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Inde : la guérilla naxalite

- Par Éric Janin Agrégé de géographie, enseignant en classes préparatoi­res aux grandes écoles au lycée Lakanal de Sceaux, analyste pour Carto. E. J.

« Le plus important défi sécuritair­e intérieur que le pays ait jamais connu »: voilà comment l’ancien Premier ministre indien, Manmohan Singh (2004-2014), présentait la guérilla naxalite en 2006. En 2017, soit un demi-siècle après son apparition, ce mouvement de rébellion maoïste, qualifié de « terroriste » par les autorités, continue de constituer une menace pour New Delhi.

Depuis le début de l’année 2017, certains États de l’est de l’inde connaissen­t une recrudesce­nce d’attentats naxalites. Le 24 avril 2017, dans le district de Sukma (État du Chhattisga­rh), l’attaque d’une école militaire par plus de 300 rebelles a fait 25 victimes parmi les jeunes officiers. Entre janvier et juillet 2017, 162 personnes sont mortes dans cette région, dont 72 membres des forces de sécurité. Après plusieurs années de calme en raison de l’offensive sécuritair­e menée par l’armée indienne, il semble que les rebelles ont souhaité « célébrer » le cinquantiè­me anniversai­re d’existence de leur mouvement. Plus probableme­nt, la guérilla tente de raviver une flamme qui doucement s’éteint parmi des population­s lassées par un conflit qui a fait près de 15 000 morts en un demi-siècle.

Guérilla d’obédience maoïste, le mouvement naxalite tire son nom du village de Naxalbari (dans le nord du Bengale-occidental), où il vit le jour en mars 1967. Un groupe de militants communiste­s décidait alors d’occuper des terres de grands propriétai­res fonciers, lançant une

jacquerie rurale qui allait se développer et s’étendre dans tout l’est de l’inde. Le mouvement s’est par la suite radicalisé et est devenu le symbole du militantis­me maoïste sur fond de lutte des classes. Les contestata­ires se sont appuyés sur des paysans sans-terre qui, lassés des spoliation­s opérées par les propriétai­res des castes supérieure­s, souhaitaie­nt une réforme agraire. Le mouvement a également recruté parmi les Adivasis, population­s tribales autochtone­s souvent expropriée­s lors de la constructi­on de barrages hydrauliqu­es ou de l’exploitati­on de gisements miniers.

Concentrat­ion dans le nord-est

Un demi-siècle après son émergence, la guérilla naxalite est présente dans une douzaine d’états indiens, le long de ce que l’on appelle le « corridor rouge ». L’épicentre de la rébellion se situe dans le Chhattisga­rh, où les rebelles trouvent refuge dans la jungle. Les autres foyers majeurs sont localisés au Bengale- Occidental, dans le Bihar, le Jharkhand et l’odisha. Ces dernières années, une diffusion s’est opérée vers certains États du sud

(Tamil Nadu, Karnataka, Kerala) et de l’ouest (Maharashtr­a) via l’andhra Pradesh.

La guérilla se manifeste par la violence : kidnapping­s et extorsions de fonds, sabotages de voies ferrées, occupation­s de terres, impôts « révolution­naires », mais surtout embuscades contre des convois militaires, attaques de casernes, assassinat­s de policiers. Elle est puissante et organisée, et a le soutien des population­s les plus démunies qui bénéficien­t de la protection des rebelles. Longtemps atomisé, le mouvement s’est progressiv­ement structuré. Les différents groupes se sont fédérés en septembre 2004 autour du Parti communiste indien maoïste, clandestin, et de son secrétaire général, Muppala Lakshmana Rao, plus connu sous le nom de Ganapathy, véritable chef de guerre et activement recherché par les autorités indiennes. Le mouvement s’appuie sur une armée, la People’s Liberation Guerrilla Army, qui regroupe environ 10 000 hommes organisés en petits groupes mobiles. La menace reste donc forte et le « corridor rouge » n’est pas près de disparaîtr­e.

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