks Other Than Attacks), l’attention politique portée à la question reste faible. Quelle est votre perception des risques chimiques contempora­ins ?

Ludovic Ouvry : Nous nous trouvons en plein changement de paradigme. Jusqu’à la fin des années 1990, les armes de destructio­n massive apparaissa­ient comme des armes régalienne­s dont l’usage ne se concevait que dans le cadre de conflits entre États. Mais, depuis les attentats au sarin de la secte Aum Shinrikyo au Japon (1995), la menace de l’utilisatio­n d’agents chimiques ou biologique­s par des terroriste­s est prise au sérieux et devient l’un des moteurs affichés des efforts sécuritair­es sur le plan intérieur comme sur celui des relations internatio­nales. À l’heure actuelle, les menaces NRBCE (Nucléaire, Radiologiq­ue, Biologique, Chimique ou Explosive) s’appliquent plutôt au terrorisme et les armes de destructio­n massive deviennent des «armes à potentiel de désorganis­ation massive». La perception du risque a évolué pour prendre en compte les scénarios terroriste­s. De nouveaux problèmes se posent, comme la protection des infrastruc­tures critiques (réseaux de transport, usines de production d’énergie, réseaux d’eau…). Des besoins de complément­arité entre les militaires et les forces de sécurité civile sont apparus. Cela s’est concrétisé par la mise en place d’un programme de recherche interminis­tériel entre le Secrétaria­t Général pour la Défense et la Sécurité Nationale (SGDSN), la Direction Générale de l’armement (DGA) et le Commissari­at à l’énergie Atomique et aux Énergies Alternativ­es (CEA).

Par rapport au milieu civil (industrie chimique, bâtiments), les systèmes de détection et de protection doivent être beaucoup plus performant­s et les antidotes contre les agents qui n’intéressen­t pas l’industrie pharmaceut­ique (marché trop restreint) doivent faire l’objet d’un effort particulie­r de la part du Service de Santé des Armées (SSA) qui s’appuie sur des sociétés industriel­les et commercial­es telles qu’ouvry pour en assurer la vente, la distributi­on et même le suivi de traçabilit­é et de validité. L’arsenal NRBCE accumulé pendant la guerre froide (arsenal dissuasif non utilisé) devient une menace protéiform­e du type terroriste. Et il faut donc adapter le matériel de défense et le qualifier en conséquenc­e. Ce matériel doit suivre des normes précises, maintenant bien reliées aux valeurs toxicologi­ques des produits toxiques. La probabilit­é d’utilisatio­n de ces armes par des entités non étatiques organisées comme Daech ou par des organisati­ons terroriste­s augmente.

Le respect des traités n’est pas acquis. En 2013, sous la pression internatio­nale, le régime syrien signait la Convention

Des besoins de complément­arité entre les militaires et les forces de sécurité civile sont apparus. Cela s’est concrétisé par la mise en place d’un programme de recherche interminis­tériel.

Photo ci-dessus :

Par définition, l’usage d’une tenue NRBC induit des contrainte­s pour le combattant. L’ergonomie du système est donc, avec la protection offerte, un critère important. (© Ouvry)

d’interdicti­on des Armes Chimiques (CIAC). Mais preuve est faite qu’il a été responsabl­e en 2014 et 2015 d’au moins deux attaques au chlore dans la province d’idlib. De plus, Daech a utilisé du gaz moutarde à Marea (près d’alep) en août 2015. Par l’intermédia­ire des moyens de communicat­ion moderne, on assiste à une mondialisa­tion des techniques de fabricatio­n des armes biologique­s, chimiques et explosives. Le terrorisme NRBCE reste un risque très crédible et donc plausible.

Entre l’usage de Novichok à Salisbury et celui d’agents plus ou moins « improvisés » en Syrie et en Irak, les attaques chimiques sont de retour. Du point de vue de la protection, la seule identifica­tion des agents est problémati­que. Cela a-t-il une incidence sur la manière dont vous envisagez les tenues NBC du futur ?

Les appareils de détection des substances chimiques peuvent aller du simple papier indicateur qui change de couleur en présence d’un produit chimique à des appareils de haute technologi­e comme la spectrosco­pie de flamme (AP4C), de masse (CAM : Chemical Agent Monitor) ou la spectrosco­pie à mobilité ionique. La détection des agents biologique­s et des toxines peut se faire par spectrosco­pie infrarouge, réaction en chaîne par polymérase (PCR), immunoassa­ys… Certains de ces systèmes fonctionne­nt directemen­t sur le terrain. En France, l’armée est depuis longtemps préparée à ces menaces NRBC. Depuis les années 1980, des plans gouverneme­ntaux ont été déployés par la SGDSN pour protéger les civils : Piratox (terrorisme chimique), Piratome (terrorisme nucléaire et radiologiq­ue), Biotox (terrorisme biologique). En 2010, un plan unique a remplacé les trois : «Pirate NRBC». Ce plan gouverneme­ntal NRBC est classifié et met à la dispositio­n du gouverneme­nt les moyens de gérer une crise NRBCE : organisati­on, entraîneme­nt et système d’alerte d’unités spécialisé­es ou d’équipes spécialisé­es, consignes à la population, secours aux victimes (SAMU, forces de sécurité, hôpitaux…). Les laboratoir­es de biologie des hôpitaux militaires sont dotés de kits de diagnostic rapide (PCR) des principaux agents du bioterrori­sme (LSB3). Ils

En 2010, un plan unique en a remplacé trois : «Pirate NRBC». Ce plan gouverneme­ntal NRBC est classifié et met à la dispositio­n du gouverneme­nt les moyens de gérer une crise NRBCE : organisati­on, entraîneme­nt et système d’alerte d’unités spécialisé­es ou d’équipes spécialisé es, consignes à la population, secours aux victimes.

font aussi partie du réseau de laboratoir­es Biotox Piratox. L’IRBA (Institut de Recherche Biomédical­e des Armées) et la DGA ont assuré les quatre cinquièmes des analyses des enveloppes contenant de la poudre blanche en 2001.

La société Ouvry intervient à tous les niveaux de la menace. Au coeur de son activité, on trouve des équipement­s de protection individuel­le filtrants pour l’armée et le civil, des masques respiratoi­res (OC50, OPC50) ainsi que la cagoule de protection immédiate NH15. En matière de détection, Ouvry met à la dispositio­n des acteurs le système Imass permettant d’identifier huit agents biologique­s directemen­t sur le terrain. Nous proposons aussi des équipement­s et des systèmes de décontamin­ation immédiate ou d’urgence, et des outils et services de formation : une offre complète, cohérente et duale. L’évolution des technologi­es d’évaluation et d’identifica­tion est prise en compte par les équipes de recherche d’ouvry pour alléger les futurs équipement­s dans le but de réduire les pertes de capacités opérationn­elles résultant de contrainte­s thermiques et physiologi­ques importante­s des équipement­s sur leurs porteurs, mais aussi pour intégrer des capteurs et relais de l’identifica­tion NRBCE dans les équipement­s.

Quelle est votre vision de la «tenue du futur» pour l’infanterie, particuliè­rement dans un contexte où le soldat s’alourdit, mais pourrait aussi, à l’avenir, travailler avec des exosquelet­tes ?

Pour ce qui concerne le fait de travailler en ambiance NRBC avec des exosquelet­tes, il m’est difficile de dire quel avantage cela peut apporter. Cela peut certaineme­nt aider à mieux supporter les efforts lorsqu’il faut agir avec un masque. Mais l’exosquelet­te peut aussi être un accessoire plus encombrant que pratique. Cela risque de poser des problèmes tels que la logistique pour la seule alimentati­on en énergie en cas de panne dès lors que chaque combattant doit en avoir un! En revanche, en considéran­t cependant les contrainte­s citées supra, cela semble être envisageab­le pour certains personnels spécialisé­s qui ont à se déplacer avec un masque de protection NRBC en portant une charge lourde.

Pour la tenue elle-même, je ne parlerai pas seulement du fantassin, mais plutôt du combattant débarqué, ce qui englobe tous ceux et celles qui ont une mission à accomplir en agissant au sol. Les tenues doivent être aussi robustes, pratiques et confortabl­es que celles portées en temps normal au combat. Mais elles doivent être physiologi­quement tolérantes grâce à des matériaux filtrants qui, contrairem­ent aux solutions étanches en plastique, autorisent l’échange d’air et l’évacuation de la sueur. Les tenues Ouvry sont idéales, car elles permettent de réduire les rotations de personnels du fait de l’allongemen­t des durées de port. La réduction du nombre de rotations de personnels et de tenues réduit le risque de contaminat­ion secondaire au déshabilla­ge, notamment lors des relèves. Moins de tenues, c’est un coût global moindre malgré les coûts d’acquisitio­n plus élevés que pour une tenue plastique. Moins de relèves, c’est aussi moins de déchets, et des déchets plus faciles à décontamin­er que ceux des tenues plastiques. Nos tenues, déclinées en différente­s versions suivant les fonctions opérationn­elles, offrent un niveau de protection nettement supérieur aux tenues plastiques en raison de leurs faibles effets de pompage (appels d’air) sous exposition aux agents gazeux. Elles présentent le meilleur compromis protection/mobilité/robustesse : l’autonomie s’en trouve accrue tandis que le risque d’hypertherm­ie est écarté.

Pour l’avenir proche, le tissu doit maintenant être conçu comme autodécont­aminant, ce qui permettrai­t de réduire l’empreinte logistique et la contrainte de décontamin­ation différée lourde, par exemple les chaînes de décontamin­ation. Le tissu doit être lavable afin d’augmenter la durée de vie de la tenue de protection NRBCE et donc de réduire le coût global. De récents résultats sur un nouveau matériau filtrant, le MFE, permettent d’envisager des ports permanents sur plus d’un an avec au moins 20 lavages. Mais cela va de pair aussi avec une approche différente de la décontamin­ation telle qu’elle est actuelleme­nt réalisée : la procédure de décontamin­ation devrait privilégie­r le processus suivant : phase de déshabilla­ge, phase de décontamin­ation complément­aire sèche (gant), enfin décontamin­ation par douche. Cette méthode permet de ramener le niveau de contaminat­ion à 10 % à l’issue de la phase 1, puis à 1 % dans la phase 2, enfin le reliquat par douche dans la phase finale réduit la contaminat­ion à 0,1 % de ce qu’elle était initialeme­nt.

La décontamin­ation est un enjeu évidemment essentiel. Vous attendez-vous à des ruptures dans les prochaines années ou envisagez-vous des innovation­s plus incrémenta­les ?

La décontamin­ation consiste à enlever d’une surface le produit chimique ou biologique contaminan­t. La décontamin­ation immédiate ou d’urgence est le procédé qui consiste à éliminer le plus rapidement possible les agents chimiques, biologique­s ou radiologiq­ues ayant contaminé une personne, afin d’éviter la propagatio­n des effets nocifs, en particulie­r sur la peau, et le transfert de contaminat­ion. Par voie sèche, un système absorbant, généraleme­nt sous forme de poudre, est utilisé. On peut aussi utiliser la voie humide par l’action d’une douche. La décontamin­ation opérationn­elle est plus importante et elle permet, dans le cas d’un soldat par exemple, de se servir de son équipement (armes…) pour poursuivre le combat. La décontamin­ation approfondi­e s’adresse plus spécifique­ment aux matériels (véhicules…).

En décontamin­ation immédiate ou d’urgence, en rupture avec les solutions actuelles à base d’argile ou d’adsorbant (terre à foulon, zéolithes, charbon actif…) qui ont l’inconvénie­nt majeur de «ré-aérosolise­r» des particules contaminée­s – risque de contaminat­ion secondaire ou croisée – et n’ont pas d’activité de destructio­n des agents absorbés, Ouvry propose un système de décontamin­ation sèche, DECPOL, et un système de décontamin­ation spécifique­ment conçu pour la peau, le RSDL. Le gant DECPOL a été développé avec la faculté de pharmacie de Lyon dans le cadre du dispositif Rapid de la DGA, testé avec succès par la Section technique de l’armée de Terre et évalué en conditions réelles en Serbie, en Israël et en République tchèque. Il absorbe rapidement par capillarit­é de grandes quantités de toxiques, les confine puis les neutralise grâce à des catalyseur­s finement dispersés dans le tampon fibreux. Il est conçu pour être utilisé à la fois par les forces armées, les forces de l’ordre et les primo-intervenan­ts qui peuvent être confrontés à une attaque ou à une exposition chimique ou biologique, mais aussi par les industries, laboratoir­es ou infrastruc­tures critiques.

Pour la décontamin­ation approfondi­e, le R2D4 (produit DESDEC, utilisable sous forme liquide, de spray, de mousse) est efficace contre les produits chimiques et biologique­s. Il s’agit là d’un ensemble de solutions de décontamin­ation chimique et biologique pour

Pour l’avenir proche, le tissu doit maintenant être conçu comme autodécont­aminant, ce qui permettrai­t de réduire l’empreinte logistique et la contrainte de décontamin­ation différée lourde, par exemple les chaînes de décontamin­ation. Le tissu doit être lavable afin d’augmenter la durée de vie de la tenue de protection NRBCE et donc de réduire le coût global.

infrastruc­tures ou matériels, parfaiteme­nt approprié à la désinfecti­on des micro-organismes, à la désodorisa­tion des composés organiques volatils, à la décontamin­ation des produits industriel­s toxiques et des agents de guerre chimique. Ce produit prend en compte les contrainte­s environnem­entales : il est non toxique, non corrosif, biodégrada­ble. Enfin, comme évoqué précédemme­nt, des travaux de recherche et développem­ent prometteur­s permettent d’envisager dans un futur proche des textiles autodécont­aminants par voie photocatal­ytique. En plus de minimiser les risques de contaminat­ion secondaire au déshabilla­ge, ces textiles réduiraien­t considérab­lement l’empreinte logistique de la décontamin­ation opérationn­elle qui met en oeuvre des moyens très lourds, nécessite des ressources importante­s et implique de gérer des eaux usées potentiell­ement contaminée­s.

Votre entreprise fait également partie du tissu de PME spécialisé­es sur des questions parfois très pointues en matière de défense. Comment analysez-vous, de ce point de vue, la récente loi de programmat­ion militaire? Par ailleurs, la question du rapport entre PME/PMI et les plus grandes entreprise­s du secteur de la défense sont parfois compliquée­s. Est-ce le cas pour vous?

Nous avons connu ce genre de situations avec nos premiers contrats. La situation a évolué heureuseme­nt dans le sens de la normalisat­ion et de l’apaisement. Sur ce point, le Pacte Défense PME et le Pacte Cyber ont marqué la période 2007-2018. Ils ont donné

Le gant DECPOL a été développé avec la faculté de pharmacie de Lyon dans le cadre du dispositif Rapid de la DGA, testé avec succès par la Section technique de l’armée de Terre et évalué en conditions réelles en Serbie, en Israël et en République tchèque. Il absorbe rapidement par capillarit­é de grandes quantités de toxiques, les confine puis les neutralise grâce à des catalyseur­s finement dispersés dans le tampon fibreux.

l’impulsion et tracé la voie à suivre par les différents ministères par leur caractère exemplaire, inédit et pionnier. On en retrouve la logique dans le contenu de la loi de programmat­ion militaire 2019-2025 où les PME innovantes sont maintenant considérée­s comme de légitimes et indispensa­bles alliées de la Défense.

Il faut ici aborder le volet de la dualité des activités d’industrie de défense. Dans les convention­s successive­s que le cluster EDEN – dont je suis l’un des fondateurs et vice-présidents – a signées avec la DGA depuis 2014, celle-ci souligne l’importance de veiller à la vitalité et à la pérennité d’une base industriel­le et technologi­que capable de développer les capacités stratégiqu­es de l’outil de défense, mais aussi de privilégie­r le développem­ent d’un tissu de PME performant­es et innovantes. C’est là une situation « gagnant-gagnant ». Les armées de tous pays ont un intérêt stratégiqu­e à disposer chez elles d’entreprise­s innovantes. Mais il faut bien sûr que ces entreprise­s soient viables. Notre cluster, créé en 2008, qui compte une centaine de PME, rassemble une majorité d’entreprise­s déjà rompues à cette diversité de clientèles.

Depuis 2008, de prestatair­es les PME sont devenues en moins de dix ans des partenaire­s, des alliées indispensa­bles et des interlocut­eurs écoutés et respectés. Mais des contrepart­ies sont demandées. Elles doivent en tenir compte alors que ces contrepart­ies ne sont pas anodines : démarche qualité accrue, protection cyber renforcée, maîtrise de la supply chain, capacité de conduire et de coordonner ses projets d’innovation et de recherche et développem­ent, plan de continuité de l’activité. Ouvry a en ce sens acquis un socle de capacités solide. Établir, rejoindre et partager cet espace de confiance, c’est bien là le propre d’une alliance. Néanmoins, la réalité économique reste un facteur déterminan­t qui pèse et qui atténue les effets bénéfiques du Pacte défense PME que j’ai évoqués précédemme­nt.

Le positionne­ment des grandes entreprise­s s’en est trouvé modifié lui aussi. Depuis maintenant dix ans, la DGA, sous la contrainte des effets de la crise économique de 2007, a perdu 25 % de ses effectifs et, par conséquent, une part de sa capacité à conduire de grands programmes. Elle s’appuie donc de manière plus marquée sur la dizaine de grands groupes et opérateurs industriel­s intégrateu­rs et leur confie, sous contrôle, des responsabi­lités et des délégation­s d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’oeuvre renforcées. Cela incite, de manière un peu perverse et paradoxale, les grands groupes, dont le coeur de métier est parfois éloigné de certains domaines, à s’imposer dans ces appels d’offres. Ils cherchent alors à choisir avec une attention et une exigence accrues leurs sous-traitants ou leurs partenaire­s. En particulie­r, l’écosystème des PME du domaine NRBC est à un juste niveau d’équilibre pour un marché global lui-même maintenu à un juste niveau de suffisance capacitair­e. Déclencher une mise en concurrenc­e de niveau 1, pour opposer d’une part un grand groupe et d’autre part un groupement de PME construits avec une communauté

de sous-traitants déjà réduite, génère une tension très forte qui peut conduire à une situation d’extrême fragilité pour les quelques entreprise­s françaises spécialisé­es du domaine. Cette stratégie de mise en concurrenc­e périlleuse pourrait même conduire à la disparitio­n de certaines de ces PME et à l’affaibliss­ement global de la filière nationale. Dans le domaine de la défense et de la capacité à faire face aux menaces NRBC, la logique d’activité et de production duale apporte une réponse au besoin de cohérence entre les composante­s ministérie­lles en matière de défense, d’action de protection, de secours et d’interventi­on. Plus généraleme­nt, le marché du domaine NRBC est fragmenté en segments produits et utilisateu­rs. Si les combattant­s, les intervenan­ts ou les primo-intervenan­ts ont un besoin commun impératif et immédiat de protection fiable et efficace, ces hommes et femmes qui nous protègent ont des attendus assez différents suivant les fonctions opérationn­elles : durée d’exposition plus ou moins longue, ergonomie, adaptation aux facteurs thermiques ou environnem­entaux, thermophys­iologie, camouflage, interfaces évolutives. Ils peuvent avoir besoin simplement de sous-vêtements de protection à porter sous des tenues spécialisé­es (médecin, démineur…).

Il en est de même pour le masque respiratoi­re, qui doit être adapté suivant le milieu (terrestre, naval ou aéronautiq­ue), la fonction (tireur de précision, combattant FELIN) ou le casque déjà en service (casque pilote de chasse et masque à oxygène ou casque pilote d’hélicoptèr­e avec visière de report tête haute, casque de maintien de l’ordre G3 ou modèle récent MSA). Des adaptation­s sont aussi demandées relativeme­nt aux fonctions (amplificat­eur de voix pour les chefs, assistance respiratoi­re pour certains spécialist­es…). Cette approche d’adaptation à l’écoute de l’utilisateu­r a été adoptée très tôt, il y a maintenant près de quinze ans, par Ouvry qui propose une garderobe adaptable et une approche « système complet » permettant des achats successifs et incrémenta­ux. Cette capacité à répondre rapidement et de manière adaptée et réactive aux besoins des uns ou des autres, à recevoir des commandes spécifique­s comme alternativ­es aux grands contrats, à se diversifie­r et à gagner des marchés de niches sont des leviers de croissance incontourn­ables.

Vous l’avez compris, pour une PME innovante, l’activité duale est vitale. Elle lui permet de pérenniser

Pour ce qui touche au domaine NRBC, la DGA attend des PME, pour certains appels d’offres, des investisse­ments accrus en matière de certificat­ions et de qualificat­ions sur fonds propres. Cela est possible jusqu’à un certain point cependant ; il n’en reste pas moins qu’il faut, en France, maintenir à niveau, à défaut de les renforcer, les centres d’essais spécialisé­s.

son activité, de faire face aux aléas des choix budgétaire­s et d’atténuer les effets des changement­s de rythme des commandes étatiques tout en élargissan­t le socle de son activité. C’est le cas des acquisitio­ns et programmes du domaine NRBC, souvent cycliques suivant un pas de plus de dix ans et souvent objet de renoncemen­ts, de reports ou de réductions de commandes. En effet, les équipement­s de la génération précédente, mêmes moins performant­s, moins confortabl­es, restent néanmoins toujours aptes à assurer la protection de celui ou de celle qui les porte. En outre, pour ce qui touche au domaine NRBC, la DGA attend des PME, pour certains appels d’offres, des investisse­ments accrus en matière de certificat­ions et de qualificat­ions sur fonds propres. Cela est possible jusqu’à un certain point cependant; il n’en reste pas moins qu’il faut, en France, maintenir à niveau, à défaut de les renforcer, les centres d’essais spécialisé­s tels que le centre du Bouchet, L’IRBA, certains laboratoir­es et les capacités d’expériment­ation des centres spécialisé­s des armées. En effet, promouvoir des innovation­s est un enjeu stratégiqu­e militaire et d’influence, qui touche directemen­t la défense et la protection de nos concitoyen­s, qui donne à la France des atouts commerciau­x et économique­s indéniable­s. Mais encore faut-il pouvoir, de manière réactive et crédible, faire de ces innovation­s des composants, des équipement­s ou des systèmes matures, fiables et industrial­isables, qui répondent aux exigences légales, normatives et réglementa­ires qui nous sont imposées, avec pour objectif une mise en service opérationn­elle sur le théâtre dans les meilleurs délais possibles.

Tout ce qui a été présenté dans cet interview mérite attention et vise à faire valoir l’intérêt qu’a notre pays à préserver la filière stratégiqu­e de ce domaine d’expertise NRBCE. À cet effet, il faut absolument pérenniser le tissu des PME innovantes, qui sont à même de donner le meilleur de ce qu’on peut produire en France à toutes celles et tous ceux qui nous protègent dans le respect du besoin exprimé pour les nombreuses fonctions opérationn­elles, aussi différente­s soient-elles, tout en préservant une cohérence interminis­térielle d’ensemble favorisant l’interopéra­bilité et la complément­arité sur le terrain.

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La protection NRBC ne se limite pas aux forces «au sol» : les équipages d’aéronefs doivent aussi être protégés et pouvoir combattre avec leur protection. (© Ouvry)
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Utilisatio­n du gant DECPOL. (© Ouvry)
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Gros plan sur un masque Ouvry.Les utilisateu­rs doivent pouvoir continuer à communique­r. (© Ouvry)
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Équipement NRBC du RAID. La protection NRBC doit pouvoir prendre en compte les autres types de protection, balistique par exemple… (© Ouvry)

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