Les leçons de la frappe d’avril
En dépit de l’appui russe, iranien et de celui du Hezbollah, la situation militaire syrienne est encore loin d’être rétablie, qu’il s’agisse de l’activisme de plusieurs groupes insurgés, notamment à Idlib, ou de celui des reliquats de l’état islamique. C’est dans ce contexte que le régime a conduit une frappe chimique sur Douma, dans le quartier de la Ghouta, le 7 avril, probablement de manière à terminer rapidement la reprise du quartier, permettant de libérer des forces pour d’autres opérations. Reste que l’attaque chimique, qui pourrait avoir associé du chlore à un neurotoxique, a été d’amplitude, suscitant en réaction une frappe combinée : une centaine de missiles de croisière américains, français et britanniques, tirés depuis des navires (c’était le premier usage du MDCN, tiré depuis la frégate Aquitaine) et des appareils de combat (Tornado et Rafale), ont ciblé, dans la nuit du 13 au 14 avril, trois sites syriens liés à la recherche et à la production d’armements chimiques.
La flotte russe, qui avait préventivement quitté Tartous (elle y comptait deux frégates de classe Grigorovitch et deux sous-marins Kilo) semble avoir appareillé dans l’optique d’une possible frappe occidentale sur la base, de même que pour faire pression sur les bâtiments français et américains opérant au large de la Syrie. Une partie de cette flotte aurait pisté un sous-marin britannique de classe Astute. De même, la frappe occidentale n’a pas été entravée par les capacités de défense aérienne russes, une douzaine de missiles semblant en revanche avoir été perdus du fait de l’action syrienne ou de pannes (10 % d’attrition correspondant généralement aux taux observés avec les Tomahawk). Le ministère des Armées a quant à lui indiqué que tous les engins français avaient atteint leur cible. Cependant, au-delà des protestations diplomatiques de Moscou, aucune action de représailles ne semble avoir été conduite. On peut également se rappeler que, pratiquement dans la foulée de l’attaque chimique, Israël avait conduit un raid sur la base aérienne T-4, où étaient stationnés des éléments iraniens et du Hezbollah, sans réaction russe.
Qu’en tirer comme leçons ? Si le « dépassement de la ligne rouge » est la première rationalité expliquant la réaction des trois États, la frappe doit également être relativisée. D’une nature essentiellement politicosymbolique, elle n’a pas permis de dégrader significativement les capacités militaires syriennes. De facto, le temps de latence – d’une semaine – entre l’attaque chimique, pourtant rapidement identifiée comme telle, et la réponse a pu être mis à profit pour mettre à l’abri les capacités susceptibles d’être visées. Nombre d’appareils syriens ont ainsi trouvé refuge à Hmeimim et il est possible que les laboratoires visés aient également été évacués.